Nous le savons, vous le savez. Vous avez terminé l’année 2024 dans l’opulence, la luxure, les excès. Il y avait les boissons beaucoup trop riches, puis les graisses saturées ont débordé de vos assiettes. Mais, puisque ça ne suffisait pas, le sucre de vos desserts a commencé à fermenter tant il était concentré, tant vous étiez pleins. Vous n’étiez disposés qu’à écouter Mariah Carey et/ou Tino Rossi, à somnoler devant d’horribles films de Noël en pleine journée, pendant que vos enfants se battaient derrière le canapé. Heureusement pour vous, les petites mains du Bon Son vous ont sélectionné 10 morceaux sur lesquels jeter une oreille.
Redman – Pop da trunk (prod. Rockwilder)
C’était sans aucun doute la surprise de cette fin d’année dans le rap US : Redman revenait avec un double-album le 24 décembre. Neuf ans (!) après Mudface, le vétéran du New-Jersey n’a pas déçu, chose assez rare pour la suite d’un classique, ici celle de Muddy Waters… Sur « Pop da trunk » c’est l’un de ses vieux collaborateurs, Rockwilder, qui se charge de la production pour un résultat bien bounce parfait pour le flow toujours aussi rebondi de Redman. Plume acérée, pointes d’humour, refrain efficace. Nombreux sont les anciens qui ont sorti des albums cette année, mais aucun ne nous a fait autant bouger la tête que Redman. – Jérémy
Smino – Maybe in Nirvana (prod. monte booker & Phoelix)
Entendu sur des vidéos de sessions studios avant la sortie de ce nouvel album, ce morceau avait déjà attiré l’oreille des auditeurs de Smino. Originale, la production joue sur une discussion entre sifflements et flutes, accompagnée d’un sample de jeu-vidéo (?) bien incorporé dans la rythmique. Smino y balade son flow chantant et alterne aisément les cadences. C’est riche, tant dans le travail des voix que de la production, sans jamais paraître surjoué. La construction du titre est elle aussi étonnante, dans son alternance entre refrains, ponts, le tout avec un unique couplet, et une outro rappée après un beat-switch. Un vrai bordel organisé qui flirte avec le psychédélisme tout en restant mélodieux. – Jérémy
Da$h & HTN – Dialogue feat. Man-Z (prod. stevieskytel)
Toujours extrèmement productif, Da$H a conclu son année 2024 avec un nouveau projet en collaboration avec HTN (bien qu’il soit absent sur un seul morceau) intitulé Quiet Storm. On y retrouve son acolyte Man-Z, Twelve’Len ou encore le très bon Mike Shabb, un des Montréalais les plus en vue de cette année. Si le projet comporte plusieurs morceaux qui auraient mérité leur place ici, le dévolue a été jeté sur « Dialogue » et sa formidable boucle drumless de clavier et son atmosphère lancinante et morose. Il est fort à parier qu’on retrouvera très vite le rappeur du New Jersey en 2025. – Clément
Roc Marciano & The Alchemist – Chopstick
Après The Elephant Man’s Bones sorti en 2022, Roc Marciano et The Alchemist remettent le couvert avec The Skeleton Key. A croire que leur collaboration est une histoire de rouille et d’os. Bien que The Skeleton Key soit indéniablement moins bon que The Elephant Man’s Bones, il possède des jolies moments comme « Mystery God », « Street Magic », « Rauf » ou encore « Chateau Josué ». Petite préférence pour le single « Chopstick » qui annoncait le projet, avec son ambiance crapuleuse et ses références aux fanatiques de pétoires (oui monsieur). Je vous rassure, le projet ne parle pas que de ça, encore heureux. – Clément
Pro Dillinger & Futurewave – Bigger Picture
Beatmaker ultraproductif, Futurewave a clôturé son année 2024, notamment composée d’albums avec Daniel Son et Estee Nack, avec le deuxième volet de Dirtwave, sa série de projets pour le rappeur du Bronx Pro Dillinger. On dira que ce dernier est un énième avatar des rappeurs newyorkais hispaniques à la voix rauque, et on aura pas forcément tort. Il est vrai que Pro Dillinger, autre monstre de productivité depuis son émergence au début de la décennie, n’est pas le MC le plus innovant à avoir percé le mur de l’anonymat, mais en tant qu’amateur du genre, on ne boude pas son plaisir au cours de la petite demi-heure où cette fameuse voix rauque s’associe aux boucles mélodieuses de l’un des producteurs phare de ces derniers mois. – Xavier
