Comme tous les débuts de mois, place au bilan rap francophone du précédent, en dix chapitres.
Le 18 mai : Mairo feat. H JeuneCrack – « Merci bonne journée »
Depuis son très bon Rougemort sorti en 2021, on attendait un nouveau solo de Mairo. Bien sûr, il y a eu le trois titres Qui a volé le soleil ? avec Slimka en mars dernier, mais on était quand même un peu restés sur notre faim. Nos vœux sont donc exaucés puisque le rappeur suisse a sorti Omar Chappier, projet teasé avec le très bon « Nouvelle écriture » que j’avais injustement oublié le mois dernier. Le résultat est à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre, à savoir un projet très consistant, homogène, où ça rappe fort sur tous types d’instru, avec des invités de qualité. Sur le morceau qui nous intéresse ici, on retrouve le bouillant H JeuneCrack (également à la prod’) pour un passe-passe d’école. Mention spéciale à ce fameux troisième couplet, si cher aux vieux cons que nous sommes. – Clément
Le 19 mai : L’Uzine – « Cube » (prod. Effet Papillon)
Quand nous parlions de L’Uzine pour la première fois en 2012, le groupe montreuillois possédait déjà sa patte, malgré une audience plus restreinte. Onze ans plus tard, les plumes se sont affûtées, Souffrance est revenu partager le micro aux côtés de Cenza, TonyToxik et Tonio le Vakeso, une flopée de disques ont vu le jour, mais le mindset n’a pas changé. Surtout, la complicité s’est encore renforcée, en témoigne le morceau « Cube » présent sur La 26ème lettre, leur nouvel album, un titre sur lequel le micro passe d’un rappeur à l’autre avec fluidité et cohérence, sans refrain, qui sent bon la séance d’enregistrement en équipe. Quant à cette absence de structure classique du type couplet / refrain / couplet / refrain, Cenza nous en parlait déjà il y a trois ans, dans l’interview qu’il nous avait accordé avec TonyToxik pour l’album précédent de L’Uzine : « Ce truc un peu « cafouillage » est instinctif, ça ramène une ambiance à un morceau, ça change des structures basiques. Dans beaucoup de sons qui m’ont inspirés, des sons à l’ancienne que j’écoute encore, il y a beaucoup de morceaux déstructurés, souvent dans des groupes de plus de trois rappeurs. C’est un truc que je kiffe.« – Olivier
Le 5 mai : Sat, Graya & Sysa (Chroniques de Mars III) – « L’Impasse«
Et de deux. Après un premier extrait efficace entre Shurik’N, Elams et Manny, Reda, producteur du volet trois de la saga Chroniques de Mars, nous envoie une bien belle bastos avec ce deuxième morceau. Au programme, un trio mêlant ancienne et nouvelle école, vieille gloire et rookies aux dents longues, avec Graya, rappeur de La Castellane et Sysa, de La Cayolle (qui avait fait parler de lui sur « Miami Vice »). Mention spéciale à Sat, qui ouvre le morceau (comme souvent avec la FF) et le met sur orbite avec une presta encore une fois haute volée (quand balancera-t-il un petit EP ?). Après Les Affranchis de Scorsese, c’est L’Impasse de De Palma qui a inspiré les trois phocéens. Quand on sait que dans l’album, le producteur Reda a réussi à réunir sur un même titre Akhenaton & Sch, on se dit qu’il a mené son affaire de main de maitre, lui le néophyte (une interview sur les coulisses de Chroniques de Mars III arrive tout prochainement). – Chafik
Le 18 mai : Zmail feat Infinit’ – « Versace » (prod. Brilliant Corners)
En 2015, le maire de Nice s’était fait mettre à l’amende par Inifinit’ sur le titre « Christian Estrosi », avant que ce dernier n’en remette une couche sur le remix avec Alpha Wann, nekfeu, Alkpote, Greg Frite, Millionnaire, Eff Gee, Mr Agaz et un certain Jeune Zmaël, qui souffrait un peu de la comparaison avec les rimeurs d’élite présents sur ce posse cut de haute volée. Huit ans plus tard, voilà qu’on retrouve ce jeune pousse sous le nom de Zmaïl pour la sortie de Intense City, première carte de visite du Niçois. Produit par DBF (D’en Bas Fondation), l’ombre de Veust et d’Infinit’ plane forcément sur ce kickeur qui perpétue la tradition des gâchettes de l’école du 06 (avec Sako, Masar, Coloquinte, sans oublier Zippo ; Nicolas Rogès pourrait ainsi donner suite à son ouvrage sur Boulogne). Le morceau « Versace » permet d’entendre Inf’ qui se fait bien trop rare et de sentir la complémentarité entre les deux zins (« à la Nate Dogg et Warren G »). Surtout, le feat pourrait donner de la visibilité au jeune Z (celui avec avec Veust aussi d’ailleurs). Si vous aimez la rime, les flows variés, les egotrips, ce huit titres, c’est heja le top. – Chafik
Le 23 mai : Lpee – « East London » (prod. Paior808 & Danil040)
Et Régulièrement, LPee apparaît dans ces colonnes. Toujours pertinent, de plus en plus performant, souvent là où on l’attend, mais quelques fois, comme aujourd’hui, là où on ne l’avait pas vu venir. Comment ? Une petite guitare coincée dans des aiguës aguicheurs et un BPM avec un avant goût de vacances ? Le spleen habituel du Parisien prend les couleurs d’une légèreté toute estivale, mêlant les anciens quartiers ouvriers qui bordent la Tamise au vibrant Paris Nord qui lui colle à la peau. Sans surprise, on se laisse porter en se disant que décidément, on est rarement déçu par la balade. – Sarah
