Le froid rigoureux qui s’installe en ce mois de novembre n’a pas freiné les ardeurs de nos rappeurs francophones, en témoigne l’avalanche de sorties, si bien qu’il a été assez difficile de ne choisir que 10 morceaux.

Le 14 novembre : Instable Est La Gestuelle & ZEK – « Entends-tu les cieux ? »

Les morceaux chantés agrémentés d’un couplet rappé existent depuis longtemps dans le rap, et le genre connaît de nombreux classiques (souvenons-nous du fameux « So good » de Davina et Raekwon en guise d’exemple). Il va de soi que pour que le résultat soit probant, il faut que la partie rappée soit percutante, et ne vienne pas entâcher l’ensemble. Au vu de la qualité des couplets de ZEK ces dernières années, le choix de le faire poser aux côtés d’Instable Est La Gestuelle ne pouvait pas être une mauvaise idée. Premier extrait la Carbone Quatorze Mixtape, qui regroupe des rappeurs de générations différentes, « Entends-tu les cieux » fait honneur au concept, pour un résultat en forme de complainte, empreint de spiritualité, entre regrets et résolutions. Le reste de la mixtape sort le 8 décembre, et contiendra d’autres couplets d’Instable Est La Gestuelle, ainsi que des apparitions de Tchiki O, ATK, Ul’Team Atom, ou encore Sameer Ahmad pour ne citer qu’eux. – Olivier

Le 15 novembre : Malo – « Guide mes pas » (prod. Bij & Guapo du soleil)

Le rappeur originaire du Val d’Oise n’a pas ménagé ses efforts tout au long de cette année, nous gratifiant de deux projets, à l’instar de l’année précédente. Après la sortie de son deuxième album iD, en juin dernier, Malo a publié ce 15 novembre un EP très court, sobrement intitulé X3. Trois morceaux donc, chacun dégageant une atmosphère très différente, que ce soit par le biais de leur production (guitare suave, piano triste et synthé) ou par leur interprétation. Personellement je retiendrai « Guide mes pas » et son petit côté banger improvisé.
– Clément

Le 16 novembre : Yvnnis – Gare du nord (prod. Lil Chick)

Quelques mois après un premier album intéressant, Yvnnis continue son ascension avec le morceau « Gare du Nord ». Une nouvelle fois produit par Lil Chick, la track se scinde en deux : la première partie est plutôt posée, sur une boucle de piano lancinante, tandis qu’une sorte de beatswitch intervient sur la seconde partie, doublant presque les BPMs et donnant au morceau une atmosphère plus suffocante. Yvnnis, lui, est aussi bien à l’aise sur l’une que sur l’autre. Cerise sur le gâteau, le clip est un vrai bijou et mérite incontestablement un coup d’œil.
– Clément

Le 16 novembre : Zippo & Greenfich – « ECHO »

Habitué des atmosphères apocalyptiques et guerrières, Zippo est ici sur un de ses terrains de prédiléction. Un sample de vièle et une batterie martiale lui offrent le terrain adéquat pour développer son flow tranchant et traiter de la partition progressive de la société. La réconciliation paraît tellement inconcevable que plus le titre avance et plus on se rapproche d’un appel à la révolution : « Pantalon, k-way noirs, il y a tout chez Decathlon » scande-t-il avant d’appeler l’auditeur à choisir son camp. Quelques pointes de rire jaune résonnent ça et là, mais le titre est tout ce qu’il y a de plus frontal. On ne sait pas ce qu’il veut pour Noël, mais probablement pas une chanson de Mariah Carey. – Jérémy

Le 17 novembre : Rocé – « Le niveau »

Dix ans après son dernier album, Rocé est de retour avec un projet consistant. Bîtume c’est douze titres, trente minutes et pas grand chose à jeter. Sur « Le niveau », la rythmique et le sample minimaliste appelent un flow cadencé qui sied parfaitement à Rocé, toujours à l’aise sur ce type d’ambiances qui peut rappeler Gun’z n Rocé. Il y mélange parfaitement des propos fins et aphoristiques sur la société (« Violence symbolique, je n’ai pas les mots« ) avec des pointes d’autocritique et d’égotrip. Le refrain est court et brut. De quoi bouger la tête et réfléchir en même temps. Rocé est vraiment l’un des spécialistes de cette discipline. – Jérémy

Le 17 novembre : Hermano Salvatore – « Toujours moi« 

L’actu rap de la cité phocéenne est excitante, au contraire des performances indigestes de l’OM. Si le mois d’octobre a été celui des Chroniques de Mars III avec son lot de légendes et de têtes d’affiche actuelles, novembre est le mois de la nouvelle génération. Il a d’ailleurs été difficile de choisir un projet parmi tous ceux sortis dernièrement, entre celui d’Achim (toujours excellent), le surprenant Mehdi Miklo et son Boys in the Block qui synthétise à lui seul les styles de la FF et de Jul, Stony Stone qui continue son impressionnant run, voire la tape de Lujipeka qui invite différentes gâchettes du 13 sur Week-end à Marseille. Mais notre choix s’est porté sur Hermano Salvatore, dont on vous a régulièrement parlé par le passé et qui effectue un retour après deux ans où il s’était fait discret. Son EP Alma a tout du mini-album concept : Hermano y dresse un constat sur son parcours, sa carrière, sur les désillusions qu’il a eu affrontées, lui qui sait trop que « le temps c’est de l’argent, mais qu’à cette heure, il a pas fait son argent et il a pas tout son temps ». Mais les 8 titres ne sont en rien défaitistes, bien au contraire, l’écoute des six morceaux et deux interludes illustrent surtout son envie de croquer le monde, sa rage de dire. On a forcément retenu le titre « Toujours moi » : une performance de six minutes durant laquelle Hermano se livre dans une introspection rare et qui confirme que ce sont les morceaux les plus intimes qui peuvent parler au plus grand nombre. L’interprétation aussi est à relever et on imagine qu’il n’a pas fallu deux prises pour l’enregistrer. On ne peut s’empêcher de penser à Dinos et son « 93 mesures » au passage. Hermano semble vouloir rattraper le temps perdu. Rendez-vous en 2024 donc pour confirmer ce retour gagnant. – Chafik

