Axis (ATK), l’interview « 10 Bons Sons »

Rappeur, beatmaker et ingé son, Axis produit de la musique, principalement du rap, depuis bientôt trente ans. Connu pour ses faits d’armes avec son groupe ATK, qu’il a toujours servi en priorité (sinon en exclusivité) aussi bien derrière les machines que derrière le micro, il considère la musique comme un plaisir avant tout, une façon aussi de retrouver ses compères à intervalles plus ou moins réguliers. Avoue que tu kiffes pt.2, peut-être son véritable premier album solo, est sorti il y a quelques jours, l’occasion pour nous de retracer avec lui son parcours en 10 chapitres, depuis le milieu des années 90, jusqu’au mois dernier.

1 – ATK (Antilopsa & Axis) – « Apocalypse 2 ondes de choc » (Micro Test, 1996)

Oh… C’est un des premiers morceaux qu’on ait fait… C’est quoi le nom déjà ?

« Apocalypse 2 ondes de choc »

C’était dans Micro Test ça non ?

Si, c’est un morceau d’Antilopsa et toi.

C’est… 1996 ? Ça date ! (Il réfléchit) En fait tous les morceaux de Micro Test ont un peu créé les groupes dans ATK, c’est comme ça qu’on s’est formé. Avec Antilop c’était notre premier morceau ensemble. Et pour l’instru, ça n’était pas mon premier, mais pas loin.

Tu es crédité de toutes les instrus sur Micro Test.

Oui, Tacteel ne nous avait pas encore rejoints.

Tu t’es mis à faire les instrus parce que tu en avais envie, ou parce que vous en aviez besoin ?

Par nécessité, parce qu’on n’avait personne pour s’en occuper. C’était une autre époque, on ne trouvait pas des prods comme ça. On sortait d’une période où on faisait nos instrus sur des doubles cassettes. On lançait une partie playback, et on enregistrait de l’autre côté sur une autre cassette, on retournait en arrière, et on réenregistrait. On faisait du sample comme ça. (rires) Après on a commencé à bosser dans un studio, dans lequel il y avait un sampleur. J’ai appris à m’en servir et c’est comme ça qu’on a fait des instrus. Mais ce n’était pas ma vocation, pareil pour le mix et l’enregistrement, je l’ai fait par défaut.

Avec Antilop, dans la grande formation ATK des débuts quand vous étiez 25, vous ne rappiez pas dans les mêmes sous-groupes.

Dans la première formation, les groupes s’étaient faits au gré des arrivées et des feelings. Moi j’étais dans la Section Lyricale avec Cyanure (lire l’interview) et Kesdo. Antilop était dans un groupe avec Borami. Mais quand tout s’est splitté, il y a eu Légadulabo et Test et Fredy étaient déjà ensemble depuis le début. Comme on matchait pas mal avec Antilop, qu’on s’entendait bien, on a formé le groupe Apocalypse.

Quel souvenir gardes-tu de ce premier disque ? C’était une fierté ?

Oui, c’était incroyable, c’était une époque durant laquelle produire des vinyles était compliqué. Les plus âgés d’entre nous on avait 17 ans, donc d’autres, comme Fredy, devaient avoir 15 ans.

La première presse de ce vinyle est devenue un objet de collection assez cher.

Moi j’en ai un exemplaire, mais avec deux fois la même chanson, ils s’étaient trompés au pressage. C’était un pré pressage, quasiment le produit final. On venait de le recevoir, on file chez Générations pour l’émission de Zoxea, pour une de nos premières radios. On n’avait pas encore écouté le vinyle, et on lui demande de passer une chanson, sur laquelle on était tous ensemble. Il la passe, et ce n’était pas du tout le morceau qu’on lui avait dit de passer. En rentrant on a compris, on a vu qu’il y avait deux fois le même morceau, et on a fait refaire les pressages.

2 – ATK – « Qu’est-ce que tu deviens » (Heptagone, 1998)

« Qu’est-ce que tu deviens », peut-être l’instru que je préfère parmi toutes celles que j’ai faites. Le sample et la chanson d’origine sont incroyables. C’est même incroyable que je sois un des rares beatmakers à avoir utilisé ce sample. Un des premiers aussi.

Sur cet album tu produis tout l’album à l’exception de deux morceaux…

« 20 ans » et « 7ème sens » sont produits par Tacteel oui.

Et cet album est un peu le disque « signature » d’ATK, qui pourrait définir le son du groupe. En tant que principal architecte sonore, comment définirais-tu ta patte dessus ?

