Clear Soul Forces – Samples de leur génération, entre sérieux et décontraction.

Fin septembre, ça sent l’été indien sur Paris, il fait beau, les oiseaux chantent, et Clear Soul Forces est dans la capitale pour un concert à la Maroquinerie. Quelques mois après la sortie de l’album Fab Five, l’occasion est idéale pour aller causer avec le quatuor du Michigan. Au-delà de l’aspect relax du groupe, on découvre des artistes capables de parler des heures de jeux-vidéos comme d’anciens kids des années 90 qu’ils sont, mais qui ne ferment pas le micro quand il faut évoquer les sujets graves.

Le rap est une forme d’art qu’ils aiment pratiquer. La revendication est présente dans leurs textes, mais ne constitue pas leur fonds de commerce. Entre légèreté et sérieux, les membres de Clear Soul Forces savent déplacer le curseur. Toujours avec passion. L’oeil brille quand on parle instrus, le verbe se délie au moment de parler de la situation sociale à Détroit, la voix se fait grave en évoquant les violences policières contre les afro-américains, les sourires s’invitent quand il faut parler délires personnels.

Loin de nous l’envie de ressasser des poncifs sur la génération Y, celle que certains appellent les Millennials aux USA. Mais force est de constater que les CSF sont de parfaits samples de leur génération années 90. Celle qui souvent subit les erreurs du passé, commises par leurs aînés. Et qui en conséquence prend le plaisir là où il est à prendre, sans pour autant que ce soit incompatible avec une analyse juste, mais parfois pragmatique, du monde qui les entoure. Retour sur un échange passionnant.

Salut les gars, bienvenue à Paris. Tout va bien ? La tournée a bien commencé ?

Noveliss : Ouais, on arrive des Pays-Bas. On était à Bristol et Londres avant ça. Tout va bien. Paris ce soir, et après on continue en France, puis en Allemagne.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, pour le public français qui vous ne connaîtrait pas ?

Noveliss : On est un groupe de rap de Detroit, dans le Michigan. Et on sait rapper, mec. Moi c’est Noveliss. J’ai rencontré les gars lors d’open mics sur Detroit. Ilajide et E-Fav sont cousins. Et E-Fav et et LAZ sont des « frats brother » (issus de la même fraternité étudiante à l’université, ndlr).

La dernière fois qu’on vous a vus à Paris, il y a quelques années, Get No Better faisait un carton. Aujourd’hui ce titre atteint plus de 6 millions de vues sur Youtube. Qu’est-ce que ce titre a changé pour vous ?

Noveliss : C’est déjà loin maintenant, mais ça a été définitivement un changement pour nous dans nos vies. C’est vraiment une des raisons qui a fait que pas mal de gens ont commencé à se renseigner sur nous. Et le show qu’on a fait à Paris au Nouveau Casino en 2013 ? Aujourd’hui encore, c’est le meilleur concert qu’on ait fait, de tous les temps.

À ce point ? Vous attendez une ambiance similaire ce soir ?

Noveliss : On attend une ambiance, mais pas comme ça non. Un fan était monté sur scène, avait fait du beatbox, du rap avec nous… C’était fou.

« C’est sympa d’être dans la même discussion que A Tribe Called Quest, mais on a un autre ADN. C’est flatteur, mais on ne vit pas pour être comparés à d’autres. » – LAZ

On arrive au jeu des comparaisons. On entend beaucoup  que vous auriez des similitudes avec des groupes comme A Tribe Called Quest. Est-ce que c’est quelque chose qui vous ennuie ?

LAZ : C’est LAZ, aka Young LA, aka LA Free Throw !!! Je ne sais pas. En un sens, c’est cool, tu vois. C’est toujours flatteur. C’est mieux que d’être comparé à Vanilla Ice par exemple. C’est sympa d’être dans la même discussion que A Tribe Called Quest, mais on a un autre ADN. C’est bien d’être comparé à des gens que tu apprécies, mais on veut quand même tracer notre propre route. C’est flatteur, mais on ne vit pas pour être comparés à d’autres. On ne se check pas entre nous en se disant « Ouais, on va être les nouveaux ATCQ », ce serait naze.

