L’année 2024 en 10 albums de rap francophone

Après plusieurs années à livrer des rétrospectives développées de chaque auteur dans différentes catégories, nous sommes revenus à un format plus simple en cette fin d’année, à savoir un bilan en dix chroniques d’albums qui ont marqué le pôle rap francophone de la rédaction. A l’heure où l’on questionne régulièrement la pérennité de ce format, qui pour certains ne serait bientôt plus qu’une succession de morceaux indépendants les uns des autres prêts à être injectés dans des playlists diverses et variées, voici notre rétrospective – contrepied de l’année 2024.

Vîrus – Nychtémère

Sur Nychtémère, Vîrus feint de jouer la carte de l’album autobiographique (si populaire ces dernières années) pour mieux s’extraire du récit. Il découpe sa silhouette pour se concentrer sur son environnement. D’abord, ça éclabousse de toute part avec la « Méthode rouge », puis l’on suit peu à peu un fil discret qui vient relier tous les morceaux. La tentation est grande de plonger dans l’analyse de texte linéaire, mais ce serait sans doute réducteur. Certes, les titres semblent s’engendrer les uns les autres mais tout le travail d’écriture de Vîrus est un jeu d’emboîtement. Il semble se refuser au conditionnement et à l’emprisonnement, deux thèmes chers qu’il traite là encore tout du long en filigrane. Mais le grand thème de ce disque, c’est sans aucun doute la famille, de sa conception (vu comme un jeu dangereux sur « Etretat ») à ses conséquences sociologiques et aliénantes (« Maison-brûlée », « La foi du charbonneur »). Au travail de Banane à la production, s’ajoute celui d’Al’Tarba qui se fond parfaitement dans le décor pour créer un écrin dramatique et puissant. Avec sa voix écorchée, Vîrus nous balade dans des destins familiaux périphériques pas toujours reluisants, et il parvient même à nous surprendre sur des tentatives qu’on ne lui avait pas encore connu, à l’image de ce « Bal » qui tourne comme une valse dégénérée bourrée de dichotomies. Plus que jamais, son écriture s’axe sur des jeux lexicaux, des contractions. Elle se fait si élastique que ça en devient quasiment mystique, comme si chaque mot, chaque lettre, pouvait avoir un sens caché. « Beaucoup de secrets sont enfouis dans la mathématique des lettres… » entend-on dans « Con-verge ». Nycthémère se conclue par un mystérieux morceau caché où l’on semble passer de l’autre côté du miroir (le titre aurait du être l’introduction de l’album suivant). Il s’agit d’un couplet unique, fleuve, où pleuvent images et souvenirs, entre Paris et Normandie. Cette fois « le cœur y est », nous dit-il… On ne sait plus vraiment où on est dans cet incessant jeu de miroirs. Qui sait ce que nous réservera la suite de sa discographie, si ce n’est un énième contre-pied ? – Jérémy

Jungle Jack – Jungle des illusions Vol. 2

Après quelques années à officier sous le nom de Jack Furaxx, c’est en 2021 que sort le premier Jungle des illusions de Jungle Jack, produit par son acolyte Bagdadi. Les schémas de rimes, les références et les placements sont déjà insolents, et une audience se crée progressivement. Trois ans et une poignée d’apparitions plus tard, c’est un deuxième volet de Jungle des illusions façon LP qui voit le jour, avec pas moins de 16 morceaux, des invités de renom (Alpha Wann, Mairo ou Souffrance), et une sortie physique assortie de merch’ qui semble le fruit d’un travail et d’une structuration qui expliquent peut-être le délai entre les deux volumes. Régulier dans sa façon de débiter des mesures de haute volée à l’envi sans s’encombrer de refrains, l’album s’écoute dans son entièreté sans difficulté. Sur ce nouveau long format, c’est encore Bagdadi qui s’occupe de produire les instrumentales, rendues nerveuses par des charleys omniprésentes, derrière lesquelles Jungle Jack semble courir en permanence, donnant un sentiment d’urgence à ses performances. Des extraits de films documentaires ou d’émissions viennent ponctuer l’ensemble et faire sourire l’auditeur, lui permettant ainsi reprendre son souffle. Le passage utilisé en introduction, qu’on imagine tiré du dessin animé « Jungle Jack » et qui met en scène les aventures d’un ourson dans la jungle, n’est pas sans rappeler « Tallac », intro légendaire s’il en est, qui plante elle aussi le décor des aventures d’un autre ourson. La qualité du disque et des apparitions remarquées aux côtés de GrandBazaar et Costa ont permis au rappeur originaire du 20ème arrondissement de Paris de se faire connaître à une plus grande échelle en 2024. Et cette fois-ci, nous ne devrons pas attendre trois ans pour un nouveau projet, puisqu’un EP produit par JeanJass est prévu pour le mois de mars. – Olivier

