Le mois de septembre et la rentrée étaient accompagnés par des bouleversements météorologiques évidents. La hausse soudaines des températures… Non, la baisse… Non la hausse aussi… Bon, on n’y comprend plus grand chose, mais l’un des deux pays les plus pollueurs de la planète s’y connait également en rap, et nous vous proposons de jeter un œil sur dix sorties du mois – oui, ici ça dénonce.
Armand Hammer – The gods must be crazy (prod. El-P)
Cette collaboration entre Armand Hammer et El-P est à la fois logique et innatendue. Logique car en tant que pionnier du rap indépendant alternatif, El-P a tout pour s’entendre avec ce duo foutraque et hyper-inventif, mais étonnante car on aurait pu penser qu’il ne jouait plus dans la même cour depuis son succès avec Killer Mike. Il y a en tout cas quelque chose de quasi-primitif dans sa production. Billy Woods et Elucid se refilent d’abord le micro comme une patate chaude, en enchaînant des couplets courts dans une vraie économie de mots et en multipliant les images façon diapositive. Puis les phrases s’allongent et les couplets prennent de plus en plus d’ampleur. On y évoque l’Afrique et la CIA, le divin et la mort, dans une pluie de jeux de mots et de références improbables où on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre. – Jérémy
Vic Mensa – Law of karma (prod. Bongo)
Six ans après The Autobigraphy, déjà paru sous Roc Nation, Vic Mensa sort finalement son deuxième album officiel. Sur Law of karma, il se sert de la production de Bongo quasiment uniquement centrée sur sa rythmique pour délivrer un texte qui avait visiblement grandement besoin de sortir de lui. Dans un morceau aux multiples références spirituelles, il se sert de son interprétation de la loi du karma pour mieux mettre en lumière son passé dans la rue et surtout pour réveler toutes ses contradictions dans une fin de couplet tout en contraste (« Look at me, speakin’ down on a dead man’s image, when that’s the same reason I was beefing with Akademiks »). – Jérémy
Mike, Wiki & The Alchemist – Mayors A Cop
Franchement au rythme ou ça va, à la fin de sa vie, The Alchemist va finir avec plus d’un millier de morceau release à son actif. Tous les mois, le producteur légendaire sort quelque chose. Que ce soit un projet instrumental, des EPs collaboratifs, des documentaires sur ses road trips ou simplement des singles, ALC est partout, tout le temps. Le voici cette fois accompagné de Wiki et MIKE, pour l’album Faith Is Rock. Meme si les plus aigris d’entre vous diront que depuis quelques années, toutes les productions de The Alchemist se ressemblent, force est de constater que Mike et Wiki explorent et s’accaparent parfaitement les instrumentales du maitre, rendant chacun des morceaux uniques et rafraichissants. Trois vétérans qui travaillent ensemble et poussent l’excellence à son plus haut niveau, c’est de ça dont on parle. – Clément
Mounika – Memories feat. Lord Apex
Mounika est un beatmaker français qui construit un univers assez singulier depuis plus de 10 ans : quelques teintes électroniques, un peu de lofi, beaucoup de trip-hop et une poésie exacerbée, voilà comment on pourrait décrire en quelques mots son univers. En cette rentrée, le producteur poitevins sort son troisième album, intitulé Don’t look at me, sur lequel il invite Lord Apex , excellentissime rappeur dont on vous parle très fréquemment (si ce n’est pas tous les mois). Le résultat est doux et nous exhorte à un décollage imminent. – Clément
Smoke DZA & Flying Lotus feat. Conway the Machine – Painted houses
