La Jonction – l’interview part.2

Lundi dernier, La Jonction a sorti son premier album « Le point sur le J » (commander ici), plus de 10 ans après la création du groupe.  L’occasion pour Le Bon Son de réaliser une deuxième interview du groupe de Lille (lire la première interview), plus axée sur la confection de leur premier album tant attendu.

Le Bon Son : Comment se fait-il que vous ne sortiez votre album que maintenant, alors que vous avez connu l’époque des mixtapes K7 ?

Je pense qu’il a fallu laisser le temps au groupe de gagner en cohésion et en maturité. La Jonction, c’est plusieurs individualités qui ont chacune leur univers respectif. L’idée était de réussir à faire un album qui nous représente sans pour autant que ça aille dans tous les sens.

Un album doit pouvoir s’écouter d’une traite. Il faut définir une trame, lui donner une couleur pour arriver à un tout cohérent. L’époque voudrait qu’on soit toujours plus productif, qu’on sorte minimum deux albums et dix clips par an afin d’être omniprésent par peur de tomber dans les oubliettes. Nous ne sommes pas de cette école. Faire un album demande du temps, de la réflexion et ça passe parfois par des remises en question. On ne sort pas un disque comme on sert une poignée de main. Sans compter la net tape de Saknes, le dernier projet de La Jonction, c’est Street Radio sorti en 2008. En 2010, nous avions déjà assez de titres pour sortir un nouvel album. Mais après réécoute, nous n’étions satisfait ni de la couleur, ni de l’ambiance qui se dégageait de l’ensemble des morceaux enregistrés. La rupture avec ce qu’on avait fait sur Street Radio était trop brutale. On est donc reparti à zéro. On a fait appel à d’autres beatmakers. On a trouvé d’autres thèmes. On a même exploré l’humour et le second degré sur des titres comme « Si j’étais mon pote » ou « Sale Humeur », chose qui n’était pas dans nos habitudes. Finalement, seul 3 titres de la première « fournée » de 2010 sont restés sur l’album.

C’est aussi une question de moyen. L’indépendance, ça prend du temps. Contrairement à beaucoup de groupe, nous n’avons pas notre propre lieu d’enregistrement. Il faut donc payer les créneaux studio. Tout ça sans compter le budget pochette, com, clips etc…

Enfin, nos vies personnelles l’emportent parfois sur la musique. Certains travaillent à côté. D’autres ont des enfants. Nous ne sommes pas toujours tous disponibles au même moment. Comme on l’a déjà écrit auparavant : « Y’a pas que le rap dans nos vies, mais y’a qu’nos vies dans nos raps ». Bref, notre façon de travailler, les moyens dont nous disposons et nos vies persos sont autant de raisons au fait que la sortie de ce projet ait mis tant de temps à arriver.

Pouvez-vous nous expliquer le choix du titre ?

L’album étant varié en termes d’ambiances et de thèmes abordés, il nous a fallu trouver un titre au concept assez large, capable de tout englober. Et dans l’éventail de titres que nous avions en tête, « Le point sur le J » était le plus approprié. Déjà, ce titre est un jeu de mots. Ça renvoie tout de suite à l’attention particulière que nous portons à l’écriture au sens large et à toutes ses subtilités. Ce titre fait aussi référence à l’expression « Mettre les points sur les i », à l’idée de confirmer. Ce qui correspond tout à fait à l’état d’esprit du moment : on a sorti notre dernier projet il y a 4 ans et on revient avec l’envie de faire mieux et de ne pas décevoir ceux qui nous attendent. Et si on peut élargir notre public grâce à ce projet, c’est tout bénef. Le point sur le J, c’est aussi La Jonction qui insiste, tape du poing sur la table et enfonce le clou. Ça rejoint cette fois l’idée de coup de gueule, à l’image de morceaux comme « Etat d’urgence », « Sans » ou encore « Sale humeur ».

Sur la pochette, on peut voir 4 paires de chaussures suspendues à un fil électrique face à une pleine lune… C’est pour symboliser une entrée sur votre territoire, votre univers ?

En fait, il y a des tas d’interprétations possibles et c’est ce qu’on a trouvé  intéressant dans le concept de cette pochette. Contrairement au côté explicite du visuel de Street Radio où on pouvait nous voir dans une radio avec la rue en arrière-plan, la pochette du nouvel album s’inscrit plutôt dans le registre du symbolique, ce qui laisse davantage de place à l’interprétation.

Les baskets accrochées au fil électrique font déjà référence à la culture Hip Hop et à l’univers de la rue. En bons trafiquants de rimes, les baskets peuvent ainsi symboliser une entrée sur notre territoire, une invitation à venir découvrir notre univers : ton interprétation est donc valable. Ça peut également être l’idée de laisser sa trace, son empreinte. D’une certaine manière, sortir ce disque, c’est témoigner du fait qu’on a été là, sur terre, à un moment donné. Un morceau comme « Dernière rime » reflète bien cet état d’esprit. Toutes reliées à un même fil, les baskets peuvent aussi faire référence au concept même du groupe La Jonction : des destinées qui se rejoignent et des gens d’horizons différents qui se retrouvent autour d’une même passion. Les baskets en premier plan et la Lune derrière, c’est également un clin d’œil au titre de l’album. La Lune symbolisant le point et les baskets reliées au fil représentant La Jonction. La lune, c’est aussi l’univers nocturne qu’on peut retrouver sur certains morceaux de l’album. La ville en arrière-plan, c’est le côté urbain, la rue, le quartier. Une de nos principales sources d’inspiration. L’environnement où naissent notre Rap et le Hip Hop en général.

