10 Bons Sons en janvier 2022

Oh ce mois de janvier ! Un début d’année, vraiment, comme on les aime. Des sorties en pagaille, une qualité au rendez-vous, de nouvelles têtes bien inspirées, des retours réussis… Bref, on avait à peine digéré la galette des rois qu’on ne savait déjà plus où donner de la tête. Du coup, une sélection boulet de canon pour bien commencer 2022, cette fameuse année ou on a décidé d’être heureux, comme en 2021, mais en mieux.

Le 20 janvier : Bavaz – Tir mozambicain

Bazoo était un habitué de nos colonnes il y a encore quelques années. Que ce soit en solo, en équipe, ou en featuring, nous avons toujours été attentifs à ses sorties. En 2018, le rappeur du XIème arrondissement a subitement supprimé tous ses morceaux de Youtube, ainsi que les liens de téléchargement gratuit qui permettaient de télécharger ses différents projets. Et puis le 1er janvier, une première salve de dix minutes et cinq morceaux, sobrement intitulée Kim Jong Playlist, paraît sur Youtube, suivie d’une deuxième livraison trois semaines plus tard. Le blaze est passé de Bazoo à Bavaz, le label de Coffee Grinderz à Port de Saïgon, et les faces B proviennent désormais de l’écurie Griselda ou de Dave East, mais les qualités du rappeur sont intactes. Les rimes font mouche, le ton est franchement pessimiste, et les placement sont impeccables. Difficile de savoir si ces dix morceaux annoncent une sortie en particulier, mais ces vingt minutes de Bavaz nouveau sont fortement appréciées. – Olivier

Le 13 janvier : Nessbeal feat. ZKR – Le dem (prod. DJ Bellek)

Nessbeal, roi sans couronne s’il en est, bénéficie d’une aura et d’une affection toute particulière dans le rap français. Régulièrement cité, lui ou son groupe Dicidens, il n’est quasiment pas apparu depuis Sélection naturelle en 2011. Avec « Le Dem », son retour tant attendu, annoncé par DJ Bellek dans son épisode de Featuring, semble enfin vraisemblable. De fait, ce n’est pas ZKR qui invite Nessbeal, mais l’inverse, pour une connexion pas vraiment surprenante quand on sait qu’ils font tous les deux partie du label Morning Glory de DJ Bellek. Loin des jeux de mots faciles et des surenchères qui collent parfois à la définition de la punchline, il faudrait trouver un terme spécialement dédié pour qualifier les images qui sortent des tripes de Nessbeal à chaque ligne, et qui rassurent par la même l’auditeur inquiet de savoir si sa plume avait pris la poussière. Face à cette déflagration sur une instru crépusculaire, ZKR ne démérite pas, et livre une prestation qui donne envie de l’entendre davantage dans ce registre. Un premier extrait de bon augure donc, onze ans après sa dernière livraison solo, parue dans au plus haut de la crise de l’industrie du disque, et avant l’ère du streaming. Il n’est peut-être pas trop tard pour courronner le clown triste en chef du rap français. – Olivier

Le 26 janvier : Testos – Génération Wu tang (prod. Diagram Music)

Quand les membres d’ATK s’essaient au rap au début des années 90, le Wu-Tang commence à s’imposer comme un véritable souffle d’air frais pour le rap new-yorkais d’alors. Pas étonnant donc que Test se revendique de cette génération-là, d’autant qu’il faisait partie d’un groupe aux allures de collectif, à l’instar l’équipe de Staten Island. Les quelques notes savamment samplées ne sont pas non plus sans rappeler les boucles confectionnées par RZA à l’époque. Le morceau en forme de coup d’œil dans le rétroviseur ne se veut pas spécialement nostalgique (une émotion pourtant chérie par ATK), mais plutôt comme une profession de foi, entre égotrip et références pointues. « Méritais big peine / Mais le soir tu dis qu’t’aimes / T’es au square genre Terror Squad / R.I.P. Big Pun. » Mais par dessus tout, Testos démontre ici qu’après près de trente ans de service il n’a rien perdu de son talent, ni de l’amour qu’il porte à cette discipline. – Olivier

Le 3 janvier : Yuri J – Quand je m’entends penser (prod. Gizzle Beats)

Comme en témoigne ce « Quand je m’entends penser », Yuri J est passé maître dans le registre de l’apocalypse psychique. Sur une courte boucle bruitiste et répétitive agrémentée de nombreux cuts, le rappeur parisien déroule ses références à la drogue et à Lucifer, bloqué dans son cerveau et dopé à la parano. Un interlude vient couper le morceau en deux pour mieux laisser évoluer la production. Yuri J plonge ensuite un peu plus dans la nonchalance, assumant pleinement ses démons et sa guerre contre les illusions. Un titre à retrouver sur le très bon EP Noyade. – Jérémy

Le 6 janvier : Riski – Free Zelda (prod. Balibz)

Au mois de novembre Riski sortait l’EP Camo life et on parle maintenant d’un album qui devrait paraître cette année. En guise de mise en bouche, il lâchait ce mois-ci « Free Zelda », un titre conçu comme une longue suite d’instantanés. Son débit heurté nous trimbale de part et d’autres, entre souvenirs et pensées succinctes. Son deuxième couplet paraît n’avoir ni début ni fin et les ambiances y varient au fil des changements de sapes du style « coquet, coquin, Gauguin » au « t-shirt capuche veste Lanvin, Mr.Robot ». Ecouter un morceau de Riski c’est comme voir toute une vie défiler par bribes devant ses yeux. – Jérémy

Le 21 janvier : Jazzy Bazz feat. Robdbloc – Mental (prod. by Johnny Ola & Loubensky)