C’est compliqué, je ne sais même pas si j’ai une patte de beatmaker… Disons que mes parents écoutaient vraiment de tout, donc je pouvais sampler du rock comme le morceau « Hydra » de Toto sur le morceau « Heptagone », alors qu’à cette époque on samplait surtout du funk ou de la soul. Et moi j’ai proposé qu’on sample aussi du rock, mais aussi et surtout du classique, vu que j’aimais bien cette musique. Ça avait déjà été un peu fait dans le rap, comme Xzibit avec « Paparazzi ». C’étaient quelques morceaux à droite à gauche, mais ce n’était pas véritablement une trend. Je pense que j’ai un peu ouvert le bal, parce que j’en ai samplé pas mal.

Pour moi il y a aussi une touche mélancolique sur Heptagone, pas présente sur tous les morceaux, mais sur une bonne partie quand même.

Apparemment j’ai ce truc-là sur pas mal de morceaux parce que je suis un peu nostalgique de nature, comme sur « Les rêves partent en fumée » par exemple. Dans ATK on est plusieurs avec des ambiances et des délires différents, donc que tu ne peux pas arriver qu’avec des sons similaires, ça ne va pas marcher.

J’ai mis ce morceau dans la sélection, parce que selon moi c’est peut-être le plus gros classique d’ATK.

Je pense aussi oui, c’est le morceau que les gens connaissent le mieux. Des fois, des gens qui ne connaissent pas trop ATK vont connaître ce morceau ou l’avoir déjà entendu. C’est notre titre le plus emblématique. Ce n’est pas plus mal, c’est un morceau que j’aime bien. Quand je le réécoute je me dis que c’était bien, qu’on a fait ce qu’il fallait.

Il a la particularité de bien présenter le groupe, puisque tout le monde pose dessus, et que chaque binôme avait son couplet.

C’est aussi ce qui a dessiné la marche à suivre pour la suite du groupe. En même temps ça fait longtemps, c’est vieux.

3 – Test feat. ATK – « Flashback » (Testosterost, 2000)

C’est Prestige ? Non, Section Est ?

Tu n’es pas loin…

Testosterost ?

Exactement. C’était une époque pendant laquelle on attend un deuxième album qui ne vient pas, Antilopsa a signé chez Nouvelle Donne, Test est avec Rost, Freko est parti en solo. Et là on a un signal qui laisse penser que ce n’est pas complètement fini avec ce morceau.

Oui, et puis il est pas mal ce morceau, c’est un de mes préférés. C’est un morceau d’ATK sur l’album de Test & Rost. Je me rappelle même du jour où on a été enregistrer. Test (lire son interview « 10 Bons Sons ») avait cette volonté de mettre la patte ATK sur l’album. C’est moi qui fais l’instru, et c’est le seul que j’ai réalisé pour son projet, ce qui démontrait une vraie volonté de faire du ATK sur ce morceau.

J’en parlais avec Test, sur Heptagone on ne retrouve que deux morceaux avec ATK au complet, alors qu’on en retrouve plein sur des projets extérieurs type mixtapes ou compilations.

Comme Test te l’a expliqué, quand on nous demandait en featuring ou sur une mixtape, tout le monde venait. La plupart du temps on venait tous, avec des six ou des huit mesures. Quelques fois on nous a dit « deux ou trois mecs max », comme sur « Rapide comme un serpent » avec M Group parce qu’il y avait déjà beaucoup de monde sur le morceau.

Tous ces morceaux, regroupés sur les deux premiers volumes d’Oxygène, ont permis de combler un peu le manque de ce deuxième album d’ATK qui tardait à venir. Ça faisait une bonne banque de morceaux.

Il y a Silence Radio qui est arrivé en 2007 quand même.

Neuf ans plus tard, alors que dès 2000 il y avait une attente.

Oui, ça a été la période creuse du groupe, où on sortait d’Heptagone, et des membres espéraient des choses qu’ils n’ont pas eues. Freko et Antilop ont mis le groupe de côté pour engager leurs carrières solo. Ça a créé une scission, et pendant ce temps-là les autres ont été faire autre chose : Fredy a ouvert ses magasins, Cyanure et moi avons commencé à bosser, c’était une transition école / vie active qui n’était pas spécialement propice à faire de la musique.

Il y a un morceau qui s’appelle « Soir de pluie », un solo de Fredy K aussi, « Seul Eyes », qui semblaient être destinés à un deuxième album.

