10 Bons Sons sur le football

L’Euro 2024 de football a débuté vendredi dernier en Allemagne, et à cette occasion nous revenons sur le lien étroit qui existe entre le ballon rond et le rap français, en 10 Bons Sons bien évidemment.

Mairo & H Jeune Crack – Catenaccio (prod. Neophron, H Jeune Crack & Esone)

Le Catenaccio est un système de jeu autrefois très populaire (et avouons-le, plutôt chiant) misant sur un jeu purement défensif et sur l’exploitation de la poignée d’opportunités offensives que l’équipe saura obtenir durant le match. Ici, H Jeune Crack et Mairo annoncent se défendre l’un l’autre, et même leurs flows semblent jouer le contre en prenant la production à revers. Les métaphores sont distribuées comme autant de gestes techniques et l’alchimie en passe-passe est évidente, prouvant par la même l’excellent esprit d’équipe du duo. On sait ce qui va se passer, et pourtant, cela surprend quand même comme une combinaison Jordi Alba – Messi. De quoi faire hurler les Omar Da Fonseca du rap que nous sommes. – Jérémy

Jazzy Bazz – Ultra parisien (prod. Myth Syzer)

Contrairement au dernier Euro où Youssoupha en était en charge, au grand dam de Jordan Barre-toi de là, pas d’hymne pour les Bleus cette année (peut-être qu’après la victoire contre l’Angleterre, Flynt racontera la finale comme en 2018 ?). Mais s’il est plutôt rare que nos chers rappeurs dédient un morceau à la sélection nationale (Niro a pu le faire par exemple mais pour les Lions de l’Atlas en 2013), ils sont quelques-uns à avoir mis en avant leur passion pour leur club, notamment Jazzy Bazz. Dans « Ultra parisien », Ivan Bruno-Arbiser révèle son amour du ballon rond, du PSG, du supportérisme, lui qui a connu le Paris de Marco Simone, de Pauleta, mais contrairement aux footix, il a vécu aussi la débâcle 5-1 contre Sedan et sait très bien que la vraie légende du club est Amara Diané et non Zlatan ou Mbappé. D’ailleurs, Jazzy ne se laisse pas aller à un propos que subjectif (comme les Marseillais ?), il ose évoquer le côté sombre du mouvement ultra parisien, en l’occurrence l’opposition entre le groupe historique et non moins d’extrême droite situé dans la tribune Boulogne, face à Auteuil, créé d’une certaine manière en réaction, qui aboutira à la mort de Yann Lorence. Le rappeur de la Cool Connexion ne peut s’empêcher de ressentir de la nostalgie avec l’ancien PSG, avant l’ère QSI, le Paris de Francis Llacer, de Luis Fernandez et de Michel Denisot. Au passage, le clip est bien foutu entre les nombreuses images d’archives et les différents maillots iconiques du PSG portés par Jazzy Bazz. – Chafik

Médine – Gaza Soccer Beach (prod. Bullet Proof Music)

Dans le contexte  politique actuel, il est impossible de réaliser une sélection de sons sur le football sans citer celui-ci.  Quasiment dix années ont passé depuis la sortie de « Gaza Soccer Beach » du rappeur Médine, et malheureusement la situation décrite dans ce titre a encore une actualité terrifiante. Les paroles content l’histoire vraie de ces quatre enfants palestiniens tués en juin 2014 alors qu’ils sont en train de jouer au football sur la plage. Combien y en a-t-il eu de plus depuis ce jour ? Il est impossible de les compter, mais ce titre leur rendait déjà hommage par anticipation. C’est l’innocence de l’enfance qui y est décrite, quand tout ce qui importe n’est rien d’autre que le jeu. C’est malheureusement trop facilement que l’on aurait tendance à oublier que le football n’est qu’un jeu, un jeu d’enfant, et que c’est pour cette raison qu’il est aussi populaire, des plages de Gaza jusqu’aux bidonvilles de Rio de Janeiro.  Les intrigues géopolitiques mondiales ont transformé le football, les adultes en ont fait quelque chose de sérieux et il est devenu un instrument de pouvoir.  Il ne reste plus grand-chose aujourd’hui du Gaza Soccer Beach : pourvu que des enfants puisse revenir y jouer en toute sécurité rapidement. – Costa