Je vais quand même provoquer et continuer dans les comparaisons, et des titres comme « 100% » ou « Kaboom » , rappelleraient plutôt des sons à la Dilla ou à la Black Milk…

E-Fav : Du son de Detroit, tu veux dire ?

On va dire la branche Dilla/Black Milk de Detroit.

E-Fav : Personnellement, je ne me rappelle pas avoir écouté ces sons, et m’être dit : « C’est dans la même veine ». Je ne pense pas que ce soit dans la lignée des Black Milk ou J-Dilla, personnellement. Je ne le sens pas comme, ça. Dilla avait sont propre son, unique.

Noveliss : Je ne pense pas qu’on puisse classer ces sons dans la même catégorie. Je sais que les gens aiment classer, regrouper, pour que les gens puissent comprendre plus facilement, c’est comme ça que les gens aiment décrire. Mais pour moi, ça ne sonne comme rien d’autre. On a notre propre son.

Je comprends. Sans que votre son ne ressemble à quoi que ce soit, vous avez eu des influences, des artistes qui vous ont marqués ?

Noveliss : Bien sûr, c’est la question que tout le monde nous pose (rires). Il y a du Eminem, du Black Thought, MF Doom, Nas, tous les trucs de chez Duckdown aussi. Helta Skeltah, repose en paix Sean P, Smif N Wessun, Black Milk…

LAZ : Moi, en grandissant j’ai écouté beaucoup, beaucoup de trucs. Mais les gens qui m’ont vraiment scotchés… Dans les MC’s il y a Black Milk, même s’il a plusieurs casquettes,  Big Boi, Ghostface, Pusha T. Pusha T est vraiment un des premiers MC’s qui m’a donné envie de rapper sérieusement. Après il y a bien sûr Mos Def, Three 6 Mafia, BLu.

« Les rappeurs français ont leur propre dynamique. Ils te balancent de la sauce, leur rap, mais dans un langage différent. Pour moi, la façon dont ils relient les mots ensemble, même si je ne pige pas leur langue, je sais que c’est de la bombe. » – E-Fav

Vous écoutez, ou avez écouté des rappeurs français ?

LAZ : Des rappeurs français ? J’en ai entendu certains, mais je ne pourrais pas te les citer.

Noveliss : Il y a deux ans, on était dans cette ville…  Orléans, je crois. On kické avec un mec. Je ne captais pas tout, mais ils ont du flow, tu vois ce que je veux dire. Ça me rappelait des mecs de mon quartier, même si je ne comprenais pas. J’adore écouter du rap français.

E-Fav : Les rappeurs français ont leur propre dynamique. Ils te balancent de la sauce, leur rap, mais dans un langage différent. Pour moi, la façon dont ils relient les mots ensemble, même si je ne pige pas leur langue, je sais que c’est de la bombe. Je ne comprends pas textuellement ce qu’ils disent, mais ça sonne bien, on se met en cercle, deux mecs posent en français, et finalement, je suis là « OK, je sais ce que tu dis ».

Parlez-nous un peu de votre dernier album, que vous présentez en tournée en ce moment. Il s’appelle Fab Five, probablement un clin d’oeil aux Michigan Wolverines ? Pourquoi ce nom ?

(Tous crient comme des fans en entendant « Wolverines »)

LAZ : On trouvait que ça collait bien. Et en même temps, on ne voulait pas un truc cliché, que ce soit trop « basketball », il y a encore plein de gens qui se rappellent des trucs comme « Church League Champions » de Pac Div par exemple. On voulait aussi quelque chose qui incarne les différents éléments du hip-hop. Et si tu regardes la couverture, tu pourras apercevoir la représentation des cinq éléments du hip-hop.

E-Fav : Fab Five, c’est comme un point de référence. Pour montrer qu’il y a cinq mecs, noirs, qui font un truc différent. Et dans le même temps, cinq éléments du hip-hop sont représentés par chacun d’entre nous.

