Panama Bende : où en sont ces sept garçons plein d’avenir ?

Jeunes parisiens aux dents longues et acérées, les sept acolytes du Panama Bende, Elyo, Assaf, Zeu, Ormaz, PLK, Lesram et Aladin135, pour les nommer, qui se côtoient depuis leur plus jeune âge, se décident à sortir de l’ombre en 2016. Découlera ainsi de leur collaboration un EP six titres, Bende Mafia, qui gifla la planète rap francilienne instantanément à sa sortie.

Car ces petits jeunes ne sont alors déjà plus des débutants. Évoluant dans le sillage de l’Entourage, soutenus par un Nekfeu qui leur tend régulièrement la main (il les fait même apparaître dans le clip de son titre guimauve « On verra » et les dédicace sur le titre « Tempête » de son album Feu en 2015), les sept copains sont déjà bien solides avec un passé fort de freestyles en tous genres quand ils décident d’allier leurs forces sur Bende Mafia. S’en suivra un album, ADN, sorti très rapidement, un an plus tard, et qui recevra un succès plus mitigé.

Aujourd’hui, cinq ans après leurs débuts retentissants, où en est-on de l’aventure Panama Bende ? À l’heure des lancées en solo, on a vu certains de ses membres littéralement exploser et monopoliser le devant de la scène là où d’autre choisissent la discrétion et la confidentialité pour distiller leurs productions aux connaisseurs. Pourtant, de tous les côtés, les sous-entendus fleurissent, les apparitions chez les uns et les autres, les coups de pouce et les featurings nous rappellent constamment que la formation prévoit de se retrouver pour un deuxième tome, bientôt, un jour, promis.

Et il est vrai que si l’on se retournait sur le parcours du groupe et les performances de ses membres depuis cinq ans, il est fort à parier qu’on y trouverait tous les signes d’une réunion prochaine…

Panama Bende – Bende Mafia

Cinq années se sont écoulées depuis que la parution du premier projet du Panama Bende. C’était donc en 2016, quelques jours avant l’été, dans la moiteur d’un mois de juin, tandis que l’Europe n’avait d’yeux que pour le ballon rond. Teasé depuis l’année précédente avec le titre « Avé », il aura fallu attendre le mois d’avril 2016 avec l’excellent morceau clippé « SmoothLa » pour avoir une petite idée de ce que serait le premier EP du Panama Bende.

Trois jours après sa sortie, le 19 juin, c’est le titre « Fumée Verte » qui déboulera en clip et qui provoquera un réel engouement. Là où le morceau « Avé » présentait les différents emcees et suscitait notre curiosité, où « SmoothLa » nous mettait l’eau à la bouche, « Fumée Verte » validera d’entrée de jeu toutes nos espérances et placera le Panama Bende directement sur la carte de Paname, en gros et en gras s’il vous plaît. Avec des tracks produites par Sheldon, Kezo, Asot One ou encore BNZ, cet EP six titres démontrera en long, en large et en travers que les sept rappeurs en ont sous le capot (ceux qui sont là depuis la Grunt #20 étaient déjà au courant) et que l’avenir leur appartient. Les années qui suivirent en seront la preuve parfaite. 

Panama Bende – ADN

Porté par le franc succès de l’EP Bende Mafia, salué aussi bien par la critique que par la vente de billets pour la tournée qui s’en est suivie, le groupe se lance tête baissée dans la confection de leur premier -et à ce jour unique- album : ADN. Sauf que cette fois, la magie n’opère pas. Ou en tout cas, pas autant. Les fans sont là, les copains aussi, toute la base qui se retrouve sûrement davantage dans les personnages et ce qu’ils sont et représentent, que dans la musique qu’il proposent, bien différente des six titres explosifs de 2016.

Si les sept membres du groupe ont tous le gène du talent, sur ADN ils semblent tellement pressés de ramasser les fruits de leur gloire qu’ils nous donnent l’impression de se couler dans un moule qui ne semblait pas être tellement le leur lors de leur premier opus. Très cahier des charges, très fashion, très (trop) léger sur les textes, abusif sur un usage non-nécessaire de l’auto tune et un brin bancal dans sa cohérence, l’album peine à convaincre alors même que chacun des membres y fait une démonstration sans équivoque de ses capacités, et que le tout donne un aperçu d’une variété de styles et d’influences qu’on verra exploser en solo très bientôt.

Ça kicke sec, pourtant. Et le projet aurait pu être bien plus intéressant, car on n’avait pas nécessairement perçu toute ces différences et subtilités de personnalités dans l’archi-cohérent Bende Mafia. Mais en une heure survoltée d’une musicalité un peu brute, là où on aurait pu s’attendre à davantage de finesse, on sort un peu sur sa faim et au final, on se prend à espérer les excursions en solo de certains.

Ça tombait bien, elles étaient prêtes à sortir…

Ormaz

Au compte-goutte.

