2023, le bilan rap francophone

A l’instar des années précédentes, pas de top ni de grand vote, mais un bilan par rédacteur, reflétant davantage les goûts de chacun, organisé autour de cinq catégories : un album, un morceau, un beatmaker, un couplet et un oubli.

Olivier

L’album : Souffrance – Eau de source

Difficile de ne pas s’essouffler en sortant trois albums en moins de trois ans, surtout quand on s’impose de parler de soi sans se répéter, et qu’on ne s’autorise aucun déchet dans l’écriture. C’est pourtant ce qu’a réussi à réaliser Souffrance, qui a ajouté cette année un nouvel opus à sa discographie avec Eau de source, apprécié par la rédaction, et bien représenté dans nos colonnes.

Le son : S2E & Wasta – « Grand tour »

S2E et Wasta auraient pu figurer dans les cinq catégories de ce bilan, que ce soit pour mettre en lumière le travail derrière les machines de Wasta qui a su proposer une palette variée et toute en maîtrise à son compère sur leur album Série noire, mais également pour les couplets de S2E, la qualité du projet (passé injustement un peu inaperçu) dans on ensemble, ou le fait qu’on ait seulement mentionné le titre « Grand tour » cet été. Il faut dire que l’instrumentale sombre et lancinante de Wasta, associée au texte sophistiqué et introspectif de S2E, font de ce morceau un des sommets de l’album, et méritent un deuxième coup de projecteur, afin que ceux qui seraient passés à côté puissent rattraper leur retard.

Le couplet : Hamé – « Un gosse à la fenêtre » (avec La Rumeur)

L’actualité de La Rumeur fut double en 2023 entre leur album Comment rester propre ? paru en juin, et la sortie de leur nouveau film, « Rue des dames », en cette fin d’année. Si les membres de La Rumeur touchent à la fois au cinéma et à la musique, c’est qu’ils n’ont pas leur pareil pour raconter leur environnement, le quotidien des gens qu’ils côtoient, ou bien tout simplement se raconter eux-mêmes, et ce depuis leurs débuts discographiques. Sur l’intro de leur nouvel opus, « Un gosse à la fenêtre », le storytelling d’Hamé sur le second couplet révèle une exécution impeccable, une virtuosité qui est le fruit d’années (pour ne pas dire de décennies) de pratique. La première moitié du couplet plante le décor d’un Perpignan caniculaire au milieu des années 80 dans une économie de mots, et prend la forme d’une succession de groupes nominaux chirurgicale, comme autant de plans subtilement placés dans la tête de l’auditeur, pour préparer l’action à venir. La deuxième partie fait se mêler le personnel (les protagonistes sont des proches d’Hamé) avec des réflexions relevant plus de l’universel, qui viennent raccrocher les wagons avec le propos qui caractérise La Rumeur depuis ses débuts. Ajoutez à cela le célèbre sens de la formule d’Hamé, deux punchs de haute volée qui se répondent habilement en milieu et fin de couplet, et vous obtenez un seize mesures qui fera date, assurément.

L’oubli : Sad Vicious – « Scorpion »

Techniquement, Sad Vicious et sa Vicieuse Bande Son Vol.1 ont été évoqués en février à l’occasion des 10 Bons Sons, mais par un autre auteur (s/o Jérémy) et au travers d’un autre morceau (« Horizon nécrosé ») que « Scorpion ». L’instru drumless de ce morceau, concoctée par I.N.C.H et Al’Tarba, et constituée d’une mélodie inquiétante agrémentée d’une petite voix qui semble chuchoter à l’oreille de l’auditeur, constituent un terrain tout trouvé pour les élucubrations du Triste Vicieux. Sad Vicious y laisse son esprit divaguer entre rêveries et réflexions en tous genres, flirtant parfois avec le délire, sans jamais tomber dans la démence. Cet équilibre précaire, porté par une interprétation soignée et une sincérité parfois presque impudique, en font une outro de choix pour une mixtape dont le CD1 aurait mérité le statut d’album, le CD2 étant principalement constitué d’anciens morceaux initialement présents sur d’autres projets.

