Rencontre avec Babz pour Autopsie d’une Renaissance

Au sein de la rédaction, nous suivons avec attention l’évolution de Babz depuis ses débuts. Après un projet réussi avec son compère Mehdi Mitch en 2020, il s’est lancé il y a peu dans une carrière solo. Ces deux dernières années, il s’est montré plutôt prolifique puisque deux EP portant le nom de Demi Lune et Bleu Nuit ont vu le jour. Paru il y a moins d’une semaine, son premier long format en solitaire intitulé Autopsie d’une Renaissance est désormais disponible digital mais aussi en CD et vinyle. Réel moment charnière pour l’artiste nantais. Entretien.

Comment as-tu commencé à écouter du rap ? Quels ont été les premiers artistes que tu as découverts en rap français et en rap américain ?

J’ai commencé à écouter du rap au collège. Mes premiers souvenirs remontent à la radio. À Nantes, on avait Skyrock, mais pas Générations. L’un des premiers CD que j’ai achetés, c’était “Tonton du Bled” de 113, le deux titres. Sinon, j’écoutais Sinik et tout ce qui tournait sur Skyrock à l’époque. Je suis né en 1990, donc je suis tombé dans cette période-là. Côté rap américain, c’était Snoop. J’écoutais beaucoup de son West Coast : Dr. Dre, notamment Chronic 2001. Ensuite, il y a eu 50 Cent et d’autres artistes du même style. En fait, j’ai commencé avec du rap mainstream, celui qui passait à la radio. Tout simplement.

Et la scène nantaise ? Tu l’as découverte à l’époque ou un peu plus tard ? Y a-t-il des artistes nantais qui t’ont marqué quand tu étais plus jeune ?

En fait, j’ai des cousins qui rappaient à Nantes. Il y avait Hors Pair composé de ma cousine Leila et de son mari Nero, mais aussi mon autre cousin le Touareg. Ils rappaient ensemble et collaboraient avec un gars qui s’appelait 2 One. C’était surtout eux que je connaissais. Mais honnêtement, à l’époque, je ne suivais pas vraiment la scène nantaise. C’est surtout à travers mes cousins que j’en ai entendu parler. À l’époque, ça ne passait pas à la radio, et on n’avait pas internet, donc c’était moins accessible.

Tu commences à écrire par la suite. Comment es-tu devenu acteur de ce mouvement ?

En vrai, je crois que dès que j’ai commencé à écouter du rap, ça m’a donné envie d’écrire. Au collège, je griffonnais des petits textes. En cours de musique, par exemple, j’écrivais des morceaux sur les gens de ma classe. Je rappais même sans instrumentales, directement sur des morceaux. Je me souviens avoir fait un truc sur les Neg’Marrons à l’époque, sans la version instrumentale, juste sur le morceau original. C’était improvisé, mais ça m’amusait, et mes camarades de classe appréciaient. Je pense que c’est là que j’ai commencé à écrire sérieusement, au collège.

Et au début, tu rappais seul ou tu étais entouré d’autres personnes ? Y avait-il une sorte d’émulation autour de toi ?

Au début, c’était un truc perso. J’écrivais dans ma chambre, tout seul. Puis au lycée, j’ai rencontré Antoine qui est maintenant mon manager. Enfin, je le connaissais déjà, mais c’est à cette époque qu’on est vraiment devenus amis. Lui, c’était un passionné de rap, surtout de rap français. On a commencé à écrire avec un groupe de potes. On se retrouvait le soir, on freestylait, chacun ramenait ses nouveaux textes. C’était juste pour le plaisir, pour s’amuser, impressionner les autres. On n’avait pas l’ambition de faire quelque chose de sérieux à ce moment-là.

Et quand as-tu décidé d’enregistrer tes morceaux, même avec un home studio ? Ça commence avec Mic Gyver ou avant ?

Mic Gyver, à la base, ce n’était pas censé être un projet destiné au public. C’était un truc perso. Je voulais voir si je pouvais écrire des textes un peu sérieux, les faire écouter à mes potes et savoir ce qu’ils en pensaient. Quand mes potes m’ont dit que c’était pas mal et qu’ils validaient, ça m’a motivé. Je me suis dit : “OK, continue dans cette direction, ça peut être cool”.

