C’est probablement l’un des plus beaux mois qu’ait connu le rap francophone ces dernières années. Pléthore de sorties : entre grands retours (Médine, Flynt, Kekra, Vald, Ben PLG, Souffrance), projets marquants (Veust, Infinit’, Jeune LC, Mairo, Tedax Max, Rob, H JeuneCrack) et EPs de jeunes qui poussent forts (Misa, OGLounis, Femtogo, Papi TeddyBear). Bref, le choix n’a pas été simple, mais notre adage reste le même : retour sur le mois de février en 10 bons sons.
Le 7 février: Flynt – Bizi (prod. Yabu)
Un des marqueurs de la carrière de Flynt est sans doute qu’il n’a jamais arrêté de faire le rap que ferait quelqu’un de son âge. Disséminant une discographie au compte-gouttes, le MC du 18ème publie avec Monsieur Julien son quatrième album en 18 ans (!), pas forcément avec la fougue des premiers jours, mais du moins toujours comme sur un terrain de jeu. Un pratiqueur qui pratique dira-t-on, histoire de ne pas trop rouiller. Et avec ce 10 titres court mais complet, sept ans après Ça va bien s’passer, Julien montre qu’il est tout à fait à jour sur les sonorités et bien entouré. Preuve en est ce « Bizi », produit par le beatmaker lyonnais Yabu. – Xavier
Le 11 février : FEMTOGO & neophron – Mme. Riffaud
FEMTOGO (également connu sous le nom de baby hayabusa) est un rappeur français de 24 ans, fondateur du collectif SPK. Il démarre sur SoundCloud (et oui ça existe encore) pendant le COVID avant d’exploser en 2022 avec une série d’EP, dont One Man Army avec le producteur Neophron. Il enchaîne ensuite avec NAMELESS BELLIGERENT, La Bête (avec Vilhelm), puis archives. Inséparable du producteur Neophron, on le retrouve en ce début d’année avec FRANCS-TIREURS PARTISANS, toujours avec Neophron. Cinq titres aux accents boom bap (même si l’expression devient de plus en plus galvaudée), au kickage très carré et aux textes très personnels. Une surprise pour ma part vu que les précédents projets ne m’avaient vraiment pas autant séduit. – Clément
Le 12 février : Souffrance feat. Isha – Meilleur (prod. Kali Kali et B2ny)
On avait laissé Souffrance avec l’EP Éléphant sur lequel il s’était essayé à des sonorités plus électros en sortant de sa zone de confort. Fin de la récréation, retour aux bases, pour le rappeur de Montreuil et membre de l’uZine, parce que comme il le dit si bien, « le rap, cette musique, il n’y a pas meilleure ». Et pour ce faire, quoi de mieux que de faire appel à d’autres artistes qui partagent sa vision des choses comme le belge Isha. Connexion plutôt inattendue sur le papier mais qui devient évidente à l’écoute du titre. Servis par une instrumentale lente et planante signée B2ny et Kali Kali, ce dernier qu’on retrouvait également sur des prods du dernier EP, les deux rappeurs s’en donnent à cœur joie et font ce qu’ils savent faire de mieux du haut de leurs grosses voix graves, du rap d’image, qui raconte leurs vies, leurs réussites et leurs échecs. Non vraiment, il n’y a pas meilleurs que ces deux-là. Ou en tout cas ils en font partie. – Rémi
Le 14 février : OGLounis – Un type normal (prod. Drapsag & Ocyan)
En guise de cadeau de Saint Valentin, OGLounis nous offre Hard Laidbacking Before…, son premier EP depuis OGLounisdelafonsdal sorti en mars 2024. Cinq morceaux avec entre autres trois prods du Pat Riley du rap francophone – j’ai nommé Mani Deïz -, et un featuring avec l’inévitable GAL dont on parlait dans nos colonnes le mois dernier. Cinq morceaux plutôt boom-bap, avec une petite drumless et une ambiance générale très américaine, comme si Nîmes était dans le New Jersey. Le morceau qui nous intéresse ici, c’est « Un type normal » et son groove piano / flûte très 70s-80s, qui laisse la place pour la verve et l’accent chantant de Lounis. C’est juste l’histoire d’un mec miteux avec le bec vide, avide de technique, qui reste calme, jamais ne s’excite. Un type normal quoi.