En fait on avait fait une tentative juste après l’album. Pour ça on avait récupéré un multipistes Akaï que Dontcha nous avait prêté, et on avait enregistré une série de maquettes. Sauf que ça s’est arrêté là. On a retrouvé les maquettes plus tard, et Fredy les a mis dans les projets Oxygène. C’étaient des morceaux perdus à la base, et malgré les Oxygène, beaucoup ne sont jamais sortis.

4 – Antilopsa feat. ATK & Zoxea – « Attaque à mic armé 2 » (L’encre en guise de larmes, 2004)

« Attaque à mic armé 2 » non ? On avait fait le premier sur Nouvelle Donne, et comme Antilop était signé chez Nouvelle Donne, et qu’il a voulu faire un morceau ATK dans son album, ça a donné ce morceau.

La même année sort Oxygène 3, avec de nouveaux morceaux d’ATK, mais sans Freko ni Antilopsa. Malgré tout Antilopsa, vous invite sur son album.

Oui, il nous a invités, et on y a été. Je ne trouve pas le morceau incroyable, je n’aimais pas trop l’instru.

Je l’ai un peu mis parce qu’on a affaire à un morceau d’ATK, sans le son qui vous caractérise.

L’instru n’est pas de moi. Je n’étais pas un grand fan de cette instru, et je ne crois pas que ça ait changé. C’était trop précis, trop clair, trop travaillé. Tu me demandais ma patte sur mes instrus, en général ce n’est pas trop travaillé, et quand il y a du boulot tu ne l’entends pas vraiment. Moi j’ai été élevé à la Mobb Deep : une boucle, un beat.

Tu ne tritures pas trop les samples ?

Non, parce que, même si je ne fais pas que du sample, quand je sample, c’est souvent des morceaux que j’aime, et j’ai envie que les gens écoutent la partie que j’apprécie. Il y a aussi une forme d’hommage. C’est une boucle issue d’un morceau que j’aime bien, et je veux que les gens s’en rendent compte. Sinon je produis moi-même, je compose directement. Je ne suis pas trop dans le découpage de samples.

Tu le disais, ce morceau est la suite d’« Attaque à mic armé », morceau important dans l’histoire d’ATK.

C’est le morceau le plus important dans l’histoire d’ATK. Pas le plus connu, le plus emblématique restant « Qu’est-ce que tu deviens », mais « Attaque à mic armé » nous a vraiment lancés. C’est Zoxea qui a lancé notre carrière, clairement, avec ce morceau-là et les invitations dans son émission sur Générations.

C’était déjà un dénicheur de talents.

Même plus tard avec le groupe 1995. D’ailleurs je n’ai pas trop compris les histoires entre 1995 et lui. Ils l’accusaient de plein de trucs, et j’ai trouvé ça bizarre parce qu’on n’a pas eu du tout ce type de soucis avec lui. Il a lancé notre carrière et il ne nous a jamais rien demandé. S’il y avait une personne avec qui il était un peu ami dans le groupe c’était moi. On se croisait souvent. Pour « Attaque à mic armé » j’avais fait toute la structure de l’instru, mais je n’avais pas de basse. Il est venu à la maison, et c’est lui qui a tapé la basse du morceau avec son piano, en une seconde. Pour nous c’était un grand de par son parcours avec les Sages Poètes. J’étais impressionné quand on bossait ensemble. Quand il a posé, il a rendu tout le monde fou. On a réalisé qu’on n’avait pas encore le niveau d’un mec comme lui. C’est un des meilleurs rappeurs français.

5 – ATK – « Avant la tombe » (Silence radio, 2007)

C’est un morceau un peu spécial puisque Fredy K est mort quelques mois après avoir écrit son couplet pour ce morceau, dans lequel il parle de sa mort.

J’ai choisi ce morceau parce que c’est un des trois seuls que tu produis sur ce deuxième album.

C’est possible, Silence Radio a été fait de manière très spéciale, par Fredy, contre la volonté de tout le monde. Personne ne voulait s’engager dans un nouvel album, mais il arrivait quand même à nous tirer un par un, morceau par morceau. C’est pour ça qu’il n’y a pas beaucoup de prods de moi, je pense qu’à l’époque j’étais en train de faire autre chose. Il a réussi à me gratter trois prods que je devais avoir à gauche. Ce ne sont pas mes meilleures prods d’ailleurs. « Il verse un sourire » est une de mes premières instrus sans sample par exemple. Je commençais à tâtonner des trucs.

Fredy a même réussi à faire revenir Freko.