Tu as cette envie de vouloir faire ton propre opus, de rapper tes propres textes.

Oui, je voulais vraiment créer quelque chose à partir de mes textes. J’ai utilisé un vieux logiciel cracké sur un ordinateur récupéré à la déchetterie. C’était complètement artisanal. Quand tu vois le projet Mic Gyver c’est exactement ça : du fait maison, réalisé avec les moyens du bord. J’ai essayé de rendre ça aussi propre que possible, mais on sent que c’est bricolé. Même la pochette l’annonçait clairement.

Quelques années passent, et tu sors un projet en collaboration avec Mehdi Mitch. Comment ça s’est fait ?

Oui, après Mic Gyver j’ai sorti un premier projet avec Mehdi Mitch qui s’appelait ISPQC. Ce projet n’est disponible que sur YouTube, parce qu’on avait utilisé uniquement des type beats. C’était surtout pour se lancer, pour voir ce que ça donnait. Mehdi Mitch et moi, on se connaît depuis qu’on est jeunes, on jouait au foot ensemble avec Antoine. Donc, on s’est dit: “Pourquoi pas faire un truc ensemble, juste pour le plaisir ?”. On s’est bien entendus musicalement, il y avait une bonne alchimie. On a enregistré chez Understud Recordz à l’époque. Ça nous a motivés à faire un deuxième projet, cette fois-ci plus sérieux.

On sent que le deuxième projet, Rock’n’Roll, a marqué un tournant dans ton parcours. 

On a commencé à investir : on a acheté des prods, enregistré dans des vrais studios, payé nos sessions d’enregistrement. Là, on voulait faire les choses correctement, avec une vraie présence sur les plateformes. C’était un vrai projet abouti, plus pro.

Et à ce moment-là, tu n’envisages pas encore de te lancer en solo ?

Non, pas encore. À l’époque, je n’étais pas prêt à porter un projet entièrement seul. Honnêtement, j’avais un peu peur et peut-être aussi la flemme de tout écrire moi-même. Travailler avec un pote, c’était une bonne façon de me lancer, de prendre confiance. Ça m’a permis de mettre un pied à l’étrier, de me préparer pour la suite.

Pourtant, même si c’est un projet à deux, on sent que ce n’est pas un vrai projet de groupe. Vos deux identités restent bien distinctes.

Exactement. On savait dès le départ que ce serait temporaire, qu’on n’allait pas faire ça pendant dix ans. On aimait bosser ensemble, on appréciait nos univers respectifs, mais on était conscients qu’ils étaient très différents. On a essayé de retranscrire ces deux univers. À la fin de ces projets, Antoine m’a vraiment poussé à faire quelque chose en solo, à créer mon propre univers. Il voyait le potentiel et il m’encourageait à me lancer seul.

Sur Rock’n’Roll, certains morceaux ont eu une petite répercussion pour un projet de ce type, qui était encore un début. Je pense à « Shoes de Sécu » ou encore « La Gagne ».

Oui, « Pedros Loko » était sur le premier projet et parlait aussi de foot et du FC Nantes. Il avait bien marché. On avait eu des relais sur des médias comme SoFoot, je crois, et ça avait fait autour de 30 000 vues sur Youtube. Pour nous, c’était fou de voir que des gens nous écoutaient en dehors de notre cercle de potes et même de Nantes. Cependant, on savait que c’était ponctuel. Ces morceaux, notamment autour du foot, étaient des délires qu’on ne comptait pas multiplier à l’infini. « La Gagne », par exemple, c’était un peu une version 2.0 de « Pedros Loko ». On faisait des clins d’œil à des références qu’on kiffe, comme le documentaire Les Yeux dans les Bleus, qu’on regarde encore chaque année. 

D’ailleurs tu as pas mal de morceaux qui font des références au foot, comme « La gagne », « Pedros Loko », « Kvaratskhelia », « Oliver Kahn » ou « Guardiola ». Quel est ton rapport à ce sport?

