La carrière de Lary Kidd est une piste de course. Chaque album est un dérapage contrôlé : chacun des virages amène un risque de perdre le contrôle, mais tout se révèle dans la beauté du geste. À l’époque du trio Loud Lary Ajust, le public s’enflammait grâce à son énergie désinvolte et frontale, à la limite du punk rock, pouvant à tout moment compter sur la tempérance d’un Loud distillant les mots comme personne. La vérité, c’est que l’écriture de Lary est également sans pareille, mais encore fallait-il le constater. Samples et drums colorés gonflés aux testostérone : les instrumentales bruyantes de leur discographie de groupe laissaient peu de place à ces deux aspects de son univers. Par moments, l’un prenait le pas sur l’autre et le jeune homme pouvait dérouler de longs couplets sans se brider, se laissant happer par le fantôme d’un Ghostface. Sur Contrôle, on voit ses accès de folie se formaliser, prenant le pas sur la lisibilité des textes. L’équilibre est somme toute rétabli sur Surhomme, mais on sent bien que Lary ne s’amuse jamais autant que quand il se trouve sur son terrain de prédilection. Ironiquement aidé par les contraintes commerciales que créent la période actuelle, l’artiste opère en cercle fermé pour revenir à ses premiers amours. Son ami de toujours, Ajust, est à la barre et le seul mot d’ordre est : du rap, un beat, pas grand chose de plus. Et avec le style qu’on leur connaît, ils atteignent la cible une nouvelle fois. Itinéraire d’une carrière à haute vitesse en dix morceaux.
1 – Loud Lary Ajust – Candlewood Suites (Gullywood, 2012)
C’est drôle parce que durant les deux derniers mois, à chaque fois que je voyais Loud et Ajust, Ajust jouait tous nos albums du début à la fin ! C’est cool parce qu’on se remémore les chansons tous les trois.
J’ai l’impression que c’est pas le cas de beaucoup d’artistes, parce qu’ils souhaitent rester dans l’optique de faire évoluer leur art et n’ont pas envie comparer leur niveau actuel à celui qu’ils avaient dans leurs anciennes chansons. Donc je trouve ça intéressant que vous le fassiez quand même.
J’ai l’impression que c’est surtout un délire amical. Genre, il est rendu 2h du matin donc on se dit « vas-y, mets les vieilles chansons ». On se regarde et on rigole. Tout simplement.
Dans quel contexte avez-vous réalisé votre premier album Gullywood ? Il y avait des enjeux par rapport à cette sortie ? C’est un album qui a définitivement marqué l’histoire du rap québécois…
Mon dieu, à l’époque on était plus ou moins connus. Disons connus à un point où les blogs comme HipHopFranco et HHQC.com parlaient parfois de nous. On était à l’âge où on allait à l’université. On s’est connecté via Ajust [NDLR : beatmaker du groupe] et William.
Ce qui a de particulier c’est votre usage du franglais, au style nettement différent de celui d’Alaclair Ensemble (des maîtres en la matière). Est-ce que c’était réfléchi de mélanger le français et l’anglais de cette manière ou bien ça faisait partie de votre langage courant ?
Je crois que c’était comme qu’on parlait, mais je ferais tout de même une distinction ici. Je m’exprime pas en franglais dans la vie de tous les jours avec ma blonde [NDLR : ma « copine » en québécois], avec la caissière à l’épicerie. C’est vraiment un espèce de trip d’amis rappeurs ou autres influencés par la culture anglophone qui s’expriment comme ça. Je penses que c’était surtout naturel de le faire de cette façon à l’époque. Les champs lexicaux sont plus intéressants à exploiter quand tu inclus de l’anglais dans tes chansons. Ça te donne des opportunités de bender et twister des mots pour qu’ils riment, que le syllabes aient plus de portée dans une langue ou l’autre.
Dans les prods de l’album, il y a aussi une fibre minimaliste qui rappelle le style sans drums des productions boom-bap d’aujourd’hui ! Et c’était en 2012 !
Absolument ! C’est pour ça que quand j’ai fait « Bleach », des jeunes en début vingtaine qui connaissent pas ce qui se faisait dans les années 1990, le seul élément de comparaison qu’ils avaient c’était Griselda. Mais I been doing that type of rap depuis longtemps, mon vieux ! Rapper sur une boucle de rock progressif, on fait ça depuis…
Depuis RZA !