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En parlant de référence, on voit des clins d’oeil aux jeux vidéos partout chez vous. Votre dernier morceau s’appelle « Cheat Codes », dans vos lyrics vous parlez de Trevor Philipps, personnage de GTA 5.

Noveliss : Les jeux vidéos, c’est cool mec. Et on parle juste de trucs qu’on kiffe.

Ilajide (par l’odeur alléché) : J’ai grandi en jouant à ces putains de jeux vidéos. C’était pratiquement tout ce que je faisais quand j’étais gosse.  Je jouais à la SEGA, je jouais à la Super Nintendo. Mon cousin me chambrait et m’appelait « game nerd, game nerd ». Maintenant que je rappe, j’imagine des trucs dans ma tête quand j’écris. Tu utilises des images que tu connais. Des trucs que je voyais dans les jeux vidéos, des trucs sympas comme botter des culs dans « Streets of rage » sur SEGA ! (il se marre).

« Tous ici, depuis qu’on est gosses, on a vécu dans cette ambiance, connu des histoires de merde avec les flics. Principalement à cause la couleur de notre peau, ce n’est pas un secret. Donc on a écrit « Gamma Ray » dans cet esprit, bien avant l’affaire Michael Brown » – Noveliss

Dans vos titres, ça part beaucoup dans des délires personnels, de l’égotrip. Mais avec « Gamma Ray » vous êtes un peu plus revendicatifs. Vous y parlez du fait d’être mal vus car noirs, aux USA comme partout ailleurs dans le monde. C’était un écho aux violences récentes contre des afro-américains comme Michael Brown ?

Noveliss : C’est la chose la plus folle à propos de « Gamma Ray ». En fait, on a écrit ce titre bien avant que ces affaires de violences policières éclatent et aillent aussi loin. Parce que ces choses existent depuis toujours. Tous ici, depuis qu’on est gosses, on a vécu dans cette ambiance, connu des histoires de merde avec les flics. Principalement à cause la couleur de notre peau, ce n’est pas un secret. Donc on a écrit « Gamma Ray » dans cet esprit, bien avant l’affaire Michael Brown, ou même Trayvon Martin, et les autres choses qui se sont passées récemment. Mais évidemment, avec ces affaires, le morceau est devenu encore plus pertinent.

Vous êtes allés, personnellement, aux manifestations qui ont eu lieu un peu partout aux États-Unis à l’époque de l’affaire Brown, ou plus récemment Freddie Gray ?

Noveliss : Oui, j’y suis allé. À Detroit, après que Michael Brown ait été abattu. J’y ai passé quelques heures, avant de me rendre au boulot. C’était un truc non violent, même si certaines personnes sont devenues folles.

Tu penses comme beaucoup que les rappeurs ont un rôle à jouer politiquement ? Ou bien vous êtes juste des entertainers ?

Noveliss : Carrément, oui ! Parce que je pense que les gens qui font de la musique sont dans la meilleure position pour parler de ces choses. En tant que qu’artistes, on se doit de parler des problèmes qui arrivent dans notre société. C’est clairement entre nos mains.

Un autre sujet, certes moins grave : les radios. dans Insane, vous critiquez leurs politiques, leur côté formaté. Signer chez Fat Beats, ça a changé un peu la donne pour vous ?

Noveliss : Non, on a signé, mais ça n’a pas changé. Mais on est joué sur des radios alternatives, des radios étudiantes, et ce genre de choses. Sérieusement, je m’en fiche. Les radios mainstreams, ça pue, ces trucs sont terribles.

E-Fav : Si t’es pas proche de certaines compagnies, elles ne passent pas tes titres. Ces boîtes détiennent les labels, et détiennent les grosses radios. Quelques-uns détiennent quasiment toutes les stations aux États-Unis. Donc si t’es pas affilié à leurs labels, aucune chance. Ça ne leur rapporterait pas directement. Pour nous, c’est mieux de faire nos propres trucs, de faire ce qu’on aime, ce qu’on ressent, et si ça parle aux gens, alors les gens en parleront, nous demanderont peut-être.

