Si septembre nous avait laissés sur notre faim, avec un rythme aussi plat qu’une bruine d’automne, octobre a remis les pendules à l’heure. Sorties en rafale, collaborations inattendues, retours marquants : le mois a été si dense qu’il a bien fallu trancher pour ne garder que 10 Bons Sons. Espérons la même chose pour cette toute fin d’année.
Le 8 octobre : Josman – L’eau (Part. II) (prod. Easy Dew & Lucci)
Si j’ai été un peu déçu par l’album Dom Perignon Crying sorti il y a quelques jours, force est de constater que le morceau « L’eau (Part.II) » est d’une qualité rare. L’instrumentale d’abord, composé par Easy Dew (pétasse) et Lucci, qui transpire le groove mais bien evidemment le texte et le « delivery » de Josman. Suite directe à l’interlude du même nom qu’on retrouvait juste avant l’excellent « AhGars! » sur M.A.N, cette partie 2 possède tout ce pourquoi on aime JOS, mention spéciale quand il apostrophe Manu Macron directement, petit coup dans le plexus comme ça, moi ça me fait toujours quelque chose. Et puis cerise sur le gâteau, la mise en image est de toute beauté. – Clément
Le 9 octobre : Yvnnis feat. So La Lune – Mal aimés (prod. LILCHICK & Rosaliedu38)
Avec DND, une mixtape bien produite, bien rappée, quoique globalement sans surprise, Yvnnis a abreuvé son public de treize nouveaux morceaux. « Mal aimés » sort du lot, notamment parce que So La Lune et Yvnnis s’y complètent bien, que ce soit dans le contraste couplet chanté pour So / couplet rappé pour YV, ou sur le refrain chanté tour à tour par les deux compères, d’une efficacité redoutable. Rajoutez à cela quelques lignes dont seul So a le secret (comme l’entame du morceau « À l’heure où les oiseaux et les zombies se croisent près de l’ombre, moi, j’aurai déjà quitté Paris »), et vous obtenez un titre à forte teneur en replay value. – Olivier
Le 9 octobre : SCH – Train Mistral
Si les participations de SCH au télé-crochet Nouvelle École ou à une publicité pour Uber Eats peuvent sembler assez convenues, celle au film Marcel et Monsieur Pagnol est bien vue à plus d’un titre. L’Aubagnais, élevé aux films de Pagnol comme bon nombre d’écoliers provençaux, devenu superstar du rap, met sa notoriété au service d’un long métrage d’animation sur l’auteur de la trilogie marseillaise Marius–Fanny–César, réalisé par Sylvain Chomet, plusieurs fois nommé aux Oscars. Une aubaine pour Julien Schwarzer qui s’institutionnalise davantage, lui qui recherche d’ailleurs une certaine respectabilité (confer ses rares interviews sur France Inter ou C à Vous). Mais attention, cet opportunisme ne saurait masquer la pertinence du morceau auquel le S a accordé un soin tout particulier, que ce soit en terme d’écriture, d’interprétation (on ne peut plus mélancoliques), jusqu’au titre du morceau très bien choisi et qui fait forcément penser à A7. Et comment ne pas constater cette identification de notre rappeur à l’écrivain-cinéaste du siècle dernier, qui lui aussi a dû s’exiler dans la capitale, quittant sa terre natale, mais pas pour les mêmes raisons (ce titre est d’ailleurs terriblement d’actualité avec le livre Empire, enquête au cœur du rap français, sur les liens entre le grand banditisme et certains rappeurs). – Chafik
Le 10 octobre : Ptite Soeur & FEMTOGO – G MCKENNA (prod. neophron & prxpvne)
Avant même d’écouter le projet de Ptite Soeur (que beaucoup ont découverte via son Grünt paru ce mois-ci), de Femtogo (rappeur dont nous vous parlions en février dernier) et du beatmaker Neophron, nombre d’auditeurs n’ont pu échapper aux grands débats suscités par PRETTY DOLLCORPSE sur les réseaux sociaux. Quand certains ont camouflé leur homophobie ou leur transphobie derrière des critiques du type « rap de bobo » ou « coup de buzz », d’autres les ont érigés en porte-étendards prêts à pourfendre le rap survêt’ / TN – une autre manière de taper sur une minorité. Dans ce capharnaüm, beaucoup sont passés à côté du fait que Ptite Soeur et Femtogo rappent, et très bien. Et si quelques prods feront grincer des dents les puristes – on pense notamment aux incartades rock en fin de projet -, force est de constater que sur un morceau comme « G MCKENNA », l’expérience derrière le micro saute aux oreilles. Alors oui, l’impudeur, l’absence de filtres dans l’écriture, la noirceur ou encore certains choix de production bousculeront sans doute une partie de l’auditoire, mais n’est-ce pas aussi la marque de quelques grands albums de rap ? – Olivier
Le 10 octobre : Krav Boca feat. Zippo – Tic Tac (prod. Critical et Krav Boca)
Il y a des connexions qu’on n’attend pas. Celle entre Krav Boca, groupe de fusion rap-punk-métal et Zippo rappeur du 06 en fait partie. Même si après réflexion et écoute des trois titres de leur EP commun Premier Métro, les atomes crochus entre eux sont assez tangibles. Rap politique ou engagé, utilisez l’attribut qui vous va le mieux, réflexion sur les nouvelles technologies, un soupçon d’anticapitalisme et une pincée de collapsologie, finalement sur le fond le rapprochement n’est pas si fou. Sur la forme, les musiciens de Krav Boca (guitare, mandoline et batterie) ont fait appel à un beatmaker grec (un des deux MC’s du groupe est originaire de Sparte) avec qui ils ont déjà beaucoup travaillé, Critical pour co-composer les trois morceaux. Ils étaient d’ailleurs à la composition de l’EP Dernier Métro en février dernier que Krav Boca avait cette fois partagé avec la rappeuse Grin. Au final un trois titres où l’alchimie fonctionne à merveille, il faut plutôt être solide sur ses appuis niveau mental et si vous êtes éco-anxieux passez votre chemin. – Rémi