Oui, Freko avait compris que sa carrière solo n’allait pas décoller, et je pense qu’il a eu besoin de reconnecter. Mais Antilop n’est pas dedans, il était encore dans ses trucs solos.

A posteriori, vous êtes contents qu’il soit sorti ?

Ça a été le grand truc entre Fredy et ATK. Personne ne trouvait l’album qualitatif, on ne voulait pas qu’il sorte, pour nous il n’était pas terminé. Et Fredy nous a dits : « Rien à faire, je l’ai fait, on le sort. » On n’avait tellement pas la main dessus qu’on ne savait pas ce que ça allait donner. On avait écouté des maquettes au fil du temps, pas plus. Au final quand il l’a sorti, il avait quand même pas mal bossé, nettoyé et arrangé l’ensemble, donc ce n’était pas si mal que ça. Le fait qu’il décède pas longtemps après nous a donnés à tous une bonne leçon : il faut sortir les trucs, et arrêter d’être éternellement insatisfait. Sinon tu ne sors rien. Fredy avait bien compris ça. Je ne sais pas pour les autres, mais Fredy et moi avions des désaccords là-dessus, je n’étais pas très content quand il l’a sorti.

A cette époque Fredy et Cyanure avaient une aventure à côté avec le Klub des 7 et l’Atelier, Antilopsa était occupé chez Nouvelle Donne, et toi, il me semble que tu t’es aventuré dans l’électro…

Oui, j’ai fait des génériques pour des émissions de télé comme « Tellement vrai » sur NRJ 12. A la base je n’étais pas beatmaker, donc j’ai appris à faire des beats et sampler. Ensuite j’ai appris à produire sans sample, donc j’ai commencé à composer. Puis je me suis dit que j’aimais la musique dans toutes ses formes. Il y a un courant qui s’appelait l’électro funk à une époque, j’aimais bien, et avec mon petit frère on a fait un album qui n’est jamais sorti, mais dont les morceaux ont servi à des génériques d’émissions de télé. Pour revenir à ce qu’on disait, par rapport aux autres, moi j’étais plutôt dans le démarrage de ma vie active : trouver un taf, mes premiers boulots…

6 – ATK – « Pas facile » (FK pour toi, 2009)

Je ne me rappelle pas de ce morceau.

C’est le titre d’ATK sur l’album FK pour toi. Je l’ai sélectionné parce que dans ton couplet du abordes justement ces désaccords avec Fredy K. Je trouvais ça courageux d’en parler sur un album hommage justement.

J’ai ma petite histoire avec Fredy, même si je ne crois pas en avoir parlé dans mon texte. Mais à la sortie de Silence Radio, Fredy et moi on a des désaccords artistiques qui courent depuis un moment, parce que je trouve aussi qu’il y a des morceaux sur les Oxygène que je ne voulais pas voir sortir, qui étaient vraiment vieux. Ce n’était pas très grave, on s’entendait quand même. Deux jours avant son accident, le matin, en allant au taf, vers 8h30, alors que je bossais pas loin de Porte de Clignancourt, je croise Fredy K. On n’habitait ni l’un ni l’autre dans ce quartier-là, et je ne voyais jamais Fredy K à 8h du matin nulle part ! C’était un artiste, il travaillait plutôt de nuit, je lui demande donc ce qu’il fait là. Il me donne une réponse tellement bizarre que je ne tilte même pas. Du coup on discute, vu qu’on ne s’était pas vus depuis la sortie de l’album, et on en a profité pour régler nos différends. J’étais dans un état d’esprit où je me disais que c’était lui qui avait raison : si on n’avait pas sorti Silence Radio, on ne l’aurait jamais sorti, il ne faut pas trop se branler sur les trucs. Je lui fais presque un mea culpa, puis je pars bosser. Il décède deux jours après, et je trouve que c’est un coup de chance d’avoir eu l’occasion de régler mes comptes avant. J’ai eu une chance inouïe d’avoir pu faire table rase, et de le laisser partir sans qu’il y ait de malentendus.

Sur cet album hommage à Fredy K, on retrouve beaucoup de grands noms du rap français. Il y a une forme de reconnaissance, tardive, du milieu pour Fredy, et peut-être par extension pour ATK.

Je ne suis pas sûr que c’était destiné à ATK. Fredy K avait beaucoup de connexions, il avait son petit studio, il était hyper apprécié, et les gens qui sont venus, sont venus lui rendre hommage à lui. C’était des gens qui bossaient avec lui. Après j’imagine que par extension ils appréciaient ATK, mais les gens qui sont venus l’ont fait pour lui.

