A l’inverse de leurs homologues francophones, l’été américain est souvent le théatre de moultes sorties, très souvent qualitatives. Entre les albums attendus et les nouvelles découvertes, il a été difficile de faire un choix, mais voici 20 morceaux qui ont su marquer notre été et de fait, nos vacances.
Denzel Curry feat. PlayThatBoiZay & A$AP Rocky – Hoodlumz (prod. Kwes Darko)
Douze ans après le premier volume de King of the mischievous south, Denzel Curry fait son grand retour aux sources en donnant une suite à sa mixtape culte. Ce deuxième volet comporte plusieurs bangers, dont Hoodlumz qui avec sa sirène, ses variations de drums et ses choeurs criés en back a tout pour mettre le public en transe. Ajoutons à cela les prestations survoltées des protagonistes – on retiendra notamment le couplet d’A$AP Rocky dont le retour sur disque prévu pour la fin de l’été commence à faire envie – pour finaliser le constat : on est sur une belle déflagration, qui dure pourtant à peine deux minutes. Digne d’un morceau punk. – Jérémy
Freeway & Jake One feat. Jadakiss – Ringin
Les suites sont décidément légion ces temps-ci. Freeway se faisant plutôt rare, on n’imaginait pas que lui et Jake One en viennent à donner une suite au très bon The stimulus package. Mais voilà, c’est chose faite, et sans surprise, c’est encore d’un très bon niveau. Le rappeur de Phillie croise le fer avec des invités triés sur le volet, et c’est le featuring avec Jadakiss qui retient ici notre attention. Résultat : une boucle triomphante, une batterie qui frappe fort, la voix rauque de Freeway qui conscientise le hustle, et cerise sur le gâteau, un Jadakiss en forme (comme souvent ces temps-ci) pour livrer un couplet rétrospectif dans lequel il prouve qu’on peut s’en sortir par le haut. – Jérémy
JPEGMAFIA – Exmilitary
Après Scaring the hoes en collaboration avec Danny Brown, JPEGMAFIA était de retour en solo cet été avec un album comme toujours rempli de toutes sortes de propositions sonores. Sur Exmilitary, il sample « After laughter (come tears) » de Wendy Rene, un sample qui évoque évidemment le « Tearz » du Wu-Tang. Evolutive, sa production démarre en drumless avant qu’une batterie survienne finalement pour le deuxième couplet, puis que le morceau parte dans une succession d’expérimentations. Il évoque d’abord son passé d’ex-militaire avant de progressivement partir dans un égotrip mâtiné de phases plus conscientes. C’est un vrai bordel organisé. En bref, on est bien chez JPEGMAFIA. – Jérémy
Gucci Mane – I told myself (prod. Honorable C.N.O.T.E)
Une mixtape gangsta grillz, une production d’Honorable C.N.O.T.E et un Gucci Mane survolté sur un morceau à gimmick. Voilà qui a de quoi rendre nostalgique de l’époque de l’apogée de la trap d’Atlanta ! Et pourtant, malgré ce potentiel trip passéiste, Gucci ne joue par la carte nostalgique, puisqu’il assume clairement son évolution (« Put the old Wop on the shelf, I had to rewind myself »). Plus de drogue, un meilleur contrôle sur son entourage, et un discours triomphant assumé, Gucci a évolué et prouve que même si beaucoup voit son âge d’or derrière lui, il est encore capable d’être percutant. – Jérémy
Action Bronson – SALVAJE
Un sample de jazz cubain, une posture nonchalante avec un flow tout en détente et un Action Bronson qui se backe pour constamment valider ses propres propos : voilà un homme de plus en plus sur de son art. Et ce n’est pas pour nous déplaire car au-delà de cette apparente décontraction, Bronson démontre une grande maîtrise de ce qu’il fait. Lorsqu’on l’a découvert en 2011, on le voyait parfois comme un simple clône de Ghostface, mais il a aujourd’hui développé une identité à part faite de choix musicaux forts et d’une écriture bourrée de références qui lui sont propres et d’un sens de l’absurde cinématographique. Son dernier album Johann Sebastian Bachlava the doctor est empli de ces moments de grâce. – Jérémy