La ville, la nuit, la volonté de laisser une trace, tout ça se retrouve dans l’album. Et on pourrait encore creuser. Il y a encore plein d’autres façons d’interpréter la pochette. Encore un grand Merci à Ishamone pour le taf fourni !

Parlez-nous un peu du processus d’enregistrement…

On peut dire que cet album a été enregistré en deux fois. Une première session en 2010  après que nous ayons fini de défendre Street Radio sur scène. A l’époque, on enregistrait au studio de notre pote Mister J à Valenciennes. Nous y avons mis en boite une dizaine de titres et comme j’ai pu te le dire précédemment, seul 3 morceaux enregistrés lors de cette session ont été retenus pour l’album. Qui sait, ces morceaux seront peut-être amenés à être ressortis des tiroirs. On verra bien !

La deuxième session a eu lieu entre 2011 et 2012 au studio Orphéus à Lille où nous avons posé le reste des titres de l’album. Puis il y a eu l’étape du mix qui a pris beaucoup de temps. Et ça n’a pas été une mince affaire. Encore merci à Mister J pour sa patience et son investissement.

Côté invités, qui va-ton retrouver en plus de Koma et Mokless ?

On peut retrouver Afu ra, rappeur new yorkais originaire de Brooklyn qui nous a lâché pas mal de classique à la fin des 90’s et au début des années 2000. On retrouve aussi Mister J en feat sur « Encore » qui, en plus d’être un beatmaker hors pair, est aussi un grand lyriciste. Enfin, on retrouve DJ Smoke sur « Outsiders », activiste originaire de Rouen, grand producteur de mixtapes, qui nous avait déjà invité sur son album « Biffmaker » en 2010. On notera également l’intervention de Abdou-L-Wahad pour les chœurs dans « Au cœur des gens » ainsi que les participations de Dj Sim’Sima et Dj Amor. C’est sans compter tous les beatmakers de talent à qui nous avons fait appel pour ce projet : Al’Tarba, Dj Nabil, Stankofat (spécial big up !) Dj Diaze, Dj Prof&cy, HPA…

‘On a même exploré l’humour et le second degré sur des titres comme « Si j’étais mon pote » ou « Sale Humeur », chose qui n’était pas dans nos habitudes.’

Cet album marque-t-il une évolution dans votre son ou est-ce vraiment dans la continuité des projets précédents ?

Certains morceaux peuvent rappeler l’esprit Old School de Street Radio (Samples, boom bap, kickage en bonne et due forme…). À l’inverse, d’autres morceaux s’en démarque complètement, au risque de surprendre les gens qui avaient kiffé le précédent opus. Mais c’est assumé. Surprendre et ne pas se cantonner à ce qu’il sait faire pour mieux évoluer, c’est aussi ça le rôle d’un artiste.

Vous connaissant, il doit y avoir des dates de concert de prévues pour aller défendre l’album non ? Quelques-unes à annoncer ?

Oui, le 26 janvier au Théâtre Le Poche de Béthune (62), le 9 février au Grand Mix de Tourcoing (59), le 15 Janvier à la Cartonnerie à Reims (51), le 16 février à la maison Folie de Moulins à Lille (59),  le 8 mars à Montreux (Suisse), le 29 Mars pour Le K’Fé quoi a Villeneuve (04), le 30 Mars à La Grange à Musique à Creil (60)…

Vous n’avez pas eu des envies d’album solo après plus de 10 ans de carrière ?

Si, nous avons pu en avoir et nous en avons encore. Chaque membre du groupe garde l’habitude d’écrire des solos en parallèle et développe son propre univers. Et ça n’a jamais desservi le groupe, bien au contraire. L’écriture, ça se travaille et ça s’entretient, et si chacun d’entre nous prend le temps d’écrire des solos en plus des morceaux en collectif, c’est le niveau du groupe entier qui en bénéficie. Certains d’entre nous ont déjà pas mal de titres de côté et il est fort possible qu’après « Le point sur le J » des projets solos voient le jour. Mais jusque-là, nous avons toujours fait passé La Jonction en priorité, toujours convaincus que l’union fait la force et qu’en groupe, nous sommes davantage capable de fédérer les gens autour de notre musique.

D’autres projets à annoncer ?

Dans l’immédiat, non, pas encore. On va déjà tacher de défendre ce nouvel album comme il se doit et on verra pour la suite…

Le mot de la fin :

On compte sur vous pour soutenir le projet et un grand merci à ceux qui se le sont déjà procuré. Ça représente beaucoup pour nous. Sincèrement !

« Le point sur le J » : sorti depuis le 14 janvier 2013. Commander ici : Fnac

Facebook La Jonction

Photo d’en-tête : Pib Ddtf Crew

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