Tandis que les deux clowns s’affrontrent pour gagner les prochaines élections, les artistes américains (et pas que) mettent les bouchées doubles pour avoir le morceau qui restera en rotation tout l’été. Petite review de ce qui est sorti en ce mois de juin 2024, en 10 bons sons bien évidemment.
Chester Watson – Gargoyle (prod. Elaquent)
« Deux cracks mélangés sur l’track, la galette est chère », pouvions nous entendre sur le morceau « Brooklyn Bridge » de Zeu & NeS. C’est mot pour mot la phase qui m’est venu à l’esprit quand j’ai appris la collaboration entre Chester Watson et Elaquent. En ce qui concerne le premier protagoniste, on vous en parle depuis bientôt 10 ans, merci d’être réactif. Concernant Elaquent, c’est le moment de l’introduire. Producteur canadien actif depuis plus de 10 années sur la scène internationale, grand aficionados de la SP404 de chez Roland (et consorts) et magnifique distributeur de groove, Elaquent est ce genre de beatmaker trop fort. Donc quand il s’associe à un de emcee les plus créatifs et les plus insaisissables de la scène underground, ça donne Montisona, un EP 5 titres d’excellent facture. Pour le reste, n’hésitez pas à vous ruer sur Rediscovery d’Elaquent et Fish don’t climb trees de Chester Watson. – Clément
Mavi – Drunk Prayer (prod. Angelo LeRoi)
Cela fait maintenant deux ans que le rappeur de Charlotte, Mavi, a sorti son deuxième album Laughing So Hard It Hurts. Depuis, il a enchainé quelques featurings par ci par là, avant d’annoncer très récemment son prochain album. Intitulé Shadow Box, il sortira le 9 aout prochain et « Drunk Prayer » en est le premier extrait. Le rappeur dévoile donc un morceau doux et mélodieux qui mêle chant et rap et laisse pas mal de place au emcee pour évoquer sa souffrance émotionnelle au travers de questions introspectives. – Clément
Lupe Fiasco – Mumble rap (prod. Soundtrakk)
Voilà encore un drôle de concept de la part de Lupe Fiasco qui vient de sortir un album qui retrace l’histoire de Amy Winehouse…figurée en battle-rapper. Il s’agit d’un huit titres puissant qu’il va nous falloir un petit moment pour décortiquer. Sur « Mumble rap », il conte l’origin story de son personnage qui croise un vieil homme dans un parc qui va lui refiler le virus du rap. Lupe rentre et sort de son histoire à son aise, passant d’un premier couplet plus linéaire, à un deuxième carrément poétique pour aboutir sur un troisième qui dépeint les conséquences de la passation du pouvoir du rap. Tout cela est certes étrange mais c’est également très bien rappé et catchy, notamment grâce à un refrain hyper-efficace, un domaine où Lupe semble avoir bien progressé. On vous invite à aller écouter « Samurai », un album dense, original et sans temps morts. – Jérémy
JasonMartin & DJ Quik feat. Suga Free & The Game – Cold ass 2 Step
Sept ans après la sortie de Rosecrans, DJ Quik et JasonMartin (plus connu sous le nom de Problem) remettent le couvert. Quik n’avait par ailleurs sorti aucun projet depuis. « CHUPACABRA » a donc tout d’un évènement pour les amateurs de son west-coast. Le producteur californien n’a pas perdu de sa superbe derrière les machines. Les drums sont funky, la mélodie centrale entêtante et les cuivres apportent une touche classieuse supplémentaire. Niveau lyrics, on est dans le pur entertainement et Quik livre d’ailleurs un couplet assez drôle où il confesse vouloir dégager tous les squatteurs de studio en club pendant qu’il termine son boulot. C’est tubesque, comme à peu près l’intégralité de « CHUPACABRA ». – Jérémy
Saint Jame$ feat. Rome Streetz, Chase Fetti & Kool G Rap – More Brix
Réunissant toute la fine fleur des emcees les plus grimey de New York et sa banlieue (proche et éloignée), le beatmaker londonien Saint Jame$, pratiquement inconnu au bataillon, a réalisé un tour de force impressionnant avec By any mean$, son premier album. Un album qui ressemble exactement à ce à quoi on peut s’attendre en parcourant la tracklist, et nous, on adore. Difficile à partir de là de faire sortir l’un ou l’autre titre, tant les généreux participants donnent de leur personne, chacun avec ses particularités. On notera en particulier les apparitions plurielles de Rome Streetz et Boldy James, ainsi que celle de Conway sur le dernier morceau. Mais on va simplement opter pour la post-intro « More Brix », pour le plaisir de retrouver Kool G Rap. – Xavier
Ufo Fev & Fredro Starr – Fast Life
Ce mois de juin nous a encore offert une bien étrange connexion, entre Ufo Fev, rappeur hispanique de Harlem, et Fredro Starr, acteur, rappeur, producteur et membre du légendaire groupe Onyx. Le titre Strapped est ainsi un hommage au premier rôle de Fredro Starr, dans le film du même nom réalisé par Forest Whitaker en 1993, où il partageait l’affiche avec Bokeem Woodbine (qu’on a par la suite pu apprécier dans la saison 2 de Fargo entre autres). Une partie du tournage ayant eu lieu dans les Jefferson Houses, dans le Spanish Harlem, où Ufo Fev a grandi, il semblerait que celui-ci fasse une apparition en tant que figurant dans le film, ce qui a inspiré cette connexion.