Exact, depuis que Ghostface le fait, oui ! Tu sais, quand il y a eu le VERZUZ RZA vs. DJ Premier, moi j’étais du côté de RZA. Je me souviens des longs couplets de Ghostface rappés par-dessus des espèces bruits clinquants sans drums, avec lui qui sort des 52 bars ! Il y a une espèce de renouveau qui a été amené par Griselda que je trouve personnellement fascinant parce que ça remet les choses en perspective en plus de ramener une saveur qui était complètement oubliée. Pour des gars comme moi qui ont jamais arrêté d’écouter ça, c’est agréable.
2 – Loud Lary Ajust – Rap Queb feat. Koriass (Ô Mon Dieu, 2013)
Grosse chanson ça, quand même !
Avec le recul, si on vous écoutait à cette époque-là, on ne trouverait pas la connexion si évidente. Koriass a vraiment un univers à lui, avec un public qui cherche à le mettre dans une case alors que c’est un pur MC.
Ton commentaire est intéressant. Comment dire… Koriass ultimement, ce qui le définit, c’est ses choix de sujets de chanson, tu vois ce que je veux dire ? En terme de pure technique, le gars est là.
C’était des choix artistiques particuliers qu’on faisait dans ce temps-là. Le fait qu’on ait chacun des longs couplets de 24 bars sur ce genre de beats, c’est un choix artistique qui prend des couilles à mon avis. Peut-être que c’était plus commun à l’époque, mais aujourd’hui je crois que ça en énerverait plus d’un. Fallait avoir l’oreille aiguisée et aimer les longs verses, ce qui est encore mon cas…
Comment s’est faite la connexion avec Koriass ?
C’était juste un collègue rappeur de l’époque. Surtout dans ce temps-là, il y en avait pas énormément. Ça a dû se faire par Facebook. Il nous a envoyé son couplet et voilà. On a fait des tournées ensemble également !
Rap Queb Money Tour, right ?
Ouais, avec Eman & Vlooper aussi.
OK, là on va arriver sur un gros morceau. Je crois que tu as dû l’entendre des millions de fois…
3 – Loud Lary Ajust – Rien ne va plus (Blue Volvo, 2014)
[Ris dès les premières notes en reconnaissant la chanson.]
Blue Volvo arrive après Gullywood qui était très brute, Ô Mon Dieu qui était dans la continuité de la formule LLA. On sentait que vous aviez installé votre style, mais avec cet album j’ai l’impression que le son était plus polis, la réalisation globale était plus travaillée. Est-ce que ça à voir avec votre collaboration avec Ruffsound ?
Effectivement. Quand Ruffsound s’est mêlé à tout ça, il y a eu un impact sur l’esthétisme de la musique. Surtout sur comment on construisait nos chansons. Je crois aussi que c’était notre premier album sur un major, donc on a peaufiné le mixage et le mastering.
Et au niveau des sujets, je crois qu’au-delà du franglais, c’est vraiment les sujets abordés qui ont marqué le public. J’ai l’impression qu’il y a pas plus montréalais qu’LLA.
Je le pense également. Je pense que bien doser la vantardise de ce lifestyle-là, tout est pesant l’espèce de côté sombre dépressif qui se cache derrière ça, c’est surtout la fine ligne sur laquelle on jouait. Et je crois que ça a très certainement marqué notre musique. Sans se le dire pour Loud et moi, le realness qu’on amenait résidait là-dedans. D’aborder des sujets qui touchent aux drogues, c’était jamais un encouragement, c’était juste une finalité : c’est cool mais pas tant.
Tu as d’ailleurs beaucoup parlé des impacts psychologiques de l’usage de drogues. C’est quelque chose que tu n’as jamais caché, pourtant dans LLA j’ai pas l’impression que vous grossissiez le trait. L’authenticité de vos descriptions, aussi crues puissent-elles être, c’était ça qui touchait le public par-dessus tout.
J’apprécie ce que tu dis, parce que tu sembles être un gars qui a bien analysé l’œuvre et qui la comprend. Mais nonobstant ça, je crois que je me souviens surtout des remarques où les gens saisissaient mal notre message. Vraisemblablement, j’ai l’impression qu’avec le recul, les gens comprennent un peu plus notre œuvre en allant au-delà du premier degré.
Personnellement, je sais pas ce qui s’est passé dans le Candlewoods Suites, mais le genre de scènes que vous décriviez, moi je les ai vues de mes propres yeux. Il y a un côté très urbain propre à Montréal, contrairement à Alaclair Ensemble, par exemple, qui ont créé un univers à eux, un peu rural, également influencé par la ville de Québec. Vous, j’ai l’impression qu’il y avait un côté plus journalistique dans la manière de décrire ce que vous voyiez.
Très certainement un beau travail d’anthropologie d’une jeunesse désespérée [rires].