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Parlez-nous de votre processus d’écriture. Vous êtes quatre. Comment vous organisez l’écriture des morceaux ? 

Ilajide : (il coupe) Ça dépend, c’est différent à chaque fois. Parfois, t’entends un beat, et tu te dis que tu dois écrire, là, pile à ce moment. D’autres fois tu dis à ton pote de lancer un couplet, et tu lui dis que tu enchaîneras. Des fois ton pote écrit des trucs tellement bons, que tu te dis « Putain, il faut que je réécrive » et tu changes tout ton couplet.

Et vous lancez un sujet, un thème en particulier à chaque morceau ?

Noveliss : Je ne sais pas, je pense que le beat dicte une ambiance. On ne se dit pas « OK, on va parler de ça ».

E-Fav : (il coupe) Mais sur certains titres, on a lancé le thème avant. Pour « Gamma Ray » on a fait comme ça par exemple.

Noveliss : Oui, mais c’est parti d’une ébauche écrite déjà avant.

Ilajide : C’est ce que je disais, il y en a un qui commence, et on surenchérit après. Après, parfois on écrit le refrain avant les couplets, parfois on écrit les couplets avant le refrain.

Si on lit entre les lignes, pour « Gamma Ray » vous avez écrit le refrain en premier ?

Noveliss : Oui, pour « Gamma Ray » , on a fait comme ça.

LAZ : Ça vient de moi… (bruits dans la salle)

Noveliss (se penchant en rigolant vers le micro) : LAZ a eu l’idée, mais c’est E-Fav qui a écrit ce refrain, je contredis donc les propos de LAZ.

« Nameless fait des putains de beats, sur lesquels t’as envie de poser. Sans détour, ses beats tapent fort, et on se dit « Putain, qui va rapper sur ce truc ? Qui est prêt ? Qui rappe ? Qui ? » (…) Il a ce son aggressif de New-York mais avec le bounce de Detroit » – Ilajide

Ilajide, on se tourne vers toi. Nameless a réalisé 90% des instrus de cet album, alors que tu avais produit vos précédentes sorties. Ça a été facile pour toi de laisser la main et de rester sur le rap ? Et est-ce que tu vas continuer la production après ça ?

E-Fav : Il est impossible que ce mec arrête quoi que ce soit !

Ilajide : Ouais, mec, c’était facile. Nameless a un style différent, une touche différente de la mienne. Ces mecs ici (ndlr : LAZ, E-FAC, Noveliss) sont de vrais rappeurs. Je rappais aussi mais je faisais d’autre trucs. Et les mecs m’ont engrené à pousser mon rap. Nameless a permis ça. Il fait des putains de beats, sur lesquels t’as envie de poser. Sans détour, ses beats tapent fort, et on se dit « Putain, qui va rapper sur ce truc ? Qui est prêt ? Qui rappe ? Qui ? »

Des beats à la « Backpackersubwooferrap » ?

Ilajide : Ouaiiiis, mec ! Sur ce genre de sons. Tu vois j’écoutais quand tu parlais de « Insane », ou quand tu disais que « 100% » sonnait Detroit, Black Milk, J-Dilla. T’avais raison mec. Nameless est d’ici, il est du D. Il est de Flint, juste à côté, mais c’est la même chose. Il a ce son aggressif de New-York mais avec le bounce de Detroit, si ça fait sens pour toi. Il a ce truc, le « bounce » d’ici. (En tapant des beats sur la table basse devant lui). Bounce, bounce !

Je vois comme t’es passionné par le son !

Ilajide : C’est parce que des fois, tu vois, tu peux être ce qu’on appelle « trop hip-hop ». Il ne faut pas que tes beats soient trop formatés « Hip-hop, you don’t stop ».

Quand ça manque de « groove », en somme ?

Ilajide : Voilà ! On se comprend !

E-Fav : C’est pourquoi vous êtes-là, avec nous, et pas ailleurs ! Tu vois ce que je veux dire. Même la plupart des trucs qui marchent à la radio, c’est pas groovy. Tu entends plein de trucs aux sons bas, « low », tout le monde prend un ton monocorde, ennuyeux, formaté. On veut être dans une zone différente. Il n’y a pas de mesure, pas de diversité dans ces radios, et pas de groove.

