Hugo « Train Sur Rail » | Chronique

Deux ans après son dernier album Une vie et quelques, Hugo TSR sortait ce 8 décembre un E.P. sobrement intitulé Jeudi d’une durée totale de 19 minutes. Si nous sommes habitués aux formats courts de sa part, il faut bien avouer que cette durée minimale a les défauts de ses qualités : c’est un projet qui s’écoute « cul sec » sans aucune lassitude, mais qui, de ce fait, ne nous laisse pas rassasiés. Les six producteurs font un travail sans faute et les musiques accomplissent leur but : nous garder sur les rails le temps de l’écoute.

Combien seront-ils à découvrir Hugo TSR avec Jeudi parmi nos lecteurs ? J’imagine qu’il n’y en aura pas un. Inutile donc de présenter le personnage. Disons, comme d’habitude, que Hugo TSR n’ambiancera pas les soirées mondaines et ne tournera pas dans les clubs. Musique de dépressif à bien des égards, il n’a pas son pareil pour décrire un quotidien morose, gris et sans couleur : celui que vivent des millions de personnes sans que jamais personne n’en parle. Loin du glamour, des paillettes et de l’hypocrisie, c’est la réalité de ceux qui portent des valises trop lourdes à supporter qui surgit : « montre-moi tes bagages, je te dirai qui tu es » écrit-il dans « Valises ». Dans un « monde d’hypocrites », les apparences ne sont plus trompeuses pour celui qui sait voir au-delà.

Cet E.P. suit son fil rouge du début à la fin. Il y est question de rails, de trains, de tous ces personnages qui hantent les gares tels des fantômes et qui jouent leurs rôles dans un paysage urbain sans couleur. Jeudi est l’histoire d’une routine qui ne peut avoir d’autre issue que la folie lorsque la haine de soi et des autres prend le dessus sur le reste. La folie de ceux pour qui le travail se confond avec l’identité et qui n’existe qu’à travers lui, comme il l’écrit dans « Tourbillon ». Quelles souffrances un individu peut-il encaisser avant qu’il ne sombre ? Quand des vies entières dépendent d’un travail comme moyen de subsistance, quand la détresse psychologique se confond avec la grisaille de jours sans soleil, peut-on vraiment croire en un bonheur possible ?

Hugo TSR rappe toujours les passions tristes. Ces titres représentent la fresque des états d’âme, la « radio apocalypse », de ceux qui sont enfermés dehors à jouer des rôles dans un monde qu’ils ne comprennent pas. Il doit son succès à sa capacité à peindre la tristesse, l’aigreur, le malheur, la haine et la déprime. Si sa « cabine « , qu’elle soit son lieu de travail ou son lieu d’enregistrement, semble lui permettre de se ressourcer dans la solitude et d’écouter « du bon son », elle est un lieu de création dont l’œuvre est cathartique pour ceux qui l’écoutent. Si on ne ressort pas de cette vingtaine de minutes plus heureux, on en ressort néanmoins plus conscient de la folie du monde : combien de temps encore avant qu’il ne déraille définitivement ?

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