Palmarès 2024 de Chafik
Beatmaker :
Just Music Beats
Oubli : Sameer Ahmad
Couplet : Infinit’ sur « Dictionnaire » (premier couplet)
Concert : Rim’k lors de la cérémonie d’ouverture des JO
Découverte : Huntrill
5 morceaux :
Dany Dan & Kyo Itachi : Place Haute / Explosion
Sat, L’Algerino, Jul, Fahar, Alonzo, Le Rat Luciano, Menzo, Don Choa, As, Vincenzo & Soprano : Sous le soleil
Dinos : Freestyle Booska Kintsugi
Veust : Quoi d’neuf OG
Perso : 90’s

Ben PLG – Dire je t’aime

Peu de rappeurs peuvent se targuer d’une discographie fournie, de qualité et c’est bien ce qu’est en train de réaliser BEN plg, en confirmant avec Dire je t’aime tout le bien qu’on pense de lui. En dépit d’un septième projet depuis 2020, le trentenaire ne s’essouffle pas, ne tourne pas en rond, mais au contraire continue de creuser son sillon et d’imprimer sa marque. Il est vrai que sa formule fait mouche. Déjà, l’album est riche de ce que 90% des sorties rap n’ont pas, c’est-à-dire qu’il propose une musique personnelle, incarnée, un vécu ; on sait qui parle et pourquoi. Nous n’avons pas affaire à un personnage et on découvre aisément qui est Thomas Léger derrière le blase BEN plg. Une de ses forces au mic est qu’on ressort toujours de ses projets avec des phases qui restent en tête (« On a acheté un lave-vaisselle, on s’est dit on a percé » ; « j’fais de la buée à la vitre, en pensant aux trucs qu’on n’efface pas comme les gues-ta à l’acide ») et des punchs goleri (« Mon nom est remonté sur l’affiche, avant on était tout en bas à côté d’buvettes et scènes ouvertes » ; « J’suis arrivé dans l’rap comme un créneau en Renault Espace »). L’autre particularité vient de l’utilisation de sa voix, de ses variations de flows qui s’adaptent parfaitement aux ambiances et aux prods concoctées par son pool de beatmakers, Murer, Lucci en tête. BEN est capable d’exceller sur des instrus aux BPM rapides ou sur le piano de Sofiane Pamart. Il est aussi à son avantage auprès de ses invités, entre un symbole des années 2000 (Niro), un représentant de la décennie 2010 (Georgio), et un nouvel écolier des années 2020 (BB Jacques), soit trois styles qu’il synthétise (sans oublier le sous estimé Loud). Surtout, il kicke, chantonne, tout en ne sacrifiant jamais fond ou forme (« La lutte des classes avec de l’autotune »). BEN plg rappe sévère, fait dans l’introspection, l’autodérision, soigne les mélo’ et signe une nouvelle fois un très bon album. – Chafik

Zippo – Automne

Zippo a effectué son retour après six ans d’absence. Si on pensait qu’il s’était mis en retrait du rap (en dépit de quelques titres distillés ici et là), il avait juste pris du recul, de la hauteur, gardant le feu sacré et affûtant sa hache. Ce qui saute aux oreilles à l’écoute de l’album, ce sont les prods très actuelles réalisées par Greenfinch, architecture sonore des douze titres, la place laissée aux instrus mais surtout aux mélodies, ce qui peut d’ailleurs désarçonner les auditeurs de la première heure du membre du Pakkt. Le Z, qui ne cache pas son intérêt pour la musique du J, n’a pas hésité à chantonner et à avoir recours à l’autotune, sur « James Webb » ou « Yellow » par exemple. Malgré cette légèreté, le propos reste dense et l’ambiance générale d’Automne a tout du film de genre français (on se croirait dans Acide, Vincent doit mourir ou La nuée). On se demande si la planète passera l’hiver et le brûlot « Écho » a tout de l’hymne pour les manifs, musclées, pour la protection de l’environnement. Le rapport au monde est omniprésent dans l’album et notre jeune vétéran se pose des questions trop peu évoquées dans le rap français (comme le thème de la paternité, même si son point de vue n’est pas aussi hardcore que celui de Fuzati dans La fin de l’espèce). Automne est un album sur lequel on revient très régulièrement, on ne s’y ennuie jamais, il se passe toujours quelque chose : des multi’ très techniques sur « Pouces Rouges », des jeux de mots bien vus sur « Écho », une réf à Gaza ou à « Woo-Hah !! » sur « Légo ». Surtout, l’album comporte le titre « Couleurs », avec une orchestration, une interprétation, épiques et mémorables (le meilleur de la discographie de Zippo ? Le meilleur morceau de l’année ?). Concluons en remarquant que le Z a fourni un subtil mix entre la technique d’Infinit’, l’ouverture musicale de BEN plg, la conscience politique d’Hugo TSR, le détournement d’expression de Vîrus et l’alchimie dégagée par Dany Dan & Kyo Itachi. – Chafik