R.E.D.K. – Simple Constat 5

Si de nos jours, le rap peut être vu comme la poule aux œufs d’or ou du moins comme une activité potentiellement lucrative, il n’en a pas toujours été ainsi et certains l’ont pratiqué (et continuent d’ailleurs) pour la beauté du geste, au point que certains observateurs regrettent qu’ils n’ont pas eu la carrière qu’ils mériteraient. R.E.D.K. est de ceux-là (quand bien même il ne partage pas ce sentiment). Après avoir fait ses armes au sein de Carpe Diem, il s’accorde quelques escapades en solo, sans toutefois quitter son groupe de toujours. Il laisse alors libre cours à son imagination, en réalisant une série de freestyle intitulée « Simple Constat », en posant sur des faces B, de manière assez instinctive. Dans le cinquième volet, Kader se lance dans un exercice de style et met en avant sa passion pour le ballon rond, en rendant hommage aux gloires du foot international des années 2000. Les jeux de mots, les références, comparaisons et multisyllabiques s’enchaînent. On croise du beau monde, avec des ballons d’or, des managers de légende, des joueurs et des évènements mémorables (la victoire de l’OM en 1993 sur le Milan, la panenka de Zidane, mais aussi Yohan Pelé !). R.E.D.K. met toute sa technique dans ce morceau devenu viral à sa sortie (grâce à Internet et à YouTube, alors en pleine expansion), qui lui aura permis de se faire un nom. Ce coup d’éclat se retrouvera d’ailleurs sur E=MC², réalisé en compagnie de Soprano en 2012 avant que Kader sorte son album solo Chant de vision, en 2014. – Chafik

Limsa D’Aulnay – Footballeur (prod. Lucci)

Limsa et Vald ont deux choses en commun : ils sont tous deux Aulnaysiens et ont chacun un titre intitulé « Footballeur » dans leur discographie. La comparaison s’arrête ici puisque l’un des morceaux est très mauvais et l’autre très bon. Présent sur la troisième partie de son triptyque Logique (on peut d’ailleurs apercevoir Zinedine Zidane sur la cover), « Footballeur » est en quelque sorte une synthèse de ce que Limsa a exploré dans ses trois EPs. À savoir, rester sur la fine pellicule qui sépare le rap « conscient » (et j’insiste sur les guillemets) du rap « dahak ». C’est sur cette fine couche de glace que Limsa excelle, oscillant sans cesse entre la grosse poilade, les traits d’esprit subtils et des sujets plus sensibles, plus intimistes. C’est là que réside toute sa force, ce qui rend sa trilogi(que) unique. Sur le morceau qui nous intéresse ici, Limsa utilise des métaphores pour illustrer comment les compétences, la stratégie et l’opportunisme sont nécessaires dans les deux domaines pour réussir. La track aborde également l’ambition et la quête de succès et intègre des références à des joueurs emblématiques comme Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, tout en se faisant backer par Thierry Rolland. Pour les plus vifs d’entre vous, certaines punchlines raisonneront automatiquement (« Comme un footballeur anglais / La rumeur que j’trompe ma femme je dois l’éteindre / Comme un footballeur anglais / Samedi j’bois des pintes ou je vois des timpes »). – Clément

Doc Gynéco – Passement de jambes (prod. Alexis Ouzani)