– Clément
Le 20 février : BEN plg – Paraît que les miracles n’existent pas (prod. Lucci’, Murer et Le Caméléon)
« Paraît que les miracles n’existent pas », c’est le morceau éponyme du nouvel album du rappeur qui a su mettre Tourcoing sur la carte du rap français, ce qui n’était pas une mince affaire. BEN plg vient remettre en doute la célèbre photo sur laquelle on pouvait lire « There will be no miracle here », pour lui ça n’est pas aussi évident. Et il le prouve par le texte « J’ai d’jà passé un entretien en Kipsta, j’ai eu l’job, donc j’crois en tout comme les fous, j’crois en moi, j’crois en nous ». BEN plg est devenu un acteur majeur du rap français grâce à une formule qu’il a créé et qui fonctionne à merveille à savoir textes / interprétation / productions. Cette sainte trinité est encore réunie dans ce morceau grâce à Ben d’un côté et Lucci’, Murer et Le Caméléon de l’autre qui lui fournisse encore une des prods dont ils ont le secret et sur laquelle le Tourquennois s’épanouit à merveille. Et pour prouver, si il le fallait encore, que c’est un homme bien, BEN plg a annoncé en partenariat avec les collègues de Grünt, une tournée de quatre dates à Paris, Nantes, Montpellier et Lille, en mode concert pirate à prix réduit (11€!), pour soutenir la culture en reversant tous les bénéfices à des associations culturelles locales. Qui peut prétendre… ? – Rémi
Le 21 février : Kalash l’Afro – Tout le monde sait (prod. Member K)
Kalash l’Afro est d’une certaine manière un rappeur à part à Marseille. Originaire de Berre-l’Etang, il a débuté à la fin des années 1990 avec son groupe Berreta avant de poursuivre sa route en solo dans la seconde moitié des années 2000, sans jamais être dans la galaxie IAM mais en indépendant. C’est surtout fort d’une signature vocale ainsi que d’une écriture très technique qu’il a réussi à se faire un nom au niveau national et qu’il est une référence pour Jul qui l’a invité sur les deux volumes de 13 Organisé et pour L’Ami Caccio (qui vient de sortir un projet qui découpe). Mais depuis plusieurs années, il s’était fait rare et revoilà Kalash l’Afro avec un EP intitulé IKKI, du nom du chevalier du zodiaque (que tant de générations ont découvert via le Club Dorothée!). Sept titres au menu, trois featurings et le morceau qui nous a le plus plu est donc « Tout le monde sait ». On est ravi de retrouver l’attention portée aux rimes, la gamberge du bonhomme (un constat lucide sur notre société, une réf à la Palestine) et un refrain efficace. On se dit d’ailleurs qu’une interview 10 Bons Sons permettrait de retracer le parcours du bonhomme… A suivre. – Chafik
Le 21 février : Jeune LC – Dans le 10 (prod. Sneaky & M4TIC)
Personnage aussi mystérieux (de par ses parutions évanescentes) que solidement enraciné (les références géographiques sont légion dans ses textes), Jeune LC est longtemps apparu comme une étoile filante du rap français. On ne croyait plus à une sortie d’album de sa part et c’est bien là l’un des belles surprises de ce début d’année 2025. Coton blanc argent sale est d’une grande cohérence, notamment parce-que son principal auteur sait parfaitement dessiner les contours de son personnage. Sur « Dans le 10 », ça parle lutte pour la survie, évolution positive et recherche d’authenticité. Il y prend cette prod’ à la rythmique trap et au sample mélancolique de manière incisive. C’est dynamique, c’est entier, ça donne envie de rouler avec le Jeune LC. – Jérémy
Le 21 février : Veust feat. Zek – Arachide (prod. GrandBazaar, Furio)
Février a été particulièrement riche en sorties. Un des opus phares de ce mois est celui du sudiste Veust portant le nom de Plaza Hotel. Bien entouré par le duo de beatmaker genevois GrandBazaar qui a le vent en poupe et par le talentueux producteur Furio, l’ex-membre de Mic Forcing nous a délivré comme à son habitude un projet de haute qualité. C’est pourquoi, il nous a été difficile de mettre en avant un morceau plus qu’un autre. Nous aurions pu opter pour le titre « Scorcese / De Palma » en duo avec Infinit’ mais c’est finalement le featuring avec Zek, intitulé « Arachide » qui a le plus retenu notre attention. Tant la production que l’alchimie entre les deux rappeurs aux voix si singulières font de ce titre un des meilleurs morceaux de ce début d’année 2025. – Jordi
Le 21 février : Mairo – i.think (prod. Hopital)
Après quelques EP de haute tenue, on attendait de pied ferme Mairo pour son premier album. Et le rappeur genevois a clairement été à la hauteur de nos attentes. Le niveau en rap est toujours aussi élevé et les propositions musicales concoctées avec Hopital sont parfois franchement surprenantes, comme sur « i.think ». Le titre est un perpétuel contre-pied qui démarre sur une rythmique survoltée, sans doute inspirée par l’outre-manche, rythmique qui disparaît sur le refrain pour laisser place à une sirène et des paroles scandées de manière collégiale. Ce n’est pas le titre où les placements de Mairo surprennent le plus, mais il y reste appliqué et hyper-efficace. La tentative, très originale dans sa construction globale, fait mouche, une fois de plus. – Jérémy
Le 28 février : Misa – 44′ (prod. KZK)
Cité dans nos mentions honorables dans notre dossier « Nos rookies 2024 », Misa est un rappeur d’origine algérienne issu la cité phocéenne. On peut le voir notamment dans la Grünt 34 de Zamdane en 2018 et c’est en 2019 qu’il sort son premier single « Akira » sur toutes les plateformes. Depuis, le rappeur marseillais enchaine, sortant des singles, des petits EPs ainsi que des plus gros, notamment 200% en 2020 ou encore Le moteur et le volant en 2022. Cette belle run continue depuis avec en point d’orgue ce dernier et excellent EP, intitulé Portail Blanc. A la prod’, on retrouve des collaborateurs de longues dates comme Mano, Guydelafonsdal ou encore Chavi et Ledouble du côté des featurings. Le sud est encore une fois très bien représenté et la connexion Montpellier-Marseille fonctionne parfaitement bien. Portail Blanc confirme ainsi que Misa est un artiste à suivre de près, imposant peu à peu sa patte dans le paysage du rap francophone. Un EP à écouter en toute hâte. – Clément
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