Le beatmaker : F.A.S

A la production de dix des treize morceaux de Comment rester propre ?, dernier disque en date de La Rumeur, F.A.S a su imposer une couleur à l’écrin musical de l’album, à base de tonalités graves, de BPMs lents, de saturations, de bruits, de dissonances, mais avec toujours un peu de mélodie, que ce soit dans la façon d’utiliser ces éléments comme des instruments, ou par touches, parfois sous forme de respirations, comme dans « Comment rester propre ». F.A.S a su habiller de manière habile les raps d’Ekoué, Hamé et Le Bavar, et délivrer une proposition unique dans le rap francophone de 2023, pour un groupe qui l’est tout autant, 30 ans après ses débuts.

Jérémy

L’album : Riski – Paris vaut bien une messe

Neuf ans pile après son premier album (déjà paru un 26 mai, sa date fétiche), Riski revenait cette année avec Paris vaut bien une messe. Entre temps, il aura tout de même sorti de nombreux EP et plusieurs compilations explorant son riche catalogue. Ce nouvel opus aux atmosphères musicales variées s’ouvre de manière survoltée et plonge progressivement dans l’introspection et l’accumulation de micro-portraits, d’abord avec les aventures de jeunesse de « Mésaventures ordinaires », puis avec les expériences de serveur de « Waiters » et son refrain en anglais, évoquant par la même l’aspect international du métier dans les zones touristiques parisiennes. Comme l’évoque le titre de l’album, Paris est justement au coeur du disque, de « Waiters » à « Que pleuvoir » sans pour autant qu’elle soit constamment le coeur de l’action. Dans Paris vaut bien une messe, il y a toute cette dichotomie entre le déplacement perpétuel (« Je suis toujours sur la route » déclâme-t-il) et un ancrage profond dans la ville. Ce rapport à l’enracinement et au déracinement est d’ailleurs évoqué encore plus en profondeur dans cet étrange titre final où se superpose deux histoires, celle de la fille du titre précédent, et celle plus complexe d’un écartelement du à un destin familial complexe où l’on ne sait plus vraiment où est son chez-soi. L’écriture elliptique de Riski peut en dire beaucoup sur quelques instants mais aussi laisser des vides sur d’autres qu’on ne peut s’empêcher de compléter comme on le peut, l’album étant conçu comme un voyage dans le temps et dans l’espace sans que les repères nous soient nécessairement livrés. De cette confusion naît une forte attention à chacun des moments qui nous sont contés. RIski varie les humeurs et les formes, à l’image de cette réponse interne entre Bicci – Lovin’ (où il fait parler son goût pour le haut-débit) et Bicci – Livin’ (plus aérien, plus lent), deux titres qui traitent des mêmes évènements mais dont les formes opposées amènent une réception totalement différente. Paris vaut bien une messe est un album riche, à la fois très détaillé, par l’accumulation d’histoires et de détails qu’il comprend, et mystérieux, de par ses silences et les personnages brumeux qui le traversent.

Le son : Luidji – « Telefoot »

Telefoot est un véritable flashback. D’abord, il y a ce premier couplet, avec cette collection d’instantanés où apparaissent l’image de Jésus, la pièce de la quête ou encore ce costume d’enfant mal taillé. Luidji y rappe d’une voix douce sur une production intimiste qui s’ouvre soudainement sur de grosses percussions pour le refrain, faisant appel à ses souvenirs et à ceux de toute une génération. Puis la production s’ouvre un peu plus, une grosse basse débarque pour le pont avant que le calme ressurgisse et laisse place à un deuxième couplet où surviennent les premières ambitions, le choc de France 98, l’amour d’Anelka. Et à nouveau, la production switche, l’ambiance change radicalement, on sort de la douceur de la cellule familiale, et on se confronte aux premières angoisses, à l’anxiété naissante, à la cruauté des autres et de sa situation sociale, au fait d’être le pauvre dans une ville de riche. La batterie se lance, Luidji se met à rapper plus franchement, comme pour s’endurcir pour faire face aux difficultés. Des difficultés qui le forgeront à jamais. En trois minutes, il parvient à peindre le tableau de son enfance par une écriture subtile faite de nombreuses images et de références à une époque qui peuvent elles-même renvoyer l’auditeur dans sa propre enfance.