Au-delà d’avoir fait partie de la bande-son de la coupe du monde 1998, ce qui fait qu’on se souvient de « Passement de jambes », égotrip musclé filant la métaphore autour du monde du foot et paru sur l’iconique Première consultation de Doc Gynéco en 1996, ce n’est pas simplement le concept, somme toute assez simple, mais la maestria et l’insolence avec lesquelles le rappeur délivre ses lignes. Les références, allant de Mark Landers d’Olive & Tom au Stade Jalisco de Guadalajara, en passant par Kick Off ou Bebeto, sont celles d’un passionné du ballon rond, qui connaît son sujet et a pratiqué la discipline à un certain niveau (la catégorie jeunes à Championnet dans le XVIIIème arrondissement de Paris pour être précis). Ajoutez à cela quelques tournures sophistiquées aux multiples clins d’œil (« Je suis le prince du parc Guadalajara« ), des parallèles bien trouvés entre les mondes du foot et du rap (« prêté par la Secte au Virgin AC » – encore eux), et un écrin musical aux petits oignons qui vaut pour l’ensemble du disque, et vous obtenez un petit classique du genre, qui s’écoute encore très bien 28 ans après sa sortie. Le titre a connu les rotations radio et une sortie en single (souvenez-vous, le format CD 2 titres), et Doc Gynéco s’est par la suite retrouvé à participer à de nombreux matchs de charité, allant jusqu’à enregistrer des morceaux avec des footballers, comme avec Nicolas Anelka en 2006. – Olivier

JeanJass – Pippo Inzaghi (prod. Le Seize)

S’il y a bien un rappeur qui a une culture footballistique aussi étendue que le palmarès du Real Madrid, c’est JeanJass. L’ancien défenseur du club Action 21 Charleroi (en futsal) collectionne les rimes sur le ballon rond comme il collectionne les maillots de foot rétro, et cela depuis ses débuts. Sur son premier album solo, Goldman, sorti en 2014, le rappeur belge intitulait déjà un de ses morceaux « Pippo Inzaghi », hommage à l’attaquant italien « né hors-jeu », ancien joueur et entraîneur du Milan AC (je ne précise pas lequel, car il n’y en a qu’un). Filippo était un renard des surfaces, avec un don pour être toujours au bon endroit au bon moment. C’est de cela que JeanJass va parler, illustrant comment le football et la musique nécessitent talent, travail acharné et opportunisme pour exceller. Les références au foot ne s’arrêteront pas là, puisqu’il appellera son second projet Hat Trick et ajoutera la mention « Temps additionnel » à la réédition de son troisième opus. – Clément

Sam’s – FFF (prod. Céhashi)

Sam’s a eu mille vies, mais pas celle qu’il a espéré un temps. S’il est connu par nos lecteurs comme rappeur, notamment au sein du label Bomayé Music de Youssoupha, il s’est tout d’abord distingué dans les premiers temps d’internet dans la capsule En attendant demain, mais a aussi été juge dans la ligue de Battle Rap Contenders, intervenant régulier dans les podcasts Nekketsu et Paroles Véritables, et depuis quelques années, il enchaîne les rôles au cinéma, aux côtés de Grand Corps Malade jusqu’à obtenir le premier rôle du film Marchand de sable. Ce qu’on sait moins, c’est que Moussa Mansaly a eu une carrière dans le football, mais qu’elle ne s’est pas passée comme il l’aurait souhaité et il en parle dans le morceau « FFF ». Sam’s raconte son parcours, ses débuts en Ligue d’Aquitaine où il commence à briller au point de se faire remarquer par des recruteurs sans pouvoir confirmer l’essai en centre de formation malheureusement, contrairement à certains de ses amis ; il narre la suite surtout, le rêve de devenir pro qui s’éloigne et la vie de quartier qui le rattrape, au point de s’en remettre à de mauvaises personnes pour essayer de faire quelque chose dans le foot, en s’expatriant en Angleterre, en vain. Sam’s n’élude aucune étape de son parcours, ni l’échec, ni la poisse ni la honte du retour en France marquant sa fin de carrière, qui semble l’avoir dégoûté du football, la fin du morceau étant sans équivoque (« Le temps ne guérit pas les douleurs, il t’apprend à vivre avec, J’me suis retrouvé sur un banc, de club en club, comme à la tess, merde, Fuck le foot frère… »). Un morceau à faire écouter à tous les apprentis footballeurs. – Chafik

