10 Bons Sons en février 2023

Est-il nécessaire d’écrire énième un édito sur les Victoires de la Musique pour évoquer le mois qui vient de s’écouler ? « Qui ça étonne encore ? » comme dirait La Rumeur. Contentons-nous de souligner que cette nouvelle édition des 10 Bons Sons marque les onze ans d’existence du Bon Son. Un grand merci à nos fidèles lecteurs, les nouveaux venus comme les plus anciens.

Le 24 février : Cenza – « L’ami » (prod. TonyToxik)

Que ce soit pour aborder leur parcours dans la musique ou leur vie, les rappeurs aiment les morceaux autobiographiques (lire notre article sur le sujet), citons pêle-mêle « Ça fait partie de mon passé » de Fabe, « Lunatic » de Booba, ou plus récemment « Réussite » de Kaaris et « Les aventures de Mini-San » d’Orelsan. En s’essayant à l’exercice sur « L’ami », Cenza y apporte une variable supplémentaire, en s’évertuant à construire sa narration autour de rencontres amicales, qui viennent ponctuer ce morceau fleuve de presque 10 minutes. Une manière habile et touchante de remercier et rendre hommage aux proches d’hier et d’aujourd’hui, sublimée par cette faculté que possède Cenza à habiter ses textes, et l’instru jamais lassante de l’acolyte TonyToxik (aka « le petit frère à Fabien, l’homme que tu appelles TonyToxik, et que moi j’appelle Gros »). – Olivier

Le 10 février : Myth Syzer feat. Ichon – « Boy »

Cinq ans après le très bon dyptique Bisous / Bisous mortel, Myth Syzer remet le couvert avec POISON. Il y a cette fois-ci beaucoup moins d’invités au rayon puisque le producteur assure deux tiers du disque seul, mais on retient malgré tout particulièrment ce morceau avec son compère de Bon gamin. Il y a un vrai contre-pied ici puisqu’on entend beaucoup moins la voix d’Ichon que celle de Syzer. Les couplets sont courts, à la fois très généralistes mais avec des éléments précis, et le morceau tourne autour de peu de choses, quelques notes par ci, un petit refrain entêtant par là. Myth Syzer perfectionne son art de l’épure et parvient à être intimiste tout en parlant à tout le monde. – Jérémy

Le 17 février : Sad Vicious – « Horizon nécrosé » (prod. Swed & Sad Vicious)

Quinze ans après les débuts de la Droogz Brigade, Sad Vicious sort son premier projet solo. Ce titre s’ouvre sur le fameux coup de gueule d’une gilet jaune qui a fait le tour du net. L’occasion pour Sad Vicious de lâcher un morceau politique, avec un angle à la Non-Phixion. La paranoïa est générale, les références sont SF et mystiques, mais cet angle d’attaque cinématographique n’empêche pas une certaine clairvoyance et des phases bien senties : « Mère nature a un poumon perforé et tout le monde fonce vers un horizon nécrosé« . Il y a là toute l’esthétique de Sad Vicious, son flow hyper-agressif, quasi-hurlé, et son lexique faisant appel à la crasserie et au médical. – Jérémy

Le 17 février : Ateyaba – « ALC » (prod. Notinbed)

L’évènement de ce mois de février n’est ni la supercherie des Victoires de la musique ni l’énième contre-performance du PSG en C1 mais bel et bien la sortie d’un morceau d’Ateyaba, quand bien même il daterait de 2019. Si son ombre plane au-dessus de beaucoup de rappeurs depuis plus de dix ans maintenant, le mystère reste entier quant à son absence durant la seconde moitié des années 2010. Avec « ALC », le Montpelliérain rappelle en 4 minutes 21 les raisons qui font de lui un rappeur à part. Se foutant des codes, laissant une longue intro avant d’attaquer, mettant des ponts par ci par là, il délivre trois couplets entêtants. S’il est difficile de dire de quoi parle ce puzzle de mots et de pensées, on ne peut nier le magnétisme qu’exerce Ateyaba puisqu’on remet le son encore, encore et encore. Les variations de voix permettant de varier les flows et les tonalités sont bien vues, quant au clip de Nathalie Canguilhem, on en prend plein les yeux (pyramides, distorsions d’images, contre-plongée, mouvements de caméra, ralentis). On espère la suite avant 2027. – Chafik

Le 10 février : Shurik’n, Elams & Manny – « Les Affranchis » (prod. Enzo Mari, Tsimbou Mouele, Bouga &Bred)

L’autre évènement de ce mois de février est la publication du premier extrait des Chroniques de Mars 3. Auréolée du prestige du volet de 1998, cette sortie excite forcément. On espère des combinaisons de haut niveau, inédites, rassemblant différentes écoles marseillaises. Mais on a peur aussi : le volume 2 était assez décevant, Imothep n’est plus aux manettes du projet et le Classico Organisé a montré que des morceaux sans thèmes, à rallonge, poussaient à l’indigestion. Avec « Les Affranchis », on nous propose un casting de qualité avec un pionnier toujours en activité, un ancien qu’on n’avait plus entendu depuis longtemps et un représentant de la seconde moitié des années 2010. Shurik’n lance le morceau de bien belle manière, Manny le clôt avec technique, quant à Elams, il se charge du cœur du morceau, avec notamment le refrain. C’est propre, efficace, mais un peu trop. – Chafik

