SCH, à 200 sur l’autoroute du succès

« En attendant Autobahn ». C’est ainsi que nous a été présenté « Lif », balancé juste comme ça, le 27 octobre dernier. Tout naturellement, le titre se retrouvait sans détour dans notre sélections des 10 sons qu’il ne fallait pas rater ce mois-là.

A peine quelques semaines passent et voilà que déboule, bien armé, la fameuse mixtape des sept ans qu’on attendait tous, même notre cher et révéré confrère Chafik, enfin converti au style de l’Aubannais (la preuve ici). Seulement un an après JVLIVS II et deux ans après son carton intersidéral au sein du collectif Bande Organisée mené par un Jul ambitieux meneur de jeu, SCH semble déterminé à s’imposer encore et toujours comme un attaquant de choix au sein de cette écurie marseillaise qui n’en finit plus d’exploser les compteurs.

Jamais à cours d’albums concepts, voici cette fois notre fake mafieux préféré à bord d’un bolide sportif très agressif, prêt à en découdre avec quiconque essaierait de le doubler. Plus ou moins confortablement installés à la place du mort, il nous embarque donc sur un circuit qui prend des allures de go fast empreint de mélancolie entre deux furieuses accélérations. Un brin impressionnés mais surtout très excités et ravis, nous voilà accrochés à l’accoudoir en cuir.

Crissement de pneus

Un démarrage en trombe avec ce qui va devenir un son familier et qui va nous accompagner tout au long de la tracklist. Tirant dès le premier morceau sur un violoncelle saturé, l’ambiance est posée. Sur ce circuit, les joueurs rugissent avec leur gros moteurs et le beat en arrière-plan les rend palpables. Comme toujours, les images percutantes se succèdent phase après phase, tandis que le S s’élève dans des tonalités d’aiguës qui rappelleront A7 à ses fans de longue date. Comme souvent avec SCH, cette entrée en matière est soignée et plonge l’auditeur immédiatement dans le contexte. La violence sera au rendez-vous, ce rallye c’est à la vie à la mort.

La vie, justement, ce serait comme un petit air de boom-bap. Ce petit cœur qui bat, derrière la grosse cylindrée, on l’entend dès la deuxième piste, à l’arrière de « Lif », ce titre qui avait mis tout le monde d’accord il y a deux semaines. Le beat malmené par un piano faussement simple et un refrain implacablement efficace nous rappelle les battements erratiques d’un palpitant affolé par l’excitation. Le flow se balade, la rime tombe juste, on sent que le garçon se contrôle pour garder la roue droite.

Au tournant de « Niobé », on change de style sans soucis, SCH se promène à 200 km/h sans la peur du platane. Les placements sont intelligents, les gimmicks dont il raffole n’ont rien d’artificiel et ajoutent une ponctuation éloquente à des phases complexes et riches de sens. Pas de pause sur ce freestyle musclé, posé sur une prod superbement dosée par 2K et Gancho, qui sait se faire très discrète pour laisser toute sa place à JVLIVS. De petits effets claviers pseudo futuristes du meilleur effet pour couronner le tout, et on se retrouve en pôle position pour se lancer dans la suite.

Car lorsque « Marginaux » se lance, les BPM accélèrent et c’est sur un style mi-festif, mi-grinçant, qu’on retrouve cette voix si caractéristique. Sur un refrain explosif, SCH, joueur, s’amuse avec les assonances quand… Oh ! Tiens ! Dinos ! Le Marseillais inspire le Parisien et le pousse à kicker comme jamais depuis Punchlinovic. Échange de bons mots et rires complices, on court derrière.

Virage

« Tiens prends celle-là » nous dit Julien alors que, presque à bout de souffle, on se demande quand viendra le tournant de l’album. Car SCH nous a habitué dans ses précédents opus à des changements progressifs d’ambiance tous les quatre-cinq titres. En toute vraisemblance on devrait donc y être. Et en effet, si les couplets sont toujours incisifs, le refrain paraît se calmer. Paraît seulement car même si la voiture semble être restée au parking, SCH nous a assis sur le siège arrière d’un motocross qui bondit, glisse, dérape, se faufile et pile en faut de la falaise pour mieux se laisser sauter. Les quarante dernières secondes d' »Offshore », on entend les pneus hurler, les accélérations dans les lignes droites, l’approche prudente du virage, et enfin, le moteur qui sautille fièrement avant de s’éteindre. Voilà le break.