Le couplet : Souffrance – « Authentique » (couplet unique)

Son charisme au micro est incontestable et il n’y a pas beaucoup de rappeurs en France qu’on aurait envie d’entendre ainsi rapper au kilomètre. Ce couplet unique brasse plusieurs sujets. D’abord il y a le rapport au public et la nécessité de se diversifier. Cette nécessité de rester authentique tout en évoluant, tant dans la musique que dans la vie. L’ancrage est solide, comme en témoigne les références locales. Puis il y a la durabilité, l’envie de tenir sur le temps long, de survivre en assumant le côté vandale. Le tout est ponctué de quelques références subtilement placées, de Freko aux propos de Claude Makélé, et de pointes d’humour insérées dans des propos bien vénères (« Quatre-vingt ze-trei, y’a des coups d’lames comme dans les films de cape et d’épée »). Tout du long, Souffrance semble slalomer entre les coups bas, les yeux fixés sur la lumière au bout du tunnel, mais conscient que tout pourrait s’arrêter d’un moment à l’autre.

L’oubli : Laws Babyface

Auteur de deux EP cette année, le rappeur lyonnais installe peu à peu son style et son personnage. Le flow est bien lesté. Le ton est posé mais determiné. On sent une grosse assurance derrière le micro et un florilège d’influences qui font plaisir, du rap new-yorkais du début des années 2000 au rap français street de la même époque. Laws Babyface a fait ses classes. Sur des productions aux accents soul, jazz, funk, voir électroniques, avec des drums souvent arrondis, il sonne à l’ancienne en évitant l’écueil du son boom-bap 90’s. De plus, l’on sent déjà une évolution entre Trois, son premier projet de l’année, et SUNFM, le second. La palette s’étend, Laws Babyface se montre capable de signer des petits street-bangers comme « PML » voir de pousser la chansonnette sur les refrains, à l’image de « Allère ». Son rap est street mais ouvert sur son environnement, orthodoxe mais audacieux. Il sent le macadam humide, mais tout n’y est pas tragique, et il peut parfois s’ouvrir sur des notes d’espoir, à l’instar du refrain de « Ghetto ». Avec d’autres, comme son compère lyonnais Tedax Max, ou encore M City et Ice Crimi, Laws Babyface représente bien le renouveau d’un rap français underground de techniciens.

Le beatmaker : Dela

On aimerait voir le nom de Dela partout, mais il faut malheureusement souvent se contenter des sorties de Butter Bullets pour pouvoir l’entendre. Fort heureusement, le duo sortait cette année un bel album nommé « JAZZ » sur lequel le producteur nous régale encore par la richesse et la puissance de son travail.

Clément

L’album : Robdbloc – Faux Départs

Présent l’an dernier dans mon bilan personnel, Robdbloc est l’auteur d’une run magnifique depuis décembre dernier, run qui se termine d’ailleurs en apothéose avec son premier album studio, Faux Départs. Et bien ça valait le coup de patienter et de regarder ses très bons EPs s’empiler avant de déguster ces douze titres maitrisés, efficaces et bougrement réussis. Tellement que vous auriez pu retrouver Robdbloc dans toutes les rubriques de ce papier.

Le son : Isha & Limsa d’Aulnay – « Plan A« 

C’était un des albums les plus attendus de l’année et il n’a pas déçu. Bitume Caviar vol.1 est sorti début décembre et a trouvé instantanément une place au chaud dans les projets no-skip de 2023. Petite boucle de piano (qu’on retrouvera travaillée différemment sur « Plan B », la suite immédiate du premier plan), Isha et Limsa au top de leur forme et en phase totale avec leur plume : je mets le son, je le mets en repeat pour reprendre les paroles de leurs acolytes belges JJ et Caba.

Le couplet : Jewel Usain & Prince Waly – « Eleanor« 

Sorti fin septembre et issu du premier opus studio de Jewel Usain Où les garçons grandissent, « Eleanor » est un remarquable morceau dans lequel le rappeur d’Argenteuil invite Waly pour un passe-passe dantesque. Mention spéciale au cinquième couplet qui voit les deux emcees enchainer les bons mots comme Bernard Pivot à son prime dans Apostrophes.