En vrai, ma première passion, c’est le foot. Avant tout, quand j’étais gosse, c’était vraiment ça. Puis le rap est venu ensuite. Je reste un fan de foot, même si je le suis un peu moins intensément qu’avant, mais je suis toujours dedans. Pour moi, c’est une manière d’allier mes deux passions : le rap et le foot. Faire des références à ce sport, c’est naturel pour moi. En plus, j’ai une vraie connaissance du football, donc je fais en sorte que mes références soient pointues et cohérentes. Je ne balance pas des noms juste pour le style, comme certains le font. Tu sais, il y en a qui citent Iniesta ou Neymar juste parce que ça sonne bien, mais ils n’y connaissent rien. J’aime bien aller chercher des références un peu nichées, sans que ce soit trop obscur non plus. Par exemple, Kvaratskhelia, c’est clairement un joueur que seuls les vrais amateurs de foot connaissent. Ça permet de faire des parallèles entre ce que je raconte dans mes morceaux et l’univers du foot, tout en gardant une certaine profondeur dans les clins d’œil avec l’auditeur. Dans ce registre, les références de JeanJass ou Limsa me font kiffer, par exemple quand j’entends un nom comme Recoba, je trouve ça fort.

Sur Rock’n’Roll, vous aviez pris des prods à droite à gauche ou vous aviez travaillé avec un beatmaker en particulier ?

Non, il y avait quand même Gums qui avait produit une bonne partie du projet, mais aussi 2P. En fait, on piochait un peu partout. Dès qu’on tombait sur une prod qui nous plaisait, on la prenait. Il n’y avait pas vraiment de direction artistique précise. Si on voulait faire un morceau bien rap, on choisissait telle prod. Si on avait envie de quelque chose de plus chanté, on en prenait une autre. Il y a aussi quelques prods à moi sur le projet. 

Et toi, la facette de beatmaker, c’est quelque chose que tu as fait au départ par nécessité, pour avoir des prods sur lesquelles poser, non ?

Totalement. Au début, je bricolais des prods parce qu’il fallait bien avoir quelque chose sur quoi rapper. Aujourd’hui, je ne me concentre que sur mes textes. Ça m’a beaucoup plu de créer des prods à l’époque, mais je le faisais sans véritable connaissance. Je passais des après-midis à bidouiller alors que je n’avais aucune notion de solfège ou même de beatmaking. Je regardais des tutos et je faisais tout par moi-même. Maintenant, j’ai des gens autour de moi qui sont très forts. Par exemple, Lexsaburo produit entièrement mon nouvel album, et j’ai aussi d’autres potes comme Leazy, un beatmaker du groupe Omies de Saint-Nazaire, qui est vraiment talentueux.

Cette connaissance en beatmaking te permet quand même d’avoir un œil sur la direction artistique de tes morceaux ? 

Oui, exactement. Ça me permet de choisir des prods qui me plaisent vraiment et d’éviter de rapper sur des morceaux par nécessité, juste parce que je n’ai rien d’autre sous la main.

Après Rock’n’Roll, vous commencez à réfléchir à une stratégie pour passer en solo ? Vous décidez de produire tes propres projets. C’est quoi, à ce moment-là, votre vision à court et moyen terme ?

Honnêtement, sur le plan stratégique, je ne voyais pas grand-chose moi-même, donc je me suis appuyé sur Antoine. Lui avait une vraie vision. Il me poussait à être plus sérieux, à faire les choses dans les règles : aller dans de bons studios, travailler avec des beatmakers solides. Il m’a mis en contact avec Lexsaburo et d’autres comme Cameliro qui a produit entre autres pour SCH. Antoine voyait ça comme une progression : commencer par un premier EP, puis un deuxième, et essayer de monter en gamme à chaque fois. C’est encore l’état d’esprit dans lequel on est aujourd’hui. Monter d’un cran, ça passe par sortir des projets sur les plateformes, faire des scènes, et créer des connexions avec d’autres rappeurs, au-delà de ceux de Nantes et de mon cercle proche. On a cette ambition d’arriver petit à petit à faire de plus en plus de scènes, à être visibles.

En 2022, tu sors ton premier EP solo, Demi Lune. Pour moi, plusieurs morceaux marquent ce projet, notamment le titre éponyme, mis en image par HTAG.