Prince Waly feat. Freeze Corleone – Balotelli (prod. JayJay, LamaOnTheBeat & 3010)

L’aspect fantasque, provocateur et foudroyant de Mario Balotelli a toujours parlé aux rappeurs français qui l’ont souvent cité. Cette collaboration entre Prince Waly et Freeze Corleone est probablement le morceau le plus abouti dans lequel le nom du joueur italien apparaît. Il est ici cité pour son côté générationnel et iconique. Au menu de ce titre : une production profonde et anxiogène et deux couplets de haute-volée où les deux performeurs se tiennent la dragée haute. Les références variées abondent d’un côté comme de l’autre, de Mauvais Oeil à Raekwon, et on s’y compare à des champions pour mieux flexer. Voilà un égotrip racé où le style des deux hommes est plus compatible que ce que l’on aurait pu imaginer et qui laisse la concurrence loin derrière. – Jérémy

Muge Knight – Mercato (prod. Just Music Beats)

Tout le monde parle de foot, commente les performances de Mbappé, du Real, croit faire de juteux pronos aux paris sportifs, fait partie d’un groupe MPG, tout le monde a son mot à dire sur le ballon d’or, la sélection de Deschamps, sur le 3-5-2, sur la gestion de l’OM par Longoria. Mais le vrai foot, le foot d’en bas, personne n’en parle comme Muge Knight. Le foot de District, sur des terrains stabilisés, où les fausses licences sont légion, avec des dirigeants suspendus un an sur deux, des coachs qui ont le CACES et pas le BMF. Le foot sans entraînement la semaine, où on arrive en retard le jour du match, sans échauffement, avec des maillots pas lavés cette semaine encore et des joueurs bedonnants à la Bodmer, trapu comme Fabrice Appruzesse, des dégaines à la Cabella en attaque et à la Trifon Ivanov en défense. Le foot des coups de pression sur l’arbitre, des tacles de pélican sur le meilleur joueur adverse, de la troisième mi-temps, prétexte pour se réunir chaque week-end, parce que le foot, c’est surtout ça, laisser femme et enfants, retrouver les collègues, oublier le taf et jouer un peu au ballon. Le Muge redonne ses lettres de noblesse à ce foot-là, véritable art de rue, en étant accompagné de Just Music Beats, découpeurs à la Mozer et Boli. Le plus new-yorkais des duos marseillais a d’ailleurs produit l’album Fini Parti qui mérite d’être écouté, Muge Knight faisant étale de toute sa bonhommie, de sa mauvaise foi, de son regard aiguisé sur la société aussi, avec des titres comme « Mon vier maintenant », « Tia épousé une légende » ou encore « Marseille Propre ». – Chafik

Arrêts de jeu : Akhenaton – Rooney (prod. DR)

Si des footballeurs se sont essayés au rap (Karim Benzema, Memphis Depay, Kevin Prince Boateng), des rappeurs ont eu une petite carrière dans le foot (Sam’s, Sefyu, Guy2Bezbar, Dinor). Mais dans le e-sport, les exemples sont très rares. Comme les casquettes de rappeur, beatmaker, boss de label, cinéaste et père de famille n’étaient pas suffisantes, Akhenaton a eu, ou semble avoir, un parcours de taulier avec une manette de PlayStation dans les mains. Si les footeux ont longtemps tué le temps en mise au vert grâce aux jeux de cartes ou au tennis de table, les rappeurs ont très souvent délaissé les sessions d’enregistrement, à partir du moment où une console était dans les studios. Et Chill ne s’est pas privé pour tenir en respect la nouvelle génération, notamment à La Cosca. Paru en 2007 dans la mixtape précédent l’album Saison 5, A.K.H. s’est offert un egotrip à la gloire du « monster » qu’il prétend être à Pro Evolution Soccer, renvoyant la concurrence s’entraîner. Multipliant les jeux de mots, capable d’enchaîner finesse technique et tacles rugueux, il montre qu’il est bel et bien complet, à l’instar de l’infernal Wayne Rooney. – Chafik


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