L’oubli : La Fève – « 24« 

Titre éponyme de son premier album studio sorti il y a quelques jours, 24 est ce genre de démontration unique qui marque les auditeurs, et inscrit La Fève immédiatement en lettres d’or en haut du podium de l’année 2023 (et pas que).

Le beatmaker : Lil’Chick

Lil’Chick, Lucci, Dee Eye, JeanJass, Johnny Ola, Epektase, Sheldon… Il fallait bien choisir un beatmaker et j’ai sélectionné Lil’Chick, pour sa run incroyable sur l’exercice 2023. Et selon l’émission Clique, le jeune beatmaker de 23 piges a produit 96 morceaux en 2023, excusez du peu. Au menu on retrouve NeS, Kéroué, Yvnnis, Caballero & JeanJass, Mairo ou encore Zeu. Et beh dis donc, ça promet pour 2k24.

Chafik

L’album : Oumar – Trauma 3

Oumar aime les sagas, les suites, les trilogies et en 2023, il aura bouclé la boucle avec Trauma 3. Son triptyque se termine non pas en EP comme ses prédécesseurs mais avec treize titres qui sonnent comme la confirmation du talent du Havrais. Il déploie sur 33 minutes une large palette qui permet d’apprécier la polyvalence du bonhomme, sans que cela fasse, comme tant d’autres projets, compilation de sons ni cahier des charges. Oumar est à son avantage dans les egotrips testostéronés, les balades, les moments d’introspection, les interludes, les feats et n’importe quelle prod. On a affaire à un rappeur qui rappe et qui est un bousillé de cette zic. La technique est sûre, l’écriture se veut soignée, à l’image des nombreux jeux de mots qui parcourent tous les morceaux. Les références montrent que le lascar maîtrise son sujet, à travers des clins d’œil à Booba époque Temps Mort, à Salif, à la Scred Connexion, par exemple. De plus, l’album est ancré dans son époque, que ce soit dans le name dropping ou les sonorités, grâce à Félix Carrier, en charge de la moitié des instrus. Surtout, Oumar maîtrise l’art de la punchline et tout un tas de ses phases nous auront marqué cette année 2023 (« Pauvre avec une paire de Jo-Jo pour faire semblant de pas être pauvre » ; « La concu’ sera plein de sang comme le Prix Nobel d’Obama » ; « Les bronzés font pas du ski, chez nous ils crèvent chez les keufs » ; « Handicapé comme un noir avec un nom d’arabe »). Oumar rappe sous son vrai prénom dans la vie civile et se distingue par une authenticité de tous les instants ; sa vision du monde, de la société et surtout du game est sans concession («  Ils savent pas rapper, ils disent que c’est du off beat » ;«  Le rap français a moins de couilles que le père Jenner »). On retrouve aussi une grande cohérence dans la liste d’invités, Oumar n’hésitant à se frotter à d’autres plumes aiguisées, de Souffrance à Tedax Max, en passant par 404 Billy et Jewel Usain, notamment. L’univers de Trauma 3 est sombre à souhait. Oumar est un pur mec de quartier et nous expose son mode de vie béton style. N’allez pas dire que le gars est sous-coté ou un futur roi sans couronne, mais comme Limsa d’Aulnay le lascar ne fait pas de la musique pour faire la fête au village. En plus de l’album, il aura sorti cette année deux EP’s intitulés Malcolm X avec un pare-balles qui sont tout aussi bons et on attend le volume trois avec impatience.

Le son : Vîrus – « Méthode rouge »

Pas besoin de sortir d’album ou de multiplier les apparitions pour faire le morceau de l’année. Un seul titre, paru fin janvier en plus, aura suffi à Vîrus. Sur « Méthode rouge », l’asocial fait montre de son talent : une écriture millimétrée, des néologismes et associations d’idées inattendus, une interprétation envoûtante, le tout sur une prod d’Al’Tarba, rejouée par les musiciens de l’ESM de Franche Comté Bourgogne. Son charisme assez magnétique finit d’emporter l’auditeur qui doit écouter et réécouter le morceau pour en comprendre les subtilités. S/o Vîrus qui a trouvé le format inverse du tube de l’été.