Retour sur un sujet sérieux, que vous connaissez de près. Est-ce que la banqueroute de la ville de Détroit en 2013 vous a influencés, et si oui, comment ?

Ilajide : (Sérieux) C’est un sujet hyper sensible ça. Je laisse les gars commencer.

LAZ : Ce truc ne fait aucune différence. Les choses ne sont pas allées ni mieux ni moins bien tous ces derniers mois où j’étais là-bas. Aucune différence.

E-Fav : Mais crois-moi, c’est en cours. T’étais là-bas, après que la plupart des choses se soient passées. Le East Side, ça n’a pas toujours ressemblé à ça, mon pote.

LAZ : J’ai des cousins dans le East Side, j’ai des cousins dans le South West. La plupart de ma famille est originaire de South West. Je me rappelle de coins déjà pourris à l’époque, pas qu’aujourd’hui.

Ilajide : Moi, tout ce que je dis, c’est que rien ne s’est passé depuis la mise en faillite. C’est en train de se passer  dans le centre-ville pour le moment. Quand on s’est déclaré en faillite…

LAZ : On a commencé à vendre toute la ville !!!

Ilajide : C’est comme ça que ça commence. Les propriétés sont rachetées, on répare progressivement…

LAZ : Dan Gilbert rachète la quasi totalité des immeubles des quartiers noirs, et il en fait que dalle ! (Dan Gilbert, business man, emploie 12000 personnes et s’est engagé revitaliser la ville de Détroit, où il a racheté de nombreux bâtiments). Cet enfoiré n’en a rien à foutre. C’est devenu « Gilbert-Town ».

Noveliss : Ce mec a des buildings sur lesquels il ne fera jamais rien mais il y a des caméras de sécurité partout, pour que personne n’y rentre…

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Ilajide : OK, OK. Le processus n’est pas encore terminé. Mais pour le moment, il y a deux côtés de la pièce. D’un côté, tu as les noirs qui prennent le bus tous les jours, qui n’ont aucun choix sinon de vivre dans ces maisons. Qui sont fâchés, qui sont en colère, et qui ne connaissent que cette ville. De l’autre côté tu as des gens comme moi, qui n’ont jamais vu la prospérité à Détroit. J’ai voyagé, je suis allé à NYC, je suis allé dans le Texas, j’ai vu le faste, et des architectures parfaites, des choses magnifiques. Et je me dis que ça devrait ressembler à ça chez nous. C’est ce qu’ils sont en train de faire actuellement, mais dans le même temps,  ils font grimper les prix, jusqu’au point où des gens ne peuvent plus vivre, ou payer leur loyer. Il y a encore deux ans, tu voyais plein de gens comme nous, noirs,  dans le centre-ville. Maintenant on n’en voit plus.

À mon avis, comment tu peux être fâché avec cette évolution, si tu n’es pas celui qui investit dans ces bâtiments ? Si tu t’en fous de tout, que tu n’es pas celui qui met la main à la poche.  Tu vois des gens qui te disent qu’ils peuvent foutre la merde dans la rue, laisser traîner leurs ordures, parce que c’est leur ville, qu’ils y vivent depuis 30 ans, et qu’ils emmerdent tout le monde. Alors moi je dis qu’au pied de tous ces gros immeubles de bureaux qu’on voit fleurir, on voit le progrès. C’est une honte que ça ne vienne pas de nous, de notre communauté, mais au moins ça avance. Comment tu peux refuser le progrès comme ça ? Je vois les nôtres tellement fâchés…

Noveliss : Il sont fâchés. Mais ils se sentent mal de n’avoir pas su saisir la chance de faire quelque chose.

Ilajide : Ils commencent dans le centre-ville, et ils vont continuer autour.

