A l’instar des mois précédents, septembre ne déroge pas au rythme soutenu des sorties rap US. La cadence est telle qu’elle en est infernale, tellement qu’il faut faire des sessions de rattrapages toujours plus nombreuses. En tout cas voici que nous avons retenu du neuvième mois de l’année, en 10 Bons Sons.
Rapsody & Madlib – Daddy’s Girl
Encore et toujours Madlib qui enchaîne les projets en 2025, cette fois-ci aux côtés de l’une des meilleurs rappeuses actuelles, j’ai nommé Rapsody. Petit projet 2 tracks au titre quasiement évident, Madraps, un peu à l’image des CDs singles de l’époque, le morceau phare en premier, un second titre joint et si on a de la chance, l’instrumentale voire l’acapella. A noter que le projet est d’abord sorti en juin dernier sur le site de la rappeuse et en physique avant d’être publié sur les plateformes début septembre. En tout cas le résultat est à la hauteur des espérances, les productions de Madlib sont millimétrées et la plume de Rapsody est tranchante comme à son habitude. Un régal. – Clément
Nickelus F – The Elixir
Cité plusieurs fois dans nos colonnes en featuring d’artistes comme Vic Spencer ou Fly Anakin, cette fois-ci on ne va parler que de lui, uniquement de lui. Rappeur, beatmaker, ghostwriter d’un certain rappeur canadien, Nickelus F est un artiste identifié en Virginie, plus précisement de Richmond (bien qu’il soit né à Portland dans l’Oregon). Il est actif depuis deux décennies avec plus d’une quizaine de projets solo, sans compter les apparitions ici et là pour d’autres. Une discographie très qualitative que je dois vivement rattraper. En attendant, un petit single tout récent, où le rappeur découpe un chop de cuivre aisément, avec un flegme naturel qui attrape directement les esgourdes. – Clément
Droogie Otis, Your Old Droog, Wiz Khalifa, Jay Electronica & Madlib – Woodstock 2029
Droogie Otis c’est la fusion entre le producteur qu’on ne présente plus, Madlib et le rappeur Your Old Droog (que l’on pourrait présenter mais si vous suivez nos éditions mensuelles vous savez de qui il s’agit, sinon tant pis). Le nouveau a sorti deux morceaux cet été, « The Edge » avec Killer Mike et « Everything Designer » un peu plus tôt avec l’inévitable Boldy James. Pour ce troisième morceau qui semble conclure un EP, on retrouve Wiz Khalifa et Jay Electronica aux côtés de Droogie Otis. Le featuring est assez étonnant et même assez remarquable pour être cité ici et apporte une différente énergie aux autres titres proposés sur le projet. Woodstock 2029 n’aura surement pas lieu, vu l’échec de l’édition 99, mais c’est cool de s’imaginer ces gars-là performer sur scène, sur une énième boucle poussiéreuse de Madlib. – Clément
Jay Worthy – 96 Big Body (prod. J. Sidhoo)
Difficile de ne pas être conquis d’entrée de jeu quand un album s’ouvre sur les célèbres notes du thème de Deborah d’une des plus belles partitions d’Ennio Morricone. Et si ce n’était pas assez clair, Once upon a time de Jay Worthy, ainsi que sa suite sortie à peine quelques semaines plus tard, renvoient tous deux à l’un des (si ce n’est le) chefs-d’œuvre de Sergio Leone. Toujours particulièrement bien entouré, aussi bien en qualité qu’en quantité, aussi bien derrière les platines et le micro, Jay Worthy s’offre comme le pendant west-coast à l’un des films ayant le plus brillamment mis New York en image. La variété de beatmakers permet d’offrir un panel assez exceptionnel de ce que le g-funk californien fait de mieux en 2025, tout particulièrement sur ce « 96 Big Body ». – Xavier
Crimeapple & VDon – Victor Charlie
Avec sa productivité monstrueuse, il n’est pas rare de passer à côté de certaines sorties plutôt mineures de Crimeapple. On ne vous recommande toutefois pas de le faire pour ce Bulletproof Chicken, pour la simple et bonne raison qu’il est entièrement produit par l’inénarrable Vdon. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, il s’agit bien de la première collaboration des deux hommes sur un opus entier. Cela n’étonnera personne (en tout cas pas nos fidèles lecteurs) d’apprendre que la sauce prend merveilleusement bien, d’autant que le producteur n’a pas refilé des fonds de tiroir, en témoigne ce « Victor Charlie » à la boucle entêtante et aux drums appuyés. – Xavier
