Le film noir selon Cheval Blanc

Dans un paysage rap francophone trop souvent saturé de propositions génériques, il existe des artistes qui se démarquent par leur polyvalence et leur capacité à créer des ambiances uniques. C’est le cas de Cheval Blanc, « chef des mearas, Seigneur des Chevaux » et artiste issu de l’écurie Golstein, studio où vous pourrez y croiser des artistes comme Edge, Esso Luxueux, Robdbloc ou encore le grand manitou, producteur et ingénieur du son Johnny Ola.

Actif depuis 2019-2020 (selon Genius), Cheval blanc est donc un rappeur et producteur. On a pu par exemple le retrouver à la prod de « Coeur, Conscience » sur Memento de Jazzy Bazz, de « Tutto Bene » de Lord Esperenza ou encore aux productions de plusieurs rappeurs mentionnées plus haut. En 2020 il sort son premier projet, Flipper, un EP 6 titres aux sonorités un peu pop, avec pas mal de chants et de mélo.

En 2021 il sortira un mini EP 3 titres, intitulé Du pareil au même qui, je trouve, est dans la continuité de son premier opus, avant d’enchainer jusqu’au mois dernier par des singles disséminés sporadiquement sur deux années, expérimentant plusieurs styles.

2024 donc, avec ce qui semblerait être son premier album. Sous le pseudonyme d’Inspecteur Cheval, il nous plonge dans un univers sombre et envoûtant, à travers huit histoires captivantes, rythmées par des rencontres nocturnes et des pérégrinations urbaines. Le personnage de l’inspecteur Cheval est dans la lignée des détectives privés de la Série noire, comme Philip Marlowe et Sam Spade. On s’attendrait presque à le voir déambuler en trench-coat et chapeau mou (s/o Le Samourai). Et puisque les références subtiles et clin d’oeils divers semblent s’empiler au fur et à mesure qu’on découvre l’inspecteur Cheval, on peut même noter que l’ingénieur du son qui masterise le projet se nomme Jack Palmer (personnage de BD parodique de l’univers des détectives privés).

Les productions, entièrement réalisées par l’artiste lui-même, se révèlent être d’une qualité remarquable, puisant dans l’esthétique des films noirs (de l’âge d’or comme plus tard le « revival » des 70’s) et flirtant evidemment avec des sonorités trap caractéristiques de l’écurie Golstein.

En seul invité du projet on retrouve son éternel acolyte Robdbloc pour un très bon passe-passe sur une instrumentale colossale, qui fleure bon l’OST d’Ocarina of time (perso, dès que j’entends une flûte légèrement boisée comme ça, c’est Zelda). Mais au-delà de son talent de producteur, Cheval Blanc dévoile également ses compétences de rappeur, livrant des couplets incisifs et percutants, où l’humour côtoie la lucidité et les références précises : « Mon téléphone fait le bruit des Totally Spies« , « Nouvelle vie on dirait que je me fais res’, j’reviens de loin comme Perez à Sakhir » ou encore « Ils veulent des dents de requins, moi je veux garder mes dents de sagesse« . Parfois satiriques, parfois égotrip, parfois intimistes : les aventures de l’inspecteur brassent beaucoup de thématiques et dévoilent couches après couches les sentiments les plus enfouis de notre Harry Callahan parisien.

L’album dégage des effluves envoûtantes de polar, nous plongeant dans une ambiance à la fois sombre et captivante, entre « Le Dahlia Noir » de James Ellroy et les univers cinématographiques de Jean-Pierre Melville et Henri Verneuil (pour ne citer qu’eux). Par moments, on se croirait même transporté dans un jeu vidéo comme L.A. Noire ou la trilogie Mafia.
A la recherche perpétuelle du bonheur, traquant cette sensation éphémère comme s’il s’agissait d’un fugitif insaisissable, Cheval Blanc tisse un récit introspectif et touchant, créant ainsi une ambiance captivante et d’une richesse artistique rafraichissante. Un projet qui donne très rapidement envie d’un second volet, que dis-je, d’une saga.

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