Panama Bende, à la conquête du trône parisien ?

Le 19 juin dernier, le Panama Bende sortait Bende Mafia. Un EP 6 titres qu’on attendait comme une friandise pour l’été. Mais la bande des 7 de Paris 19 est passée directement au plat de résistance. Car si 6 titres ne sauront jamais faire figure d’album, d’aucuns aimeraient farcir leurs LP de 6 morceaux d’aussi haute facture que ceux proposés ici.

Adoubés par les aînés parisiens de L’Entourage et consorts, on se demande combien de temps le Panama Bende restera seulement vassal dans la capitale. Il ne ressort pas nécessairement une volonté de devenir calife à la place du calife, le respect pour les aînés étant là, et les connexions semblant fortes. Kezo (Grandeville) produit par exemple deux sons, Sheldon (75ème session) en claque un autre. Mais force est de constater que le talent est là, s’impose presque de lui-même. Aladin 135 se proclame « nouveau prince de Paname » dans une démonstration de force collective en ouverture du projet (« Bende Mafia », prod. Kezo). Princes ou Rois ? Pour le moment, n’allons pas trop vite en besogne, mais le kick dans la fourmilière des talents parigots va se faire sentir.

La semaine même où, par exemple, le S-Crew souhaitait transformer l’essai, avec un deuxième album en demi-teinte, un peu téléphoné, c’est bien Bende Mafia qui nous déboîte la mâchoire en 6 rounds. Et si le Panama Bende est jeune, on devrait arrêter de le dire. Comme le soulignait chez Clique Aladin 135, « je veux être un rappeur, peu importe mon âge ». Le talent n’attend pas le nombre des années. Ils le soulignent sur « #Avé », qui nous régalait déjà en novembre, ils n’ont « rien à perdre, tout à gagner ». Et la technicité des flows des différents MC’s confirme ici que le statut d’underdogs ne résulte pas seulement d’une posture dans les clips, ou d’une revendication vaine. Non, Panama Bende joint l’acte à la parole, spitte ses phases à vitesse supersonique pour démontrer que l’égotrip est justifié.

Mais là où ASF, PLK, Elyo et les autres nous surprennent, c’est qu’ils ne s’essoufflent pas au long de cet EP aux instrus plutôt sombres. On raconte ici la vie du nord de Paname, comme 1995 contait le sud il y a quelques années. Mais sans écarts vers le plus léger comme le firent parfois, avec réussite, leurs aînés sudistes. L’ensemble reste plus triste, plus ferme. On savait déjà le Panama Bende kiffeur de sons East Coast dans cette veine, ou de boucles classiques à l’ancienne. Par le passé, Oz (l’addition de Zeurti et Ormaz) utilisait des prods de RZA pour ses mixtapes. Aladin 135 s’essayait sur celles de Ill Bill, et plus récemment posait sur les sons du spécialiste français du genre, Mani Deïz.

L’excellent « Fumée verte » (prod. Asot One) est dans cet esprit : un tempo classique flirtant avec les 90bpm sur une production qui pourrait descendre tout droit d’un des projects du Bronx, sans passer par la cage d’ascenseur. Elle est probablement saccagée de toute façon. Ce titre est l’occasion d’admirer du flow sur un rythme plus lent, d’apprécier les allitérations de Lesram, de bouger la tête sur cette narration d’un « mode de vie de barge ». Si ce track pourrait avoir été produit il y a vingt ans, les autres titres de Bende Mafia apportent souvent une une tonalité un peu plus actuelle, parfois de manière discrète. Une rapide touche d’autotune ici,  quelques relents vaporeux là. Juste ce qu’il faut pour ne pas tomber dans le cliché d’un opus aux productions trop aériennes ou traps qui copieraient la tendance. « Dayz » (prod. Sheldon) ou « La Rage » (prod. Kezo) en sont de bons exemples, sans que leur verve en prenne un coup.

« #SmoothLa » (prod. RonBnz), déjà proprement clippé et présenté en avril dernier vient finir de nous convaincre que le Panama Bende est un crew sur lequel il faut compter, et qu’au moment d’énumérer les meilleurs rappeurs de Paris, il ne faut pas oublier les sept mercenaires. Certes la consistance, la longévité, cette capacité à perdurer en se renouvelant ou à persister dans une veine sans lasser sera une clef pour les citer et les proclamer à terme comme seigneurs de Paname. Leur parcours est donc à suivre de près et la suite devrait arriver rapidement, avec un album prévu pour octobre. En tous cas cet EP est un vrai bon projet de rappeurs, et sans indulgence accordée pour la jeunesse, il fait déjà partie des excellentes sorties de 2016.

Vous pouvez écouter Bende Mafia ici.

Date de sortie : 19 juin 2016 // Label-distribution : Musicast

Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec les petites icônes ci-dessous, et à rejoindre la page facebook  ou le compte twitter du Bon Son.

Partagez:

Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.