Le couplet : Lino – « Le fils de quelqu’un » (Relo feat. Akhenaton, Furax Barbarossa, Lino, Dj Djel)

Sur son très bon album Dieu Merci, Relo a de nouveau réalisé un (excellent) posse cut avec un casting de haute volée, rythmé par les scratches de Dj Djel. Si les couplets du colosse marseillais, d’Akhenaton et de Furax Barbarossa font mouche, celui de Lino est assez sensationnel. Déjà, ses apparitions se comptent sur les doigts d’une main et son 24 mesures intervient à la fin du morceau « Le fils de quelqu’un » donc. Surtout, au fur et à mesure de ses soixante secondes rappées, on se dit que le talent est éternel et que quelques rimes suffisent. Lino continue de boxer avec les mots, enchaîne punch sur punch, plus marquantes les unes que les autres, au point de rendre les projets de bon nombre de ses congénères aussi inoffensifs et ridicules qu’un vulgaire Tony Yoka. On veut l’album !

L’oubli : Deen Burbigo – OG San II

Deen Burbigo a sorti un très bon EP, OG San II, cet été (période particulière pour les sorties rap, même si cela est de moins en moins vrai). Et il semble malheureusement être passé quelque peu sous les radars. Le rappeur de L’Entourage dispose d’une discographie de plus de dix ans d’âge et son parcours est des plus intéressants. Le Sudiste, biberonné aux raps de Dipset et de l’école du 06, monté à la capitale, écume alors les open mics et se distingue, en compagnie de son collectif, via notamment les Rap Contenders avant de proposer de prometteurs EP’s. Mais son premier album Grand Cru a reçu des avis mitigés (en dépit de qualités), du fait d’une trop grande tentative d’ouverture au point qu’on ait pu parler de tentative de « nekfeuisation » de sa musique. Dès lors, le jeune entrepreneur est revenu vénère, ultra technique, pointu, portant le sceau d’un rap ecclésiastique, à l’image de la Saboteur Mixtape, au point qu’on ait pu parler de tentative (réussie) d’alphawannétisation. Dès lors, que ce soit son deuxième album Cercle vertueux, dans lequel il conservait ses forces tout en se livrant davantage ou dans les deux volumes d’OG San, Deen rime comme peu en sont capables, avec des schémas originaux, tout en réussissant à dévoiler une sacrée gamberge. Être de plus en plus fort, c’est sûrement ça la deenburbigoisation.

Le beatmaker : Just Music Beats

Pas de surprise dans cette catégorie, les plus américains des beatmakers français Oliver et Buddah Kriss de Just Music Beats sont logiquement les producteurs de l’année (à l’unanimité de la moitié de la rédaction !). Omniprésents, ils nous ont gâtés en collaborant avec des découpeurs d’instrus, de la légende au rookie et en marquant de leur son les projets de Double Zulu, Ice Crimi, Benjamins Epps, Tedax Max, sans parler de Tres Coronas ou Chroniques de Mars III (entre autres!). On espère maintenant des deux bougs une compil avec leur clique !