Déjà pas mal d’années que nous vous parlons de Robdbloc. Nous sommes fiers de suivre l’évolution et d’assister à l’éclosion de ce talent hors du commun, rimeur hors pair propulsé en ce début d’année par ce duo sur l’album de Jazzy Bazz. Particulièrement attendu et médiatisé, le troisième album solo du rappeur casquetté le plus identifié du 19ème arrondissement parisien est une vraie réussite. Une confirmation définitive qu’il fait partie des meilleurs de ce jeu francophone. Sur « Mental », les deux MC du Goldstein Studio pratiquent comme à l’entraînement, enchaînant les passe-passes avec une fluidité évidente et une rigueur germanique. Il faut dire que le duo de beatmakers Johnny Ola & Loubenski leur ont servi une prod délicieuse, les confortant dans leur position de terrain conquis. 2022 démarre fort, merci Jazzy Bazz pour Memoria ! – Antoine

Le 21 janvier : Grödash ft A2H – Kubiak (prod. Gelly)

Parmi les onze titres de l’excellent Monnaie Time, onzième petit opus de l’essonnien Grödash (qui décidément tient bien bon la barre), et parmi les superbes collaborations qu’on y trouve, la troisième piste en featuring avec le plus langoureux des rappeurs franciliens retient forcément l’attention. Sur une prod toute en sourdine ponctuée par des accords de guitare pincées qui piquent comme les rimes qu’ils soutiennent, ça kicke sec. La complémentarité des voix, des flows et des textes offre de couplets impeccables, soutenus par un refrain mélancolique et efficace. Un duo qui va complètement de soi, on se demande pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt. Bravo Gro2Ash, son directement playlisté. – Sarah

Le 26 janvier : Dany Dan – Pop (Style libre) (prod. by XtremeNo I.D. & Kay Gee)

En ce mercredi 26 janvier, alors qu’il a fallu une nouvelle fois gratter le givre de la voiture, que la pharmacienne nous a chatouillé les narines avec son écouvillon, que les rencontres de la CAN accouchent de tristes 0-0, YouTube nous propose un lien qui attire notre curiosité. Comme trop souvent, l’algorithme s’amuse à nous berner avec un pseudo inédit, qui n’est très souvent qu’un énième remix tout pourri d’un soit disant morceau qu’on ne connaitrait pas. En ce mercredi, c’est un titre de Dany Dan qui passe sous nos yeux et parce que ce MC est à part dans le game, on ne peut s’empêcher de cliquer sur la vidéo, en se disant qu’au pire, on n’écoutera qu’une nouvelle fois de plus Pop Dan et ce plaisir est toujours appréciable. Et dès les premières mesures, on s’étonne de ne pas connaitre cet instru qui lui va si bien, ces notes de piano et cette flute traversière collant parfaitement à Daniel Lakoué. La suite ? Un sourire qui précède un hochement de tête, les rimes défilent, les placements surprennent et on se dit que Dan aurait pu poser ce couplet unique il y a vingt ans, il y a dix ans, la semaine dernière, le style est toujours actuel, l’interprétation, le flow sont reconnaissables avec cette tendance à appuyer sur chaque fin de phase. Quant à la fin du morceau, le Pape de Boulogne nous dit revenir de loin tel un phénix et qu’il parle de résurrection, on est émoustillé comme trop rarement, imaginant un retour forcément fracassant de ce MC unique. Et c’est reparti pour une nouvelle écoute, encore, encore et encore, au grand dam de notre moitié qui n’en plus d’entendre ces premières notes résonner dans la maison mais qu’importe l’embrouille avec madame, Dany Dan est de retour ! – Chafik

Le 18 janvier : Rocca & DJ Duke feat. Souffrance – Mash up

Assassin, Jul, 7Jaws, Seth Gueko, Mani Deïz… Ils sont de plus en plus nombreux à reconnaître le talent de Souffrance, à le citer en interview (cf. les compliments récents de Vald à son égard dans son interview pour Le Code), ou à l’inviter en featuring comme Rocca sur « Mash up », premier extrait de son projet à venir produit par DJ Duke (paix à son âme). Quand on sait que le beatmaker défunt est également à l’origine de l’instru du morceau « Périphérique » sur l’album de Souffrance, la connexion prend encore plus de sens, au-delà des accointances musicales entre les deux MC’s (« c’est le retour du vrai hip-hop« ). La production, puissante et sophistiquée, laisse avec ses 70 BPM toute la place aux lyrics affûtés de Rocca et du membre de L’Uzine, et permet également de se prendre l’entrée de ce dernier en pleine poire, la suite de son couplet en faisant certainement sa meilleure apparition depuis la parution de son album en mai 2021. « C’est le retour des nineties frères, on revient à la mode comme le ‘heil Hilter‘ ». – Olivier

Le 28 janvier: Benjamin Epps – Drillmatic (prod. Just Music Beats)

Après avoir marqué l’année 2021 avec Fantôme avec chauffeur, Benjamin Epps attaque 2022 de la plus belle des manières. Le EP Vous êtes pas contents ? Triplé ! vient confirmer l’ascension du rappeur de Libreville. Si la plume, les placements et le flow sont toujours au rendez-vous, il a décidé de s’ouvrir à de nouvelles sonorités plus mélodiques sur certains morceaux comme « Ce que le pips demande ». Mais c’est bel et bien sur le morceau « Drillmatic » que le membre de Mocabe Nation livre une véritable démonstration de force, bien aidé par la production musicale de Just Music. Le duo marseillais semble avoir trouvé un parfait allier pour faire briller leur art à sa juste valeur. Il s’agit peut-être même du meilleur rappeur français à l’heure actuelle. Et c’est Judakiss qui le dit. – Jordi

Partagez:

Un commentaire

Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.