Lo_Eye – Go To The Store feat. Blu & Cashus King
Pour une fois que je peux parler des français qui font la connexion avec l’Oncle Sam, je ne vais pas me géner. Lo_Eye est un producteur/beatmaker français, grand amateur de Nokia 3310 et de paresseux Australien, qui fait partie de l’excellent collectif Spice Programmers aux cotés de Gari Pi, Denzel Macintosh ou encore Ylu. Si ces noms de vous disent pas grand chose c’est un peu normal, ces gars là sont de véritables cavaliers de l’ombre (s/o Kagemaru). En 2022 débute leur discographie collective avec le premier opus de leur série éponyme Spice Program. Le volume 2 et 3 sortiront l’année d’après avant de dévoiler quelques projets solos mais aussi et surtout le magnifique album Transatlantic Shit. Un an s’est écoulé depuis ce formidable projet et voilà le collectif de retour avec le volume 2. Et le casting a de quoi nous mettre l’eau à la bouche (en essayant de ne pas être farouche) : Chuck Strangers, Edo G, Guilty Simpson, Planet Asia ou encore Blu. Bref, cesse de bla-bla, écoutez plutôt ce projet magnifique, et si vous souhaitez du rab’, direction leur bandcamp. – Clément
Villain Park – Dawg Down (prod. Smoke Dawg)
Depuis leur excellent premier album The Recipe sorti il y a 5 ans, il faut dire que les petits prodiges de la côte ouest se font très rares. Quelques morceaux par ci par là et hélas pas grand chose de plus à se mettre sous la dent avec seulement un titre en 2021, deux en 2022 et aucun en 2023. Alors du coup quand ça sort d’un coup d’un seul un morceau en plein été, on y jette une oreille, on hoche la tête et on déguste avec parcimonie ces 2 minutes 10 remplie de groove. – Clément
Doechii – Nissan Altima (prod. Childish Major)
Après avoir signé sur le label Top Dawg Entertainment en 2021 et sorti un premier EP intitulé she / her / black bitch. à l’été 2022, la rappeuse originaire de Floride a sorti son premier album- ou sa première mixtape ça dépend des sources- il y a à peine quelques semaines.
Alligator Bites Never Heal est composé de pas moins de 19 morceaux, produit par quelques jolies noms comme Peyote (Tyga, Trippie Redd), Camper (Big Sean, Jay-Z, Kanye West) ou encore Mike Hector (Kendrick Lamar, SiR, Denzel Curry). Le résultat est au rendez vous quoiqu’un poil disparate, mais vous y trouverez surement votre compte niveau énergie, rap brut et singularité. – Clément
Knucks – Studio Fit Riddim
Habitué de nos colonnes, Knucks décoit rarement. Après une année 2023 assez discrète qui s’est terminé avec une très belle surprise avec sa présence sur l’album de La Fève (plus précisement sur l’excellent morceau « Qui? »), 2024 semble prendre le même chemin puisque le morceau que je vous présente est seulement sa seconde release de l’année. Petit breakbeat élégant, bouclette très sympa pitché plus haut, un peu plus de 32 mesures, emballé c’est pesé. On espère toutefois un retour concret avec un projet plus conséquent pour les prochains mois – Clément
Ka – Such Devotion
