Le mois de juin chez l’Oncle Sam c’est un peu comme chez nous, c’est la course aux hits de l’été – et non pas au heat de l’été si on veut parler basket, force aux perdants des finales NBA – à celui ou celle qui va s’installer dans notre crâne pendant plusieurs semaines grâce à la magie de la musique et de ce qui nous intéresse ici : le rap. Voyons ce qu’il en est.
Chester Watson – tourniquet (prod. Montrell Haymon)
La jonction de ces samples envoûtants et du ton monocorde de Chester Watson donnent l’impression de s’enfoncer dans un tunnel dont ne verrait pas le bout. Sous ses airs nonchalants, le rappeur-producteur rebondit parfaitement sur une programmation de batterie complexe. Chester se met en scène dans un esprit seul contre tous, à l’image de son album où ne figure aucun featuring, et pose ses constats comme ceux d’un clairvoyant. « tourniquet » ressemble ainsi à un enchaînement de sentences qui tourneraient sur elles-mêmes et se répondraient les unes les autres. – Jérémy
The Alchemist feat. Earl Sweatshirt & Billy Woods – RIP Tracy
Sans forcement prévenir, celui qu’on peut considérer comme un top 5 des meilleurs producteurs de tous les temps vient de sortir un EP, intitulé Flying High. Composé de 8 morceaux (4 tracks avec des invités et les 4 mêmes uniquement instrumentales), le projet est censé ouvrir une série de plusieurs volumes, à la manière de ses précédents opus This Thing Of Ours. Bref, on retrouve bien evidemment des partenaires habituels du chimiste : Larry June, Jay Worthy, Boldy James et ceux qui nous intéressent ici : Earl Sweatshirt et Billy Woods. Au programme; une instrumentale assez downtempo, un sample bouclé aux petits ognons, et les flows hypnotiques de Billy Bois et de Earl le t-shirt à manches longues. Y a pas à dire, on mange tellement bien chez Al Chemist. – Clément
Earl Sweatshirt – Making The Band (Danity Kane) (prod. EVILGIANE & Clams Casino)
Chacune des apparitions d’Earl Sweatshirt est en soit un petit privilège. Discret depuis toujours, celui qu’on voulait libre il y a plus de 10 ans (ça ne nous rajeunit pas), choisit méticuleusement ses sorties et adore mettre des plombes pour sortir des morceaux joués en live ici et là. Making The Band (Danity Kane) en est encore un parfait exemple, puisque la track est prête depuis deux ans maintenant… Bref, sur une instrumentale plutôt énergique connaissant les contingences du boug, Earl fait ce qu’il sait faire de mieux depuis toujours : délivrer une prestation unique, ou sa légendaire nonchalance cotoie un lyrisme exalté. Personnellement, je pourrais écouter Earl des heures durant. – Clément
Killer Mike feat. Andre 3000, Future & Eryn Allen Kane – Scientists and engineers (prod. André 3000, NO I.D, DJ Paul, James Blake, Twhy, Dammo Farmer & Agape Jerry)
Killer Mike vient de sortir un des albums de l’année et tout cela n’a rien d’une surprise. Il y a donc beaucoup de bons titres mais on s’est logiquement séduire par cette collaboration. D’abord parce-qu’il y a ce drôle de couplet du très rare André 3000, à la limite du robotique et pourtant à la pointe des problèmes humains actuels tout en étant traversé par des images intimes. Ensuite parce-que Future pose comme un crooner autotuné, soutenu par de magnifiques choeurs gospel. Et enfin parce-que l’entrée pêchue de Killer Mike vient donner un grand coup de pied dans la fourmilière. On a ici toute la richesse musicale d’Atlanta réunie sur un morceau. – Jérémy
Curren$y & Harry Fraud feat. Vico – Purple Picasso
La formule Curren$y/Harry Fraud a déjà fait mouche à plusieurs reprises ces dernières années. Les projets du louisianais produit par le newyorkais faisant partie des immanquables de sa discographie très touffue. Et VICES ne prend pas cette habitude à défaut. Plutôt court comme à l’accoutumée, le disque fait la part belle aux invités, puisque l’on retrouve Jim Jones, Larry June ou encore Benny aux côtés du duo infernal. Sur « Purple Picasso » servant d’outro à l’album, on passera outre la performance oubliable de l’inconnu Vico pour saluer la merveille de production de l’un des meilleurs instrumentalistes du moment. – Xavier