7 – Futur Proche feat. Sëar Lui-Même, Pand’Or, Alpha Wann, Nekfeu, Cyanure & Axis – « Corde raide » (2011)

Aaah. Futur Proche, c’est mes potes. A la base il devait y avoir Cyanure, eux deux et moi. On pose, et ils nous rappellent un mois plus tard pour faire un clip, et on se rend compte qu’il y a aussi Sëar sur le morceau, qu’on connaît bien, et d’autres gars qu’on ne connait pas. Je ne connaissais ni Pand’Or, ni Nekfeu, ni Alpha Wann. C’était juste avant que 1995 explose. Je n’ai pas croisé Nekfeu parce qu’il n’était pas là le jour où je suis venu clipper. Par contre j’ai rencontré Alpha Wann, avec qui je me suis super bien entendu, hyper cool. Le morceau très chaud, que ce soit Sëar, Pand’Or qui envoie pas mal, et Nekfeu et Alpha qui sont bouillants.

Ce sont trois générations de rappeurs qui se croisent, entre votre génération avec Sëar, celle du milieu avec Futur Proche, et la jeune génération d’alors avec Pand’Or et 1995.

Exact. Ils ont reçus des critiques pour ce morceau, on leur a dit qu’ils surfaient sur le succès de 1995, alors que le morceau a été fait avant leur explosion. Il a bien marché quand Nekfeu a explosé, je pense que des gens sont retombés dessus. C’est dommage, parce que c’est toujours cool de réunir des mecs comme ça. J’ai toujours kiffé faire des nouvelles rencontres à travers la musique.

Le clip colle bien avec le son, on voit les générations chiller ensemble, il en ressort une bonne ambiance.

Ça reflète l’ambiance hyper cool du tournage, on se découvrait plus ou moins les uns les autres.

L’instru est très ATK.

Je pense que c’est parce qu’à la base le morceau c’est nous et eux. Et il faut savoir qu’en général, quand on nous invite en featuring, et que ce n’est pas moi qui fais l’instru, on se retrouve avec un instru ATK.

Peu de temps après il y a un morceau avec Crown, « En roue libre », qui vous sert aussi une instru très mélodieuse et mélancolique.

C’est ça, les gens voulaient nous voir sur du ATK quand ils nous invitaient, ils nous proposaient des instrus dans ce style. Au bout de 15, tu as envie de demander aux gens s’ils n’ont pas d’autres instrus. A la fin je n’en pouvais plus. A l’image d’« Heptagone », sur lequel tu retrouves un sample de Toto, on aimait bien faire autre chose que du classique piano / violon mélancolique.

Cela veut aussi dire que vous avez un héritage.

Oui, ça a duré un temps dans le rap, mais assez vite ça a évolué. On n’entend plus beaucoup la patte d’ATK dans le rap, même si le boom bap revient en force, notamment chez les cainris. 1995 l’ont aussi remis à la mode quand ils sont arrivés. Moi j’aime bien tout. Je ne fais pas de drill, c’est sûr, mais en termes de batterie, de BPM, je me suis un peu inspiré. J’en écoute pas mal en vrai, mais que de l’anglaise.

8 – Axis feat. Test – « Addiction » (2012)

Que te dire d’« Addiction » ? Un sample incroyable, je le mets au même niveau que celui de « Qu’est-ce que tu deviens ». Avec mon pote Test on avait fait « Cérébral », on aime bien faire des morceaux à deux. D’ailleurs je suis déçu de ne pas l’avoir sur mon nouvel album. J’ai fait un duo, mais avec Cyanure ce coup-ci. Test n’y est pas parce qu’il était occupé sur son projet. Et mon album a été fait en trois mois, je n’ai pas trop chômé.

« Addiction » sort sur un maxi deux titres, avec le morceau « Avoue que tu kiffes ». Sur la pochette on retrouve le logo d’ATK en gros. Même en solo, le groupe continue d’occuper une grande place pour toi.

J’ai beaucoup de choses à raconter sur mon aventure avec ce groupe, et j’aime bien le storytelling. J’aime le morceau « Avoue que tu kiffes » parce qu’il raconte ma version de l’histoire, j’ai eu de bons retours dessus. Quant à « Addiction », il fait suite à « Cérébral », un morceau qu’on aime bien avec Test, qu’on joue sur scène. L’idée était de donner une suite à ce morceau, deux textes, sans refrain. On l’a nommé « Addiction », juste un mot, comme « Cérébral », qui ouvre plein de portes. C’était notre concept.