Jordi

L’album : Souffrance – Eau de Source

Pour la troisième fois consécutive, Souffrance apparaît dans mon bilan annuel. En 2021, il était mis à l’honneur avec « Simba » et l’an dernier avec son album Tour de Magie. En 2023, le Montreuillois était encore attendu avec Eau de Source, le projet qui devait lui permettre de passer un nouveau palier. Toujours épaulé par Tony Toxik en tant qu’architecte sonore, les deux membres de L’uZine ont également fait appel à des producteurs confirmés tels que Mani Deïz et Itam mais aussi à Bak’s ToTheGroove, beatmaker à suivre de près. Titre après titre, projets après projets, Souffrance continue d’impressionner par la qualité de ses textes, par ses placements et sa capacité à innover tout en conservant son essence. Il use d’images subtiles et ses rimes complexes viennent sublimer un quotidien souvent morose dans lequel il puise son inspiration. Nul ne peut nier qu’il demeure l’un des meilleurs rappeurs francophones sur du boom bap comme en témoigne le morceau éponyme de l’album, mais aussi « Métro » ou « Ciel gris kebab grill ». Cependant, sur « Khalass » ou « Authentique » par exemple, il démontre aussi sa capacité à performer sur des productions aux BPM différents, faisant de lui artiste intrinsèquement complet. Enfin, il est important de souligner la qualité des featurings présents sur ce projet. En effet, le nordiste ZKR, fer de lance de la nouvelle génération se retrouve aux côtés d’une légende comme Oxmo et d’un rappeur populaire et iconique comme Vald. En espérant que ce changement de dimension permette à Souffrance de « péter un score ». Une bonne fois pour toute.

Le son : Ben PLG feat Limsa d’Aulnay – « Trucs sentimentaux » (prod. Lucci’)

Dans notre sélection « 10 Bons Sons en mars », j’avais déjà sélectionné ce morceau extrait du EP J’rêve mieux qu’avant. Sorti en fin de mois, je n’avais eu l’occasion de l’écouter qu’à peu de reprises mais l’alchimie entre les deux rappeurs me paraissait déjà flagrante. Trois trimestres plus tard, il demeure l’un des titres que j’ai le plus écouté au long de cette année. La structure de la production fait de « Trucs sentimentaux » un morceau singulier, oeuvre du talentueux beatmaker Lucci’ dont le nom revient assidûment dans nos colonnes. Les variations de sonorités, mêlant boucle de piano et basses vigoureuses, ainsi que des notes de guitare plus lentes permettent à Ben PLG et Limsa d’Aulnay d’alterner des phases pêchues avec d’autres plus subtiles. Le rappeur lillois apparaît déterminé comme jamais, prêt à triompher pour rendre hommage aux siens. Limsa quant à lui continue de nous surprendre et de nous faire sourire. Sa verve se caractérise par une écriture épurée et directe qui allie le fond et la forme. Humour décalé et introspection poignante. Le résultat final est exceptionnel et a permis au morceau de rentrer rapidement en playlist sur les plateformes de streaming. En quelques semaines, il est déjà devenu le deuxième morceau le plus écouté de Ben PLG derrière « Mauvaise nouvelle ». Et ce grâce au talent de ce trio que l’on espère voir collaborer de nouveau. Dès 2024 ?

Le couplet : The Free – « Phénix » (prod. Spezial)

C’est sur un couplet unique que The Free ouvre son album Filaments Bleus paru début janvier. Sur « Phénix », le rappeur parisien débite pendant deux minutes un texte riche avec un flow technique et une aisance déconcertante. Une entrée en matière à la hauteur du reste du projet qui figure à mes égards sur le podium des meilleurs disques de l’année.

L’oubli : La Rumeur – Comment rester propre ?

C’est au début de l’été qu’est sorti le cinquième album de La Rumeur. Par négligence de ma part, ce n’est qu’à la rentrée que je me suis penché sur celui-ci. La direction artistique présente aux longs des douze titres est sombre, les textes font parfaitement écho à l’époque actuelle. Les productions aux teintes électroniques et organiques de F.A.S sont tout bonnement exceptionnelles. Encore un projet de très haut vol pour le groupe qui prouve qu’après plus de 20 ans de carrière, longévité et qualité peuvent être synonymes.

Le beatmaker – Just Music Beats

Encore une année extrêmement prolifique pour le duo de beatmaker Just Music Beats. En 2023, les Marseillais ont collaboré étroitement avec Tedax Max, Double Zulu, Benjamin Epps, Tres Coronas, Ice Crimi, Dr Kimble, Cham Rapper, Hemo, Raph Gpw et Disiz. Le point commun entre tous ces artistes ? Mettre un point d’honneur à kicker avec rigueur et à écrire avec discipline. Enfin, Buddah Kriss et Oliver ont annoncé en septembre la sortie du double vinyle et de la cassette d’Asteroïde, leur projet commun avec AKH paru en 2020. Cerise sur le gâteau.

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