El Cousteau feat. A$ap Rocky – Supa Cousteau (prod. TwelveAM & Coca Cousteau)
El Cousteau donnait, en ce mois de septembre, une suite à son projet Dirty Harry, deux ans après sa sortie. Il y convie son compère de toujours en la personne de Earl Sweatshirt, mais aussi A$ap Rocky, dont on attend toujours l’album… Sur une production chargée en basses fréquences, le flow cadencé et le ton rentré de A$ap Rocky équilibre bien l’aspect plus foufou de El Cousteau, dont le flow chaotique et les intonations aléatoires ne cessent de nous prendre à contre-pied. Le premier livre un égotrip sérieux, le second déstabilise par son humour. En bref, c’est une association qui roule bien, malgré le niveau de défonce. – Jérémy
Lefty Gunplay – Nicola’s (prod. Benjirow)
Sur GNX, Kendrick Lamar mettait en avant une poignée de rookies de la côte ouest parmi lesquels Lefty Gunplay, définitivement celui qui surfe le mieux la vague depuis. Pour sa deuxième sortie de l’année, Lefty envoyait encore un certain nombre de bangers. Sur Nicola’s, son étrange diction et notamment sa manière de forcer les « o » fait des merveilles pour un refrain ultra-efficace. L’unique couplet est frontal, les balles y pleuvent à chaque ligne. Le morceau dure moins de deux minutes, on est sur une simple pastille, mais son effet addictif se fait ressentir dès la première écoute. – Jérémy
Young Thug – Miss my Dogs (prod. London on da Track & BeatsByJuko)
Après des fuites de conversations téléphoniques à son désavantage, Young Thug se lance dans une communication via des tweets et une interview catastrophiques puis, sans prévenir, sort un morceau fleuve pour s’excuser auprès de ses proches et annonce précipitamment la sortie de son premier album post prison. Pendant 7 très jolies minutes, Thugger se montre sans doute plus intime et vulnérable que jamais auparavant dans sa musique. L’absence totale d’autotune et les petits dérapages de sa voix par moment renforcent la mise à nu du texte et la performance du rappeur se marie parfaitement à l’instrumentale – peut-être un peu clichée toutefois. L’album, également sorti ce mois, est aussi particulièrement empreint de ses peines et doutes mais restera sans doute comme le plus raté de sa discographie sur le plan musical. – Wilhelm
Mobb Deep – Against The World
Ce n’est plus une surprise, nous savons depuis désormais quelques mois qu’un nouvel album de Mobb Deep, dans les tuyaux depuis quelques années d’après les déclarations de Havoc et The Alchemist, doit voir le jour cette année. Si les deux compères travaillent conjointement sur l’instrumentation, ils ont également reçu le soutien de Nas et de son label, dans son grand projet de sortir des albums de rappeurs légendaires depuis quelques mois. Le premier extrait de cet album est orchestré, tradition oblige, par Havoc lui-même et s’ouvre sur un couplet de Prodigy. Il faut bien dire que les albums posthumes créent toujours – à juste titre – une petite angoisse dont nous sommes ici rapidement débarrassés. Dès les premières lignes, on retrouve le Prodigy qui a marqué cette musique, et notamment de notre côté de l’Atlantique. – Wilhelm
Joell Ortiz – PTSD (prod. Heatmakerz)
Des batteries qui tabassent, des boucles soulful lumineuses, des textes et une interprétation incarnés sont au menu du dernier opus de Joell Ortiz, 45 ans au compteur, et toujours un amour inconditionnel pour cette musique et sa pratique. Comme à son habitude, on a affaire à un MC qui connaît son âge et dont la musique s’accorde en conséquence. Le programmatique titre du disque Love, Peace & Trauma ne fait pas de mystère. Ainsi, on vous propose déjà l’intro « PTSD » pour vous faire une idée. – Xavier