Le 19 mai : Fadah – « Le dernier » (prod. Dr Devil)
Ce mois de mai aura été l’occasion pour Fadah de revenir sur le devant de la scène. Deux ans après la sortie de Chaudar, il est de retour avec ce single fracassant pour annoncer la sortie récente de son nouvel EP Déluge. Entouré d’une équipe solide, formée entre autres par les beatmakers Dr Devil et BLV, le Toulousain apparaît plus que jamais déterminé à faire valoir son talent. Même s’il semble avoir dû faire face à une nouvelle remise en question personnelle et artistique, hors de question pour lui de faire des concessions pour atteindre ses aspirations. Et ce, quitte à prendre le risque de rester le dernier. – Jordi
Le 18 mai : Ol Zico feat. Souffrance : « Y’a R » (prod. James Digger)
On ne compte plus les couplets de Souffrance posés en feat qui sortent chaque vendredi ou presque, le MC montreuillois est partout, prêt à cracher son feu avec l’application qu’on lui connaît. Quand il croise le fer avec Ol Zico, dès la première écoute, il se dégage cependant un petit truc en plus. La prod de James Digger, habitué à travailler sur les projets de L’Uzine, ne doit pas y être pour rien. Mais c’est aussi probablement parce que les deux MC’s se comprennent et parlent le même rap, celui de l’exigence dans la rime, et du refus de la technique pour la technique. Le nouvel album d’Ol Zico (lire notre interview), Tout baigne, illustre bien cet état d’esprit, que ce soit sur les morceaux en feat ou en solo. Si vous êtes passés à côté, il n’est pas trop tard pour aller y jeter une oreille. – Olivier
Le 16 mai : Sameer Ahmad feat. Eloquence – « Santeria » (prod. Jérôme Contet & Sameer Ahmad)
C’est drôle de se dire que « Santeria » ne constitue que la première collaboration entre Eloquence et Sameer Ahmad, tant les univers, les références et les flows s’entremêlent à merveille, faisant de cette collaboration une évidence. Comme toujours avec le rap qui caractérise les deux artistes, ce morceau donne envie d’y revenir encore et encore, pour y décrypter une ligne qui nous a échappé lors des écoutes précédentes, constater la fluidité évidente entre les participations de l’un de l’autre, ou profiter de cette instrumentale chaude et classieuse, qui continue de jouer pendant 1’30 après la fin des couplets rappés. Une belle façon de conclure le titre, mais aussi l’EP Tracy 168. – Olivier
Le 22 mai : Kamnouze & Horseck feat. Myk, REDK, Prince D’Arabee, KT Gorique, Ice Crimi, Jewel Usain, Templar, Busta Flex, Rapper Cham, Ron Brice, Erremsi, Kohndo & Ol’Kainry : « FFF remix » (prod. Misère Record)
Un appel à la corne de brume façon rassemblement de hordes de vikings, un piano lancinant, et un beat casseur de nuques… C’est la guerre. Vous l’aurez compris, ce possee cut (écouter notre podcast dédié à ce format) est une démonstration, et au vu de la liste, chacun des participants a dû peser chacun des mots de son huit mesures, en ayant en tête qu’il allait se frotter à quelques-uns des plus fins limiers de la francophonie. Pas d’erreur de casting au programme, Kamnouze (lire son interview) et Horseck sont allés chercher des gens dont la réputation derrière le micro n’est plus à faire, entre old timers, trentenaires confirmés, et jeunes loups aux dents aiguisées. Les couplets défilent par grappes de quatre et les bons mots s’enchaînent, les refrains permettant de reprendre son souffle entre les rafales de baffes. L’instru de Misère Prod a le mérite de ne pas lasser l’auditeur tout au long de ces presque huit minutes, et vient rappeler que le beatmaker est devenu un incontournable de la scène boom bap 2.0. A noter que la version initiale de la « Fédération Française de Flow » ne comporte que l’acolyte Ol’Kainry comme invité, mais constitue également un égotrip qui vaut le détour. Ces deux titres sont issus de l’EP commun d’Horseck et Kamnouze, L’appel du devoir, paru le mois dernier. – Olivier
Le 29 mai : Ormaz – « Detroit » (prod. JeuneK)
Le Parisien a beau se faire rare et discret, il frappe toujours assez fort pour se faire remarquer quand il sort de son terrier. Est-ce l’ambiance doudoune des 90’s fumant dans une station service Total Énergie, ou la prod entêtante et flippante à souhait de JeuneK, on a comme l’impression d’être un cargo de marchandise dans la mer pleine d’hydrocarbures entre l’Iran et Oman, comme le sentiment que tout pourrait peter à tout moment. Le flow, répétitif, précis et impeccable met sous pression et lorsque tout s’arrête dans un faux calme au bout de 2 minutes trente, on se prend à regarder derrière soi histoire de se rassurer et de vérifier que ça ne brûle pas quelque part. On appuie quand même sur repeat, parce que la boucle s’y prête magistralement, et qu’on a déjà un pied dans le terrier du lapin, alors autant s’y enfoncer un peu plus en se demandant dans quel monde chelou Ormaz nous emmènera les prochaines fois qu’il en sortira. – Sarah
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