Oui, le morceau “Demi Lune” est un de mes préférés. J’aime écrire des morceaux fleuves, sans refrain, sur des prods nostalgiques mais sans tomber dans une mélancolie lourde. C’est vraiment là que je me sens le plus à l’aise en écriture. On a rencontré HTAG grâce à Antoine. HTAG travaillait avec Souffrance et les gars de l’Uzine, et Antoine m’a proposé d’aller sur le tournage d’un de leurs clips. HTAG avait écouté Demi Lune et il avait vraiment kiffé. À la base, on voulait clipper un autre morceau, mais il insistait pour faire celui-là. Il avait déjà toute sa vision du clip en noir et blanc, avec un concept clair, donc on lui a laissé carte blanche.

Il y avait aussi un autre morceau qui a bien tourné, c’est le featuring “Ghostwrite” avec Golgoth.

Oui, exactement. C’est Antoine aussi qui m’a fait découvrir Golgoth. Il m’a fait écouter ses morceaux et j’ai tout de suite accroché. On s’est rencontrés à Bruxelles, où on enregistrait chez P.H Trigano. On était là-bas un peu en mode mi-vacances, mi-studio, avec des potes. Golgoth était là aussi, il bossait avec Cameliro et son équipe. On a échangé nos sons, et quelques mois plus tard, je lui ai proposé de faire un feat. Il a accepté tout de suite. Le morceau fonctionne bien, je trouve. Son couplet est super cool, et j’aime vraiment l’alchimie qu’on a dessus.

Avec le recul, tu es satisfait de la répercussion de ce premier projet solo ?

Oui et non. Je suis un éternel insatisfait, donc j’ai toujours en tête ce que je peux améliorer. Quand le projet est sorti, j’étais content, surtout des bons retours que j’ai eus. Mais dans ma tête, je suis déjà passé à autre chose. Je sais que je ne suis pas encore à mon maximum, que mes prochains projets seront forcément meilleurs. Donc oui, il y a une certaine satisfaction, mais je ne suis pas du genre à m’extasier sur ce que je sors. Pour moi, c’est une étape dans un processus plus long.

Vous enchaînez vite avec Bleu Nuit, qui sort l’année suivante.

Exactement. En fait, certains morceaux de Bleu Nuit avaient déjà été enregistrés en même temps que ceux de Demi Lune. Dès le départ, on avait cette vision : enregistrer un maximum de sons et les répartir sur deux projets. On s’est dit qu’un projet de 12 ou 13 titres serait peut-être trop, qu’il risquerait de se perdre dans la masse car peu de gens me suivaient. Donc on a choisi d’étaler les sorties, histoire de marquer les esprits progressivement, petit à petit, plutôt que de tout balancer d’un coup.

Je n’aurais jamais deviné que Bleu Nuit avait été conçu comme cela. J’avais l’impression que ton style y était encore plus affiné.

C’est vrai, Bleu Nuit a une direction plus claire, et ça s’est ressenti. On a fait le tri en fonction des vibes des morceaux. Certains sons étaient plus expérimentaux au niveau des prods, et on voulait qu’ils se retrouvent sur Bleu Nuit. Ce projet reflète davantage ce que je veux faire : un équilibre entre des morceaux bien rappés, bien écrits, et des moments où je bosse les mélodies, avec des parties chantées, pas forcément juste des refrains. Bleu Nuit marque un tournant dans mon style, je pense.

Comment avez-vous choisi les morceaux pour différencier les deux EP ?

En fait, quand j’enregistre, j’aime bien varier : des morceaux où ça rappe pur et simple, et d’autres avec plus de mélodies. Donc, au studio, j’enregistrais tout, sans vraiment penser à diviser les styles dès le départ. Une fois qu’on avait quasiment 80-90% des morceaux prêts, on s’est dit : “Ok, ces morceaux-là, avec une vibe particulière, iraient bien sur Demi Lune.” Et pour Bleu Nuit, on a regroupé ceux qui avaient une autre vibe. Ce qui est drôle, c’est que certains morceaux de Bleu Nuit avaient été enregistrés avant Demi Lune. Mais c’était une question de cohérence : on voulait que chaque projet ait une ambiance bien distincte.

Et pour le choix des singles de Bleu Nuit, comment ça s’est décidé ?

