Cette année, La Jonction a balancé deux nouveaux clips : « État d’urgence », et « Si j’étais mon pote » (cf les éditions d’avril et de juin des 10 Bons Sons). Deux titres issus de leur 1er album Le point sur le J (commander ici), dont la sortie est programmée pour le 14 janvier 2013. Si certains ont découvert le groupe à travers leur featuring avec Koma et Mokless, il faut savoir que La Jonction c’est près de 15 ans d’activisme Hip Hop (comprenant des dizaines de scènes un peu partout, quelques projets en autoproduction, des ateliers d’écriture…). Et c’est en occupant ainsi le terrain que le collectif, comprenant Saknes, Oprim, Prince, Ywill, et Dj Jocker, est devenu un groupe phare de la scène lilloise. Le Bon Son tenait à en savoir plus sur cette équipe de passionnés, voilà le résultat :
Le Bon Son : Yo La Jonction, d’abord présentez-vous :
Groupe de Rap originaire de Lille. Composé de 4 MCs : Saknes, Oprim, Prince et Ywill, et d’un Dj : Dj Jocker.
Comment s’est formé le groupe ?
Le groupe s’est formé en 2003. A l’époque, nous étions 5 avec Rekta. Avant d’être membre du même groupe, on est surtout des potes de longue date : on squattait toujours ensemble et de fil en aiguille, on a fini par écrire puis enregistrer des titres à 5. En constatant que ça fonctionnait plutôt bien, l’idée de former un groupe s’est imposée naturellement. Notre première apparition, c’était sur la mix-tape de Saknes « Université du Hip Hop » sous le nom de Jonction HDF. C’est peut-être une des dernières mix tapes sortie en cassette dans la région. Disons que c’est l’enregistrement de nos 2 morceaux pour ce projet qui a officialisé la création du groupe.
On sent que vous n’êtes pas des novices dans le rap, pouvez-vous retracer rapidement les différentes étapes de votre parcours ?
On rappe tous depuis le milieu des années 90. Nous avions chacun nos groupes respectifs à la base: Ex Aequo, Solid H, Sens Interdit, GPA… On s’est vite rendu compte que l’union faisait la force et La Jonction a rapidement commencé à prendre de l’ampleur du côté de Lille. L’idée était vraiment d’imposer une identité de groupe, plus qu’une identité de collectif. Du coup, on faisait tous nos morceaux et tous nos concerts à 5. C’était important pour nous de montrer que, malgré les différentes individualités qui composaient le groupe, nous étions soudés et capables d’amener quelque chose de musicalement cohérent, tous ensemble. Cette émulation a profité à chacun d’entre nous, on se tirait vers le haut mutuellement que ce soit dans l’écriture, dans la manière de poser, en studio ou sur scène.
En 2004, on sort la compilation « Réunion Clandestine » en autoproduction qu’on distribue nous-mêmes aux 4 coins de la France. Ce projet nous a permis de faire nos armes et nous a ouvert les portes des salles de concerts avec à la clé, des résidences scéniques et de bonnes dates en perspective : 1ères parties de la Scred au Grand mix de Tourcoing en 2004, première partie de Kool Shen à La Luna de Maubeuge en 2005… On a donc pris la scène encore plus au sérieux pour finalement en faire notre terrain de prédilection. On a commencé par jouer aux 4 coins de la métropole lilloise, pour ensuite nous produire aux 4 coins de la région, puis aux 4 coins de la France et ainsi de suite…
En 2008, on sort « Street Radio », toujours en autoproduction mais cette fois distribué par JustLike Hip Hop. Ce projet réunissait des inédits ainsi que divers apparitions du groupe sur mix-tape, compil’ etc… Là aussi, nous avons défendu le projet sur scène et nous avons continué à tourner un peu partout en France et en Belgique (Lille, Paris, Bruxelles, Marseille, Lyon, Nantes, Bordeaux, Strasbourg, Sète, Pau, Oujda (Maroc)…). Par ailleurs, nous avons fini 2ème lors de la finale du Buzz Booster 2010 au Transbordeur de Lyon.
C’est aussi en 2010 que Saknes a sorti sa net tape « Sur ma tête » en téléchargement gratuit. Il a invité une bonne partie de la scène régionale sur ce projet. Désormais composé de 4 rappeurs et accompagné de DJ Jocker depuis 2009, nous sommes actuellement en train de finaliser notre nouvel album qu’on espère sortir pour la rentrée 2012.
Quel bilan tirez-vous de votre premier opus ?
Le bilan de « Street Radio » est plutôt positif. Le projet ayant été distribué nationalement, ça a permis de faire circuler le blase du groupe. Il nous a également permis de faire d’autres scènes donc de rencontrer d’autres personnes et d’élargir notre public. Même si je serais incapable de donner un chiffre de vente précis, je pense que les 1000 exemplaires ont fait leur bout de chemin et ont, pour ainsi dire, tous été écoulés… Néanmoins, avec du recul, on se dit qu’on aurait pu clipper plus de titres extraits de Street Radio (une chanson comme « 7 à 77 » en aurait vraiment valu la peine). On aurait également pu utiliser davantage le net pour promouvoir ce projet. C’est ce que les nouvelles générations ont compris plus vite. Mais on se rattrape sur ce nouvel album.
