(Musique : Wendy Carlos)
Il y avait lui, c’est-à-dire GooMar, et ses trois droogies, c’est-à-dire Zoonard, Waltmann et Orus. Ils étaient installés au Korova Milk Bar à nous creuser le rassoudok pour savoir où passer la soirée. Au Korova on sert du Lait plus, lait plus Vellocet ou Synthemesc ou Drencrom. Eux, ils en étaient au Drencrom, ça vous affûte l’esprit et ça vous met en train pour une bonne petite fête d’ultra violence.

Ainsi aurait pu commencer Orange Mécanique, un des multiples chefs d’œuvre de Stanley Kubrick (quels films du réalisateur n’en est pas un ?) si le point de vue était extérieur et à la troisième personne. Et si bien évidemment, le film avait à peine deux mois et racontait les pérégrinations très douteuses du Bohemian Club.

Gentlemen’s Club

Composé de 3 MC’s et d’un beatmaker, le Bohemian Club n’est pas à son premier coup d’essai puisque le quatuor a déjà sorti deux opus : Bohemian Groove en 2015 et Substance M en 2018. On en a certes trop peu entendu parler (normal pour un private club), mais le BC a fait ses classes dans ce qui est probablement le meilleur centre de formation de France, j’ai nommé la 75e session.

Nous voici début décembre 2021 pour un nouveau projet, et si nos calculs sont bons, le crédo du groupe semble être un EP tous les trois ans. Intitulé Moloko + (référence à la boisson du sheitan dans Orange Mécanique, ceux qui n’avaient pas la ref’ comprennent maintenant l’introduction), l’EP est composé de 7 morceaux prescrits comme 7 pilules aux effets divers et variés ; anxiolytiques, coupe-faims addictifs (s/o Sara Goldfarb), pilule bleue pour que tout s’arrête, pilule rouge pour rester au Pays des Merveilles et descendre avec le lapin blanc au fond du gouffre, pilule rose pour le Sprite, ou encore pilule de Pfizer pour rester à la mode.

Vous l’aurez compris, l’ordonnance prescrite par le Bohemian Club est assez lourde et certains « médicaments » ne sont pas même pas remboursés par la sécu. Attention également aux effets secondaires néfastes : prise de conscience, troubles du comportement, complotisme (s/o Kyrie Irving).

Détails de l’ordonnance

Produit majoritairement par le maestro GooMar dont le flambeau est repris par Yabu sur deux morceaux, l’ensemble des instrumentales du projet est très sérieux et donne dans la polyvance. On a droit à des prods mi drill-mi trap très sombres, du boom-bap obscur et sale, ainsi que des espèces de type beat Jul, mais fonscar à la kétamine. Sur le papier ça peut paraitre hétérogène mais à l’écoute ça reste tout de même très cohérent et produit de mains de maitres.

Côté vocal, les trois rappeurs restent très complémentaires : Orus apporte un côté un peu « à l’ancienne », Zoonard ajoute une vibe moderne et épurée tandis que Waltmann reste Waltmann, oscillant entre placements improbables et hiéroglyphes difficilement déchiffrables. Seul featuring du projet, j’ai nommé l’inévitable Limsa D’Aulnay qui vient une fois de plus prouver qu’il déborde de charisme (logique), aussi à l’aise sur des productions modernes que sur ce bon vieux boom-bap des familles. Côté verbal, le groupe donne dans l’égotrip mais fait également la part belle à l’ésotérisme (ha bon ?), aux substances (sérieux ?), le tout saupoudré par quelques introspections au fil des morceaux.
Ambiances sombres et inquiétantes, punchlines pessimistes et morbides à souhait (les lascars voient surement le verre de sang à moitié vide) ou encore références au malin et tendances à l’autodestruction; le Bohemian nous happe par sa noirceur, ses miasmes morbides et ses errances brumeuses.

Avec son nouvel opus Moloko +, le Bohemian Club nous montre qu’ils ont pris du galon, le projet est d’une bien meilleure qualité que son prédécesseur Substance M qu’on pouvait trouver un poil trop hétérogène. Plus équilibré, plus abouti voire plus dense, l’EP ravira autant les puristes, les gars laxistes ou encore ceux qui sont « dans les pilules comme un zinz ».

Vous savez donc ce qui vous reste à faire, direction chez votre généraliste et à la pharmacie du coin.