Neuvième album studio pour Ka et pas des moindres, puisqu’il s’agit de The Thief Next To Jesus, un projet ou l’excellent rappeur de Brownsville dénonce l’hypocrisie du christianisme (rien que ça) et appelle à une reconsidérer la relation entre les Afro-Américains et le catholicisme. Outre cette diatribe qui en fera toussauter plus d’un outre atlantique (mais pas que), le vétéran livre un projet très intimiste (vous me direz, comme 90% de sa musique) et minimaliste. Ses productions fortement teintées de gospel magnifient l’ensemble et viennent renforcer l’impact et la puissance de son propos, qu’il faudra à coup sur, étudier plus en profondeur. – Clément
Navy Blue – Red Roses (prod. Nicholas Craven)
A peu près 1 an après la sortie de son dernier long-format Ways of Knowing, le rappeur-skateur Navy Blue a profité du mois d’août pour ajouter une nouvelle pièce à sa jeune discographie. Avec Memoirs in Armour, Sage Elsesser a choisi d’opter pour la douceur et l’introspection, sur des productions crépitantes, parfois sans batterie. Cela n’étonnera donc personne de retrouver notre rouquin canadien préféré aux manettes sur « Red Roses », que nous avons choisi pour illustrer l’album. On vous recommande toutefois de vous plonger dans cet album dans son ensemble. – Xavier
Jamal Gasol & Cedar Law$ – Epitome
Toujours aussi productif, le rappeur de Niagara Falls continue d’empiler les albums. Intégralement produit par Cedar Law$ (également très productif cette année), Fresh 31 n’est rien de moins que sa troisième sortie en 2024, après les suites de ses précédentes sorties The World is Piff 3 et It’s still a dirty game. Fidèle à lui-même avec son style appuyé, cet album ne sera pas le plus mémorable de son année, mais il contient tout de même quelques très bons passages, à la manière cette introduction au sample de guitare électrique, auquel nous ne sommes jamais insensibles. – Xavier
Jae Skeese – Brick After Brick (Prod. Beat Butcha, Motif & Waji)
Le protégé de Conway et artiste phare de Drumwork poursuit sa lente et sûr ascension. Régulier depuis maintenant quelques années, le jeune MC de Buffalo prouve encore une fois avec Ground Level qu’il est un rappeur pétri de talent, capable de briller sur tout type d’instrumental, mais auquel il manque peut-être encore une empreinte vocale ou un véritable signe distinctif. Malgré tout on ne boude pas notre plaisir à l’écoute, et la belle liste de producteurs, ainsi que la variétés d’invités (de Big K.R.I.T. à Lloyd Banks en passant par Project Pat (!)) ne font rien pour réduire notre enthousiasme. On vous recommandera en premier lieu l’introduction clippée de l’album, mais n’hésitez pas à jeter une oreille au reste. – Xavier
Curren$y & MonstaBeatz – Sending Signs
On ne se refait pas, et ça empire avec l’âge. On a l’impression de se répéter à chaque fois, mais la vitalité de Curren$y à plus de 43 ans continue de surprendre, et de ne pas lasser, en particulier lors de ses sorties estivales. Le rappeur louisianais a ainsi encore frappé en juillet avec le LP Radioactive, intégralement produit par MonstaBeatz, compagnon de route de (très) longue date. Et la production est cette fois plutôt sobre, exit les mélodies célestes à la Harry Fraud. On retiendra en particulier ce « Sending Signs » faisant office d’outro. – Xavier
Blu & Evidence – Wild Wild West
Tellement au cœur du mois de juillet qu’il eût été facile de passer à côté est sorti l’une des excellentes surprises et de nos sorties préférées de l’année jusqu’ici. L’ultra-productif et éclectique Blu s’est attaché les services du grand rappeur-producteur Evidence pour produire intégralement un album-hommage à la ville de Los Angeles, quelque part entre Beverly Hills, Venice Beach, Ellroy et Friedkin, entre le soleil et la crasse. Considérant que c’est un vain casse-tête de vous extraire un morceau en particulier, on vous laisse avec le clip de « Wild Wild West » (un des meilleurs morceaux au demeurant) en vous recommandant vivement d’aller écouter l’album en entier. – Xavier