A moins que… Au premier tiers de l’album, sur une prod Type-Jul, Schneider, en un sursaut, surfe sur la méthode brevetée Bande Organisée. Mais bon sang comment fait-il ? Seul, sur une prod à défoncer le dancefloor et à assommer les poppeurs, ses rimes se posent comme des plumes alors qu’il nous enchaîne les claques au refrain. On retiendra que « Pour garer le Mercedes, faut deux places » et on s’apprête à découvrir, survolté, la face B du bandit.

Car il est là, de nouveau faussement calme, très tranquille. On le pense prêt à chantonner et puis finalement non. Sur une prod papier peint, tapisserie élimée derrière un flow pépère et des rimes qui captent toute l’attention, on retrouve du SCH pur jus. Un piano, un beat, un flow en plein contrôle, une méchanceté ciselée sapé en VW. Le gars va lever les lunettes de soleil si on s’approche trop.

Et sûrement qu’il s’attend à nous voir de plus près car sur le titre suivant, il nous sort la guitare, les échos qui vont bien et les voix lascives de petites meufs. L’ autotune pour entrer dans une série de trois-quatre morceaux mi-mielleux / mi-hardcore, croisement de mic avec So La Lune, on y est : « Transmission Automatique » est LE titre « balle rebondissante » de l’album. Une pause d’intensité plastifiée pour mieux rebondir et passer à la phase suivante.

Et une pause bienvenue à vrai dire, car le cœur en plastique de Julien ne doute pas longtemps avant d’être de nouveau jeté aux loups dans le son suivant. Un son pur cartel, entre glamour douteux et cruauté morose. Le gangster se lasserait-il de la vilenie ? Sa voix travestie, méconnaissable en fin de morceaux nous perturbe… Et si trop de banditisme avait fini par atteindre notre pilote d’élite?

Coup de frein

Un peu perdu, un peu amer, le boss du circuit traîne tous les bons quadragénaires qui se respectent vers l’accident. En début du morceau suivant, on se réveille sous les bip-bip rapides du moniteur, dans les bras d’une beauté fatale. Beat électro et personnalisation automobile, un petit air de Béatrix Kiddo, et « Lilou Dallas » (multipass) termine de nous faire sombrer dans la face mélancolique de cet opus. On est remonté dans la caisse, certes, mais la conduite, toujours sportive, n’a plus le même goût. « Je souris plus, je suis là pour les Chipster ».

La grisaille s’installe, les nuages s’amoncellent, le spleen du voyou prend le volant, un verre de bourbon dans le porte gobelet. Les temps changent, le monde avance trop vite. Le bolide a beau foncer pour garder sa place tout devant, la vitesse ne laisse pas le temps au passager désabusé de regarder le paysage. Tout ce qu’on rate…

Bloqué entre deux mondes, Julien se lamente d’une enfance trop vite envolée, avant de se lancer tête baissée et plein de fureur dans le morceau introspectif qu’on attendait. SCH qui regrette, SCH qui cherche ses potes, SCH qui dit pardon Maman. Le fond est connu, on a souvent entendu ses remords, toujours emportés par des envolées de flows enragés et des placements précis. Mais cette fois, pas de « ça valait peut être le coup d’être un con ? ». Rien n’est nouveau, mais c’est vrai, tout est neuf. Julien a passé la seconde de la nostalgie. Il est tombé dans la mélancolie. Les durs sont aussi réalistes.

Sur le dernier morceau, on retrouve un petit air du piano de « Fusil », et malgré un beat rapide taillé pour l’enjaillement, la brume a recouvert la violence. On ne s’amuse plus que superficiellement. On veut prendre une dernière revanche, le verre plein qui bouge doucement au bout d’un bras qui se balance en rythme. Mais les échos expriment cette fois un non-sens, les effets de manche de la prod tentent en vain d’atténuer la tristesse des paroles. Au final, on se veut se battre encore. On est au sommet, et on doit toujours faire mieux, toujours faire plus, prouver. C’est épuisant. On veut tout prendre – mais derrière cet appétit vorace, on devine qu’on ne prend que tout ce qu’on nous laisse. Tout ce qui reste, tout ce qu’on peut.

Le cœur serré derrière la ceinture de sécurité, on est enfoncé dans le siège passager, on a compris. Le silence qui suit du SCH c’est toujours du SCH. La main sur le volant, ses yeux brillent dans le rétro, ses lèvres esquissent un sourire. Nous on descend là pour l’instant mais on souhaite que la route soit longue.

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