Le 15 octobre : Oumar & Madizm feat. Jewel Usain, Souffrance & Zek – La mort dans la peau
Imaginez un track sans refrain, réunissant Oumar, Souffrance, Jewel Usain et Zek. Sur le papier, la simple idée suffit à éveiller la curiosité. En pratique, l’alchimie dépasse les attentes. Avec un casting pareil, inutile d’espérer la moindre rime facile ou un couplet lâché à la va-vite : chacun vient marquer son territoire avec la rigueur et l’ego qu’impose ce genre de cypher. Le clip pose d’emblée le décor : entre costards façon Reservoir Dogs et doudounes XXL sorties tout droit de la cave, l’esthétique épouse parfaitement l’ambiance du morceau. Derrière les manettes, Madizm sert un instru boom bap poisseux et millésimé, taillé sur mesure pour ces quatre gâchettes, et fidèle à la couleur de l’album d’Oumar, TOMMY & JAMMY, dont le titre est extrait. Résultat : quatre couplets impeccables, sans accrocs ni temps morts. Chacun y va de sa plume, entre démonstration technique et personnalité bien ancrée. Difficile, au final, de départager les protagonistes de « La mort dans la peau », tant la performance collective frôle le sans-faute. – Olivier
Le 17 octobre : Jeune LC – Nouveau Batch (prod. Strike & Bywam)
En début d’année, le Jeune LC sortait Coton blanc argent sale, l’album que l’on n’osait plus espérer de sa part. 2025 est décidément l’année de la productivité pour lui puisqu’il sortait ce mois-ci un nouvel EP. « Nouveau batch », son introduction, joue sur une production qui bounce et des phrases introspectives scandées avec conviction, comme si chaque instant de vie avait quelque chose de mythologique. Jeune LC y rappe comme il respire (« J’reste à l’affut de ce qui m’entoure, dans mes oreilles par d’écouteurs, j’essaye d’accorder le beat, au battement de mon coeur« ). Il y a quelque chose de très naturel dans sa musique qui la rend magnétique, et cet EP, Nouveau hustle part.1 en est une énième preuve. – Jérémy
Le 22 octobre : Bavaz feat. H JeuneCrack – Koh-Lanta (prod. Kyo Itachi)
Kyo Itachi n’en finit plus de nous faire profiter de son talent en continuant son run incroyable avec « Koh-Lanta », premier extrait du projet Kayoken X1 qui doit sortir d’ici la fin de l’année. Et pour teaser le projet, il n’a pas fait venir n’importe qui. Bavaz qui lui aussi en terme de run depuis son retour début 2022 n’en finit plus de nous prouver qu’il est bien un des meilleurs punchliner de ce foutu jeu, pour preuve « On encule Batman et ses gadgets, là c’est Robin Hood, en casquette des skinheads qui gagnent au basket, ça c’est Hollywood ». H Jeune n’est pas en reste, et la connexion entre les deux fonctionne très bien. La voix grave et posée de Bavaz contraste bien avec le flow plus nonchalant et aigu d’H JeuneCrack, le tout étant sublimé par une instrumentale bien sentie dont Kyo a le secret et dont il nous abreuve régulièrement. Ici, trois notes de piano, un petit charley entêtant, une rythmique quasi martial, pour une sensation d’oppression que les MC’s accentuent par ce qu’ils nous racontent. Efficace. – Rémi
Le 24 octobre : Aketo & Monarch feat. Project Pat – Survivor
Depuis quelques années, Aketo montre un grand amour pour le rap du sud des Etats-Unis, et notamment pour celui de Memphis. Sur Mauvais movie, il invite même Trae the Truth et Project Pat, le compagnon de route de la Three 6 Mafia. Sur « Survivor », le feat avec Pat, l’ambiance est brumeuse et lo-fi, comme si le malin se baladait sur la production. L’Américain livre un solide couplet avec son style si caractéristique, bien complété par le flow chuchoté et menaçant d’Aketo, volontiers dénigrant envers la concurrence. Un featuring inattendu mais fort réussi où l’on slalome sur le Tennessee. – Jérémy
Le 29 octobre : Lexsaburo & Zek – Lunatique
Depuis le mois de septembre, le beatmaker Lexsaburo dévoile peu à peu les extraits de son futur projet Antares, attendu pour le 14 novembre. Après deux premières collaborations réussies avec Primero et Shien, sorties à quelques jours d’intervalle, il conclut ce mois d’octobre en beauté avec un featuring aux côtés de Zek. Sur « Lunatique », le talentueux producteur fait une nouvelle fois preuve d’une sensibilité musicale remarquable, portée par une composition aux tonalités célestes. Zek, de son côté, confirme encore son sens unique de la formule en délivrant deux minutes de rap de haut vol. Une collaboration inspirée que l’on espère retrouver à l’avenir, cette fois-ci sur un morceau plus long. – Jordi
Merci de enfin parler de krav boca. Cela fait des années que je suis le groupe et ils ont un univers incroyable.