Parlant de jeunesse, comment est venue le adlib « jeune homme »?
Ça vient de Jay-Z, qui dit tout le temps « young » ! Young Jeezy le fait aussi. L’interjection est cool à dire, ça finit bien mes couplets.
4 – Loud Lary Ajust – Jour 1 (Ondulé, 2016)
Je crois que c’est une de mes meilleures performances d’LLA. Techniquement, vocalement, c’était bien dosé en terme de livraison… Presque sentimentale par moments. Il y a aussi plein de multisyllabiques intéressantes là-dedans. En y réfléchissant, je me suis toujours trouvé très bon dessus. Tu sais, avec le recul, tu regardes ton catalogue et tu te dis « là-dessus j’étais moins bon ». Mais sur « Jour 1 », c’est solide pour moi. C’est un gros track. Mon refrain aussi a injecté une certainement agressivité à la chanson. C’est une chanson très cool à faire en spectacle.
Il y a pas une certaine amertume attachée à cette chanson? C’est un peu votre chant du cygne, votre dernier projet. Votre dernier concert au OUMF était en 2016, la même année que la sortie d’Ondulé. Qu’est-ce que ce EP représente dans le contexte où vous alliez vous séparer ?
J’ai juste l’impression qu’il y a eu un relâchement. Sur ce EP, on a juste fait ce qu’on voulait. Puisque c’était notre dernier projet, on s’est fait plaisir. C’était très libre. C’est pour ça que, par exemple, sur « Ondulations« , je casse la chanson avec un très long couplet. Il y avait pas de règles. Ajust aussi s’est très amusé sur la réalisation.
Quelle est la dynamique en studio lorsqu’on est face à un autre rappeur comme Loud avec qui on doit compétitionner ?
Quand on était en studio ensemble, c’était pour finaliser une chanson et s’enregistrer. Ce qui était intéressant avec Loud et moi, c’est que notre alchimie était tellement forte qu’on n’avait pas besoin de discuter des chansons. On partait chacun de notre côté avec les instrus et quand on enregistrait, c’est comme si on avait eu la même inspiration en les écoutant. Nos couplets allaient toujours bien ensemble. Mais l’expérience humaine d’LLA, c’était foncièrement en spectacle. Le studio se faisait de façon moins organisée. On pouvait autant s’enregistrer l’un l’autre que travailler chacun de nos côtés respectifs tout en gardant l’unité de notre projet artistique intacte.
Tu écris encore avant tes sessions studios ?
J’écris jamais en studio. Je ne conseillerais à aucun rappeur de le faire.
Mais la plupart le font aujourd’hui !
C’est pour ça qu’ils sont pas bons [rires]. Non mais sérieusement, quand t’es dans un groupe où tout le monde boit et fume en studio, écrire sur le coin d’une table dans cette ambiance, ça donnera pas ton meilleur couplet. Il faut réfléchir [il insiste sur ce mot] un couplet pour être bon. C’est ça la différence entre ceux qui ont des bars, et ceux qui n’en n’ont pas. C’est pas parce que tu fais rimer trois syllabes que tu dis quelque chose. Avec LLA, on travaillait une chanson jusqu’à ce qu’elle soit parfaite. En tout cas, c’est un conseil que je donnerais à n’importe quel rappeur.
5 – Lary Kidd – Éloge de l’ignorance (Single, 2016)
Ça c’est un de mes meilleurs morceaux, man ! D’ailleurs, elle est sortie le 16 février. Ça va faire cinq ans que je l’ai sortie [NDLR : l’entrevue s’est faite début février 2021]. À chaque année, je me fais un point d’honneur à la reposter sur les réseaux pour que les gens l’écoutent.
Elle est sortie dans une période de creux post-LLA. J’imagine que c’est pour ça qu’elle n’a pas eu l’impact que tu aurais désiré, bien que je l’aime beaucoup. Loud n’avait pas encore sorti de morceau en solo donc le public était dans l’attente de quelque chose. Et puis d’un coup, tu reviens avec ça.
Je suis extrêmement fier de cette chanson. J’ai réalisé le clip. J’ai loop une chanson de La Chicane et voilà.
6 – Lary Kidd – Les palmiers brûlent dans la nuit (Contrôle, 2017)
Quand j’ai fait cette chanson, le auto-tune chantonné était pas aussi démocratisé qu’aujourd’hui. C’est fascinant comment cette chanson a polarisé mes fans. Ce qui est encore plus fascinant, c’est que pendant ce temps, elle est restée en première position du top Franco de SiriusXM. Le cash que j’ai fait avec cette chanson ! Et je le dis de façon très candide. C’est pour faire le contraste avec la vague de commentaires négatifs qu’elle suscitait. Même trois mois après, les commentaires continuaient à pulluler. Les gens disaient que j’étais plus lyrical, etc. C’est pour ça que j’avais de la difficulté à dormir quand elle est sortie, mais quand j’ai vu les chèques rentrer… [rires] L’effet polarisant, c’est une bonne chose quand tu fais de l’art.
