10 Bons Sons US en avril 2023

Chez l’Oncle Sam, le mois d’avril s’est accompagné d’une terrible nouvelle. Nous évoquions les démêlés judiciaires de l’ancien résident de la Maison Blanche dans notre introduction du mois passé. Hélas, la vie sait se montrer décevante et la justice américaine encore plus : nous n’aurons pas droit à un mugshot de légende. Nous avons toutefois pu dénombrer une palanquée de sorties musicales que nous essayerons de défricher dans les lignes qui suivent.

Lloyds Banks ft. Vado & Dave East – Automatic pilot (prod. Cartune Beatz)

Lloyds Banks sortait ce mois-ci le troisième volet de l’excellente série « The course of the inevitable ». « Me, V and East is De Niro, Pacino, Pesci » lâche-t-il dès le premier couplet pour souligner la qualité de cette combinaison. Dans un entremêlement de rimes internes qui donne envie de sortir le surligneur, Banks ouvre et ferme le morceau avec deux gros couplets où ils envoient plusieurs métaphores impactantes. Vado, toujours survolté, rappe des lignes pleines d’énergie et Dave East fait parler son flow rebondi dans un couplet bourré de name-dropping. Ce n’est pas le morceau le plus intimiste du disque mais voir ces trois là réunis en assumant leur style personnel jusqu’au bout à quelque chose de plaisant. – Jérémy

El Michels Affair & Black Thought – Hollow way

L’année s’annonce chargée pour Black Thought, ce mois-ci en collaboration avec El Michels Affair, groupe notamment connu pour ses albums de remixs et ses collaborations avec Raekwon ou Freddie Gibbs & Madlib. El Michels Affair fait parler sa versatilité avec une production en deux parties bien distinctes et un interlude craquelant. Le très technique Black Thought est évidemment à l’aise sur tous les terrains et s’adresse ici directement à un personnage inexpérimenté qu’il souhaite voir sortir de la rue. L’atmosphère du premier couplet est lente et contemplative, l’interprétation s’y fait passionnée, celle du second est plus rèche et plus dynamique. Après « Cheat Codes » aux côtés de Danger Mouse l’année dernière, Black Thought nous a encore livré un bel album (peut-être un ton en dessous ?) en ce mois d’avril 2023. – Jérémy

Chester Watson – Eyes Closed

Le rappeur de Saint-Louis, Chester Watson, a annoncé la sortie de son nouvel album Fish don’t climb trees pour le 30 juin prochain. L’album est principalement auto-produit et son titre est inspiré d’une citation d’Albert Einstein (« Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est stupide »). Le premier extrait de l’album, « Mirrors », est sorti l’été dernier, et le second extrait, « Eyes Closed », est sorti récemment. Le style de Chester Watson reste inchangé avec des beats complexes, une ambiance lo-fi et des visuels esthétiques. Bien que son succès soit probablement limité à une niche, Chester Watson continue de développer son univers créatif avec imagination année après année.
– Clément

Joey Bada$$ – Fallin’ (prod. Chuck StrangersPowers PleasantAdam PallinDJ Khalil & McClenney)

Chacune des sorties de Joey Bada$$ est pour moi l’occasion de revoir mon classement personnel des rappeurs de NY. Mais cela, c’est un autre débat qui prendrait des heures. Après 2000, son dernier album sorti l’an dernier, le rappeur du collectif New Era (citer le collectif ne nous rajeunit pas) a dévoilé un single très romantique. « Fallin' » est une chanson d’amour assez traditionnelle qui aborde des thèmes tels que le désir, l’envie et les fantômes du passé. L’instrumentale super groovy et très west coast apporte une chaleur supplémentaire qui se marie parfaitement aux refrains chantés et aux couplets de Joey. En somme, un morceau doux, un visuel toujours très soigné pour un single qui tourne déjà en boucle. – Clément

Heem B$F feat. Stove God Cook$ & Conway – Cocaine County (Prod. Marc Spano)