C’est vraiment une question de goût entre Antoine et moi, c’est du 50-50. Par exemple, Antoine adorait « Espace » et pour lui, c’était inconcevable de ne pas le clipper. C’était un choix évident. Moi, j’aimais beaucoup « Cockpit », avec sa mélodie, et ça correspondait bien à ce qu’on voulait mettre en avant sur ce projet-là. Et puis, il y avait « Bonne Étoile ». C’était mon morceau préféré à ce moment-là, mais on ne voulait pas forcément faire un clip classique parce qu’on en avait déjà fait plusieurs. Une amie à nous, Nelly Michenaud, bosse dans l’animation, donc on s’est dit que ce serait une bonne idée d’en faire un visuel animé. Elle a fait un super boulot, et ça donne un vrai plus au morceau.

Comment avez-vous trouvé le lieu pour le clip de « Cockpit » ?

C’était un plan qu’Antoine a trouvé sur un site d’urbex. Maintenant, on peut le dire, car je crois que les avions n’y sont plus. Ça se trouvait près de Troyes, dans l’Aube. Antoine a vu ce spot, et on a décidé de tenter le coup. On est partis de Nantes avec le réalisateur, Nicolas Bouhier, sans savoir si les avions étaient toujours là. Heureusement, il en restait encore deux (alors qu’il y en avait trois ou quatre à l’origine). Ça collait parfaitement avec l’idée qu’on avait du clip. Et en bonus, on n’a rien payé, et on n’a pas eu de souci avec les keufs. Donc tout s’est parfaitement aligné pour ce projet-là.

Le chant, c’est quelque chose que tu as toujours exploré ou c’est venu à un moment précis ? Peut-être sur le projet avec Mehdi Mitch ?

J’ai toujours aimé chanter, mais il y a eu une époque où, dans le rap, c’était un peu mal vu. Quand j’ai commencé à rapper, c’était cette période où chanter n’était pas vraiment accepté. Avec l’arrivée de l’autotune, ça a changé. Ça m’a permis d’explorer cette facette, notamment avec Mehdi Mitch. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à expérimenter davantage, en intégrant l’autotune. Depuis, j’ai pris goût à chanter. Cela dit, je ne vais pas forcément en mettre partout. Mais c’est une facette du rap que j’aime bien et que je continuerai d’explorer.

Ton projet Autopsie d’une Renaissance est sorti le 13 décembre. Peux-tu nous expliquer le concept derrière ce titre ?

Je cherchais un titre qui soit un oxymore. Quand j’ai trouvé Autopsie d’une Renaissance, ça m’a plu. Ce projet est à la fois la fin d’un cycle et le début de quelque chose de nouveau. C’est un projet charnière : il reprend certains éléments de Demi Lune ou de Bleu Nuit tout en annonçant une évolution. Avec ce projet, je voulais poser les bases d’une identité plus affirmée. Si ce projet ouvre des portes et atteint les bonnes oreilles, tant mieux. Sinon, je continuerai à faire de la musique, mais c’est une étape-clé dans mon parcours.

Ce projet marque-t-il une direction artistique plus axée sur le rap pur, tout en gardant ton identité?

Oui, exactement. Quand je commence un projet, je n’ai pas forcément une direction précise au départ. Mais en avançant, on s’est rendu compte qu’il y avait plus de rap pur que dans mes projets précédents, même si des morceaux mélodieux restent présents. Je voulais vraiment mettre en avant mon écriture et mon flow, car c’est ce que les gens apprécient chez moi. Ce projet reflète cette identité : un équilibre entre mon amour pour le rap et mon goût pour l’expérimentation.

Le morceau « Équilibre », choisi comme premier single, semble bien représenter cette identité. Il a été bien accueilli par le public.

Oui, “Équilibre” est un morceau important. C’est une sorte de carte de visite : un morceau fleuve où je peux vraiment m’exprimer. Les retours ont été positifs, notamment de gens que je respecte dans le milieu, comme Raphaël Da Cruz l’ont relayé. C’est le genre de morceau qui me correspond parfaitement : bien écrit, technique, et en même temps accessible. Ça fait plaisir de voir que ça résonne avec le public.

L’intro, “Générique de Fin”, est un titre marquant. L’as-tu pensé comme une intro dès le départ ?

