Le Roar, nouvelle donne du battle rap | Live Report

Alors que le lundi 12 juillet le Président Macron vient d’annoncer de nouvelles mesures pour lutter contre la Covid 19 (en nous embarrassant avec le fameux pass sanitaire), le samedi 17 juillet est organisée l’édition 3 du Roar à Marseille où le soleil tape comme jamais et les Parisiens se déverseraient par milliers. C’est bien contents que nous avons été conviés à cet évènement de battle rap, en ces temps où les concerts se font trop rares. Direction Le Flow sur le Vieux-Port où les punchlines, le bagout et les insultes font partie du décor.

Revenons tout d’abord sur l’apparition du Roar qui n’a pas laissé indifférents les aficionados de battle rap. Si durant  le confinement du printemps 2020 Maadou a lancé sa chaine You Tube, dans laquelle il effectuait des reviews de battles francophones, l’appétit semble être venu en mangeant puisqu’avec Lamanif et Cheef, illustres battles MC s’étant distingués notamment au Rap Contenders, ils ont monté une nouvelle ligue de battle, à un moment où le mouvement semblait quelque peu s’essouffler, du fait du contexte sanitaire.

Le Roar a rapidement eu une identité forte, représentant un cercle d’initiés, des gardiens du temps pour certains, des nostalgiques du Word Up pour d’autres (lire notre interview de Filigrann, le fondateur des WU) – pour ne pas dire des puristes – des amoureux de double sens, de « bars », de l’écriture, de l’interprétation, que ce soit parmi le public ou les MC’s ; bref, des kiffeurs de rap, de la rime, de flows, de punchlines. Une des particularités du Roar c’est son format avec non pas une scène surélevée dans une salle accueillant près d’un millier d’individus mais un cypher d’une centaine de personnes. Ce cadre crée une atmosphère très rapidement électrique, dans laquelle la foule tient un rôle bien plus important que lors des gros évènements. On a pu croiser du beau monde parmi les invités, que ce soit Deadi (que nous avions interviewé dernièrement) ou Deen Burbigo qui est venu en quelque sorte parrainer cette édition, lui le Sudiste qui a donné ses lettres de noblesse au RC.

Pour cette troisième édition, les organisateurs ont concocté une carte dans laquelle les rookies affrontaient des MC’s expérimentés. Un beau challenge pour chaque participant, les newcomers ayant l’opportunité de se frotter à des noms du milieu tandis que les « vétérans » devaient se faire respecter pour ne pas se faire taper par un nouveau. Attention, nous allons spoiler ou du moins donner notre ressenti sur chaque battle.

K5 versus Wolff a été le battle qui a lancé l’après-midi. Si le premier s’est imposé dans le game ces dernières années, quoiqu’irritant pour un certain nombre, le second est un jeune loup qui débute dans l’arène. Et dès le premier round de K5, on comprend qu’il n’a pas pris à la légère son adversaire, en étant très incisif. Avant même que Wolff ne commence à délivrer son texte, on se dit que le louveteau risque de se faire dévorer. S’il se défend plutôt bien, on peut déplorer qu’il fasse trop de « gun bars ». L’enchainement de K5 est très intéressant, on sent qu’il gère la foule, qu’il maitrise son texte, qu’il est au-dessus. Bien que disposant d’un beau potentiel, Wolff est un ton en dessous et K5 se fait respecter en remportant à nos yeux le battle.

Le second battle est celui d’un des chouchous du public, Bramzo. Depuis ses quatre-cinq derniers battles, il semble monter en puissance, s’être trouvé en étant très confiant de qui il est et de ce qu’il fait. Son adversaire, Rotka, dont on nous avait parlé, nous fait belle impression en étant particulièrement énergique, proposant tout un tas de phases de braillard, qui font leur effet dans le cypher (influence de Kard vous dites ?). On assiste à une belle opposition de style dans laquelle Bramzo a surement les punchs qui ont le plus fait réagir mais Rotka ne démérite pas et dispose certainement d’une belle marge de progression.

Suivent Saminem contre Crapaud. Si le second met l’accent sur une interprétation toute particulière (une surinterprétation ?), Saminem se présente tel qu’il est et n’hésite pas à ridiculiser son adversaire dès son premier round. La diction de Crapaud n’est pas la plus audible et certaines de ses phases tombent à plat, dommage car l’énergie proposée fait plaisir à voir. S’il donne rendez-vous à Saminem et 2Taf en double pour un affrontement avec son acolyte Rotka, il faudra certainement être moins générique. En dépit d’un dernier round de Saminem plus houleux (rattrapé par ses démons…), ce dernier remporte le battle pour nous.