Palmarès 2024 d’Olivier
Beatmaker : Lucci
Oubli : Jeune Mort – Phobos
Couplet : le 2ème sur « Les hommes aux yeux noirs » de SCH
Concert : Saïan Supa Celebration au Bikini à Toulouse
Découverte : Costa
5 morceaux :
BEN plg – On a pris l’habitude
SCH – Deux mille
Ywill & Paranoyan – Lens-Lille 1990
Jul – Qu’elle est belle
Jungle Jack feat. Nucky Thompson – Dragons aquatiques

SCH – JVLIVS – Tome 3 : Ad Finem

SCH livrait le préquel de sa saga mafieuse pour le printemps, et c’est à l’approche de l’hiver qu’il nous dévoilait sa conclusion avec JVLIVS III : Tome 3 – Ad Finem. On pourrait croire qu’il faudrait réécouter tous les volumes pour saisir la substantifique moelle de cette épopée, mais ce n’est en réalité pas la cohérence narrative qui en fait le sel. Pour saisir l’évolution du personnage, il faut avant tout aller chercher dans la couleur musicale, le lexique, l’univers de fond, comme si l’on abordait un film d’ambiance plutôt qu’un scénario hitchcockien. Ce troisième volet a tout du requiem. Son atmosphère est faite de piano, de cordes mais aussi de guitares. La recherche du baroque est là, tant de par le langage employé que dans l’ambiance sonore qui malgré ses intentions, manque parfois d’ampleur dans son exécution. SCH dévoile une large panoplie et se montre à l’aise sur tous les types de productions, que ce soit sur des rythmiques trap, sur du piano-voix, ou encore sur cette étonnante tentative de chanson française qu’est « Deux mille » et qui est sans doute l’une des belles réussites du disque. Peu d’invités l’accompagnent ici, on retrouve seulement l’habitué Sfera Ebbasta et Damso, pour un featuring évènement qui ne sera finalement pas l’un des temps forts de l’album. SCH se charge donc presque seul de se dépatouiller dans ses thématiques classiques de films mafieux, et c’est tant mieux, car il semble qu’il ait bien compris que derrière la guerre des gangs contre le reste du monde, il y a avant tout la guerre contre soi-même. La nostalgie et l’ombre de la mort planent sur l’ensemble du disque. On a connu SCH plus fulgurant dans l’écriture, mais pas forcément aussi constant. On sent l’effort mis pour livrer une œuvre entière en élimant les éventuelles faiblesses. Derrière sa devanture de blockbuster d’action, JVLIVS III est avant tout un disque intimiste. C’est dense, long, les moments de gloire y sont présents. C’est sans doute l’album mainstream le plus abouti de l’année, et il se conclue parfaitement par les mêmes mots qui ouvraient le préquel. Le serpent se mord la queue. La boucle est bouclée. -Jérémy

Cheval Blanc – Inspecteur Cheval

Depuis ses débuts en 2019, Cheval Blanc a su imposer son style. Après un premier EP intitulé Flipper (2020), aux sonorités pop et mélodiques, et un mini EP, Du pareil au même (2021), il s’est aventuré dans des singles explorant divers horizons musicaux. En 2024, et on vous en parlait dans une chronique dédiée, il signe un premier album très singulier au concept original . Plongé dans un univers noir et envoûtant, l’artiste affilié au Goldstein Studio nous offre huit morceaux narratifs où les pérégrinations urbaines et rencontres nocturnes résonnent avec des influences cinématographiques et littéraires. Les productions, réalisées par Cheval Blanc lui-même (en samplant des pépites de soul ou des OST de jeu vidéo comme L.A Noire), s’ancrent dans une esthétique de films noirs mêlée à des sonorités trap. Du jazz également, des morceaux drumless, Cheval Blanc explore un peu toute sa palette pour en extraire le meilleur. Côté écriture, le rappeur de l’écurie Goldstein déploie un lyrisme qui mêle humour, égotrip et introspection : « Mon téléphone fait le bruit des Totally Spies », ou encore « Ils veulent des dents de requins, moi je veux garder mes dents de sagesse ». On notera la présence de Robdbloc (ou ROB puisqu’il semble s’être à nouveau renommer) qui fait également partie de l’écurie Goldstein sur l’excellent morceau et pinacle du projet « Sim Racing ».
Avec ce projet, Cheval Blanc crée une ambiance captivante, entre littérature et cinéma hardboiled, polar à la Dahlia Noir, dessin animé qui mêlerait la Panthère Rose et l’Inspecteur Gadget, et atmosphères à la Jean-Pierre Melville ou John Huston. Une première pièce maîtresse qui laisse espérer une véritable saga. – Clément