Le 2 février : Stony Stone – « Step#10 : Mystère et Suspense« (prod. Thug Dance)

La scène marseillaise est décidément d’une grande diversité. Parmi la nouvelle génération, si nous aurions pu évoquer la jeune Asinine qui vient de sortir un trois titres intitulé XIII ou Zamdane qui a livré les volets 14 et 15 de sa série Affamé, pleins de mélancolie, nous avons opté pour l’acolyte de ce dernier, Stony Stone. En effet, après Demi Portion ou La Hyène dernièrement, on a là un nouveau remix de « Mystère et Suspense » sous forme d’hommage à la FF. A l’aise sur l’intro de la prod, Stony Stone est dans sa zone de confort lorsque Thug Dance accélère l’instru. Lui rendant coup pour coup, il arrive à varier les flows, les mélodies, tout en soignant son sens de la formule. L’un des représentants de la 2-step nique tout en foutant son p’tit bordel sur ce titre sous haute tension, tout en gardant un esprit de clan. D’ailleurs, les caméos du clip tourné au Cours Julien montrent la validation des grands frères puisqu’on croise, entre autres, Sat, Menzo, Deen Burbigo ou Relo. Le Step #10 semble mettre sur orbite Stony Stone. On vous invite à suivre son art de rue. – Chafik

Le 23 février : LK de l’Hotel Moscou – « Contrebande »

Après la ressortie de l’excellent San Francisco, LK de l’Hotel Moscou revient avec un EP de trois titres, dont deux en featuring avec son compère Yuri J. Sur « Contrebande », la production fleure bon les années 80, et comme toujours LK régale par la qualité de son écriture. Pas de recherche éfrennée de la punchline ici, mais un texte hyper sincère, des remarques pertinentes, des images qui s’impriment. Le débit est fluide, et LK qu’on sait aussi très doué pour les refrains chantonnés est capable de lâcher sa voix quand il le faut. Etonnament, il y a presque des petits accents d’Akhenaton qui semblent surgirent au détour d’une ou deux intonations ou d’une poignée de phases. Nul besoin cependant pour LK de décalquer puisqu’il installe son propre univers depuis des années déjà, et qu’il semble de plus en plus le maîtriser. – Jérémy

Le 8 février 203: Oumar feat. Souffrance – « Goat » (prod. Kaonefy)

Le troisième volet de Trauma du rappeur Oumar est sur le point de voir le jour. Si pour les deux premières versions il a opté pour des formats très courts, son nouvel opus devrait lui comporter treize titres. Le choix des collaborations quant à lui nous apparait terriblement alléchant puisque le membre de DIN Records a invité des artistes affirmés sur la scène nationale mais toujours en pleine ascension comme Tedax Max ou 404 Billy. Oumar a cependant choisi de diffuser « Goat », produit par Kanoefy et en featuring avec Souffrance, comme premier extrait du projet. Pari réussi puisque leurs univers similaires et l’alchimie entre les deux kickers se font clairement ressentir sur ce morceau. Le clip aux allures cinématographiques est mis en scène par Quentin Foulley. Celui-ci donne envie de découvrir rapidement la suite de Trauma Saison 3. L’attente devrait être très brève. – Jordi

Le 27 février : PLK – « Décembre » (prod. Mehsah)

Décidément Colors est une bonne adresse. Un petit passage éclair sur un boombap Meshien tout ce qu’il y a de plus carré et captivant nous permet en moins de 2 minutes 30 de retrouver le PLK acharné, jeune kickeur aux dents longues et enragé de bonne rimes qu’on aime tant. La prestation est un joli sans faute, PLK bondit sur ses seizes avec l’agilité d’un cabri, on est bombardé de références et de jolis souvenirs, gratos. Et comme toujours la vidéo vaut le détour, tant il est plaisant de voir une street cred blond platine en veste blanche sur fond rouge endosser un délicieux et discret sourire de pur kiff à 1’45. – Sarah

Le 3 février : Alkpote feat. Bosh – « Perfect » (prod. Tarik Azzouz)

Quand Axis sample la Suite N°3 en ré majeur de Jean-Sébastien Bach pour le morceau « Tricher » en 1998, sur le premier album d’ATK, c’est pour la mélancolie que comporte la mélodie, qui se marie parfaitement avec les paroles d’Antilopsa. Qui aurait imaginé que 25 ans plus tard, Tarik Azzouz utiliserait peu ou prou la même boucle pour une combinaison entre Alkpote et Bosh ? Le beat et la basse rappellent tout de même que nous sommes dans les années 2020, et si le texte ne donne pas dans le vague à l’âme, le contrepied marche bien, cet air connu de musique classique participant à donner une assise et ajouter, si besoin était, une forme d’autorité aux deux interprètes. A noter que « Perfect » est issu de l’album LSDC, entièrement produit par Tarik Azzouz. Ce dernier offre au rappeur d’Evry une direction artistique qui lui va comme un gant, qui n’est pas sans rappeler l’Alkpote du milieu des années 2010, sur le point de conquérir un large auditoire. – Olivier

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