Veeze feat. Rylo Rodriguez – F*cked a Fan (prod. BrentRambo & Kyuro)
Un petit bijou nous est venu tout droit de Détroit cet été, « Fucked A Fan » par Veeze et Rylo Rodriguez. Mélodie simple et entêtante, grosse caisse et basse qui font tout saturer sur leur passage et rappeurs incapables d’articuler. Pas de doute, les deux hommes savent ce qu’ils font. En tout cas derrière le micro, car sur le terrain de basket-ball où une partie du clip est tournée, on remarque que le prodigieux Veeze est terriblement mauvais avec une balle dans les mains. Et ni le cadreur ni le monteur du clip ne lui feront de cadeau. – Wilhelm
Cordae feat. Lil’ Wayne – Saturday Mornings (prod. Smoko Ono & BoogzDaBeast)
En route vers son prochain album, Crossroads, Cordae a embarqué Lil Wayne le temps d’un couplet. L’hôte nous offre une prestation tout à faire honnête et un texte intéressant sur un somptueux sample de soul jusqu’à ce que l’invité prenne le micro en main et fusionne entièrement avec la musique. Le Petit Wayne reprend son tablier de concurrent sérieux au titre de meilleur rappeur de l’histoire et nous fait vibrer une fois de plus. Le thème, le plaisir que les deux semblent prendre derrière le micro et l’esthétique VHS du clip s’accordent parfaitement pour donner un côté très récréatif et ludique. – Wilhelm
Babyface Ray – Count Money (prod. Treeze)
Babyface Ray conclut son mois d’août avec un nouvel extrait de The Kid That Did, « Count Money ». Toujours aussi nonchalant, La Vague se déverse cette fois sur la mélodie légendaire de Grant Kirkhope (pour GoldenEye007), reconnaissable en quelques secondes. Raymond et son pote BossMan Dlow (qui a un nom un petit peu rigolo) célèbrent les efforts nécessaires à leur ascension, mais celle-ci les expose à un nouveau fardeau : compter chaque jour les nouveaux billets générés et recommencer le lendemain. Tel Sisyphe avec son rocher, en un sens, mais Sisyphe ne peut toutefois pas s’offrir de croisière sur un yacht pour y pousser son rocher. C’est moins bien. – Wilhelm
Rich Homie Quan feat. 2Chainz – Ah’chi (prod. 2Tall)
Si, depuis la fin du Rich Gang, la discographie de Rich Homie Quan n’a pas bénéficié du même succès que celle, gargantuesque, de Young Thug, il n’a jamais perdu de son talent. L’influence folle du duo sur le rap américain depuis 2015 ne sera jamais mieux illustrée que chez Lil Baby et Gunna. Pourtant, sur « Ah’chi », on peut se demander si l’inspiration n’a pas changé de camp. L’oreille inattentive pourrait même y entendre ces derniers, mais les talents vocaux de Quan lui permettent d’aller un peu plus loin dans les mélodies et de rester lui-même. 2Chainz est également de la partie avec un couplet de qualité, comme à l’accoutumée.
Rich Homie Quan nous a malheureusement quitté le 5 septembre 2024, qu’il repose en paix. – Wilhelm
Lana Del Rey & Quavo – Tough (prod. Cirkut & watt)
Cet été marque l’entrée dans la base de donnée du Bon Son de Lana Del Rey et, ça, personne ne l’avait vu venir. En collaborant avec un Quavo assez prolifique cette année (parfois pour le meilleur, parfois pour le pire), la chanteuse entame vraisemblablement le début de la promo de son prochain album et nous livre surtout le fond sonore idéal pour regretter la fin de la période estivale. Alors que vos plus beaux souvenirs de vacances commencent déjà à s’embrumer, vous notez, scrutant par votre fenêtre, le soleil se coucher chaque jour un peu plus tôt et l’étaux du capital se resserrer autour de vos chevilles. – Wilhelm