Palmarès 2024 de Jérémy
Beatmaker : Kyo Itachi
Oubli : Luxe Timeless
Couplet : Lino sur Légitime de Rohff
Concert : Saïan Supa Celebration au Bikini de Toulouse
Découverte : M.a.m
5 morceaux :
Zek – Localisable
SCH – Les hommes aux yeux noirs
Aelpéacha – Jean Sébastien Laidback
Huntrill – Rep Fredo Santana
Vîrus – Maison brûlée

Huntrill & Hologram Lo’ – Replica 2

Sorti en mai 2024, Replica 2 est la suite du premier opus (trop court) éponyme sorti en 2022 et fruit de la collaboration entre le rappeur Huntrill et le producteur Hologram Lo. Suite ambitieuse et évolutive du premier acte, Replica 2 consolide un univers sonore unique où l’expérimentation règne en maître. Composé de onze titres (dont les trois morceaux du premier opus ont été rajouté) Replica 2 plonge l’auditeur dans une atmosphère éthérée, poussiéreuse et déstructurée. Les productions d’Hologram Lo’ brillent par leur richesse et leur subtilité, jonglant entre des textures abrasives et des passages plus mélodiques. Les drums, souvent minimalistes, laissent de l’espace pour que Huntrill s’exprime avec une écriture dense, un tantinet introspective mais surtout avec un égotrip meurtrier qui ferait passer la plupart des humouristes pour des newbies de la punchline. Sur le plan thématique, l’album explore des notions d’identité, de solitude et de réflexions personnelles (comme sa consommation de drogues ou ses obsessions matérialistes ou plus généralement pous la caillasse). Rythmiques saccadées, boucles hypnotiques, flow incisif, analogie et tournures de phrases dantesques : tout est présent pour que le projet soit difficilement oubliable. On croise des interludes vocaux de choix comme Snoop Dogg sur « Supplier » ou Alpha 5.20 sur « Tristesse qui coûte cher », histoire de de parfaire l’ensemble. Un projet audacieux et remarquable qui confirme l’alchimie entre les deux artistes. Une magie qu’on a d’ailleurs retrouvé il y a quelques semaines avec Nouvelle Trap 2, une nouvelle suite au compteur, et pas des moindres. – Clément

Ywill & Paranoyan – Le blues de l’astronaute

Présents dans nos colonnes depuis plus de dix ans, Ywill et Paranoyan ont figuré dans l’édition de novembre des 10 Bons Sons cette année. À cette occasion, il a été difficile de ne sortir qu’un seul morceau du Blues de l’astronaute, un album marqué par une constance quant aux performances des MCs et une cohérence globale, résultat d’une entente évidente entre les deux rappeurs et d’un écrin musical millésimé et mélodieux que l’on doit à Greenfinch. Beaucoup de disques sortent chaque année dans la catégorie 90 bpm, sample et rimes riches, mais là où Le blues de l’astronaute se démarque, c’est dans le supplément d’âme qu’il possède. L’introspection n’est pas larmoyante, et la magie opère quand les vécus, les voix et les flows d’Ywill et Paranoyan se rencontrent. Connus pour leurs qualités techniques, les deux OG’s n’ont plus grand chose à prouver de côté-là, c’est pourquoi ils ont mis leurs plumes respectives au service du sens et des concepts, que ce soit sur la fresque réussie « Lens-Lille 1990 », le coup d’œil dans le rétroviseur empli de désillusions « Voiture volante » ou le mélancolique « Le blues de l’astronaute ». Un disque salutaire, sur lequel le plaisir de rapper saute aux oreilles, à l’heure où beaucoup de têtes d’affiche voient les albums communs comme une mode, ou une occasion de vendre des disques en récupérant de nouveaux publics. – Olivier