Honnêtement, je voyais ce morceau soit comme une intro, soit comme une outro. Avec Antoine, on a trouvé drôle de commencer un projet avec un titre comme “Générique de Fin”. Dans la structure, je voulais trois morceaux fleuves : un au début (« Générique de Fin »), un au milieu (« Équilibre« ), et un à la fin (« Velleda »). Ça crée une sorte d’harmonie sur l’ensemble du projet.

Tu as collaboré exclusivement avec le beatmaker Lexsaburo sur ce projet. C’était prévu dès le départ ?

Pas vraiment, ça s’est fait naturellement. On a commencé à enregistrer chez lui, et après quelques morceaux, je lui ai proposé qu’on fasse tout le projet ensemble. J’aime beaucoup les albums où un artiste collabore avec un seul beatmaker, comme les projets d’Alchemist ou Roc Marciano. Ça crée un univers cohérent, et je voulais retrouver cette sensation sur mon propre projet.

Et du coup, vous avez enregistré ça chez lui tout le temps ?


Ouais, tout a été enregistré chez lui, sauf le morceau bonus “Peste Brune” qui a été fait au Cockpit Studio. À la base, ce morceau n’était pas censé être sur le projet. Lexsaburo m’a envoyé une prod, j’ai écrit dessus, et je sentais que ça risquait de finir dans un tiroir, de ne jamais voir le jour. Je me suis dit : « Vas-y, c’est cool, ça rappe, et ça colle à l’esprit des autres prods. Ce serait dommage de ne pas le mettre. » Finalement, je l’ai ajouté comme bonus. Donc, celui-là a été enregistré au Cockpit Studio, mais tout le reste a été fait chez Lexsaburo.

En plus de faire les prods, il a aussi un rôle d’ingé son ?

Oui, c’est lui qui a fait les prises, le mix et les prods. Ce n’était pas forcément pensé comme un projet commun dès le départ, mais il avait toujours un regard sur les prises de voix, la direction artistique, ou même des idées de mix. En fait, on ne l’a pas bossé en amont comme un projet collaboratif, mais à terme, ça l’est devenu. Saburo apporte sa vision des choses. C’est un gars qui a pas mal d’expérience, qui suit beaucoup les nouveautés, et qui bosse avec des artistes que j’aime, comme Kéroué, Jeune Mort, Sheldon, etc. Il a vraiment apporté sa touche, son oreille.

Il a aussi bossé avec Ol’Kainry. Comment tu l’as rencontré, déjà ?

C’est grâce à Antoine. Je cherchais des prods, et il m’a dit : « J’ai un gars vraiment fort, qui bosse pour des pointures. Si tu veux, je lui fais écouter tes sons. » Il les a écoutés, il a validé. On s’est ensuite rencontrés à Paris. On a bu un verre, on a discuté, ça a matché, et on s’est dit qu’on allait bosser ensemble sur le projet.

Vous avez aussi décidé de sortir le projet en physique avec CD et vinyle. Comment ça s’est décidé ?

En fait, je n’avais jamais sorti de projet en physique avant. Les gens en parlaient, et on sentait que c’était le moment. On avait déjà sorti deux projets sur les plateformes, et là, on voulait franchir une étape. J’ai des collègues, comme ceux de Saint-Nazaire, qui avaient déjà sorti des projets en physique. Je trouvais ça cool d’avoir un objet concret, en plus des plateformes. Je voulais qu’il y ait les paroles dans le livret pour que les gens puissent rapper les morceaux. Quand j’étais plus jeune, j’adorais lire les textes, que ce soit pour les rappeurs américains ou d’autres, essayer de capter des phases que je n’avais pas comprises. C’est dans cet esprit qu’on a voulu le faire. Le CD, c’était une évidence. Quant au vinyle, c’est un objet plus beau, plus qualitatif. On s’est dit que parmi nos auditeurs, il y avait sûrement des amateurs de vinyles, des passionnés qui écoutent leurs sons sur des platines. C’était une façon de se faire plaisir tout en offrant quelque chose de spécial à nos auditeurs.

Où tes CD et vinyles sont distribués ?

Ils sont disponibles à la Fnac mais aussi chez des disquaires. Pour les vinyles, ils seront trouvables à Paris chez Balades Sonores, Betino Record Shop, Crocodisc et la Scred Boutique. À Nantes, chez Le Disquaire du Dimanche et Moar Music. En ce qui concerne les CD, ils seront chez Balades Sonores, Crocodisc et la Scred Boutique. Bien sûr, c’est toujours dispo pour les gens qui me contactent directement. Il y a moyen de leur envoyer.