Le 17 novembre : Dany Dan – « Rarissime » (prod. Kyo Itachi)

Dans notre bilan rap francophone 2021, mon morceau de l’année était « 99 en peuf » d’Alpha Wann, produit par Kyo Itachi. J’avais alors espéré qu’en 2022, le projet Dany Dan / Kyo Itachi sorte et qu’Alpha soit en featuring. Il a fallu se contenter du morceau « Pop Dan / Style libre » en 2022 et il faudra attendre février 2024 pour que l’album entre le Sage Poète et le beatmaker soit dans les téléphones pour notre plus grand plaisir. Le premier extrait « Rarissime » tient toutes ses promesses ! Daniel Lakoué est toujours insolent de facilité et livre un texte fin sur son rapport au rap. Dans cet egotrip subtil, Dany Dan ne se sent pas obligé de gonfler les pecs et montre qu’on n’est pas le meilleur quand on le croit mais quand on le sait. Sur de ses forces, il enchaine les phases marquantes (« C’est l’hiver à chaque fois que je souffle », « On accuse Dany de pyromania ») et le refrain fait mouche. Surtout, il a souvent été reproché à Dan de ne pas poser sur des prods à la hauteur de son talent, quand bien même sa place au panthéon des rappeurs n’est pas discutable. Là, avec Kyo Itachi, les mauvaises langues vont se la bouffer jusqu’à écœurement puisque notre lascar masqué dispose d’une palette, d’une créativité, qui sied à merveille avec le style du Boulogne Billancoureur. Vivement que Noël, le jour de l’an, la galette des rois, la Chandeleur, passent pour qu’on puisse s’envoyer en l’air à la Saint Valentin avec leur album. – Chafik

Le 22 novembre : Robdbloc – « Faux départs » (prod. Bvker, Johnny Ola, Marty Santi)

Après le magnifique EP Caméo sorti l’été dernier, Robdbloc revient avec un morceau intitulé « Faux départs ». Sur une guitare très moelleuse concoctée par l’inévitable Johnny Ola (entre autres), le rappeur de Créteil nous livre un morceau doux et mélancolique, à l’instar de son morceau « Rien ne change », figure de proue de son projet éponyme sorti il y a tout juste un an. Depuis lors, il ne cesse de nous impressionner, que ce soit par la qualité de ses morceaux, leurs mises en images et la direction artistique globale qu’on retrouve désormais dans sa musique. Maintenant, on veut un album. – Clément

Le 24 novembre : Sheldon feat. Flynt – « Seul(s) » (prod. JeanJass)

En 2020, sur le dernier album de Flynt, Sheldon avait produit un titre (« Avant les regrets »), et JeanJass avait posé un couplet (« Ça va bien s’passer »). Sur « Seul(s) », morceau éponyme du nouvel EP de Sheldon, les rôles ont été quelque peu interchangés, puisque c’est JJ qui s’occupe de la partie instrumentale pour les performances microphoniques du senseï du Dojo et de Larry Gros Gabari Flynt. De fait, la boucle de piano épurée, drumless, mélancolique à en aspirer l’âme, et raccord avec l’arrivée du froid dans l’Hexagone, se marie à merveille aux couplets impeccables des deux compères, et se voit agrémentée d’une petite envolée de violon en guise de refrain. Flynt y clame « J’écoute ce beat depuis des heures, j’ai pas besoin d’un psy, j’ai besoin d’un beatmaker« , puis plus loin « Envoyez-moi des prods les frères, flyntmc@hotmail.fr que je me pose sur la piste en 747 en douceur avec mon petit stock de rimes, en bon pilote de ligne« . Un appel aux faiseurs d’instrus donc, afin de donner une suite à ce couplet impeccable, et peut-être, qui sait, à sa discographie. Pour les amateurs, le reste de l’EP de Sheldon, exclusivement composé de featurings, dans des sonorités variées, est de la même facture. – Olivier

Le 24 novembre : Ockney feat. Dr Kimble & The Free – « Équipe type » (prod. Krimophonik)

Dans notre édition de mars, nous avions mis en lumière le morceau « GDC », fruit de la collaboration entre Ockney et le beatmaker Krimophonik. Huit mois plus tard, les deux artistes sont de retour avec un nouvel EP commun de cinq titres portant le nom de Rampage. Comme à son habitude, le rappeur parisien a convié son entourage proche à participer au projet. Double Zulu et Hemo font deux apparitions de haute volée sur le titre éponyme et « Coles & Woods ». « Équipe type » en collaboration avec Dr Kimble et The Free nous a particulièrement marqué. Les trois couplets incisifs font mouche, les rimes travaillées sont parfaitement exécutées. Résultat, un morceau et un projet qui devraient ravir les amateurs de rap brut sans fioritures. – Jordi