50 Cent en 10 Bons Sons

Ah, 50 Cent. Difficile d’évoquer les grandes figures du rap US sans évoquer celui qui adorait poser torse nu, le corps enduit d’huile, un des premiers à évoquer le féminisme dans ses clips (non), un des premiers à n’avoir confiance qu’en l’élasticité du durag, un des pionniers du gangsta rap post 2000, bref un précurseur dans pas mal de domaines. Et à l’occasion des 20 ans de son film autobiographique, qui disons-le, a grandement aidé à assoir son empire, on revient sur sa carrière, en 10 Bons Sons évidemment.

1999 : How to rob (prod. D-Dot)

Rappeur new-yorkais underground, Curtis James Jackson dit 50 Cent (en hommage à Kelvin Martin, un criminel de Brooklyn) a fait réellement parler de lui avec le single « How to rob » dans lequel il exprime son mindset de jeune rappeur au passé de dealer. Déterminé à réussir, considérant le rap comme un moyen et non comme une fin, Fifty raconte à base de lyrics explicites son business plan : si ses disques ne se vendent pas, il va tout simplement dépouiller et pas n’importe qui ! Un peu à l’image d’un graffeur recourant au toy en s’attaquant à des gros noms pour faire parler de lui, 50 Cent tire sur les têtes d’affiche du rap et du R&B qui trustent les charts, hommes et femmes sans distinction : de Lil’Kim à Da Brat, de Kurupt à Mariah Carey, d’ODB, du Wu Tang à DMX et Slick Rick, en passant par Missy Elliott, les Blackstreet, les Boyz II Men, Juvenile, Big Pun, Fat Joe, la liste est longue ! Le morceau impressionne avec son name dropping à tout va et pourrait être classé comme très drôle si l’auteur n’avait pas un passé de gangster de Jamaica, Queens. Toujours est-il que « How to rob » a fait son effet puisque de nombreux rappeurs ont réagi en lui répondant (notamment Jay-Z et la phase : « I’m about a dollar, what the fuck is 50 Cents »), même s’il n’a pas pu surfer dans la foulée sur ce succès puisque la maison de disques Columbia lui a rendu son contrat suite à la fusillade dont il a été victime. – Chafik

2002 : Fuck you (prod. Clark Kent)

Comment parler de 50 Cent sans parler de son run de mixtapes ? D’autant plus que Guess who’s back est la mixtape par laquelle Eminem l’a découvert et qui lui a permis de faire passer sa carrière à un niveau plus élevé. Ce « Fuck you » y est iconique. 50 Cent raconte être entré en cabine sans avoir écrit et y avoir simplement déversé ce qu’il avait en lui. Par essence, le titre est spontané, cru, bourré d’ambitions. Curtis y parle des neuf balles qu’il a prises et semble se relever tel un phoenix prêt à conquérir l’industrie de la musique. Il déverse ses paraboles de rue, ses références balistiques, et s’imagine signé chez Death Row, le label dont il se sent le plus proche. « Fuck you » est un instantané qui en dit beaucoup sur le 50 Cent de 2002 qui rappe les crocs dehors. – Jérémy

2003 : 50 Cent – In da club (prod. Dr. Dre & Mike Elizondo)

Juin 2002 : 50 Cent est enfermé en studio avec Dr. Dre qui lui joue des productions. Le rappeur new-yorkais est en feu. Dre lui fait écouter la production d' »In Da Club », initialement prévue pour D12 qui n’avait pas su comment l’aborder, et Curtis pète les plombs. Il couche les lyrics en une heure et enregistre le morceau le soir même. C’est en l’espace de quelques heures qu’il créa donc l’un de ses titres les plus iconiques. Pourtant, la prod’ arythmique avait de quoi désarçonner, mais les drums arrondis conviennent parfaitement au flow tantôt incisif tantôt chantonnant de 50 Cent. Ajoutons à cela un refrain hyper efficace où il reprend un gimmick de son compère Lloyd Banks, et l’on se retrouve avec un tube à la fois surprenant et hyper évident. Un gros classique. – Jérémy

2003 : G-Unit – Poppin’ Them Thangs (prod. Dr. Dre & Scott Storch)

Dans la foulée de Get Rich Or Die Tryin paru en février 2003, sort le premier album du G-Unit, alors composé de 50 Cent, Lloyd Banks et Young Buck, en novembre de la même année. No Mercy se place musicalement dans la lignée du disque de la tête d’affiche du groupe, et les productions résonnent avec le travail de Dr Dre sur Get Rich. Cependant, ce dernier n’intervient directement que sur deux morceaux de l’album, notamment le rouleau-compresseur « Poppin’ Them Thangs », co-produit avec son acolyte beatmaker et compositeur (claviériste pour les Roots) Scott Storch, pour une instru aussi efficace qu’entraînante, qui donne envie de casser des bouches, et qui servira de face B pour nombre de freestyles radio. Quant à 50 Cent, il ouvre le bal avec un premier couplet coup de poing, jouant de ce subtil mélange de brutalité et nonchalance qui fait sa patte. No Mercy ne bénéficie pas de l’aura d’autres disques cités dans cette sélection, bien qu’il comporte lui aussi son lot de bangers. – Olivier

2003 : Many Men (Wish Death) (prod. Darrell « Digga » Branch, Eminem & Luis Resto)