En guise de quatrième battle, on a le fondateur du Roar, Maadou contre Kazuhira. Si on reconnait qu’on ne connaissait pas trop Kazuhira, on était curieux de voir surtout comment allait se comporter Maadou qui cumule donc une nouvelle fois les casquettes d’organisateur et de battle MC. Lorsque nous avions discuté avec Dony S, il nous avait révélé que ce défi qu’il avait relevé au RC 8 contre RES n’avait pas été des plus judicieux. Néanmoins, Maadou a fait parler son expérience, en étant comme toujours très sûr de ses forces, face à Kazuhira qui a mis un point d’honneur à être très technique sur ses trois rounds, mais au détriment du contenu. Victoire tranquille pour le Gangseuleu.

Après quatre battles, l’heure de la pause arrive. Une trentaine de minutes où tout le monde, public, battle MC’s, staff, se retrouve à l’extérieur, discute dans une ambiance à la cool, clope au bec et glace à la main offerte par l’orga.

La reprise se fait avec Dams contre Benefik. Soyons honnête, on ne connaissait pas les deux bougres. Et pour le seul battle entre rookies de la carte, on n’a pas été déçu ! Dès le premier round, Benefik emporte l’adhésion de la foule avec son style très rentre-dedans, très efficace. Si Dams arrive à garder la tête hors de l’eau, notamment grâce à son deuxième round, la performance de Benefik sur ses trois couplets nous fait dire à ce moment qu’il a tout du MVP de la soirée.

Le battle suivant est très attendu ou devrions-nous dire que Nem l’est. Ovni dans le game, capable du meilleur pour certains, du pire pour d’autres, son entrée en scène recevait l’acclamation du public. Son opposant Airjee était présent au passage, avec la lourde tâche de jouer au pire le faire-valoir, au mieux le challenger. Si les deux lascars chockaient dès leur premier round, les premières phases de Nem ont provoqué l’hilarité générale des spectateurs. Tandis qu’Airjee rencontrait décidément pas mal de difficultés à se souvenir de son texte, Nem était à la hauteur de sa réputation, en allant vers l’absurde avec son écriture si spéciale : son troisième round sur le zizi de son adversaire (sic) est peut-être le meilleur de la soirée ! En guise de finish, Nem terminait son round en allant chier aux toilettes…

On arrive à l’avant-dernier battle entre deux gars confirmés, Aparzite / Njoy, bien que contrairement à son adversaire, le premier ait déjà un long parcours très impressionnant (ses battles contre Saminem, Monk-E, Freddy Gruesum, Parano, Franko Bucci, ont marqué les esprits). Si Njoy a réalisé une performance tout à fait convenable, alternant les attaques frontales et les exercices de style intéressants, on est quelque peu déçu par celle d’Aparzite qui semblait fatigué, ne maitrisant pas totalement son texte, bref pas aussi à l’aise qu’à l’accoutumée. A nos yeux, il perd le battle plus qu’Njoy ne le remporte.

Arrive enfin le main event entre le local de l’étape qu’on connait bien, Tetris et 2Taf. A l’entrée des deux tontons au centre du cypher, l’excitation devenait palpable, tout le monde souhaitant un feu d’artifices. Et dès le premier round du Marseillais, on était servi ! Comme sur ses trois rounds, il a fait étale d’une technique au-dessus de la moyenne, multipliant les flows, les phases saccadées, les rimes, les enchainements ; on avait droit à du rap, du vrai ! 2Taf quant à lui a rapidement montré qu’il était très bien préparé en déconstruisant son adversaire, en l’attaquant directement, balançant les dossiers, suscitant de belles réactions du public, son real talk étant terriblement efficace. Très difficile de désigner un vainqueur, Tetris étant impressionnant mais 2Taf était très percutant. L’opposition de style était parfaite, les spectateurs sont les gagnants du battle.

Au final, l’évènement a été une réussite, les battle MC’s ont montré l’étendue de leur talent tout en respectant les codes de cette ligue (peut-être d’ailleurs qu’il faudra moins hésiter à sortir du cadre énoncé). On constate aussi que les battles entre rookies d’un côté (Dams / Bénéfik) et entre MC confirmés (Tetris / 2Taf) sont les plus réussis bien que le Roar affectionne les oppositions entre new comers et vétérans. La carte de l’édition 4, qui vient de sortir à l’heure où nous écrivons cet article, semble prendre en compte ces remarques entendues ci et là avec des oppositions de poids lourds (2Taf / Louvar ; Lamanif / K5 ; Cheef / Artik) même si l’affrontement des générations perdure (Maadou / Neyah ; Tetris / Benefik) et que la nouvelle école a encore droit de citer (à elle de faire tomber les anciens à présent). Une chose est sure, le Roar apporte sa pierre au battle rap en France de bien belle manière. Force à eux.

Big up à Maadou et Lou.

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