Je faisais partie des gens qui l’appréciaient. La chanson choquait aussi parce que particulièrement épurée au niveau des paroles, surtout du côté de Yes McCan. Si on compare avec l’époque de JH$ Remix, le contraste est assez drôle.
C’est drôle parce que quand on faisait cette chanson, Yes McCan était en studio avec VNCE Carter [NDLR : beatmaker des Dead Obies] et en écoutant le beat, il nous dit qu’il avait un genre de petit couplet / poème complètement abstrait. Il l’a enregistré et on l’a gardé.
Cet album dans son entièreté a polarisé l’opinion des fans. J’ai donc trouvé ça courageux que tu en parles lors de ton passage au podcast Rapolitik. Quel bilan tu fais de cet album à la lumière de toutes les critiques dont il a fait l’objet ?
C’est intéressant. Maintenant, je penses que j’explique à Rapolitik que je me suis bâti une opinion par rapport aux deux sens des critiques. S’il y a quelque chose de positif que je retiens de tout ça, c’est certainement son côté cohérent au niveau sonore. C’est un gros trip de A à Z. Ça j’en suis fier. Je pense que les deux critiques, elles étaient très mauvaises ou très bonnes, mais elles avaient sans doute leurs raisons d’être. Il reste que la musique est parfaitement ficelée de mon point de vue. Somme toute, je crois que je suis surtout fier d’avoir fait ce que je voulais avec cet album. Je sais pas si tu as déjà vu la pochette de l’album en physique ? C’était une sorte de dépliant de photos sombres dedans, c’était un beau tout.
Étais-tu dans une période difficile niveau santé mentale ?
Oui, et je crois que ça se reflète pas mal dans l’album. Cet album se veut peut-être davantage un contenant qu’un contenu, et c’est très bien comme ça de mon point de vue. J’aurais peut-être peaufiné plus de textes sur Contrôle, mais somme toute je crois qu’on a fait un bon travail avec VNCE, qui réalisait pour la première fois un album dans son entièreté, si on exclut sa discographie avec les Dead Obies.
Il y a effectivement une patte un peu plus pop qui rappelle les Dead Obies sur l’album.
Il a travaillé beaucoup de fins de chansons et d’instrumentations tout en gardant ça sombre.
7 – Lary Kidd – Ce monde là (Contrôle V2, 2018)
That’s the realest shit I ever wrote.
Les quatre chansons de Contrôle V2 ont raccroché pas mal de gens à ta musique. Elle font à la fois le bilan de tes expérimentations sur Contrôle tout en ramenant le Lary Kidd qu’on avait plus revu depuis la fin d’LLA.
Absolument. C’est une très bonne remarque. « Ce monde-là » c’est une bonne chanson, je trouves. L’angle abordé est vraiment intéressant et puis ça met la table sur un côté de ma et de notre jeunesse qui était foncièrement violente. Puis c’est une partie de ma vingtaine que j’explore beaucoup maintenant. Les gars avec qui j’ai traîné à cette époque et auxquels je fais allusion sur « Ce monde-là » c’est beaucoup ce qui sera mis de l’avant dans mes prochains morceaux. J’ai l’impression qu’en terme de réelles expériences vécues, elles sont pas nécessairement dignes de film mais j’ai beaucoup de trucs à raconter. « Ce monde-là » pourrait avoir plusieurs volets. Je puise de plus en plus dans ces expériences-là pour mes morceaux actuels.
La séparation de Loud Lary Ajust avait clairement pour but qu’on fasse chacun des projets en solo.
J’ai l’impression que même dans LLA, tu étais déjà nostalgique. Et surtout nostalgique du temps qui passe plus que d’un évènement en particulier.
Certainement. C’est un trait bien connu d’LLA.
8 – Loud – On My Life feat. Lary Kidd et 20Some (Une année record, 2017)
Quel album !
On comprend à l’écoute de ce titre que vous ne vous êtes jamais séparés, même s’il y a eu un moment de flottement.
