10 Bons Sons en mars 2025

Mars, mois du grand ménage : Marine s’est faite balayer par Bruxelles, inéligible pour avoir confondu attachés parlementaires et employés de maison. Pendant ce temps, Sarkozy continue son speedrun judiciaire, condamné en appel, mais toujours persuadé que la République, c’est lui. L’avenir nous dira si le rap francophone s’emparera de ces tristes actualités, mais en tout état de cause, les sorties du mois de mars viennent conclure un beau premier trimestre 2025 pour le genre musical qui nous intéresse ici.

Le 7 mars : BEN plg – Béni (prod. Lucci)

Dans notre bilan 2024, nous avions placé Dire je t’aime, le 7ème projet de BEN plg depuis 2020, parmi les meilleurs albums de l’album de l’année et nous soulignions la discographie fournie et de qualité du Tourquennois. Début mars 2025, le revoilà déjà avec un nouvelle galette et l’écoute est impressionnante : sa formule fonctionne toujours, Thomas ne lasse pas et il a encore bien des choses à dire (sûrement grâce à sa vie avant le rap ou parce qu’il n’a percé que tardivement ?). Le morceau que nous avons retenu n’est autre que le premier, et à l’issue des deux minutes cinquante neuf, il est évident que nous n’avions pas entendu d’introduction aussi tonitruante depuis longtemps (2020 avec « Freeze Rael » sur LMF ?). BEN plg fait entre autre preuve d’autodérision quand il évoque ses rêves, dresse un constat amer sur le game, aborde les violences policières et la pathétique politique de la ville, fait référence aux gilets jaunes, s’illustre par une écriture très soignée (à l’image des phases conçues en miroir). De plus, au bout de deux minutes, l’interprétation de BEN plg, la prod de Lucci deviennent plus nerveuses et les punchlines marquantes se succèdent (« Nos darons, ils méritent une bonne bougnat, nos daronnes elles méritent une grasse mat’ »). Le titre « Béni » et l’album Parait que les miracles n’existent pas se retrouveront certainement dans notre (mon ?) top 2025. Bah ouais. – Chafik

Le 14 mars : Okis & Mani Deiz feat. Tedax Max – La ville en Umbro

Après le succès de Rêve d’un rouilleur, Okis continue son run aux côtés de Mani Deiz avec la sortie, ce mois, d’un nouveau huit titres en binôme intitulé La crème. Sur « La ville en Umbro » il invite Tedax Max, l’un des autres rois actuels de la capitale des Gaules. L’ambiance est laid-back et okis s’affiche en nonchalant sûr de lui-même, laissant quelques fins de vers planer dans les airs. Plus ancré au sol, Tedax fait résonner son lourd pas sur l’instru et multiplie les références à la géographie lyonnaise, non sans disséminer quelques phases puissantes (« Tous les chemins mènent à Rome, prends celui qui mène à la raison, ici, les oiseaux chantent seulement quand les flics sont à l’horizon« ). Une collaboration réussie, qui espérons-le, en appellera d’autres. – Jérémy

Le 14 mars : Asinine –  Comme des pierres (prod. Briac Severe)

A force de multiplier les formats courts, Asinine commence à trouver une vraie identité. Sa première apparition dans nos bilans mensuels est ainsi plus que méritée. Sur « Comme des pierres », elle flirte avec le cloud rap sur un écrin planant parsemé de piano et de violons dramatiques. Sa diction marmonnée cache, presque par pudeur, une écriture soignée faite d’images universelles  (le végétal, le minéral, l’animal, le temps) et pourtant sans doute très personnelles. « Comme des pierres » est un morceau à fleur de peau mais aussi très efficace musicalement, de par ses mélodies et ses variations de production. – Jérémy

Le 14 mars : Souffrance – Les moyens (prod. TonyToxik)

Souffrance fait partie des artistes qui font l’unanimité au sein de notre rédaction. Hiver Automne vient de voir le jour est n’est autre que le quatrième album en cinq ans pour le membre de L’Uzine. Si Tranche de vie a été un opus charnière dans sa carrière solo, ce nouveau projet montre sa capacité à constamment innover en termes de sonorités et de placements. Dans ce sens, les participations de TonyToxik et de Chilly Gonzales semblent essentielles tant en termes de production que de direction artistique. Hiver Automne regorge d’excellents morceaux et « Les moyens », mis en images par HTAG, incarne parfaitement le style du Montreuillois, ancré dans la tradition du rap des années 90 tout en s’ouvrant résolument à la nouvelle génération. Un équilibre subtil entre héritage et modernité. – Jordi

Le 20 mars : Jungle Jack feat. Caballero & JeanJass – L’ère du Verseau (prod. JeanJass)

Il a beaucoup été question de Jungle Jack en 2024, notamment pour son album Jungle des Illusions Vol. 2, entièrement produit par Bagdadi. Teasé depuis quelques mois déjà, l’EP (aux allures d’album) Cognac et cigarettes a enfin vu le jour, et c’est JeanJass qui s’est cette fois-ci chargé de réaliser toute la partie instrumentale. Avec sa science des boucles mélodieuses et ses productions souvent dénuées d’éléments de batterie, la proposition du beatmaker belge dénote avec Jungle des Illusions Vol. 2, mais démontre que le flow de Jungle Jack peut également groover sur des écrins moins nerveux. Sur « L’ère du verseau », il invite JeanJass à enfiler sa casquette de rappeur, accompagné pour l’occasion de son acolyte Caballero, une sorte de match retour après la parution de « Varsity » sur le vinyle Zushiboyz 4 sorti l’été dernier. Sans surprise, aucune rime facile n’est à déplorer dans cette démonstration de rap, et les multisyllabiques et les grandes lignes se succèdent sans discontinuer. « Aucun regret comme Booba – Ali / J’irais bien me faire bronzer le boule à Cali« . – Olivier