2 Eleven & T.F. feat. Roc Marciano – Special Sauce (Prod. Marc Spano)
Quatrième pièce à mettre au crédit du duo transgénérationnel composé du jeune loup T.F. et du briscard 2 Eleven. 3 ans après le premier volume de Skanless Levelz en 2020, les compères continuent leur bout de chemin ensemble avec toujours la même réussite. Rappeur tout particulièrement éclectique sachant briller sur tout type de production, T.F. reste, dans le cadre de cette série, dans de la production somme toute assez classique, bien que plus varié que les précédents volumes. Preuve en est ce « Special Sauce », sans drum mais avec Roc Marciano et une étonnante flûte en décalage avec les lyrics et le clip. – Xavier
A$ap Twelvyy – Pass The Torch (prod. Ran Van Dam & Zeke)
Franchement, avec toutes les histoires passées et présentes, les déclarations de certains membres, les tragiques décès d’autres et les différentes références provenant de sources multiples, je suis un peu perdu quant à qui fait partie ou non du collectif A$ap Mob. Cependant, cela ne m’empêche pas de suivre les sorties des artistes qui portent le nom « A$ap » avant leur blase. Enfin bref, Twelvvy est l’artiste que je suis avec beaucoup d’intérêt, ses derniers EP m’ayant vraiment plu.
Le rappeur originaire du Bronx a récemment sorti deux excellents morceaux ce mois de juin : « Pass The Torch » et « Jus Lef Harlem », en guise de teaser pour son quatrième album intitulé Kid$ Gotta Eat. Notons qu’il y a neuf mois, le rappeur avait sorti « Kid$ Gotta Eat » qui semblait être un single orphelin à l’époque, mais qui se retrouve bien évidemment sur son album. En tout cas, « Pass The Torch » est un morceau à la fois énergique et sombre, mettant en valeur la technique indéniable de Twelvyy. L’album était prévu pour le 7 juillet (déjà sorti au moment où j’écris ces lignes) et je vous conseille bien plus d’une écoute. – Clément
Sauce Walka & Daringer feat. Conway – Dangerous Daringer
Ce morceau est une évidence. Après des années à cracher son venin sur des instrumentales soul épurées, Sauce Walka ne pouvait pas ne pas croiser la route de Daringer. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois puisque, au delà de ses apparences auprès des frères de Griselda, un freestyle à peu près identique mais sans Conway circule régulièrement sur les internets. L’ennui, c’est que ledit freestyle est caché dans les médias Twitter de Sauce Walka et vous ne devez pas vous y aventurez (ne faites pas ça… ne faites surtout pas ça). Alors, soyez rassurés puisque ce clip annonce un long format tout entier des deux loustics. – Wilhelm
Gunna – bread and butter (prod. Turbo, Omar Grand & Cam Griffin)
Vous devez sûrement savoir que la justice américaine a décidé de s’attaquer au label de Young Thug, YSL, dont Gunna une des figures de proue. Peut-être savez-vous même que sa libération, en fin d’année dernière, a fait couler beaucoup d’encre et nourrit quelques rumeurs. Peut-être n’en avez-vous rien à foutre, comme des gens normaux. On comprendra toutefois que le principal intéressé soit affecté et décide d’y répondre alors qu’il sort son premier disque depuis le début de toute cette histoire et, par ailleurs, un très bon album. – Wilhelm
Young Thug & Metro Boomin – Jonesboro
Une semaine après son (ex) protégé, Young Thug sortait également un album. Celui-ci loge cependant toujours derrière des barreaux. Il a pu compter sur Metro Boomin qui réalise la direction artistique intégrale du disque. On pourra remercier le producteur de nous livrer le (largement) meilleur album de son pote depuis au moins 5 ans sur lequel figure le bijou « Jonesboro ». On notera également noter les prestations léchées des invitées (à part Drake) et la version de l’album propre au producteur – par ailleurs plutôt mieux réussies que la version studio. – Wilhelm
N.B. : si quelqu’un de puissant nous lit, par pitié, arrêtez de sortir les mêmes albums séquencés différemment c’est tout autant une idée de merde que les rééditions interminables en sans intérêt.