Comment définiriez-vous votre hip hop ?
On défend le Hip Hop et ses valeurs de base : le dépassement de soi, un esprit constructif. S’épanouir, s’en sortir et exister grâce à notre Art. Notre Rap se veut également fédérateur et fidèle à ses racines contestataires : rassembler les gens autour d’un message, d’une idée, d’une cause… C’est un moyen d’expression : ça va du simple constat à la prise de position sur ce qui se passe chez nous, dans nos rues, ou à l’étranger : la situation sociale en France, la précarité, la xénophobie ambiante, les dérives médiatiques, les violences policières, les ravages de la drogue, les divers conflits qui secouent notre monde… Après nous ne sommes pas non plus qu’un groupe de Rap « conscient et engagé » : on est aussi des adeptes de l’égotrip, des jeux de mots et de la punchline. Mais même dans ce registre, on a toujours la volonté d’amener quelque chose de qualitatif en termes d’écriture et de recherche… Notre Rap peut également aborder des questions d’ordre plus existentielles : nos doutes, nos certitudes, la spiritualité, l’introspection…
Le titre « Etat d’urgence » sorti il y a peu annonce un nouvel album ?
Oui, le titre « Etat d’Urgence » annonce la sortie de l’album et figurera sur ce projet.
Comment s’est faite la connexion avec la Scred ?
On se croisait régulièrement lors de concerts sur Lille ou Paris et il se trouve qu’Abdel, notre manager, est également tourneur pour la Scred. Il a soumis l’idée à Koma de faire un morceau avec nous. Il avait déjà entendu ce qu’on faisait. C’est quelqu’un de super ouvert et il a tout de suite été partant. Une semaine avant leur venue sur Lille lors du festival Hip Hop dayz, on s’est mis d’accord sur un thème et une instru puis chacun a écrit son couplet. Présent lors de la session studio, Mokless s’est greffé au morceau en concoctant le refrain. On voulait partir sur quelque chose de « social », qui se prête au coup de gueule et à la dénonciation. Le thème « Etat d’Urgence » étant assez large, ça a permis à chacun de le traiter à sa manière. De plus, leur conception du Rap se rapproche de la nôtre donc l’idée de faire cette combinaison paraissait plutôt cohérente. Ça a été une bonne expérience, d’autant plus qu’on a pu clipper le morceau. Et voilà, ça fait aussi plaisir de faire un titre avec des gens que tu écoutes depuis des années…
On sent que la scène revêt une importance particulière pour vous, y’a-t-il des dates de prévues prochainement ?
C’est clair que La Jonction est plus un groupe de scène qu’un groupe de studio. La scène, c’est la base. Tu es en confrontation directe avec le public et si à un moment donné tu te goures, tu ne peux pas appuyer sur « retour » et corriger les erreurs. C’est donc la performance qui est mise en avant et tu ne peux pas tricher. C’est sur scène qu’on va chercher l’adrénaline et ça finit par devenir une drogue dont tu ne peux plus te passer. Si on fait un album, c’est avant tout pour pouvoir le défendre sur scène. Actuellement, nous n’avons pas de date prévue mais ça risque de s’activer à la rentrée avec la sortie du nouvel opus.
Vous continuez à vous investir dans les ateliers d’écriture ?
Oui, nous continuons de nous investir dans des ateliers d’écriture. C’est important pour nous. Ça reste une manière de lier l’acte à la parole et de rester en contact avec la réalité. Plus jeune, on a chacun eu ce petit déclic qui nous a donné envie d’écrire, de rapper en écoutant et en voyant d’autres rappeurs à l’œuvre. La Culture au sens large, c’est quelque chose qui circule, ça se partage et ça se transmet. Les ateliers, c’est donc une autre façon de pouvoir transmettre ce déclic aux plus petits en espérant que le Rap, et plus généralement l’écriture, puisse générer chez eux ce que ça a pu générer chez nous : épanouissement, ouverture, rencontres, confiance en soi… Et si au final seul un jeune sur 20 continue à écrire et persévère dans cette voie : c’est déjà une grande victoire ! Un atelier d’écriture, c’est aussi un espace d’expression où tu donnes les moyens aux gens de se réapproprier la parole et d’aborder la langue française sous un angle différent de celui qu’on leur propose à l’école par exemple. En cas d’échec scolaire, ça peut permettre à certains de se réconcilier avec l’écriture. Il y a aussi un aspect éducatif : on rappelle aux plus jeunes d’où vient le Rap, on leur explique que le Hip Hop, ce n’est pas qu’un style de danse et on leur montre qu’il y a une histoire et des valeurs derrière tout ça.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?
Que le futur album trouve son public et qu’il nous permette de continuer à tourner et rencontrer de nouvelles personnes. Prendre du plaisir dans ce qu’on fait.
Le mot de la fin :
Restez à l’écoute et encore merci à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, nous ont soutenu jusqu’à présent !
Nouvel album : prévu pour le 14 janvier 2013. Précommander ici : lien Fnac
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