Ces deux titres se retrouvent sur ton premier album…

(Il coupe) Album qui ne sortira jamais, parce que je suis bon pour produire de la musique, mais pour ce qui vient après je suis médiocre. D’ailleurs j’avais bossé avec un mec qui avait ouvert une sorte de campagne de financement pour le sortir, et il s’est barré avec l’argent. Il y en avait pour 2000 balles. Ça ne veut rien dire de partir avec cette somme-là ! A cette époque je travaillais, donc je les ai sortis de ma poche, et même un peu plus, et je me suis remboursé avec les vinyles que j’avais pressé en plus. Mais ça m’a fait chier au plus haut point. Je l’ai fait parce que les gens avaient payé,il leur fallait un truc. Ils ont donc tous reçu leur vinyle avec ces deux morceaux, mais ça m’a gonflé. Ce n’est même pas le fait de m’être fait arnaquer, mais plutôt de devoir faire toute la partie pressage et envoi des vinyles. C’est pour ça que quand on me demande si je fais des vinyles pour mon nouvel album, je réponds que non. Moi je fais de la musique, et je ne m’associe plus avec personne parce que j’en ai marre d’avoir des problèmes. On est en 2023, vous l’écoutez où vous voulez, et si vous le voulez en physique, vous le pressez vous-mêmes ! Je fais de la musique, pas de la paperasse ou des envois. (rires)

Mais un album douze titres nommé Addiction, et contenant ces deux titres est sorti sur les plateformes en 2018.

Quand on a signé pour le dernier album d’ATK, le label a entendu que j’avais un album. Il a tout récupéré, et a voulu le sortir. Il faut savoir que l’album, tel qu’il est sur les plateformes, n’est ni mixé, ni masterisé, ni même terminé ! Par exemple, il y a un morceau dans lequel il manque le refrain. Il y en a un autre où Fredy rappe, mais sur lequel je n’ai pas eu le temps de poser (« Seul eyes », ndlr). Tu sens que l’album n’est pas terminé, qu’il s’est arrêté en cours de route. Mais bon, je préfère qu’il soit sorti comme ça que pas du tout. J’aurais bien aimé qu’il sorte à l’époque, mais il y a dix ans ce n’était pas aussi simple de sortir un projet sur les plateformes. Il fallait trouver un distributeur, signer des contrats, et dès que je rentrais dans des discussions avec ces gens-là, je n’y arrivais pas. Donc ce n’est jamais sorti.

Cet album s’appelle Addiction, pourquoi ?

En réalité il n’avait pas vraiment de nom, le label a choisi ce titre parce qu’il estimait que c’était celui que préféraient les auditeurs. Ils ont même remis les instrus des deux morceaux du maxi sur l’album, chose que je n’aurais jamais faite. Je n’aurais jamais mis les pistes instrumentales sur un album ! Mais au final, si on regarde les écoutes, les instrus sont plus écoutées que les morceaux eux-mêmes. (rires)

9 – ATK – « Comme on a dit » (Comme on a dit, 2018)

Premier morceau du dernier album d’ATK, du même nom. Je n’ai fait aucun instru sur cet album, par contre je les ai tous validés. C’est pas du 100% ATK, mais j’aurais pu les faire. La première chose, c’est que sur le premier album d’ATK, je considérais qu’en termes de rap, j’étais en dessous de ce dont j’étais capable, parce que j’avais en charge les instrus, l’enregistrement et le mix. Sur cet album-là j’ai annoncé que je ne ferais pas d’instrus ou très peu, pour me concentrer sur mon rap. Le deal était qu’ils devaient m’envoyer des prods et que je les valide. Cyanure et Antilop avaient fait un premier choix d’instrus sur lesquelles on a commencé à faire des maquettes. Sans que je sois derrière les instrus, on retrouve quand même mon style, globalement.

Le rendu est moins homogène que sur Heptagone.

Forcément, on a plein de prods de divers beatmakers, faites de manières différentes, donc ça se ressent un peu.

Toutes ces années, les collaborations le montrent, tu es resté proche de Test et Cyanure. Comment se sont passées les retrouvailles avec Freko et Antilop, en tant que collectif ?

J’en parle dans mon morceau, ça s’est passé exactement comme pour le premier album, très bien. On s’est tous bien entendu, ça a été une grosse surprise. Bon, il y a eu quelques chamailleries, mais je ne pensais pas qu’on puisse tous se retrouver ensemble dans un studio avec cette ambiance-là. Ce n’est pas dû qu’à ATK, c’est aussi grâce à des mecs comme Loko, avec qui on gravite depuis longtemps. Le fait qu’il ait fait tous les arrangements nous a remis dans l’ambiance dans laquelle on était pour le premier album. C’était incroyable, inespéré. Tu m’aurais parlé d’un album d’ATK deux mois avant, j’aurais rigolé.