« Many Men (Wish Death) » est le troisième single du premier album studio de 50, Get Rich or Die Tryin’. Produit par Eminem, Luis Resto (acolyte de longue date de Eminem à qui on doit notamment « Lose Yourself ») et Darrel Branch (qui pour sa part a produit Jay-Z, Cam’ron ou encore le groupe de Big L Children of the Corn), le morceau est une sorte de testament prophétique, mélangeant détermination et paranoïa. Et si il y a des morceaux qui sonnent comme des confessions, d’autres comme des menaces, « Many Men », c’est les deux. 50 Cent y raconte sa résurrection et aborde son expérience de mort imminente puisqu’il a notamment été blessé par balle à neuf reprises en 2000. C’est d’ailleurs le point de départ du film également intitulé Get Rich or Die Tryin’, sorti en 2005. – Clément

2004 : The Game & 50 cent – How We Do (prod. Dr.Dre & Mike Elizondo)

Si on devait choisir trois morceaux de rap dit « club », on sélectionnerait très probablement un voire deux morceaux de 50 cent. « How we do » serait notre petite madeleine de proust face à l’immense « In Da Club » dont on vous parle au dessus. On est en 2004 dans un studio de Los Angeles et The Game bredouille : « Fresh like, uhh, Impala« . Sans le savoir, il vient de planter la première graine d’un des plus gros bangers du milieu des années 2000. Deux semaines plus tard, 50 Cent pose sa voix sans prévenir : « 50, uhh« . Dre valide et le morceau devient un classique instantané. Ce n’était pas une collaboration fabriquée dans la pénombre d’un studio, mais un montage façon fordisme mais version Aftermath : des egos, du timing et Dr. Dre et sa science de l’efficacité. « How We Do » résume une époque où chaque note semblait peser des tonnes et où même une onomatopée pouvait faire l’histoire. – Clément

2005 : The Game & 50 cent – Hate It Or Love It (prod. Cool & Dre)

Au milieu des années 2000, un rappeur originaire de Los Angeles fait une entrée fracassante dans le rap avec son premier album, The Documentary. Vous savez sûrement de qui il s’agit : tatoué d’une larme au bord de l’œil gauche, arborant un bandana rouge, et partageant son nom avec un film culte avec Michael Douglas. Bien sûr, on parle de The Game, qui, avec ce premier opus, livre certains des plus grands classiques du rap US des années 2000, voire de l’Histoire. Pour ma génération, difficile d’oublier l’époque MTV/MCM, où le même clip pouvait passer en boucle jusqu’à 45 fois dans la journée. Les images de « Hate It Or Love It » restent gravées : cet éclairage douteux, ces ralentis qui illustrent l’ascension du duo des bas-fonds à la richesse, ou encore le premier couplet de 50 Cent. Et que dire du sample incroyable des Trammps qui raisonnera ad vitam. Malheureusement, ce titre marquera aussi le début d’une série de clashs interminables et ridicules, entre The Game, 50 cent et G-Unit (ainsi que Roc-A-Fella Records et M.O.P). Un morceau qui a laissé une empreinte indélébile, pour le meilleur et pour le pire. – Clément

2005 : 50 Cent – Just a lil bit (prod. Scott Storch)

Enchaîner après la déflagration de Get rich’ or die tryin paraissait complexe, mais 50 Cent, qui a amorcé sa transformation en surhomme du rap, semble n’avoir peur de rien. Sur The Massacre, un album plus imparfait, les singles restent puissants. Sur « Just a lil bit », Scott Storch, dans son prime, signe une production envoûtante sur laquelle Mike Elizondo vient rajouter des éléments étonnants, notamment au sitar. « In da club » était une exception dans un album sombre, mais 50 Cent assume désormais pleinement son côté club jusque dans les lyrics. Inimitable, son style, partiellement chuchoté et chantonné, tout en restant hardcore, fait à nouveau mouche. Ce troisième single de The Massacre sera à nouveau un succès, certifié trois fois platine sur le territoire américain. – Jérémy

2005 : Window Shopper (prod. Sire & C. Styles)

Single de l’OST de son film Get Rich or Die Tryin’, “Window Shopper” n’est pas juste un titre de plus dans la panoplie de ses hits mais bien c’est une démonstration d’arrogance chantée sur fond de vengeance sociale. 50 fredonne avec nonchalance : tu lèches les vitrines, moi j’achète tout le magasin. Derrière les punchlines moqueuses, c’est toujours le môme du Queens qui n’a rien eu et qui prend sa revanche à chaque refrain. Une balade pour nouveaux riches, avec les rues de Monaco et Cannes en décors et un bon foutage de gueule d’un vendeur de chaussures français. Fun fact : le sample vient de « Burnin & Lootin' » de Bob Marley (les petites notes de piano sont rajoutées). – Clément

2009 : Death to my enemies (prod. Dr. Dre & Mark Batson)

La période dorée de 50 Cent est finalement passée, ce qui ne l’empêche de développer des business parallèles et de sortir quelques gros morceaux éparpillés ça et là. « Death to my enemies » en est un exemple. Ce titre bien grimey dont la production est signée Dre et Mark Batson fait son effet. 50 Cent y pose d’une voix profonde sur une progression de cordes quasi-horrorifique et des soubassements jazz qui nous ramènent aux années 90. Le refrain menaçant – où Curtis ne se place plus comme un soldat de la rue mais comme un commanditaire de meurtre – est entêtant, et nous renvoie à toutes les mélodies qu’il a crée. Les couplets sont rappés avec rage, à l’image du temps où il cherchait à exploser à tout prix, et l’agressivité y ressort à tel point qu’il s’y compare à un démon ou fait référence à Michael Myers. 50 Cent parvient ici à puiser dans son passé et dans son univers tout en le poussant encore un peu plus loin sur un titre qui est devenu un indémodable. – Jérémy

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