10 Bons Sons en avril 2023

Si avril a démarré de manière plutôt calme pour le rap francophone, le rythme des sorties s’est accéléré en fin de mois, en synchronisation avec la fin du Ramadan. Coïncidence ou pas, Aïd Mabrouk en retard à nos lecteurs concernés.

Le 21 avril : NeS feat. Yvnnis – « -94°C » (prod. Lil Chick & RestonsFlex)

Après une année 2022 sur les chapeaux de roues, NeS remet le couvert avec l’EP Ça va aller. Le rappeur du sud de Paname en profite pour explorer des nouvelles sonorités, tantôt électroniques (« Le Sourire d’une Tombe »), parfois plus triphop (notamment avec le morceau « Scoreboard » et son sample iconique) ou encore boombap revisité (« Rer C »), tout en gardant son style reconnaissable, entre égotrip percutant et profonde instropection. Mention spéciale pour le morceau « -94°C » et son joli passe-passe avec Yvnnis, autre rappeur à suivre de près, si ce n’est pas déjà le cas. – Clément

Le 28 avril : Fuzati & Le Motel – « Lumières »

Avec Baltimore, Fuzati arrive à redonner un second souffle à la zumba, renouveau qu’on attendait tous à la rédaction. Le rappeur versaillais se distingue par un art du refrain à la Ninho, l’attitude d’un Gazo, l’égyptologie de Gims, quant aux variations de voix, elles n’ont pas grand-chose à envier Niska. On a là l’album parfait pour s’ambiancer tout l’été et il y en a pour tout le monde : le bicraveur, l’influenceuse, la lycéenne, le daron. Quant aux clips, ils en jettent et montrent à quel point le marketing a été murement réfléchi par le D.A., le community manager et la maison de disque. Les morceaux sont d’une grande variété, on passe de l’egotrip au storytelling, de la romance à l’exercice de style en passant par un posse cut. D’ailleurs, sur ce 10 titres, ça feate à tout à tout va et Fuzati illustre ainsi à merveille son côté fédérateur dans le rap céfran. Et puis, après 20 ans de carrière, à part Rim’K et Aketo, qui a su aussi bien se renouveler ? Les beats du Motel subliment la Jersey, la 2-Step et ont tout des prods qui symbolisent la période 2022-2023. Difficile de ressortir un titre plutôt qu’un autre, tant l’album comporte son lot de hits qui va péter le top stream, mais misons sur « Lumières ». Vous pourrez retrouver Fuzati en concert près de chez vous, au Zénith de Paris mais aussi au Demi Festival. – Chafik

Le 28 avril : Stony Stone & Houdi – « Pas normal » (prod. LouisTheBeatmaker & Kronos)

Stony Stone fait de plus en plus parler de lui. S’il semble être la nouvelle sensation en provenance de la planète Mars et mettre tout le monde d’accord chez lui, son nom a dépassé ses frontières. Après avoir terminé sa série de freestyles « Step » de bien belle manière avec le remix de « Mystère et suspense » (on vous en parlait dans les 10 Bons Sons de février), alors qu’il vient de faire la première partie de son frérot à la Cigale le 28 avril, monsieur sera à l’affiche des Ardentes début juillet. Mais Stony Stone scrute le terrain puisqu’il vient de nous livrer un projet commun avec Houdi, qui lui aussi était omniprésent ces derniers temps (quatre projets en moins d’un an !). S’ils avaient déjà collaboré ensemble, ils proposent avec Avant les yeux ce qui semble bien être le premier EP entre un Marseillais et un Parisien, en tout cas, pour la nouvelle génération. Alors certes, les morceaux se ressemblent un peu et on n’en apprend pas énormément sur les deux lascars (quoique Stony Stone montre ci et là sa gamberge), mais ce projet commun n’est pas plus générique que le Leto – Guy2bezbar par exemple. Le morceau « Pas normal » passe bien et montre la belle complémentarité entre nos deux rookies. Prometteur. – Chafik

Le 21 avril : Gizo Evoracci – « Playeurisme fever » (prod. Jay P Bangz)

Quel enchaînement pour Gizo Evoracci ! Après « Tesla Coupe DeVille » et le dyptique « Baguenaude d’un nègre libre / Cotton gin blues », le rappeur du 91 est de retour en ce début d’année avec « Playeurisme et grâce ». Sur ce titre, il aborde des sonorités typiquement west coast (son premier amour) avec un flow posé mais une vraie détermination dans le timbre. Comme souvent, l’esprit est au hustle et Gizo Evoracci garde un oeil sur le passé, ne pouvant oublier ses « marques indélébiles » et un sur le futur, conscient du travail qu’il reste à accomplir. La mélodie du refrain chantonné est hyper efficace et vient donner un côté un peu plus aérien au morceau. – Jérémy

Le 7 avril : ARM – « Tout mon temps »

