VII fête cette année ses 30 ans depuis son apparition dans le paysage rap français et la création du duo Fils du Vice. 30 piges pendant lesquelles le rappeur basque n’a jamais cessé de rapper, en essayant de trouver le style qui correspondrait le mieux à son rap sombre, lent et sa voix éraillée. D’abord précurseur de l’horrorcore en France, style dans lequel il a pu distiller ses références allant du métal au film d’horreur, VII s’est ensuite tourné vers un boom-bap plus classique et presque plus politique. Mais il n’avait pas encore trouvé sa forme finale, et peut-être a-t-il réussi avec ce nouvel album intitulé D-Funk ?
Tout est dans le titre. La ligne éditoriale ne bouge pas. Le D de Death, la mort et l’ambiance macabre toujours présente dans sa musique. Et le funk accolé à la quatrième de l’alphabet en forme de clin d’œil évidemment au style de rap popularisé sur la côté ouest américaine, la G-Funk. La West-Coast à la française donc, avec DJ Monark, son acolyte depuis de nombreuses années maintenant, architecte sonore de ce style qu’ils ont créé. Les nappes de synthés, les samples de voix, des claps très californiens, la voix reconnaissable entre milles de VII qui vient rapper comme une sentence la noirceur de ses rimes. Le soleil et l’obscurité, une alchimie peu probable et qui pourtant fonctionne à merveille tout au long des 14 titres que comporte ce nouvel album. L’ambiance générale ne change pas tellement, ne serait-ce que le nom des titres, « Corbillard » pour ouvrir l’album, « C’est à la poussière que nous retournons » en guise de single, VII compte bien nous prouver que l’heure n’est pas à la fête. Et pourtant tout au long du projet, que ça soit par les samples de voix de chanteuses sur certains refrains, les mélodies synthétiques et ensoleillées sur les instrumentales et les fulgurances textuelles de l’écriture de VII, les nuages semblent disparaître l’espace d’un instant pour laisser place à un grand ciel bleu. Californien évidemment. Depuis quelques années le flow s’est ralenti, là où on avait l’impression avant que VII courait après une caisse claire, désormais il laisse des silences, des respirations, comme pour que l’on ait le temps de bien comprendre ce qu’il dit, intégrer ses rimes et ses références, très nombreuses et subtilement placées. En laissant plus de places aux productions toujours aussi soignées de DJ Monark sur lesquelles VII a co-produit, il met le travail de son acolyte sur un piédestal mérité. D’ailleurs il lui accorde encore plus de place sur l’album avec pas moins de 4 interludes où l’on s’imagine assez facilement roulé au volant d’une décapotable dans les rues de Los Angeles. Ou jouer à GTA, allez savoir.
Je ne me lancerais pas dans un récapitulatif rébarbatif de chaque morceaux de l’album mais pour ne citer quelques morceaux marquants et dans le désordre : VII se rappelle à nos bons souvenirs qu’il est un des meilleurs story-tellers sur le morceau n°5, « Macbeth », il invite le très énervé S.T.I 14-80 sur le titre non moins énervé « Hors-circuit ». Un autre O.G du boombap à la française, Swift Guad est présent sur l’album, sur le morceau « On veut quécro », le feat que tous les fans de voix cassées attendaient, où le rappeur de Montreuil vient chanter sur le refrain, et poser un des couplets dont il a le secret tout en multisyllabique. Mais aussi de l’egotrip, style plus inhabituel pour VII, sur lequel il s’en sort très bien dans le morceau « Chargé à bloc », avec une petite mise au point légèrement vulgaire mais néanmoins salutaire « Tous les rappeurs de merde se prennent pour des kickeurs, Moi j’ai baisé vos mères j’suis votre géniteur ».
Depuis le début VII a voulu garder son indépendance, ce qui explique peut-être une visibilité moindre que si il avait signé dans des maisons de productions plus huppées. Mais ce qu’il perd en visibilité, il le gagne assurément en liberté. Toujours dans l’auto-production le projet est sorti évidemment par le label Rap and Revenge, label qu’il a créé en 2007 et sous lequel sont sortis tous ces projets depuis cette date. Avec plus de 20 projets à son actif depuis ses débuts en mélangeant albums, EP et mixtapes, on pourrait penser qu’une certaine lassitude pourraient s’installer chez le rappeur, mais il n’en est rien, on sent la même énergie, la même envie de raconter à chaque morceau, il le disait d’ailleurs dans une interview à Ballast datée de 2017 « Il y a sûrement des types avec un meilleur niveau, mais je rapperai encore quand j’aurai soixante piges ; c’est ça, ma force ! ». Ce qui est sûr c’est qu’avec ce D-Funk, VII vient prouver à tout le monde, si c’était encore nécessaire, que la côte basque compte sur la scène du paysage rap français et que la west-coast à la française a peut-être trouvé son porte étendard.
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