Le 21 mars : Absolem – Glasgow (prod. Dee Eye et JeanJass)

« Sur scène les gens me voient briller, comme un jeune héritier, mais pour l’instant, le portefeuille est vide ». Le constat est assez limpide pour Absolem mais n’en est pas moins amer. Le rappeur liégeois désormais installé à BX a la reconnaissance de ses pairs, pour preuve la présence de Dee Eye et Jean Jass sur l’instrumentale du morceau Glasgow. Dee Eye qui a par ailleurs produit la quasi totalité des morceaux de son album Demain c’est demain. Lui qui a commencé si tôt à rapper (11 ans !), a pourtant du mal à avoir une visibilité au niveau du grand public malgré une productivité plus qu’honorable. Il a sorti deux excellents projets ces deux dernières années, il a featé avec des grands noms, de Caballero à Limsa d’Aulnay en passant par Peet ou Bakari. Son rap est de grande qualité, il connaît ses katas, du rap tantôt introspectif, tantôt dans l’egotrip, de belles références notamment footballistiques quand il vient citer le Celtic Glasgow et qu’il en affiche les couleurs sur la cover du morceau sélectionné pour illustrer l’album. On lui souhaite la même réussite et surtout les mêmes supporters que le club écossais. – Rémi

Le 26 mars : Scylla & Furax Barbarossa – 10 jours, 10 nuits (prod. Kendo et Furax Barbarossa)

La connexion paraît tellement évidente entre ces deux-là qu’on avait presque l’impression que ce projet commun existait déjà. Et pourtant non, «10 jours, 10 nuits » est bel et bien le premier extrait d’un projet entier entre le Belge et le Toulousain que certains d’entre nous attendent depuis 2009 et le premier featuring entre les deux sur l’album Immersion de Scylla. 16 ans plus tard sur ce morceau produit par le belge Kendo et co-produit par Fu lui-même, l’alchimie est réelle, le côté passe-passe ajoute à la complicité plutôt que de poser chacun leur couplet l’un après l’autre, les deux rappeurs enchaînent des deux mesures, des quatre mesures, pour nous expliquer le contexte de la création d’un album que tous leurs fans attendaient. La collaboration entre les deux rappeurs a l’air d’aller bien au-delà d’une simple connexion artistique, une réelle amitié qui se ressent au micro mais aussi sur leurs réseaux respectifs quand ils se chambrent dans des stories hilarantes. Scylla et Furax racontent dans ce premier extrait, la première nuit du séjour dans leur salle du temps au Maroc pour créer cet album, et on a hâte d’entendre la suite de cette fructueuse collaboration. Cerise sur le gâteau pour les fans, une tournée à deux est prévue qui passera par Paris, Toulouse, Bruxelles, Montpellier, Nantes, Bordeaux, Lyon ou encore Genève. – Rémi

Le 27 mars : GAL – T-bag sur eux feat. LEDOUBLE (prod. Sheldon)

Second projet de l’année pour GAL, qui est bien décidé à, pardonnez-moi l’expression, tout niquer. Après un magnifique EP entièrement produit par Guydelafonsdal sorti en janvier, le rappeur désormais proche de la 75ème session a sorti Du caviar pour mon chien, un six titres produit par des pointures comme Sheldon (qui dit 7-5 dit Sheldon), Diogènes ou encore Mani Deïz. N’importe quel morceau qui compose cet EP aurait pu se retrouver dans cette édition, mais le featuring avec LEDOUBLE, son refrain « guillotine / roi de France/ T-bag sur eux / pas de danse » et sa prod’ suave à souhait, a ce petit quelque chose qui relève un peu plus, comme une pointe de harissa dans ton assiette de kefteji. – Clément

Le 27 mars : Tisma & Guydelafonsdal – Maria

Le raz-de-marée Guydelafonsdal poursuit son chemin avec cette fois ci le rappeur Tisma, jeune rookie venu tout droit d’Argenteuil. Après le sympathique EP Barefoot avec FFO Rion (dont on vous parlait sur le projet en trio avec GAL et PappyTeddy Bear) il a signé chez LCS Records (le label du Chroniqueur Sale) pour ensuite sortir son premier projet l’an dernier, intitulé Happy Dayz. Un très bon premier opus, porté par des productions très « madlibiennes » sur lesquelles on a pu découvrir la technique et la fluidité de Tisma. Un nouvel EP est désormais disponible, en collaboration avec l’adjoint au maire de MTP, l’inévitable Guydelafonsdal. Des prods aux petits oignons et un Tisma en pleine maîtrise : ça reste en bouche avec une vraie saveur de revenez-y. – Clément

Le 28 mars : Vald – Paradis perdu (prod. Seezy & Manu Manu)

Les morceaux dédiés aux mamans sont légion dans le rap français, et ce depuis les débuts du genre il y a plus de trente ans. Déclarer son amour ou dépeindre la tristesse liée à la perte d’une mère se révèle être un exercice difficile, et on peut imaginer que trouver les mots sans tomber dans l’impudeur ou le mélodrame n’est pas chose aisée. Avec sa trouvaille d’enchaîner les phrases typiques de sa mère sourire en coin, Vald délivre un morceau doux – amer pour évoquer son décès. Dans ce portrait en forme de patchwork qui laisse deviner certains traits de personnalité de sa maman, transparaissent également de manière subtile l’amour et le manque ressentis par le rappeur dyonisien. Et pour ceux qui vivraient sur une autre planète, Vald a sorti fin mars un nouvel album intitulé Pandemonium, et « Paradis perdu », en plus d’être indéniablement un des temps forts du disque, en constitue l’outro. – Olivier

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