« Si tu veux réparer des quartiers, certaines zones, et que tu veux que les gens s’y sentent bien, qu’ils aient un meilleur cadre de vie, eh bien tu y vas, tu vas parler aux gens, tu leur demandes ce qu’ils veulent. Tu ne leur dis « Fous le camp, dégage d’ici, on va t’expulser, et on va recommencer » (…) C’est scandaleux. » – E-Fav

C’est le début d’un nouveau Detroit alors ?

E-Fav : OK, OK. Si tu veux réparer des quartiers, certaines zones, et que tu veux que les gens s’y sentent bien, qu’ils aient un meilleur cadre de vie, eh bien tu y vas, tu vas parler aux gens, tu leur demandes ce qu’ils veulent. Tu ne leur dis « Fous le camp, dégage d’ici, on va t’expulser, et on va recommencer ». Particulièrement à des gens sans ressources, des gens qui ne pourront rien faire d’autre. C’est scandaleux.

Ilajide : Écoutez, c’est un message, pour tous mes noirs de Detroit qui se sont dits il y a quelques temps « Putain, je me barre en dehors de Detroit. Je déménage à Bloomfield, Southfield, Novi, dans toutes ces villes qui ne sont pas Détroit » (les banlieues plus huppées de la ville, ndlr). Ceux qui vont vivre au milieu des blancs, pour se sentir en sécurité, parce qu’ils le peuvent, OK, très bien. Au lieu de rester auprès des gens de votre communauté ? Devinez ce qui va arriver ? On nous jette de Detroit actuellement, alors nous aussi on va se ramener à Bloomfield, Southfield, Novi etc. Vous ne devriez pas quitter les vôtres, refouler les vôtres. Comprenez votre communauté ! Reconstruisez avec votre communauté ! Voilà, c’est dit. Désolé, je m’emballe, mais c’est une question sérieuse.

CSF Maroquinerie 2015

Non, merci, ça nous donne une vision qu’on n’a pas toujours ici, et on voit combien ça vous touche. Dernières questions. Vous voyez quelles différences entre les publics européens, a fortiori français, et américains ?

E-Fav : La plus grosse différence que je vois entre le public européen, et le public américain, c’est l’attrait pour toutes les formes d’art, en général. Dans la peinture par exemple, ou les arts graphiques, même le graffiti. Les européens ont une vision et un goût différents pour l’art, différents de la grande majorité du public américain. Aux Etats-Unis, on fait de l’art, mais…

Noveliss : Mais si tu n’aimes pas la forme d’art majoritaire, on dit que tu n’as pas de goût.

E-Fav : C’est vrai ! Ici, les gens sont plus ouverts, développent leurs propres goûts. Aux États-Unis, ça reste l’apanage de quelques villes : Los Angeles sans doute, même si je n’y suis jamais allé. New-York, bien sûr, mais c’est particulier, très multi-culturel, et ce n’est pas représentatif des USA. C’est la principale différence que je vois.

Dernière question. Quel futur proche pour vous ?

Ilajide : On a plein de projets. Chacun taffe sur ses projets solos. On est comme un Voltron, on fait nos trucs et on se rassemble régulièrement. Actuellement, tu peux checker le projet qui arrive de Noveliss…

Noveliss : Yeah, ça s’appelle Toonamis Tsunamis ! Allez checker sur mon bandcamp. Ilajide ?

Ilajide : De mon côté, j’ai une tape qui s’appelle Latex et qui vient de sortir sur mon bandcamp. Et E-Fav et LAZ ont leurs trucs qui arrivent, je sais qu’ils gardent encore le secret, et je ne veux pas balancer…

Noveliss : Mais nous,  on a tout entendu, et c’est le feeeeeeu ! Bon et puis après il va y avoir de nouveaux trucs qui vont sortir avec CSF, forcément !

Merci à E-Fav, Ilajide, L.A.Z. et Noveliss pour le temps qu’ils nous ont consacré.

CSF CoverVous pouvez également lire notre chronique de Fab 5. Et pour vous le procurer, ça se passe ici ou chez n’importe quel bon disquaire.

Date de sortie : 4 mai 2015 (France) 28 avril 2015 (USA) // Label-distribution : Fat Beats – Differ-Ant

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