Principalement connu pour sa musique instrumentale parue chez Warp Records, Flying Lotus a sorti ce mois-ci un EP avec le rappeur de Harlem Smoke DZA. On y retrouve des collaborations de standing donc ce featuring avec Conway. Avec ses longues notes d’orgue electrique et son thérémine (?), la production est carrément hypnotique et donne à l’indépendantisme et aux discussions de vendeur de drogue de Smoke DZA un côté halluciné. Conway débarque lui comme King-Kong au dessus d’une maquette de New-York, avec une écriture dense où il digresse sans fin, à la limite de la conversation. Un bien beau dialogue de stoners. – Jérémy
onlytenno – can i vent? (prod. clockwork)
Je crois qu’on ne peut pas digger plus deep… Voici un morceau qui a surgi de nulle part un soir dans les fameuses recommandations YouTube. Et vous commencez à connaître l’amour inconditionnel qu’on porte à Earl Sweatshirt et autres Chester Watson, vous savez, ces mecs à la voix gutturale et à la prose très spéciale. Donc quand je tombe sur « can i vent? » de onlytenno, ça fit pas mal pour moi. Instrumentale drumless bien lofi, traitement singulier sur la voix, flow nasillard et très lent : la track a tout pour me plaire. Bref, depuis cette découverte, j’essaie de me renseigner sur le boug, mais ça n’avance pas des masses. Il est actif depuis 2018, a sorti quelques singles cette année et semble produire pas mal, à la vue de son compte BeatStars. Bref, pas plus pour l’instant, on va désormais suivre tout ça. – Clément
RJ Payne – Rocky Statue (Prod. P.A. Dre)
RJ Payne continue de dérouler le fil de ses séries d’albums/mixtapes, chacune étant lié à un aspect spécifique de son rap. Pour ce mois de septembre, l’ancien membre de la Black Soprano Family nous livre le second volet de My Life Iz a Movie, où il garde une place plus importante au storytelling et, comme le titre l’indique, à des aspects plus personnels de sa vie. Sur ce volume, c’est tout particulièrement sa ville de Philadelphie qui sert de fil conducteur, sous toutes ses coutures. C’est notamment le cas sur l’excellent « Rocky Statue », célèbre monument de la ville, avec la production drumless et solennelle de P.A. Dre, où il est question de boxe, d’entraînement et de rêve. – Xavier
Ty Da Dale feat. Ufo Fev – Popcorn Ceilings (Prod. Nes & Vdon)
Après plus de 3 ans sans n’avoir rien sorti, le très peu connu Ty Da Dale a démarré le mois de septembre avec The Raid, un court EP de 18 minutes estampillé Serious Soundz et semble-t-il, dirigé par l’inénarrable Vdon, que l’on retrouve, seul ou accompagné comme ici, à la production de l’ensemble des productions. On y retrouve également quelques têtes de l’underground newyorkais tels que Daniel Son, ou ici l’excellent Ufo Fev. Le duo fonctionne bien, et la production très classique fait ressortir à merveille les particularités des deux rappeurs. – Xavier
Rome Streetz feat. Joey Bada$$ – Fire at Ya Idle Mind (prod. Wavy Da Ghawd)
Fort du succès de Kiss The Ring, Rome Streetz revient à ses bonnes vieilles habitudes avec la cinquième mouture de ses Noise Kandy. Pour préparer le terrain, il nous livrait « Fire at Ya Idl Mind » aux côtés de Joye Bada$$. Les deux acolytes glissent comme des poissons dans l’eau sur la boucle aussi simple et entêtante qu’efficace. Et si le disque dans son ensemble ne se hisse pas à la hauteur des sommets du New-Yorkais, l’esprit de cour de récréation teintée de poisse et la solidité derrière le micro en font une parfait jointure entre sa discographie complète et son très griseldesque dernier album. – Wilhelm
38 Spesh & Conway The Machine feat. Lloyd Banks
38 Spesh n’est jamais aussi fort que lorsqu’il a l’occasion de faire briller quelqu’un d’autre et Conway ne brille jamais plus que solidement épaulé. La connexion était donc évidente et Speshial Machinery est, sans surprise, une réussite totale. Le disque ne réinvente pas la roue mais qu’est-ce qu’il roule bien, et la présence de Lloyd Banks sur « Latex Gloves » ne saurait qu’enfoncer le clou. Un clou rouillé et probablement porteur du tétanos, certes, mais un clou enfoncé aussi loin que l’outillage humain le permette. – Wilhelm