Deux ans après Temps réel, ARM vient se rappeler à nos bons souvenirs. « J’ai pas disparu, je prépare ce qui libère » envoie-t-il dès l’introduction du morceau. Le Rennais mélange des références à la situation actuelle du monde à des propos plus personnels, évoquant par bribes sa carrière ou ses enfants, qui comme souvent chez lui sont dépeints dans un horizon plutôt magique. De même, le lexique élémentaire et météorologique refait surface pour dépeindre sa situation de manière symbolique. On a vraiment l’impression qu’ARM creuse un sillon précis depuis quelques années et qu’il sait que cette mission n’est pas terminée, qu’il peut aller fouiller plus loin dans son univers, lui-même directement relié au macrocosme, et que pour cela, il faudra prendre tout son temps. – Jérémy

Le 14 avril : Flynt – « Mauvais pour le business » (prod. Stratega)

« Je préfère me faire rare et produire l’effet d’une Ferrari » clamait Flynt au milieu des années 2000 dans « Fidèle à son contexte ». Cette citation s’applique toujours aussi bien en 2023, notamment à l’écoute du nouveau titre du rappeur parisien. Entre constat d’échec commercial et égotrip de haute volée, sur une production impeccable de Stratega qui laisse de la place aux lyrics, il y démontre que même sans certifications, il fait partie du haut du panier. Une démarche basée sur le paradoxe talent / échec, qui n’est pas sans rappeler le fameux « Je suis peut-être » d’Akhenaton sur Métèque et Mat en 1995. « D’ailleurs ceux qui s’maintiennent au niveau, y’en a pas pléthore / Déjà qu’à leur époque, la plupart n’étaient pas très forts. » – Olivier

Le 28 avril : Mr Kayz – « Le monde et moi » (prod. Chilea’s, Holladaze, Mr Kayz & Pavel Kazinets)

Sur « Le monde et moi », outro de son EP Boar2rline (qui fait suite à l’album Board3rl1ne paru fin 2018), Mr Kayz délivre un texte sur le fait d’être fidèle à sa singularité, en décrivant ce qui le distingue des autres, au point de se sentir parfois étranger ou incompris du monde qui l’entoure, du milieu de la musique, ou de ses proches. Un morceau forcément introspectif, qui dévoile une écriture particulièrement maîtrisée, que ce soit dans la rime ou la construction du texte. L’instrumentale, classieuse et chaude (comme sur l’ensemble de l’EP), est sublimée par l’ajout d’instruments qui apportent une touche organique et intemporelle à l’ensemble. – Olivier

Le 21 avril : Le A Splifton feat. Souffrance – « 1er trimestre 2023 »

Extraite d’un album intitulé XYLOSTOMIASE a paraître au mois de juin, cette collaboration entre Aelpéacha et Souffrance a surpris. En effet, les univers des deux bonhommes sont très différents et on peut dire que sur « 1er trimestre 2023 » c’est plutôt le A est qui est allé sur le terrain du membre de l’Uzine. L’atmosphère y est sombre et touche par bribes (notamment par le biais d’un refrain frontal) à des thématiques sociales. « Economiquement, y’aura pas de ruissellement, y’aura que de moins en moins de riches qui seront de plus en plus riches » lâche un Aelpéacha décidément à l’aise sur tous les terrains. Les deux hommes parviennent à jongler entre le thème central et leur univers personnel avec des flows bien aiguisés. On vous invite par ailleurs à aller écouter Congés payés, projet commun entre Driver et Aelpéacha également paru ce mois-ci. – Jérémy

Le 7 avril : Benjamin Epps feat. Josman – « Très tard le soir » (prod. Yaku, Lewis Amber & Lones)

Après avoir fait monter la pression avec trois EP en trois ans en 2020, 2021 et 2022, l’heure du premier album a enfin sonné pour Benjamin Epps le 7 avril dernier. Malgré un ensemble souffrant de quelques longueurs, La grande désillusion a bénéficié d’une belle couverture médiatique, dépassant les frontières du milieu spécialisé, notamment grâce à la présence d’artistes de renom en featuring telles que Styles P, MC Solaar, Anglique Kidjo et Josman. Ce dernier, sur une production sur-mesure, s’est appliqué à livrer sur « très tard le soir » un couplet inspiré aux flows multiples, assorti d’un refrain chanté. Le résultat de cette collaboration donnerait presque l’impression qu’Epps est l’invité et non le contraire, et consititue un des sommets de l’album. – Olivier

Le 28 avril : Sheldon – « Moondog » (prod. Epektase, Willy H.O.G & Sheldon)

Le grand manitou de la 75e session et du Winslow Studio (anciennement Dojo) revient avec ce qui semble être son troisième album solo : Ilot. Composé de 16 morceaux et ne comportant aucun featuring cette fois-ci, l’album est dans la continuité de ses prédécesseurs, c’est-à-dire très intime et nostalgique. Tout au long de son opus, Sheldon explore le concept de l’isolement et de la solitude, tout en ne cessant de rêver d’un ailleurs bien meilleur. Avec une pointe de misanthropie, comme à l’accoutumée. Parfaite introduction à son Ilot, le morceau « Moondog » plante d’entrée le décor et donne une direction claire et précise sur ce qui sera les prochaines 45 minutes. Mention spéciale à la production très léchée, signée par l’inévitable Epektase, Willy H.O.G et bien sur, Sheldon lui-même. – Clément

Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec les petites icônes ci-dessous, et à rejoindre Le Bon Son sur Facebook, Twitter et Instagram.

Partagez:

Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.