Ça pourrait être la maxime d’Ormaz tant le emcee dévoile peu de morceaux et les délivre avec la patience d’un ange. Presque comme Lesram me direz-vous, mais ce dernier a sorti un EP l’an dernier avant de passer la seconde avec sa série de singles « Dans Ma Bulle ». Ormaz lui, reste dans son coin, prend son temps, apprend ses katas et s’entraîne dans la salle du temps… Et depuis le dernier album du Panama Bende sorti en 2017, Ormaz a sorti cinq tracks officielles et un freestyle. Et pas n’importe quels morceaux, un titre clippé à chaque fois, quasiment sans refrain et avec pour seule structure deux seize mesures pour découper. Comme si le rappeur d’Epinay nous montrait tranquillement sa progression, sans pression aucune, sans se prendre la tête. Cinq morceaux officiels. Une petite poignée de featurings (Tortoz, JMK$, Zeu ou encore Matou). Et puis c’est tout. Cinq morceaux en pratiquement Cinq années d’attente. Sept ans, si on patiente depuis son INCROYABLE entrée sur le classique « Fumée Verte »… Et encore plus si on suit le loustic depuis ses premières masterclass d’adolescent ( « Aniki », « Danse avec mon ombre » , « Professionnel » ). Mais notre patience devrait arriver à son terme puisque lors de la sortie de son dernier titre « Réflexe », Ormaz nous promet que « ça ne fait que commencer ». Et puis Rap Genius a annoncé son premier projet pour 2021, alors si Rap Genius le dit, c’est que c’est forcement vrai (ou pas).

Elyo

Le plus pluridisciplinaire du Panama Bende ne s’est pas forcément lancé en solo, contrairement à la plupart des membres de son crew. Réalisateur, producteur, rappeur et photographe (du moins, il me semble), Elyo a lancé le duo Changerz avec Assaf (anciennement ASF) en 2018 avec un premier EP intitulé Identiques et sorti deux années après Bende Mafia. Un duo qui comme son nom l’indique, invite au changement et à l’expérimentation en mélangeant les styles musicaux. Tantôt funk, tantôt électronique, un peu disco et résolument rap, le premier projet du duo marque par son originalité et sa volonté de se démarquer avec un son unique. Le claim de Changerz sur ce premier projet et le refrain de leur track éponyme sera d’ailleurs « C’est pas la même vibe, C’est pas la même ride », histoire d’annoncer directement la couleur. L’univers esthétique et visuel des deux compères appuie allègrement leur démarche, en emmenant une fraîcheur et une certaine auto-dérision qui pouvait parfois être inexistante au sein du Panama Bende (hormis chez Lesram). Il y aurait presque une petite vibe DJ Medhi… Nous voici donc en 2021 et le duo a sorti son premier album studio, intitulé 2/2. Je vous invite donc à lire notre chronique parue il y a peu, histoire d’éviter les redites et de conclure le chapitre Elyo / Changerz. 

Zeu

Anciennement nommé Zeurti puis devenu Zeu, il forme le duo OZ avec Ormaz mais également le trio La Confrérie, toujours avec Ormaz mais aussi avec PLK. Il est aussi un membre du collectif CZ8, un crew francilien de drill.

En 2018, Zeu a sorti son premier projet solo, intitulé Trash Talking, suivit de près par Butterfly Doors, son second opus. En 2019, c’est l’EP surprise Méta qui est dévoilé et qui marque un changement dans la carrière du rappeur puisque le parisien a choisi de se tourner vers la UK Drill et d’embrasser ses codes. En 2019, Zeu aka Slight Wear ou Soul6 dévoile une réédition de son premier solo Trash Talking avant de sortir un an plus tard Black Gate, un 3 titres 100% drill produit par Lord Zu, Epektase et un certain Pandrezz (du lo-fi à la drill, il n’y a donc qu’un pas). Puis très récemment, plusieurs morceaux volants ont vu le jour, dont le très puissant « Lincoln Freestyle » et la track « 1UP ».

« Drill, tous les rappeurs veulent s’y mettre » disait Ash22. Zeu le fait bien, et dans le raz-de-marée qui s’est emparé de ce style, il faudra sûrement compter sur lui.

Aladin 135

Aladin 135 est fort d’une carrière déjà bien entamée avec cinq mixtapes (ou mini EP selon les points de vues), son premier album studio sorti il y a un an, et tout récemment, un EP cinq titres, intitulé X1. Dès 2015, le MC du 13ème arrondissement a d’ailleurs créé son propre label, Aladhyde Music, manière de tout gérer et de tout faire en indépendant. Habitué des Grünt depuis belle lurette (il est présent sur pas moins de cinq éditions) et présent sur quelques (vieilles) sessions Planète Rap de l’Entourage ou encore de Nekfeu, Aladin 135 a fait ses armes à travers divers projets et autres apparitions. Son premier album Phantom est donc sorti après une pause musicale de trois années qui a permis à Aladin de se construire un univers propre, entre kickage très brut et morceaux beaucoup plus pop et chantés. Accompagné de Guilty (Katrina Squad) et entouré de quelques featurings de prestige (Laylow, PLK), le premier album d’Aladin marque un tournant dans sa jeune carrière, le rappeur parisien donnant l’impression d’avoir parfaitement trouvé son style. Un album complet et polyvalent qui ne peut laisser présager que du bon pour les prochains opus.