Palmarès 2024 de Clément
Beatmaker : à égalité : Bagdadi / Epektase
Oubli : Agusta – A-109
Couplet : Lesram – McNulty
Concert : Okis et Mani Deiz
Découverte : Bayle
5 morceaux :
Jungle Jack & GrandBazaar – L’homme des tavernes
Shien – Obsession
Achim – No Idolatri
Huntrill & Hologram Lo’ – Le biff et moi
Your Boy Posca – Warren Buffett

Infinit’ – 888

Si les observateurs du game débattent souvent de la supposée désuétude des albums qui deviendraient obsolètes avec l’ère du stream et des playlists, nombre de labels ont une haute estime de ce format. Don Dada est de ceux-là, en ne multipliant pas les projets mais en privilégiant la qualité à la quantité. Si LEDOUBLE et surtout Huntrill ont été mis sur orbite cette année, Infinit’ est revenu après quatre ans d’absence, prouvant que le zin et ses acolytes prennent le temps pour livrer un produit consistant. 888 démontre de tout ce que sait très bien faire Inf’, en premier lieu rimer. L’egotrip est au cœur de l’album, notre kickeur ayant le sens de la formule pour se la raconter (« Une décision à prendre, je pars en croisière pour réfléchir, je compte deux fois pour être sûr et la troisième pour le plaisir » sur « VVS ») ; il ne peut s’empêcher de rapper sur le rap et de tacler ses congénères, pour notre plus grand plaisir (« Je peux pas les prendre au sérieux, eux ils se dandinent en se mordant les lèvres, quand je les cogne ils essaient de se défendre mais ils n’ont pas de force comme dans les rêves », sur « Parano »). Infinit’ n’est pas là pour éveiller les consciences ni se livrer. S’il s’était quelque peu laisser aller à donner de sa personne, évoquant sa mère ou la religion sur l’album précédent, rien de tout ça ici. Néanmoins, on remarque un certain nombre d’allusions à son identité d’arabe en France et surtout plusieurs contre l’État, l’ordre établi montrant que Karim Braham est bien moins je-m’en-foutiste qu’il en a l’air. Au milieu de titres ensoleillés (« Comportement », « Contact »), de feats bien sentis (« Mc Gregor » avec Alpha et Rim’k), signalons aussi le storytelling « Imagine » (pas très Me-Too…) et « Fitness Park » qu’Inf’ a offert à son compère Veust, à la manière d’Alpha envers lui justement sur UMLA. Ainsi, avec 888, le Niçois continue d’être un brillant représentant de l’école du 06. – Chafik

Sameer Ahmad – La vie est bien faite / Ras el Hanout

Et oui, forcément, tu t’y attendais pas à celle-là. Pas un projet, mais deux. Du même artiste. C’est comme ça. Qu’est-ce que tu vas faire ? (Je parle plus à mon rédacteur en chef qu’à vous, lecteurs, mais bon, bref.)

Des années qu’on cite Sameer Ahmad dans nos colonnes, et il faut dire que le rappeur d’origine irakienne a une discographie irréprochable. Que ce soit dans le fond ou dans la forme (les covers sont d’une beauté rare). Depuis son dernier et excellent album Effendi, trois ans se sont écoulés. Entre-temps, un seul EP à se mettre sous la dent : le 5 titres Tracy 168, sorti l’an dernier. Mais ces trois années d’attente ont vite été oubliées, puisque Sameer a décidé de mettre les bouchées doubles en 2024 avec l’album La vie est bien faite et l’EP Ras el Hanout.
Avec La vie est bien faite, il livre sans doute l’album le plus précis et abouti de sa carrière. Toujours fidèle à Skeez’Up et Nab à la prod’, il invite deux rappeurs de choix, qui illustrent parfaitement son statut de vieux rookie éternel : le new comer Okis et l’ancien de la tour 20 Nakk Mendosa. Ce disque respire l’optimisme et la sérénité. Et même avec une discographie déjà bien remplie, Sameer Ahmad montre qu’il en a encore sous le pied.
Preuve en est quelques mois plus tard avec Ras el Hanout, produit entièrement par le maestro Mani Deïz. Un EP aux ingrédients soigneusement dosés, où l’on passe de saveurs fortes et piquantes à des touches plus douces et parfumées. Comme dans un curry maghrébin, il y a cette idée de richesse et de complexité : des influences variées qui, une fois mélangées, donnent un résultat unique. Ces cinq morceaux sont une invitation dans l’univers de Sameer Ahmad, où chaque piste révèle une facette différente de son art, toujours guidé par ce goût du détail et de l’authenticité. – Clément

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