Tu as eu un grand rôle sur Heptagone, Fredy K sur Silence Radio. Sur Comme on a dit c’est Antilop et Cyanure qui ont été moteurs, c’est ça ?

C’est eux qui ont allumé la mèche, qui ont donné la couleur à l’album. Antilop est un des mecs les plus ATK du groupe, il sait ce que c’est, il sait en faire. Après je pense qu’on a tous notre style, mais que chacun sait faire du ATK. Sur chacun de nos solos tu auras une touche ATK. Sur mon nouvel album, le duo avec Cyanure est comme ça par exemple.

Sur cet album d’ATK, tu ne produis pas, mais on retrouve Tacteel.

C’est un vieux truc qui court entre lui et moi : il s’est beaucoup plaint que je sois trop présent sur le premier album. Sauf qu’il oublie qu’il était dans ses études, et qu’il n’avait pas le temps, donc ça a été un concours de circonstances. Ce n’était pas une volonté de ma part. Ce n’est pas vraiment un problème entre nous, mais il regrette de ne pas avoir fait plus de prods. Arrive Comme on a dit, et je me dis que je vais faire amende honorable, et pousser les prods de Tacteel. Donc je lui en demande deux ou trois, j’en propose une à Antilop, et on fait « Les gens comme nous », que j’aime bien, et qui n’a pas eu l’écho qu’il méritait selon moi.

10 – Axis – « Avoue que tu kiffes pt. 2 » (Avoue que tu kiffes pt. 2, 2023)

La suite. J’avais envie de faire un morceau un peu comme le premier, sur toute l’aventure qu’on a vécue sur le dernier album d’ATK. Elle est incroyable, comme je te disais, c’était inespéré de se retrouver tous les six avec Tacteel à faire un album. C’était inimaginable, même au moment où on le fait on ne réalise pas. Ça s’est joué sur plusieurs tableaux : il y a eu la partie studio pour l’album, mais aussi toute l’aventure scénique, avec des concerts tous ensemble, ce qui était encore plus improbable ! (rires) On a fait plusieurs fois le Demi Festival, deux soirées pleines à craquer pour les 20 ans, plus la tournée pour l’album. Ça a duré six mois quand même, comme en 1998, la même ambiance, les mêmes délires, c’était même flippant de pouvoir revivre ça. C’était cool, rafraîchissant.

Après, comme le dit le diction : « chasse les démons ils reviennent au galop ». Il s’est repassé la même chose que la première fois, Freko et Antilop veulent faire des albums solo. On se retrouve dans le même schéma, je trouve ça rigolo. C’est pour ça que je dis : « on se donne rendez-vous dans dix ans ». C’est comme ça que ça fonctionne chez nous. On fait un album, on s’embrouille, on se retrouve dix ans plus tard. (rires) Ça prouve qu’on n’est pas rancuniers ! Les groupes c’est dur ! Trouve-moi un groupe qui perdure autant, à part IAM peut-être. C’est pour ça qu’aujourd’hui tu ne vois plus de groupes, nulle part. C’est compliqué, ça coûte cher à faire tourner. Les tourneurs adorent le rap, c’est trois personnes : un rappeur, un DJ, un backeur. Quand ATK débarque c’est neuf billets, neuf chambres d’hôtel… Et on n’attire pas suffisamment de gens pour que les mecs prennent le risque. Pendant la période de l’album ça allait, parce qu’on avait un peu de buzz, on en a profité.

Sans cet album d’ATK en 2018, y aurait-il eu un nouvel album solo de ta part ?

Je pense que oui. L’album de Test m’a un peu chauffé aussi.

Entre Comme on a dit et ton nouvel album, il y a eu Prestige.

Oui. Le label a pressé ce premier disque, enregistré en 1999. Je m’étais débrouillé pour produire tout un disque, puis rien. C’est ma spécialité. Notre label l’a ressorti vers 2018, mais j’avais fini par le donner gratuit sur internet en 2008, tu pouvais l’avoir déjà entendu sur YouTube.

Ce que je voulais dire, c’est que vous avez fait un nouveau projet Prestige après Comme on a dit.

