10 Bons Sons en septembre 2024

Si, en matière de sorties rap francophone, la période estivale est un véritable désert et que les artistes privilégient les scènes des festivals, force est de constater que la rentrée est une véritable oasis. C’est une période faste qui offre aux auditeurs un éventail de nouveautés. Voici notre sélection des titres qui ont rythmé ce mois de rentrée, en dix bons sons bien évidemment.

Le 4 septembre : JeanJass – Graduation (prod. JeanJass & Dee Eye)

Ce nouvel EP de JeanJass confirme qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’on ne l’attend pas. Sur ce titre, la formule est pourtant simple. Une batterie rebondie, un sample inquiétant et un wobble répétitif, et côté rap, un unique couplet parsemé de références éclectiques (de Toulalan aux argonautes). On est donc en terrain connu, mais l’écriture et les traits d’humour fonctionnent parfaitement et la nonchalance de JeanJass fait toujours son effet. Ajoutons à cela un pont chantonné et deux passages drumless, et ces deux minutes semblent se dérouler en une fraction de secondes. Que demande le peuple ? – Jérémy

Le 6 septembre : DJ Djel, Sat, L’Algérino, Jul, Fahar, Alonzo, Le Rat Luciano, Menzo, Don Choa, As, Vincenzo & Soprano – Sous le soleil (prod. Amertume)

Pour Jul et ses trente albums en dix ans, chaque nouveau disque doit relever de nouveaux défis. Pour 13 Organisé II, il a déjà annoncé un morceau avec 165 rappeurs, qu’on suppose, sauf surprise, déjà interminable et peu digeste, et « Bande organisée 2 » ressemble beaucoup à l’original, l’effet de surprise et la fraîcheur en moins. Néanmoins, pour « Sous le soleil », la vue de la liste des invités annoncée dans le désordre fait peu à peu son chemin pour faire tilt chez l’auditeur averti : Jul Saint Jean La Puenta a réussi la prouesse de réunir les Psy4 de la Rime, la Fonky Family, et Puissance Nord au complet, sur un même morceau, alors qu’eux-mêmes ne se sont pas retrouvés sur disque chacun de leur côté depuis de longues années (18 ans pour la FF !). Ajoutez à cela L’Algérino et Jul et vous obtenez 11 couplets de rap sur lesquels les MC’s se sont visiblement appliqués, avec une mention pour celui de Soprano, qui conclut le morceau avec une performance rappelant qu’il est toujours capable de nous avoir dans le registre rap mélancolique de haute volée en 2024. Quant à l’instrumentale, elle semble rejouer les notes de celle du « Geste » de KDD, autre monument de mélancolie sudiste datant des grandes heures des groupes pré-cités. – Olivier

Le 6 septembre : La Fève – Sans plug (prod. Ponko)

Le niveau d’attente autour de La Fève est suffisamment élevé pour qu’il puisse se permettre de sortir des projets surprises. Parue en ce mois de septembre, Biglaf est une mixtape solide et homogène dans laquelle « Sans Plug » brille un poil plus que les autres. Le magicien Ponko nous sort une programmation de batterie percutante accompagnée d’un sample de guitare mélancolique. En bref, tout ce qu’il fallait à La Fève pour déballer son spleen avec un flow mélodieux et prenant mâtiné d’autotune. Un des (tristes) tubes de cette rentrée. – Jérémy

Le 12 septembre : Scylla – Chapitres cachés feat. Furax Barbarossa & Saké (prod. Crown)

Scylla a décidé ce mois-ci de rééditer son premier album solo Abysses publié en 2014. Pour marquer le coup, il l’a accompagné d’un nouvel EP portant le nom d’Ivresse des profondeurs. Parmi les sept titres qui composent cet opus, « Chapitres cachés » vient raviver la flamme du rap indé des années 2010. En effet, Furax et Saké font honneur à l’invitation du MC belge en proposant deux couplets à la hauteur de l’évènement. Leurs participations font écho aux morceaux « Erreurs génétiques » et « La sagesse d’un fou » parus en 2013 sur Abysses et à des collaborations de longue date sur les projets du pirate et du membre du 132 comme « À l’aube de l’enfer » (2008) ou « Suis-je en train de gâcher ma vie ? » (2009). Une passion commune pour la rime et une complicité rare qui malgré le temps écoulé demeurent intactes. – Jordi

Le 21 septembre : Zippo – Lego (prod. Greenfinch)

Comme s’il vivait dans une dimension parallèle, Zippo rappe sur « Lego » le décalage entre la parole officielle sortant de la bouche de nos dirigeants, et sa propre perception, plus proche d’un monde qui court à sa perte. Zippo se prépare à assister (et affronter) à la fin du monde, et décrit cet état de fait, pour le moins morose, en soignant la forme, avec des images sophistiquées (« On connaît déjà le scénar’, ce sera le même qu’hier / Et demain y’aura du sang qui sortira des serpillères« ), du groove dans le flow, et une symbiose avec l’instrumentale spectaculaire de Greenfinch, qui signe la partie musicale de l’intégralité d’Automne, son nouvel album (lire l’interview réalisée pour l’occasion). Et en parlant de décalage, il touche aussi sa façon de sortir de la musique, puisque ce nouvel opus est paru six ans après le précédent (un non-sens dans le monde du rap d’aujourd’hui), un dimanche (et non un vendredi comme le veut l’usage), et plus précisément le jour de l’équinoxe de la dite saison. – Olivier

