En quelques jours, la planète hip-hop aura vu la disparition de TakeOff, Hurricane G et Tame One (du groupe Artifacts)… On aura vu mieux comme introduction mais avant de passer à notre sélection, ayons une pensée pour ces trois acteurs importants du mouvement.
Cormega – Man vs. Myth (prod. Harry Fraud)
Faire une suite à son grand classique sonne toujours comme une mauvaise idée, que ce soit au cinéma ou dans la musique. Pourtant, Cormega est parvenu à s’approcher du niveau de son The Realness sur ce deuxième volume, sur lequel il semble monter en puissance au fur et à mesure des morceaux. Armé d’une diction nette, le vieux sage du Queens délivre des phases fines et concises à tout va (« A scheme that lacks vision is blind ambition, clarity maximizes potential »). Il appelle l’auditeur à savoir trouver sa place et à utiliser son savoir à bon escient. Les accents tragiques de la production d’Harry Fraud viennent renforcer les accents de philosophie antique qui parcourent ce morceau. – Jérémy
Wiki & Subjxct 5 feat. DJ Lucas – Silent meeting
Sur ce nouveau projet avec Subjxct, Wiki a fait parler toute sa versatilité en jonglant entre les ambiances. Cette production aux accents cloud est l’occasion d’un morceau en passe-passe où son ton posé est bien complété par le côté criard et pressant de DJ Lucas. Tous deux se replongent dans leurs souvenirs et évoquent leur rencontre via le net, amis avant même de se rencontrer. En contrebalance avec le côté atmosphérique de la production, les échanges entre les deux hommes sont hyper dynamiques. Si Wiki n’était pas à l’aise sur tous types de terrains, on pourrait presque dire qu’il sort ici de sa zone de confort. – Jérémy
Smino – Lee & Lovie feat. Reggie (prod. Groove & Cory Henry)
Du rap au r’n’b il n’y a qu’un pas et Smino a prouvé plusieurs fois qu’il était capable de réaliser ce petit écart. Avec son troisième album studio intitulé Luv 4 Rent, Smino explore cette fois la thématique de l’amour, de long en large, de son procédé, de son processus, de ses causes et de ses conséquences. Un programme fourni que le rappeur de Saint Louis a choisi de défendre avec des invités comme J. Cole, Ravyn Lenae, Lil Uzi Vert ou ici ce bon vieux Reggie. Un album qu’on ne peut que vous conseiller. – Clément
Lord Apex & El Lif – Mission Statement
Le rappeur anglais Lord Apex et le producteur brésilien El Lif joignent leur force pour un projet 10 titres qui rend un vibrant hommage à la balle ronde et à ses esthètes. Intitulé Joga Bonito (qu’on peut traduire par « jouer de façon merveilleuse », et oui j’ai fait LV1 portugais), la mixtape a la volonté de retourner à la base du football, à savoir de jouer avec honneur, respect, fierté et avec les autres, pour les autres. Je vous passe le discours façon Pascal Dupraz et vous invite à écouter le projet dans son entièreté en dégustant un magnifique millésime Ronaldinho 2005. – Clément
Jeezy & DJ Drama – Bruh (prod. D. Rich)
Et si Jeezy était le rappeur du siècle, du moment qu’il sévit sur des productions cuivrées et triomphales ? C’est une question que l’on est en droit de se poser à l’écoute de SNOFALL, mixtape surprise agrémentée des cris réguliers de DJ Drama, tant les production ultra-bruyantes de chef de guerre accompagnent à merveille la voix rocailleuse du MC d’Atlanta. Et si l’amuse-bouche que constitue « Bruh » parle à votre âme de conquérant, vous pouvez vous plonger sans crainte dans l’opus en entier. – Xavier
Central Cee – One Up (prod. Lekaa Beats)
Après avoir explosé en 2021 avec sa mixtape Wild West, le rappeur londonien d’ascendance irlando-guyanaise Central Cee s’est fait connaître en France avec le banger « Polémique » aux côtés de Freeze Corleone. Le voilà qui revient avec un EP surprise de 4 titres qui aurait pu servir d’accompagnement idoine à la saison 4 de Top Boy. Alors que le rap outre-Manche est trop souvent assimilé à de la drill pure et dure, Cee montre que l’on peut également se détacher de cette étiquette pour proposer quelque chose de plus mélodieux, tout en restant énergique et agressif. Une des belles surprises de ce mois d’octobre. – Xavier
Willie the Kid & Vdon – 1000 Eyes
Une imagerie cinématographique du siècle dernier, des boucles d’outre-tombe, la voix juvénile d’un briscard du Michigan, pas de doute, nos Allemands favoris sont là pour compléter la trilogie des Deutsche Marks. Et l’on est bien obligé de s’incliner devant ce sans-faute de cohérence et de maîtrise étalé sur plus de 5 ans. La magie fonctionne toujours entre les deux orfèvres, et les invités venus croiser le micro avec Willie font honneur aux hôtes. Difficile dans tout cela de sortir un extrait, donc nous faisons honneur à un morceau clippé. Tout l’album vous est toutefois chaudement recommandé. – Xavier
Lil Yachty – Poland (prod. F1lthy, Lukrative & Lucian)
Fatigué des snippets non officiels qui circulent depuis le mois d’août dernier, Lil Yachty a balancé « Poland » sur son SoundCloud, scandant « STOP LEAKING MY SHIT » en description. Devant le vif engouement et une vague de mèmes (parfois vraiment hilarants), le Petit Bateau a décidé de faire un clip et une sortie « conventionnelle » sur les autres plateformes de streaming avec une cover justement tirée desdits mèmes. Si le morceau est un phénomène très intense du (début de) mois, pas sûr que le morceau s’inscrive vraiment dans le temps long malgré un refrain entêtant et aussi efficace que clivant. – Wilhelm
Westside Gunn feat. Busta Rhymes, Raekwon, Ghostface Killah & Stove God Cooks – Science Class (prod. Swiss Beatz)
Westside Gunn semble bien décidé à ne plus rapper sur ses propres disques mais inviter d’éminents rappeurs pour faire des morceaux de plus de 12 mesures (dont Stove God Cooks sur la moitié des sons). La dixième et supposée (pour la deux ou troisième fois d’affilée) ultime mouture des Hitler Wears Hermès, sobrement intitulée 10, peut légitimement décevoir dans son ensemble. Il faut toutefois reconnaître que la tracklist a de quoi faire rêver et ce cours de science est un cadeau pour les fans que nous sommes. Tout le monde sort son costume du dimanche – en plus il y a Ghostface et Raekwon. – Wilhelm
Chris Crack – Missionary Cause We Boaf Cute
Non content d’avoir (et de loin) les meilleurs titres de chansons et de disques du 4ème art, Chris Crack a également un choix de boucle des plus affutés. Difficile, d’ailleurs, d’extraire un seul morceau de l’excellent What Y’All Mad About Today tant le bonhomme est consistant de disque en disque, si ce n’est que ses morceaux ultra courts s’accompagnent d’une délicieuse frustration. Nous tenterons toutefois de vous aguicher via « Missionary Cause We Boaf Cute » où l’on peut retrouver pas mal des éléments qui caractérisent ce bon vieux Christopher (et le titre est rigolo). – Wilhelm