Octobre aux États-Unis est un mois qui a toujours été intense : Halloween envahit les rues de déguisements, de bonbons et de citrouilles, la NBA reprend ses droits pour le plus grand plaisir des fans, et les artistes rap en profitent pour balancer des projets colossaux histoire de rebattre les cartes de nos tops. Cette année, mentions spéciales juridiques avec Lil Durk qui se retrouve en prison, et à l’inverse, Young Thug est libéré. Parallèlement, la tension politique est à son comble en vue des élections, mais nous aurons l’occasion d’en reparler en intro du mois prochain.
BigXThaPlug – Law & Order (prod. Tony Coles & Charley Cooks)
Deux des rappeurs les plus cools du moment sont texans. Après l’excellent album de Tha Mexican O.T en début d’année, c’est maintenant le tour de BigXThaPlug de s’y coller. Au menu de gros samples au son 80’s, avec un clavier qui rappellera les séries de votre enfance et un riff de guitare électrique bien kitsch. Au micro, BigXThaPlug ne semble jamais lâcher le morceau. Le flow est dynamique et lesté et sa lourde voix prend de la place sur cette prod’ pourtant bien riche. Le jeune texan y joue avec lexique judiciaire et policier dans un monologue égotripique réussi. – Jérémy
Tyler, the Creator ft. ScHoolboy Q & Santigold – Thought I was dead
C’est souvent lorsqu’on a déjà commencé à classifier nos albums favoris de l’année, à l’automne, que les loups sortent du bois pour perturber la décision. Avec son nouvel album sur lequel il nous prend encore à contre-pied, Tyler se propose comme un prétendant sérieux au titre. Avec ses percussions et ses signatures de cuivres diverses, ce titre-là a une patte très Nouvelle-Orléans, comme si on avait trituré le son de la 2nd line. Pour ne rien perturber, les performances y sont de haute-volée. On pense évidemment au couplet central de Schoolboy Q, mais aussi au dernier de Tyler qu’on avait pas entendu aussi remuant depuis un petit moment. Normal, avec une telle concurrence. – Jérémy
Conductor Williams & Domo Genesis – Space Heater
William le chauffeur (ou le conducteur selon la traduction) poursuit sa magnifique run annuelle avec le volume 3 de ses projets intitulés Conductor We have a Problem, après avoir sorti plus tôt dans l’année le très bon Operation Flamethrower avec Rei The Imperial et Across The Tracks avec l’incontournable Boldy James. Pour cette troisième partie donc, on retrouve une très belle brochette d’invités, et pas des moindres : Benny The Butcher, Wiz Khalifa, Wiki, Rome Streetz ou encore Bishop Nehru (dont vous savez que j’adore sa musique). Mais cette fois-ci je ne parlerais pas de l’ancien protégé de MF DOOM, mais du morceau avec Domo Genesis. L’ancien membre de Odd Future se fait beaucoup trop rare. Alors savourons ces 1 minute et 38 secondes, cette boucle drumless mélant violons et voix pitchées et les barz distribuées par Domo, éternellement en forme. – Clément
Willie The Kid, V Don – Briefcase Raps feat. The Alchemist
Deutsche Marks 4 est le nouvel album commun entre l’éternel rookie Willie the Kid et V Don, poursuivant leur série acclamée et consolidant leur alchimie unique (il y a eu pléthore de projets communs entre ces deux là).