Le 24 septembre : Mr Kayz – Pistol Pit (prod. Just Music Beats)

Pete Maravich, aka Pistol Pete, officiait en NBA dans les années 1970, et s’est fait connaître non seulement pour ses records de points, mais aussi ses gestes aussi inventifs que peu académiques. Ce n’est pas pour rien si le nouveau single de Mr Kayz y fait référence, au vu de la pluie de lignes inspirées qu’il contient, portée par la production baroque et triomphale du duo de beatmakers Just Music Beats. Difficile de n’extraire qu’une seule punchline, mais pour le mindset, citons tout de même celle-ci, « J’avance qu’à mon rythme, mon but c’est vraiment d’fuck l’algorithme, en étant plus honnête qu’une bande d’alcooliques« . – Olivier

Le 25 septembre : Yvnnis – Pauleta (prod. LilChick)

Après avoir marqué la fin de l’année 2023 avec le fabuleux morceau « Gare du Nord » et son clip tout aussi incroyable, ainsi qu’avec un album, L’afro ou les tresses (qui a suscité des avis partagés) sorti en janvier dernier, Yvnnis a récemment dévoilé SCORE!, un EP de 4 titres où il exprime pleinement son amour pour les refrains chantés. Le rappeur continue sur sa lancée en cette rentrée avec « PAULETA ». À l’instar de « SEEDORF » – dont nous avions parlé dans nos colonnes – « PAULETA » fait évidemment référence au grand Aigle des Açores, qui a tant marqué nos amis bordelais et parisiens. Mais c’est aussi un morceau où le rappeur du 94 découpe salement, nous rappelant qu’au-delà de sa versatilité, Yvnnis sait kicker, et avec force. – Clément

Le 26 septembre : Babz – Équilibre (prod. Lexsaburo)

Cela fait plusieurs années que la rédaction suit l’avancée du rappeur Babz. Depuis le projet Rock’n’roll, réalisé en collaboration avec Mehdi Mitch en 2020, celui-ci a sorti deux EP solo et nous distille régulièrement de très bons singles. Des morceaux comme « Putain d’époque », « Demi-lune » ou encore « Espace » lui ont permis d’expérimenter et de proposer au public des prestations aux ambiances sonores et placements variés.  Cependant, l’interprétation, l’introspection et la qualité de l’écriture sont présents en fil rouge dans l’œuvre du Nantais. Nouvel exemple, la sortie récente d’« Équilibre » où il tient en haleine l’auditeur sur ce titre de trois minutes sans refrain. L’émotion qui s’en dégage est décuplée par le travail de Pierre Anex, chargé de la mise en images du morceau. Côté production, l’instrumentale est signée Lexsaburo avec qui Babz vient d’annoncer la sortie d’un album commun. De bonne augure pour cette fin d’année. – Jordi

Le 17 septembre : Zek – Localisable (prod. Zek &Hugo Cervantes)

Quand on parle des rois sans couronne, ne faudrait-il pas y ajouter Zek ? Le lascar du 91 est présent depuis la seconde moitié des années 2000, a brillé au sein du label Néochrome, s’est distingué aussi bien au mic qu’à la production, a sorti Seleçao 2 en 2014, projet majeur pour beaucoup, avant de se faire plus rare, sûrement rattrapé par la vie, la vraie. Le confinement semble lui avoir remis le pied à l’étrier et depuis, Kévin Ramos livre des morceaux ça et là, toujours appréciés. « Localisable » est du même acabit. Sur trois couplets, Zek use de name dropping, de références et d’une technique impressionnante en rimant sur quatre syllabes. Avec de l’humour, de l’attitude, des traits d’esprit et des images marquantes (« Je montais sur Paname pour rejoindre des gos dans un bar Latino, Je rentrais de Paname pour pisser du sang et de la Lacrymo »), Zekwe n’a rien perdu de sa verve. A bon entendeur ! – Chafik

Le 27 septembre : Double Zulu – Chef Tribal (prod. Just Music Beats)

Alors qu’Hulk Hogan n’en perdait pas une pour se faire remarquer à la convention républicaine en soutenant piteusement l’autre débile, Double Zulu continue de représenter à sa manière le catch dans le french rap game. Jamais parti mais toujours de retour, le double Z revient avec un petit trois titres, toujours accompagné des inévitables JMB. S’il ne peut s’empêcher d’intituler ses morceaux de nom de catcheurs (Randy Orton, Cody Rhodes), le titre « Chef Tribal » aurait pu être Brutus Beefcake tant le Komodo décoiffe sur cet egotrip. Le lascar semble avoir trouvé la formule secrète et chacun de ses projets est de qualité (« Elle est loin l’époque où j’étais nul à chier et que je portais encore des baggys »). Comme les catcheurs, Double Zulu pratique le rap comme un sport, un spectacle. – Chafik

Retrouvez également ces morceaux sur nos playlists Spotify et Deezer :

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