Pour en revenir au projet musical, on regrettera que Fredro Starr ne fasse aucune apparition vocale et se contente de n’apparaître qu’à la production de l’intégralité des titres, mais on ne boudera pas notre plaisir pour autant, l’ensemble s’écoutant très facilement, avec quelques morceaux très solide, comme ce « Fast Life ». – Xavier
Ty Farris – Mind of the Jigsaw (prod. ReallyHiiim)
Rappeur de grande qualité pourtant jamais évoqué dans nos colonnes, Ty Farris n’en est pas à son coup d’essai avec Enigma with an Attitude. Actif depuis de nombreuses années et extrêmement productif, le rappeur de Detroit poursuit avec cette sortie une série de mixtapes largement à l’univers visuel très graphique. Avec son petit dernier, il reprend à son compte l’imagerie de l’un des plus fameux supervillain de Batman, marchant dans ses pas et incarnant à merveille l’antagoniste, de par son écriture fine, sa diction ciselée et les beats inquiétants, pas tous crédités malheureusement. Ce n’est pas le cas de l’excellent « Mind of the Jigsaw », où il incarne le bien connu personnage masqué de la franchise Saw, et où ReallyHiiim lui offre le cadre parfait à cet effet. – Xavier
Juelz Santana feat. Jadakiss – Party N Bullshit (prod. R2DaEz & Duke Dollas)
Après années des silence et des re-sorties de clips légendaires en bonne qualité (vidéo) l’année passée, Juelz Santana revient enfin à la musique avec deux morceaux rien qu’en ce mois de juin. D’abord le (très oubliable et très peu abouti) « Score » puis, plus intéressant, « Party N Bullshit ». Le prodige de l’écurie Dipset est épaulé par l’infatigable Jadakiss. Le temps (et peut-être certains abus) a rendu la voix du natif d’Harlem quasiment méconnaissable mais le plaisir qu’il semble prendre derrière le micro et devant la caméra est tellement communicatif qu’on s’y fait très vite. Il faut dire que les deux maitrisent à peu près leur art, ça aide. – Wilhelm
LUCKI feat. Future – BBY GOAT (prod. Bhristo, Bobby Raps & Vendr)
Sur Gemini, Lucki a fait un nouvel fois appel aux services de Future, deux ans après le très réussi « Kapital Denim ». L’influence de l’invité sur son hôte est aussi évidente que digérée, et les contes teintés d’opiacés des deux sont suffisamment différents pour se compléter au dessus d’une production magnifique, envoutante et émouvante à souhait. Les deux rappeurs semblent galvanisés et l’alchimie évidente les pousse à donner leur meilleur dans le mélange d’auto-congratulation et de proto-dépression que les deux partagent – même si Pluto reste difficilement détronable à ce petit jeu. – Wilhelm
Icewear Vezzo & Peezy – Aiight (prod. Dxntemadeit & Gentle Beatz)
On fait difficilement plus représentatif du rap de Détroit qu’Icewear Vezzo et Peezy – ou Babyface Ray, présent dans le clip. Bête, méchant et incisif, « Aiight » est un ode à eux-mêmes, leur réussite et leurs dominations dans les milieux professionnels qu’ils fréquentent. La musique, et les autres. Les basses monstrueuse du morceau n’arrivent pourtant pas aux chevilles des égos des deux rappeurs et ce n’est pas avec ce morceau qu’on pourra leur donner tort. Décidément, le Michigan ne déçoit pas. – Wilhelm