Le rappeur de Grand Rapids (dans le Michigan) et le producteur new-yorkais nous plongent à nouveau dans leur univers sombre et cinématographique, ou l’excellent V Don tisse des atmosphères lugubres et subtiles, tandis que Willie the Kid, égal à lui même, évoque des thématiques comme le succès, la survie ou encore la loyauté. Et comme si leur fusion potala ne suffisait pas, un casting 5 étoiles les accompagne sur ce volume 4, avec Rome Streetz, AnkleJohn ou encore tonton Alchemist (oui parce que si on ne l’inclut pas chaque mois dans nos colonnes, on meurt). – Clément
Payroll Giovanni – Hustle Muzik 5 (prod. Tone “AK” Scott)
Plutôt discret cette année, le rappeur le plus italien de Detroit est revenu avec un opus massif, dense et riche. Et même si Hustle Muzik ressemble exactement à ce que l’on pouvait en attendre, c’est toujours un grand plaisir d’entendre les récits mafieux de Payroll. « Hustle Muzik 5 » est évidemment dans la lignée des précédents numéros (le dernier étant tout de même sorti sur Giovanni’s Way, que nous chroniquions ici), avec un production peut-être un poil plus douce ici. – Xavier
Tee Grizzley – Robbery 8 (prod. Helluva, K6, Unicus & Whitlock)
Encore Detroit, encore un album massif comme on en fait plus, encore une série de morceaux. Mais pour les « Robbery », il s’agit d’une vraie série qui nous tient en haleine depuis plusieurs albums. Le gros Tee nous lâche cette fois non pas un mais deux nouveaux épisodes. Alors que le numéro 6 avait laissé notre héros entre la vie et la mort, le 7 évoque son séjour et sa sortie de l’hôpital et le 8 la suite de ses sanglantes aventures. Musicalement, c’est bien aussi, donc on peut largement prendre en route, mais on vous encourage quand même à reprendre la série depuis le début. – Xavier
Benny the Butcher & 38 Spesh – High Stakes (prod. ASETHIC)
Des notes graves, lugubres et entêtantes, des flows mécaniques et de la violence à chaque ligne, pas de doute, on est bien dans un album estampillé Black Soprano Family. Plus de 6 ans après le premier volume, Benny et 38 Spesh remette le couvert pour un second round de Stabbed & Shot. Plus riche musicalement, témoignant de la dimension prise, notamment par Benny dans l’intervalle, il reprend les thématiques qui leur sont chères, à savoir, le hustle, le trafic de drogue et le maniement d’armes à feu à des fins ludiques. Et au vu du clip de « High Stakes », les boissons énergisantes. – Xavier
Rich Homie Quan – My Story (prod. Teezyi)
Le mois d’octobre s’est conclu par la libération d’une moitié du Rich Gang après un procès étalé sur plusieurs années, alors qu’il s’ouvrait, plus tristement, avec le premier album posthume de l’autre, Rich Homie Quan. On pourra trouver Forever Going In trop touffu, trop long ou trop brouillon, on respectera la décision de la famille de garder la mouture a priori établie par Quan lui-même avant son décès – tous les morceaux sonnent d’ailleurs bien terminés, sans rafistolages de dernière minute ou vide comblé/à combler. Parmi ces 35 morceaux, il y a une part largement majoritaire de morceaux très réussis, notamment l’introspectif « My Story ». La facilité de transmettre des émotions par le son mélange de chant et de rap se mêle à merveille à la production mélancolique appuyée par de très jolis cuivres. – Wilhelm
Freddie Gibbs – On The Set (prod. Pops & Mischa Chillak)
C’est avec un début de promotion tardif que Freddie Gibbs annonçait son prochain album, YOU ONLY DIE 1NCE, en référence à son disque You Only Live 2wice (avec des majuscules en plus parce que les rappeurs détestent visiblement la typographie). Un clip accompagne le morceau, on y voit le natif de Gary, allongé sur le sol dans une flaque de sang, se relevé après un clap de fin et retourner à la vie réelle. Un coup d’oeil sur son téléphone lui apprend les (sordides) nouvelles sur Diddy, il n’en faudra pas plus au rappeur pour se perdre dans ses pensées, entre errances et songes plus personnels. – Wilhelm
El Cousteau feat. Earl Sweatshirt – Words2LiveBy (prod. Cocá Cousteau & Paprob)
El Cousteau, à ne pas confondre avec un quelconque commandant (elle est pas si mal…), invitait Earl Sweatshirt à s’essayer aux sonorités DMV qui innonde le rap depuis quelques années. Après le jeune rappeur fougueux qui transforme le premier couplet en terrain de jeu idéal pour un egotrip (réussi), le tonton un peu éméché (regardez ses yeux) prend toute la lumière. Un texte survolté déclamé avec un calme affolant et la jeunesse s’abreuve dans le puit inépuisable. Earl nous offrira notamment ces deux phrases absolument géniales : « I’m not okay, but I’m gon’ be alright » ; « Free Gaza, we on the corner like Israelites » – Wilhelm