Oui parce que pendant la période Comme on a dit, Grödash (lire son interview « 10 Bons Sons ») d’Ul’Team Atom était notre manager, ce qui a fait revivre Prestige (collectif commun à ATK et Ul’Team Atom, ndlr). On refait quelques morceaux, et un peu hypés par tout ça, Ul’Team Atom a voulu refaire un album de son côté, ce que je pouvais comprendre, donc ça n’a pas duré très longtemps. Mais c’était cool, il y a eu quelques bons morceaux.

Sur ce nouvel album solo, tu produis l’intégralité des morceaux ?

Sur cet album il y a huit morceaux de rap, parmi lesquels un seul produit par mon frère, sur lequel je parle de mon accident de voiture. Tout le reste c’est moi, le morceau de musique classique aussi. La chanson que j’ai écrite pour mon petit neveu, en mode reggae, est produite par mon père. Mon frère venait d’avoir un enfant quand j’ai écrit cet album, et comme ma belle-sœur aime le reggae, je lui ai dit que je lui écrirais une chanson pour son fils. C’est plus du reggae mélangé à du rock, à la Police.

As-tu gardé du sample sur cet album ?

Oui, beaucoup ! Il y a de la compo sur le morceau de musique classique, mais tout le reste c’est des samples. L’instru qu’a faite mon frère c’est le sample d’un jeu vidéo, le morceau avec Cyanure c’est un sample de pop rock assez récent. Pour ne pas que ce soit trop grillé, parce que le morceau est assez récent, j’ai inversé les mesures. Certains samples viennent de CD de samples, c’est des mecs qui produisent des boucles.

Sur cet album tu as ralenti le BPM, et tu as davantage joué avec ta voix que sur les précédents projets.

Exact. Je suis un musicien avant tout. Le rap est ma musique favorite, mais pour mon album solo j’avais envie d’explorer quelques trucs. Dans l’album Heptagone, déjà, je faisais partie de ceux qui avaient des refrains chantés. J’ai toujours aimé ça, mais je ne suis pas chanteur, et dans le rap c’est assez compliqué parce que ça se fait moins. J’essaie quand même d’en placer tout en essayant de rester hip-hop. Je ne sais pas si ça coule ou pas.

On ose quand même plus chanter dans le rap qu’il y a 20 ans.

Oui, c’est vrai, j’en profite quand même un peu, je fais des trucs que j’ai toujours voulu faire. Et puis pour les BPM, je me suis inspiré de la drill, qui comporte des BPM beaucoup plus lents. J’ai repris ce code-là, mais toujours avec une mélodie quand même. Pour que je sois imprégné par un instru, il faut que je puisse directement fredonner l’instru derrière. Je peux rapper sur de la drill, j’aime en écouter, mais je ne suis pas bon pour faire ce genre de trucs. Je ne fais pas de la musique pour enjailler, c’est plutôt un exutoire pour moi. Cet album-là c’est ma thérapie. (rires)

Au niveau du chant, est-ce que c’est parce que tu acceptes davantage ta voix aujourd’hui ?

Ce qui est sûr, c’est que ce que je fais aujourd’hui, je n’aurais pas été capable, techniquement, de le faire il y a dix ans. Je ne m’en sentais pas capable en tout cas. Avec du recul, ce n’est pas si compliqué, je compose des instrus, donc une fausse note je l’entends tout de suite. Chanter c’est faire en sorte qu’il n’y ait pas de fausses notes. (rires) J’ai une voix type basse donc c’est compliqué des fois. Je ne peux pas monter plus haut que sur « Avoue que tu kiffes pt. 2 » par exemple. Sur cet album je m’éclate, je fais ce que j’ai envie de faire, il n’y a personne derrière moi.

D’ailleurs je le file gratuitement. Il va sortir sur les plateformes parce que plein de gens ont des abonnements, et pourront l’écouter comme ça, mais tu peux aussi aller sur Bandcamp et le télécharger. Je ne le fais pas payer parce que je n’ai pas mis d’argent dedans. Et c’est un grand débat, beaucoup de gens ne sont pas d’accord, mais pour moi, l’art, en général, devrait être gratuit. En tout cas, comme j’ai la possibilité de le faire, je le fais. Je n’ai pas besoin d’argent puisque je travaille à côté. Je n’ai pas faim, je ne me vois pas faire payer mon album à des gens. Si j’avais faim, ou que j’avais mis de l’argent dans l’album, oui, je le ferais payer. Mais je l’ai fait pour mon plaisir, je ne vais pas récolter de l’argent derrière. Les streams et les vues peuvent rapporter de l’argent, certes, mais ce n’est pas l’objectif.

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