10 Bons Sons allemands en 2020

Au cours de cette année marquée mondialement par la pandémie de COVID-19, le Deutschrap aura tenu le rang mondial qui est le sien. Toujours sur une pente croissante, dynamique et passionnée, les têtes d’affiche étaient toutes au rendez-vous : Gzuz est sorti de prison pile pour défendre son nouveau projet homonyme, Samra a enfin sorti son premier album solo, puis annoncé son deuxième dans la foulée, celui de Haze a tenu toutes ses promesses, Capital Bra a vendu des pizzas (puis des jus de fruits) à son effigie et nombreux ont dû décaler leurs box (Azad, Bushido, Kool Savas, Silla) à cause notamment de la crise sanitaire. Voici notre sélection de rigueur, partagée entre Berlin et Francfort, en passant par Düsseldorf.

1 – Gringo, HK & ESO.ES – Piranhas

Un mois avant sa disparition, Bill Withers aura reçu un bel hommage en provenance d’Allemagne, cette superbe reprise du refrain classique « Ain’t no sunshine ». Une version modernisée avec ce refrain new r&b, et de bons couplets rappés dans la langue de Goethe dont l’histoire ne dit pas si le génial chanteur de soul aura eu vent. Toujours est-il que « Piranhas » est un titre hyper efficace, assurément l’un des plus marquants sortis en 2020 Outre-Rhin. Gringo s’installe progressivement comme l’une des plus belles promesses que compte le Straßenrap et l’on se hâte de la sortie du prochain album du Berlinois.

2 – Savvy – Rauchschwaden

4 EP dont deux produits par MotB, des titres inédits par-ci par-là : Savvy n’a pas passé que le confinement en studio mais bien toute l’année 2020 ! Le Berlinois, hyperactif membre du crew 245, se démarque peu à peu sur la scène underground allemande, réussissant à rapper sur des vibes jazzy rappelant les Nineties ou à surprendre sur des beats trap ou cloud beaucoup plus d’actualité. « Rauchschwaden », extrait du EP Kleinwagen Tape, illustre bien la première couleur mentionnée mais n’hésitez pas à aller jeter une oreille à l’EP 35mm pour découvrir l’autre facette de sa musique, toute aussi intéressante.

3 – Habibi S – Alles wegen Para 

Pourquoi prendre le temps de délivrer des singles quand on a déjà un très bon EP, lyricalement abouti et cohérent dans le choix de prods ? C’est de cette façon qu’Habibi S a décidé de débouler sur la scène rap allemande. Originaire de Turquie et installé à Francfort, le jeune MC de vingt six-ans dépeint ses poumons noirs en huit chansons égales, plutôt sombres et pessimistes. A l’image de « Alles wegen Para », son ode anti-argent qui ne révolutionne pas le hip-hop mais constitue une lignée de rimes agréables et engagées. Décidément pressé, Habibi S a déjà enchainé avec trois nouveaux singles et annoncé la mixtape SIDB pour le 2 janvier, histoire de commencer 2021 pied au plancher.

4 – Pöbel MC – Patchworkwendekids

Pöbel MC a sorti ce qui ressemble fort à l’un des meilleurs de rap allemand en 2020. Le cinquième projet du « MC de la populace » a pour titre un imprévisible et difficilement traduisible néologisme: Bildungsbürgerprolls. On pourrait le traduire par « le bourgeois-beauf éduqué ». Fruit d’une longue gamberge musicale, le Berlinois, qui a déjà prouvé par le passé son aptitude à évoluer sur des ambiances boombap, a réfléchi et créé ces douze morceaux comme un puzzle de mots et de pensées qu’il voulait équilibré entre des textes riches et un rap digestible. Pari réussi si l’on se fie aux retombées dans la presse spé et à ses chiffres en streaming. Sur « Patchworkwendekids » notamment, il embrasse magistralement la prod et rappe des couplets impeccables « Fick deine Stereotypen, wir bleiben eigen und wütend, Klatschen wie Türsteher, quatschen wie Deutschlehrer« .

5 – Capital Bra – Komm komm

Devenu l’artiste le plus streamé de tous les temps en Allemagne en mai 2019 (!) Capital Bra fait déjà figure de géant dans le paysage musical européen. Mais avec son nouvel album “CB7”, des featurings certifiés à la pelle et même des pizzas à son effigie en rupture de stock dans les supermarchés de tout le pays, c’est bien l’année de la consécration pour le rappeur allemand d’origine ukrainienne. Entre rap dur, réaliste ou pop complètement assumée, le Berlinois mégastar a délivré un opus fou, multidirectionnel et tellement à son image : moitié fêtard démesuré, moitié clown dépressif esseulé. Difficile de résumer en quelques lignes l’impact et la notoriété de la musique de Capi, mais ne passez pas à côté de ce phénomène particulièrement touchant.