Lesram

Le pré St Gervais dans le cœur, le clan au creux de la main, Lesram est un petit génie de la rime, un kickeur exceptionnel, à la dégaine arrogante et fuyante à la fois, bref un rappeur comme seule la région parisienne sait en façonner. Figure de proue nonchalante du Panama, membre d’honneur et à temps partiel, des Tontons Flingueurs, Lesram distille ses apparitions comme un avion de chasse lâcherait ici et là ses petites frappes chirurgicales. Peu enclin à pousser la chansonnette ou à suivre un cahier des charges qui ne serait pas le sien, il nous a produit un EP hyper moderne et équilibré qui nous avait fait grande impression il y a un peu plus d’un an (on vous en parlait ici). Sûrement promis à un bel avenir s’il tient sa route et se fie à son talent, on sera là pour le suivre.

PLK

Certainement le plus productif et le plus visible des membres du collectif, PLK a su attirer la lumière à lui grâce à une détermination et une assiduité qui, qu’on adhère ou non au style, forcent le respect. Aussi imparfait qu’impatient, aux commandes de projets aussi bouillants qu’inégaux, il tâtonne autant qu’il expérimente, partageant ses progrès et ses tentatives tels qu’ils arrivent, avec un public curieux, avide, et qui grandit avec lui. En 5 ans, le benjamin de la formation Panama Bende nous a sorti un EP, cinq albums et des featurings qu’on perdrait notre temps à compter. Plutôt cohérent, on retrouve dans Enna, sa dernière sortie de 2020, ce qu’on aimait déjà au sein du collectif et ce qui nous avait intéressé dans son premier EP Dedans : un flow agile, des placements surprenants, mais toujours bien pesés, dévoilant un sens du rythme évident et des facilités à se positionner avec pertinence sur des prods parfois très variées. Si la qualité de la rime est parfois sacrifiée à l’impact de la punchline et si les titres marqués « cahier des charges 2020’s » de ses derniers opus (« C’est mort », « Pourtant » et tant d’autres…) lassent sans convaincre, PLK est plutôt du genre à se laisser écouter sans trop se difficulté (« Petrouchka » mis à part). Calé en featuring, il ne brille jamais autant que lorsqu’il doit tenir la route face à des kickeurs d’excellence. Aux côtés d’Ormaz et Zeu, au sein de leur trio de la Confrérie, ils nous a d’ailleurs offert ses meilleurs morceaux de bravoure, et pour l’instant ses couplets au sein du PB restent inégalés. Selon nous, il serait temps de revenir poser en famille.

Assaf

Un petit cheveu sur la langue et le tour de charme opère. Le flow du parisien ASF, devenu Assaf alors qu’il se rapproche de ses racines et qu’il se raconte dans ses textes sans le complexe de dévoiler ses failles, a toujours été un des plus tous terrains. Lent et posé pour des passages de nostalgie à la première personne, agressif comme il faut en égotrip et funky comme jamais sur les refrains disco de Changerz, il sait embarquer son auditoire et détonne avec des placements sophistiqués et des rythmes travaillés pour surprendre. Mielleux à souhait sur BPM pour minette lorsqu’il opère en solo, l’écriture d’Assaf se révèle plus puissante et plus vraie en collectif ou en duo. Donnant la rime à Elyo, l’adolescent au cœur tendre se mue en un jeune homme libre et caustique. Passant derrière Lesram, il étale son amour des mots et de la rime riche. Et c’est sûrement ainsi qu’il est le plus séduisant.

Cinq ans après le boom de Bende Mafia, le public francophone s’est bien habitué à la présence des sept petits prodiges franciliens dans le game. Aujourd’hui, alors que les projets persos ont été scellés (ou sont, en tout cas, bien avancés), que nos sept lascars sont tous majeurs et (oserons-nous) vaccinés, ne serait-il pas temps pour eux de retrouver la formation qui les a vu exploser, pour un nouvel opus?
En compilant leur progrès, en profitant de leurs notoriétés nouvelles et en rassemblant leurs publics grandissant et variés, on serait en droit de penser qu’ils auraient tout en main pour un nouveau carton. Alors pourquoi attendre plus longtemps ?
Sans dire que nous nous impatientons, nous serons prêts quand ils le seront.

Texte : Clément et Sarah

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