Kimbo Jack, ça vient de Dreux t’as capté

Voici un projet qui est complètement passé sous les radars. Un de ces trucs qui débarquent sans prévenir et qui te chopent à la gorge direct. Et devinez quoi, ça vient de Dreux.

FALZAR (argot pour « pantalon » ou « culotte ») est – a priori – un duo de rappeurs originaire de cette bonne vieille « ville royale », perdue quelque part entre Paname et la Normandie. Dreux, ce n’est pas exactement l’épicentre du rap hexagonal, alors forcément, quand un ovni en surgit, on tend l’oreille.

Je dis « a priori » parce qu’il est quasiment impossible de dénicher la moindre info sur eux. Tout ce qu’on sait, c’est qu’ils sont deux sur la première vidéo de leur chaîne, et que l’un d’eux, Kimbo Jack, a balancé en décembre dernier un EP à la cover familière (coucou HWH) intitulé FALZAR Vol.1. Un projet passé inaperçu mais qui mérite qu’on s’y attarde.

Cinq titres crasseux et poussiéreux, aux productions qui sentent la cave humide et le vinyle oublié sous la poussière. On navigue quelque part entre Daringer et V Don : des instrus ultra downtempo, suffocantes, avec des BPM qui, comme dirait Souffrance, « marchent sur leurs creux de jambes », voire qui rampent. Dès l’introduction, on est fixé : la voix de Khabib Nurmagomedov, combattant MMA vient nous mettre en garde sur ce qui va suivre. Une ambiance glauque, presque morbide, où chaque note pèse son poids de plomb, ou chaque morceau pourrait être l’hymne d’un fossoyeur ou le thème de Mathias Bones (le croque mort dans Lucky Luke).

Côté rap, accrochez-vous bien. Il faudra peut-être quelques minutes pour apprivoiser la voix et le phrasé de Kimbo, mais une fois dedans, impossible d’en décrocher. Sa plume est affûtée au scalpel ou à la machette – ça dépend de la taille de vos doigts- : phases ultra millimétrées, multisyllabiques chirurgicales, chaque ligne claque comme un coup de fouet. Il rappe avec un flegme désabusé, détaillant un quotidien où les histoires de voyous, les références aux armes et l’odeur poisseuse du bitume se mélangent avec une précision clinique.

Il faut dire que les images évoquées par le rappeur drouais ont ce petit quelque chose en plus qui, comme Huntrill, marquent l’auditeur à l’encre indélébile :

« Comme Vikash Dhorasoo je fume comme si j’avais dix cages thoraciques […]
Appelle ton vieux, j’ai connu Jeanne Calment […]
Sortez les tondeuses quand je mets mon casque allemand. »

« Même Claire Chazal nous shazam pendant le shabat. »

« Ca devient dark maintenant, j’ai tarpin le temps, je te mets une tarte et tu crois qu’il y a un parpin dedans. »

Les références fusent dans tous les sens, de Billy Batts à Nikita, en passant par Snatch, Les Trois Frères, John Woo, ou encore Youri Orlov. Glock, mitrailleuse, kalachnikov, les armes sont également bien présentes dans son lexique, non pas comme une simple imagerie de façade, mais comme un arrière-plan ancré dans le décor, presque organique.

Des rappeurs capables de déployer un univers aussi singulier, aussi prenant, aussi rapidement, c’est rare. Et après ces cinq titres, difficile de ne pas aller chercher sa plus belle -et solide- minerve. A suivre de près.

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Clément M

Rédacteur fainéant, beatmaker La Cantina & headcoach Tour De Manège

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