Heem ne fait pas partie des têtes d’affiche de la Black Soprano Family, mais a su prouver une certaine constance au fil des projets collectifs auxquels il a participé, et sur ses rares apparitions solos. Il livre une des belles surprises de la fin du mois d’avril, s’associant à Conway et à un Stove God Cook$ dont on attend toujours désespérément une suite à la belle promesse qu’était Reasonable Drought. L’instrumentale au vibraphone de Marc Spano est un parfait terrain de jeu pour le coke rap des protagonistes, parfaitement illustrée par la cover représentant Ronald Reagan et son ancien colistier George Bush père, dans la plus pure tradition Griselda/BSF. – Xavier

M.A.V. & Cotola feat. Rigz – You Wouldnt Understand

Underground parmi les undergrounds, M.A.V. n’est pourtant pas le premier venu dans la jungle du boombap newyorkais. Auteur depuis le début de la décennie d’une discographie solide et régulière, il enchaîne en ce mois d’avril avec une suite au EP Dust 2 Dust daté de 2020, entièrement produit par le beatmaker Cotola. Prenant cette fois la forme d’un LP, cette suite brille tout particulièrement par les productions aériennes délivrées par Cotola. Un bon exemple en est cette collaboration avec Rigz, un autre baroudeur des bas-fonds. – Xavier

Tee Grizzley & Skilla Baby – Dropped the Lo (Prod. Helluva Beats & Energy Beats)

Un peu de violence gratuite pour saler cette review, avec une association 100% Detroitienne. Entre le très installé Tee Grizzley et le jeune aux dents longues Skilla Baby, on peut presque parler d’une rencontre entre deux générations. Ainsi, c’est avec ce Dropped The Lo, qui a le mérite de donner le ton, que nos deux gus annonçaient vers le milieu du mois leur album commun, Controversy, qui a finalement vu le jour deux semaines plus tard. Avec notamment Helluva Beats à la production, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de révolutionnaire, mais si l’on est amateur du genre, c’est à consommer sans modération. – Xavier

Swizz Beatz & Nas – Runaway

Pour la deuxième mouture de ses Hip Hop 50, Mass Appeal Records a laissé carte blanche à Swizz Beatz et, vu la liste d’invité, lui a probablement également laissé la gestion de la Black Card. Corporatisme oblige, le premier morceau est rappeur par le fondateur du label qui est, par la même occasion, un rappeur plutôt prometteur connu sous le nom de Nas. Pas de prise de risque, il fait ce dans quoi il est (le ?) meilleur, raconter ses histoires, de sa jeunesse à sa vie d’adulte. Ce rookie sera-t-il dans la prestigieuse (sic) liste des Freshmen du magazine XXL cette année ? – Wilhelm

Knowledge The Pirate & Roc Marciano – Corsairs (prod. Animoss)

Pour aider les rédacteurs du Bon Son à extraire un seul des 14 très bon morceaux de son album, Knowledge The Pirate a eu la bonne idée d’appeler son pote Roc Marciano. Ils croisent logiquement le micro sur « Corsairs » et s’amusent de temps en temps avec le sample qui nous bastonne inlassablement « Listen ». On note que les deux brigands rangent désormais les mousquets dans des voitures européennes et font étale de leurs égos tandis qu’ils attendent de nouveaux navires à aborder. Enfin, si 5 lbs. of Pressure est un très bon disque, il faut reconnaitre que seul un drôle de peuple aurait l’idée d’abréger « pounds » par « lbs ». – Wilhelm

G Herbo – Dead or alive (prod. Chase Davis & Elkan)

G Herbo a toujours disposé d’une très solide discographie mais ses récents albums marquaient le franchissement évident d’un cap artistique. Ce mois d’avril fut l’occasion pour lui de revenir à ses premières amours avec la suite de Strictly 4 my fans, mixtape sur laquelle il peut se défouler et ravir ses fans de la première heure. Sur « Dead or alive », le rappeur de Chicago jète son dévolu sur la face B de « Spider » de Metro Boomin et Young Thug  – qui était déjà un excellent morceau. Son flow rageur se marie parfaitement aux tonalités quelque peu gothiques de la musique à tel point qu’on la croirait faite sur mesure. – Wilhelm

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