La séparation d’LLA avait clairement pour but qu’on fasse chacun des projets en solo. Cette chanson, c’est vraiment du rap à son état le plus pur, sans aucune réflexion particulière. J’ai l’impression que tout le monde a sa place dedans. T’as Loud qui a un super bon couplet avec des références populaires, t’as moi qui est le comble de la vulgarité pour que ce soit drôle et t’as le long verse technique à la fin de 20some. Ce trio est vraiment intéressant. Je me souviens que j’avais dit à Loud que je voulais utiliser le beat de « SWG » puis quand il avait commencé l’album, il me l’a directement envoyé. On avait eu beaucoup de plaisir à faire cette chanson également.
9 – Lary Kidd – Lifestyle (Surhomme, 2019)
Je l’ai beaucoup scratché ce morceau. J’étais très heureux d’entendre Lary Kidd sur du boom-bap.
Merci man, j’apprécie ! Ces couplets étaient pas destinés à cette chanson mais je les ai adaptés et ça a fait du sens. Je crois que j’étais content d’avoir une chanson à thème un peu plus « engagée » [NDLR : il insiste sur les guillements], avec une réflexion plus mature sur la vie. Idéalement, j’aurais pu go off et dire mille et une conneries. Finalement, j’ai fait un morceau qui faisait surtout allusion à notre rapport à l’argent. Mais c’est la première chanson qu’on a fait pour Surhomme.
Pourquoi avoir choisi ce genre d’instrus alors que le reste de l’album est plus actuel dans les sonorités ?
Disons que ce qui est actuel maintenant, on souhaite qu’il ne le soit plus [rires]. Ça c’est juste une réflexion en l’air, là. Je crois que c’est le premier beat qu’Ajust a fait pour le projet. Ruff et Jeff ont rajouté des éléments par la suite.
Tu étais dans quel état d’esprit en faisant cet album ?
J’étais affamé. J’ai jamais de ma vie aussi focus que ça sur un projet. Pendant l’album, j’ai pris une pause de deux mois pour travailler sur ma collection de vêtements Officiel mais à part ça, j’étais concentré. J’ai énormément écrit, j’ai fait des refrains que j’ai retravaillés. J’ai peaufiné des verses jusqu’à ce qu’il y ait aucune mauvaise ligne. Je voulais me dire que cet album, je ne pourrais jamais me lasser des lyrics. Je pense que c’est quand même mission accomplie. Et niveau musique, le roaster de producteurs parle de lui-même. Une chanson comme « Lifestyle », elle risque de durer longtemps. Lyrically, c’est mon meilleur shit. Peut-être que d’un certaine point de vue, mon niveau sur Gullywood rivalise avec celui sur cet album mais globalement, je suis très fier de Surhomme. Je peux pas penser à des fillers lines. Je le dis pas de façon prétentieuse, mais si t’es un fan de lyrics de rap, c’est un excellent album. Je me suis imposé un standard très élevé là-dessus.
Disons que ce qui est actuel maintenant, on souhaite que ce ne le soit plus [rires].
10 – Lary Kidd – Bleach (Single, 2020)
Un autre bijou ! J’ai enregistré ce morceau chez moi avec un micro à 100 $.
Ce morceau est arrivé de nulle part. Je sens que tu as donné aux gens ce qu’ils savaient pas qu’ils avaient besoin.
J’apprécie. La pandémie m’a fait remettre la musique et sa forme en question. Surtout qu’une carrière musicale d’un gars comme moi, ça réside dans les spectacles au niveau financier. Je dis ça avec des gros guillemets mais la musique n’a pas de finalité en ce moment, à moins que tu sois un artiste qui passe à la radio. Donc jusqu’à ce que j’aie l’occasion de faire de la musique que je formate pour des spectacles, je me suis dit que j’allais pas me priver de faire ce genre de morceaux. Ultimement, je crois que les gens voient que ce que je fais détonne avec toute l’offre musicale actuelle et pour être parfaitement franc avec toi, j’en suis fier. Comme je dis, le rap devient de plus en plus doux et chantonné, c’est un vibe que je respecte mais j’ai moins la capacité de le faire. J’ai la capacité de faire autre chose donc cette autre chose, je vais la faire. Je suis bien content d’être à contre-courant dans une période comme celle-ci.
C’est très « griseldaesque » comme morceau.
Ouais, Griselda, Ghostface, RZA, ce sont toutes des références que j’ai. Je pourrais pas être plus excité que ça de revenir à mes premiers amours : faire des espèces de beats à la mort lente.
Est-ce qu’on peut s’attendre à d’autres morceaux de ce genre ?
Ah [sourire en coin], vous le saurez en temps et lieux !
Note : Le nouvel EP de Lary Kidd, Le poids des livres, n’était pas encore sorti au moment de faire cette entrevue.
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