Il y a dix ans, nous aimions rappeler en introduction des 10 Bons Sons francophones que les sélections ne prétendaient pas à l’exhaustivité, comme si, d’une certaine manière, il était possible de parler de tout, mais que ce n’était pas notre choix. Et si ce prérequis semble évident en 2024, au vu de la foultitude de sorties en tous genres, ne sélectionner que dix morceaux se révèle toujours un casse-tête, signe de bonne santé pour le genre musical qui nous intéresse ici.
Le 5 avril : Green Montana feat. Isha – « dashboard » (prod. 6AM)
« dashboard » est issu de Saudade, le dernier album en date de Green Montana. Sur ce morceau à la production nerveuse et sophistiquée, le membre du 92i délivre un rap chantonné sans respiration quand à l’inverse, Isha débarque sur le deuxième couplet en kickant de manière plus intelligible, et en s’autorisant des silences qui permettent à l’auditeur de digérer les bons mots que contiennent ses phases. (« Cet été j’étais à New York, on a croisé des mecs du Bronx… Ils nous ont pris pour des mecs du Bronx.« ) De fait, les flows et les styles d’écriture des deux acolytes peuvent paraître très différents, certains parleraient même de deux écoles du rap distinctes, mais les deux parties se complètent bien, sans la nécessité d’un refrain pour servir de liant. C’est que les deux Bruxellois se connaissent et travaillent ensemble depuis longtemps, et c’est encore une fois perceptible, quatre ans après leur dernière collaboration en date, « Bad boy », sur La vie augmente Vol.3. – Olivier
Le 12 avril : Hermano Salvatore – « Récap«
Après son EP Alma sorti à l’automne, marquant son retour aux affaires, Hermano Salvatore enchaîne au printemps avec Almanac, un dix titres qui fait office de volume deux. Nous avons retenu le morceau « Récap » dans lequel Hermano fait le bilan de son parcours en trois temps, évoquant tour à tour ses débuts dans le rap avec L’Ami Caccio au sein du groupe Grande Instance, puis l’aventure Tous Salopards, collectif parfois qualifié de « Wu Tang marseillais », pour terminer en abordant différents featurings importants de son parcours en solo, le tout en trois couplets et autant d’instrus. On devine comme des sentiments d’inachevé dans la carrière d’Olivier et une envie de croquer le rap, que ce soit avec son binôme (envoyez un EP commun!), avec les autres salopards (l’histoire doit continuer les gars…) ou via différentes collabs qui restent à faire. Après hier et aujourd’hui, demain donnera lieu à des kilomètres de rimes de la part d’Hermano. – Chafik
Le 16 avril : Solomando & Bazz – « Mourir jeune »
Solomando est un jeune rappeur lyonnais que l’on a pu découvrir l’an dernier avec son premier album FROST (The spiritual writings). Il enchaînait ce mois-ci avec un nouveau projet aux côté du producteur Bazz. Sur ce titre, le sujet de la mort est traité de manière hyper-frontale. Le rappeur y multiplie les réflexions en s’inquiétant d’une potentielle mort prématurée, mais plus le titre avance, et plus cette inquiétude se déporte sur ses proches plutôt que sur lui-même, comme si son propre destin n’était qu’anecdotique face à l’amour de ses proches. Avec ses grosses infra-basses et sa sirène au refrain, la production de Bazz apporte une note funeste supplémentaire au texte de son compère. – Jérémy
Le 18 avril : Zinée feat. Chilly Gonzales – « MEZZEL » (prod. Sheldon)
Après l’avoir découverte en 2021 avec son EP Cobalt, la pépite de la 75e session (et rare figure féminine d’ailleurs) annonce son premier album à venir le 17 mai prochain, intitulé Osmin. On y retrouvera à la production les éternels avengers du Dojo / Studio Winslow / 75e session : Sheldon, Epektase, Aguirre ou encore Yung Coeur. En attendant, découvrons « Mezzel », sur une prod’ de Sheldon et avec le piano de monsieur Chilly fuckin’ Gonzales, excusez du peu. Le morceau est une « ode à la détermination face aux épreuves qui rythment sa vie et sa musique », pour reprendre les mots de notre protagoniste. Entre brutalité et mélancolie, Zinée livre ici un morceau d’une rare beauté, sa voix nacrée semblant tenir à un fil, nous marquant au fer rouge. La suite le 17 mai. – Clément
Le 18 avril : Tipi Mobb – « Training Day » (prod. Moddibo)
Dans la lignée des récentes découvertes, il y a Tipi Mobb. Tout droit venu de la Bretagne et plus particulièrement de Rennes, Tipi Mobb est un duo composé de Don K et ya$$. Soutenu par le très bon beatmaker 3.14, le duo a déjà sorti cinq projets, dont deux en 2024, Vilaine Ride étant le dernier en date. Sur ce dernier opus on retrouve donc l’excellent morceau « Training Day », porté par son instrumentale drumless et ses violons très Michel Legrand / Philippe Sarde. Nos deux protagonistes livrent ici un titre très efficace, parsemé d’égotrip et de rimes bien senties. Un vent de fraicheur (plus précisément un vent de suroît) souffle et ça fait bigrement du bien. Oui, bigrement. – Clément