6 – Emely – La Haine

Nous vous avions déjà parlé d’Emely en mai dernier à l’occasion d’un article mentionnant son featuring avec l’empereur Alkpote. La revoici sur sa chaîne Youtube, plus active que jamais, se divertissant dans les rues d’Amsterdam, traçant sur les routes de la Ruhr ou encore posée en bas de tours à Oberhausen. Emely est prête et décidée à envoyer du contenu régulièrement. Une image pas totalement maîtrisée, une direction artistique peu claire si l’on se fie à certains choix de prods douteux, mais une attitude qui transmet l’envie et l’énergie de la rappeuse et de ses amies, et une certaine fraîcheur dans la démarche qui donnent envie d’en voir et d’en entendre plus. Comme avec l’impression que le meilleur est à venir et ne devrait plus tarder…

7 – LX & Maxwell – Hotbox

C’est une rencontre entre deux dragons énervés que voilà. COVID ou pas COVID, l’équipe 187 se porte bien, qu’il s’agisse du trublion publique Gzuz, du ténébreux LX ou de l’inénarrable Maxwell. Les Hamburgeois ont aussi marqué 2020 de leur empreinte comme on pouvait s’y attendre, laissant ça et là plusieurs singles dont cette « Hotbox » chaude, agressive et festive, signée du duo de producteurs The Cratez. La concurrence en prend pour son grade mais préférera ne pas répondre aux provocations du duo. Cette nouvelle combinaison fraternelle nous donne aussi le droit à un clip sulfureux, et, fait plus rare pour être souligné, des scratchs en conclusion d’une ambiance délétère.

8 – Clep – Happy end

Clep a démarré l’année comme il l’a fini : avec un très bon morceau sorti du four ! Ce jeune berlinois ne débarque pas à l’improviste avec de gros volumes de streams dans ses valises et un rap-pop dégoulinant. Non, lui, il est plutôt du genre à travailler consciencieusement sa musique, la polir patiemment titre après titre, depuis déjà trois ans, et développer un(e) (t)rap à la palette large : autotune bien dosé, ambiance cloud ou kickage non forcé, format chanson… et supplément guitare électrique sur ce « Happy end ». Ancien adepte des battles TOPTIER TAKEOVER, il suit une belle progression et essaye vraiment de proposer quelque chose de différent, quelque chose avec du caractère.

9 – Jonesmann – Black Diamond

Un retour sacrément inattendu ! Porté disparu depuis une bonne décennie, le chanteur-rappeur Jonesmann a sorti Schwigungen, un album seize titres aux sonorités tantôt légères et envoûtantes, tantôt percutantes et énervées. Lui qui incarnait la scène R&B des années 2000 en Allemagne a toujours été déchiré par ce dilemme, cette double volonté de performer tant dans le rap que dans le R&B. En retrait complet de la musique pendant plusieurs années, et après deux ans à bafouiller entre changement de nom et projet avorté, le voici donc de nouveau fringant et pleinement épanoui dans son art. Le Francfortois n’a rien perdu de ses flows, de sa voix et sa technique, en témoigne ce délicieux « Black Diamond ».

10 – Farid Bang feat. Majoe, SIPO, Summer Cem, 18 Karat & Jasko – Das beste Label

C’est le genre de chanson évènement qui aurait mérité un clip. Extrait de son retentissant album Genkidama, cet hymne de Farid Bang et ses associés à leur label Banger Musik (fondé en 2012) a bien choisi son nom. Une boucle trap capiteuse, une détermination claire dans chaque entrée de couplet, et une sacrée envie d’exagérer dans l’egotrip, telle est l’image que véhiculent les six mercenaires sur ce titre et généralement dans leur discographie. Le Düsseldorfois appartient au Panthéon des figures du gangsta rap allemand, et ce depuis une bonne dizaine d’années désormais. Déjà huit albums à son actif et pas mal de polémiques autour de la misogynie et de l’antisémitisme notamment.

Bonus : Terrell – P.D.G

Malheureusement d’actualité, ce titre du rappeur Terrell dénonçant les violences policières qu’il a subit à Stuttgart et sur lesquelles il est revenu pour l’émission d’Arte TRACKS.

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