Vic Spencer feat. Nickelus F – Obituary
Un autre rappeur ultra-productif qui, étonnamment, squatte peu nos reviews mensuelles, est ce bon vieux Vic Spencer. Traçant sa propre route à la croisée de multiples influences, le quarantenaire termine désormais chaque année avec 4 ou 5 albums ou mixtapes au compteur. Pas toujours particulièrement intéressantes, ses sorties ont pourtant l’avantage d’être musicalement variées, et de contenir, à la manière de son ami Chris Crack, son lot de titres rigolos ou du moins étonnants. C’est notamment le cas du titre de l’album, Being the biggest person sucks, moins de ce « Obituary », qui demeure toutefois un bon morceau, soulful et tout en nonchalance, bien représentatif de l’album. – Xavier
Bun B & Statik Selektah feat. Westside Gunn, Conway & Boldy James – Trillselda 2
C’est une des associations les plus surprenantes de ces dernières années. Bun B, la moitié encore en vie d’UGK, ténor du sud, fervent représentant (moins que le regretté Pimp C, certes) du rap de hillbilly du sud, associé à Statik Selektah, producteur de rap plus que classique, accompagnateur depuis bientôt 20 ans, de ce qu’on peut appeler le rap « à l’ancienne », dans sa connotation tant positive que négative. Et c’est une affaire qui roule, puisqu’on en est déjà au 4ème volet de la série Trillstatik, sans compter les éditions Deluxe. Une vraie célébration de la mixité des écoles de rap, avec comme d’habitude, sa foule d’invités. On notera toute particulièrement la présence d’une partie de la team Griselda (et pas la moins bonne) sur « Trillselda 2 », suite du morceau présent sur le dernier volume. – Xavier
Boldy James & whothehelliscarlo – Big Wigs feat. ZelooperZ
Infatiguable, tenace, endurant ou bien inépuisable : les synonymes manquent quand on doit évoquer la discographie récente (si « récente » englobe au moins les 5 dernières années) de Boldy James. A ce rythme là il va rattraper les deux monstres sacrés de la productivité excessive que sont Curren$y et Gucci Mane. Avec Hidden in Plain Sight, le rappeur de Détroit s’associe cette fois ci avec le producteur whothehelliscarlo (qu’on connait en partie grace à son travail avec Lil’Yachty) pour un 7 titres sur lequel on retrouve Styles P, Conway the Machine ou encore King Hendrick$. Le morceau qui nous intéresse ici est en featuring avec Zelooperz, qu’on a déjà mentionné dans nos colonnes. « Big Wigs » a ce petit côté bucolique avec sa boucle soul sur laquelle les deux acolytes collent leurs flows nonchalants, entre « braggadocio » et storytelling urbain. – Clément
Rio da Yung OG – RIO FREE (prod. Wayne616 & BlueStrip)
Alors qu’un piano pleurnichard accompagne les supposées premières images de sortie de prison, l’émotion monte. 4 longues années de prison qui ne l’ont cependant pas empêché de sortir des morceaux régulièrement. Mais la piano se laisse rapidement intimider par des sonorités typiques du Michigan et la pression monte alors que les visages souriants (et parfois familiers) défilent devant la caméra. Un beat-switch survient et, finalement, nous sommes sûrs d’être avec ce bon vieux Rio da Yung OG, pas un simple clone fabriqué dans une cave gouvernementale – LeBonSon décline avoir la moindre information à ce sujet et ne saurait être tenu responsable devant un juge fédéral. – Wilhelm
Larry June – Treasure Island (prod. Jake One)
Envie de déguster des grillades savamment cuites au barbecue après une douce petite journée autour d’un lac entre proches ? Non, évidemment que non puisque le froid nous torture sans relâche. En revanche, on vous recommande de siroter votre boisson chaude préférée pour vous plonger dans l’écoute de « Treasure Island » de Larry June, produit par le désormais vétéran Jake One. Le clip nous rappelle que l’hiver ne frappe pas tout le monde équitablement mais la musique confirme que la nonchalance du rappeur accompagne tout aussi parfaitement le soleil que les digestions coupables après les repas de fêtes. – Wilhelm