Le 19 avril : GrandBazaar feat. Jungle Jack – « L’homme des tavernes »
Le premier EP de GrandBazaar nous a mis une petite claque en octobre dernier et le duo de producteur genevois récidive déjà avec un deuxième volume. Le niveau de performances est élevé tout du long et il est peu aisé d’extraire un titre, cependant, il nous semble que le trop rare Jungle Jack est tout de même parvenu à sortir du lot. Le rappeur parisien livre un très long couplet. L’écriture y est technique, remplie d’images et de jeux de lexiques malins, à l’instar de cette partie où il enchaîne les citations de noms d’animaux dans des contextes divers et variés, ou encore à ces références alcoolisées qui pleuvent tout du long. Un beau moment de bravoure qui respire l’amour du rap et de l’écriture. – Jérémy
Le 23 avril : Secro Star – « Laisse passer » (prod. Nat)
Les freestyles de Secro Star parus le mois dernier ont permis à l’auteur de ces lignes de découvrir ce rappeur francilien d’origine réunionnaise. Si le format permet surtout à l’auditeur de constater la maîtrise de l’égotrip et une expérience évidente derrière le microphone du rappeur (ses sorties les plus anciennes sur les plateformes datent de 2013), l’EP Paradigme paru fin 2023 lui permettra d’en apprendre davantage et d’avoir une image plus complète du MC. En attendant, « Laisse passer », qui ouvre la série de courtes performances parues début avril (et réunies dans un projet intitulé L’odeur après la pluie), demeure une porte d’entrée efficace pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Secro Star. – Olivier
Le 29 avril : JohnF*ckingNada – « Winning »
A croire qu’un vent drumless souffle sur notre hexagone… Après la magnifique découverte Cheval Blanc le mois dernier, voici JohnF*ckingNada. Ça sort de nulle part, c’est un peu la recommandation de l’algorithme Youtube qui nous donne encore foi de temps à autres à ce big brother. JohnF*ckingNada est donc un rappeur (et producteur) de Panam’ qui a sorti son premier projet en février dernier, intitulé Grandeur. Un 7 titres composé et produit entièrement seul, sans aucun invité. A l’image du projet Inspecteur Cheval de Cheval Blanc, le projet oscille entre instru’ soul, ambiance jazzy un peu noire et morceaux plus modernes, plus trap. Tandis que je m’efforce à rattraper mon retard, l’artiste membre du label LeBoeuf Records a sorti un morceau totalement drumless, ou il délivre barz sur barz, en tout simplicité, facilement. Voyez plutôt. – Clément
Le 24 avril : L’Ami Caccio – « Les ignorants n’ont pas de pare-balles » (prod. Wysko)
Dans la catégorie des jeunes vétérans toujours bousillés par ce foutu rap, L’Ami Caccio représente bon nombre de ses congénères. Jamais parti mais toujours de retour, fatigué par tant de morceaux oubliables, aux sonorités génériques et aux propos creux, le barbu du 13 revient avec un titre où ça rappe comme on aime. Au menu, de la rime riche, des allitérations et assonances (le début du morceau est terriblement efficace !), quelques réf bien senties, de la punch (« Si tu quittes le troupeau, crains plus le troupeau que le loup ») et même une balle perdue pour Kool Shen. L’allusion au collectif Tous Salopards, qui a splitté après deux albums de qualité, laisse imaginer que L’Ami Caccio (comme son compère Hermano Salvatore d’ailleurs…) n’a pas tiré un trait sur leur histoire collective. Toujours est-il que le titre « Les ignorants n’ont pas de pare-balles » se retrouvera dans un EP intitulé Luger, qui sortira mi-mai. – Chafik
Le 26 avril : Guezess – « Mon nom est Personne » (prod. D.Stans)
Durant la seconde partie du 19ème siècle, les cow-boys noirs représentaient à eux seuls un quart des effectifs. À travers son nouvel EP Red Rock, Guezess vient rendre hommage à ces oubliés de l’Histoire. Après « Rouge » et « Tarantino », deux freestyles publiés sur Instagram, il nous offre un opus de quatre titres de qualité, dont la tracklist sent la poudre et honore les westerns classiques du cinéma. Même s’il a été difficile de mettre en lumière un morceau au détriment des autres, nous avons particulièrement apprécié le titre « Mon nom est Personne». Le rappeur bordelais y excelle sur une puissante production de D.Stans. Des lyrics de plus en plus revendicatifs, un flow soigné et un charisme indéniable font aujourd’hui de Guezess un artiste plus déterminé que jamais. En attendant un long format dans les mois qui viennent ? – Jordi
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