Sur le projet, il n’y a pas de featuring. Peux-tu expliquer ce choix?

À la base on aurait aimé en avoir. Ça ne s’est pas fait sur ce projet, mais on espère que ce sera possible pour les prochains. On avait un feat en tête, mais ça ne collait pas avec la direction artistique du projet. On l’a mis de côté pour l’instant. Il est au chaud, prêt à sortir plus tard. Ce n’était pas un choix délibéré de dire : « Non, je veux que ce soit uniquement moi sur ce projet. » Mais finalement, quand je regarde l’univers global, je trouve que ça fonctionne bien comme ça.

Pour toi, est-ce un album charnière ?

Oui, clairement. En termes d’investissement, que ce soit de temps ou d’argent, c’était énorme. On est indépendants et on gère tout à deux, que ce soit la création et toute la partie business. Quand on fait un projet qui coûte cher, il y a toujours cette question : si on ne rentre pas dans nos frais, ça peut freiner les projets suivants. Quoi qu’il arrive, je continuerai à rapper. Peut-être que l’investissement sera moindre si on n’arrive pas à rentrer dans nos frais, mais je m’assurerai toujours de produire quelque chose de qualitatif. Bien sûr, si on écoule des CD et des vinyles, ça facilitera les choses pour la suite. Mais dans tous les cas, la musique reste une passion, et je continuerai d’en faire. L’objectif, c’est de progresser, de grimper encore un peu, et d’avancer.

Actuellement, tu as plusieurs clips à plus de 10 000 vues et tu approches les 2 000 auditeurs mensuels sur Spotify. Si tu compares ta situation aujourd’hui à celle lors de la sortie de Demi Lune en 2022, es-tu satisfait de ton évolution ?

Franchement, je suis content du chemin parcouru jusqu’ici. On suit la logique qu’on s’était fixée : sortir des projets, faire de plus en plus de dates, et faire tourner mon nom. Pour l’instant, ça se passe bien. Mais, tu sais, je suis un éternel insatisfait. J’ai toujours envie que ce soit mieux, que ça aille plus loin. Cela dit, quand je regarde en arrière, jamais je ne me serais dit à l’époque de Demi Lune, ou même de mes projets avec Mehdi Mitch que je ferais une interview ou que je vendrais mon CD à la Fnac, que je rencontrerais certaines personnes, ou que je ferais les premières parties de groupes que j’écoutais gamin… À mon petit niveau, la trajectoire est folle. Mais bien sûr, on en veut toujours plus.

Justement, parlons de la scène. Tu as fait la première partie d’IAM et MC Solaar cette année.

Oui, cette année, j’ai fait IAM et Solaar. Avant ça, j’avais fait La Rumeur et Scylla. Et encore avant, Makala. Il y a quelques années, j’avais même fait Hugo TSR, mais à l’époque, je n’avais encore rien sorti.

Le 12 décembre, tu as réalisé ton premier concert solo, au Décadanse pour la Release Party de l’album. Quelles ont été tes sensations ?

Le concert s’est très bien passé. Il y avait beaucoup de proches à moi donc cela m’a mis en confiance. C´était le feu. Il y avait une cinquantaine voire soixante de personnes. On aurait aimé plus de monde mais comme c’était un évènement en semaine, on sait que c’est plus difficile de mobiliser du public que le week-end. Tout s’est bien déroulé alors que nous avons eu des imprévus comme le fait de remplacer mon DJ quarante-huit heures avant à cause de problèmes de santé. Malgré cela, on a réussi à faire un show qui tient la route. Ça a été une belle expérience que l’on espère réitérer prochainement.

Pour conclure, parle-nous de la cover du CD. Qui s’en est chargé?

C’est Tcho qui l’a réalisée avec Hugo Aymar. Là, c’est pareil, c’était vraiment un kif. Moi, en tant que fan de Casey et de La Rumeur, bosser avec Tcho c’était fou. Et la rencontre s’est super bien passée. Le mec est cool, il bosse bien, c’était une super expérience.

Crédit Photo: Tcho Nguyen

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