Tous les ans, nous écrivons peu ou prou en intro des 10 Bons Sons pour le septième mois de l’année : « le mois de juillet, habituellement calme, a finalement été riche en sorties« . Ce ne sera pas le cas cette année, ce qui ne nous a pas empêché de sélectionner dix morceaux qui ont retenu, en bien, notre attention.
Le 8 juillet : Furax Barbarossa feat. Sofiane Pamart – Porcelaine
Avec 22 ans d’activité et plus d’une dizaine d’albums à son actif, Furax vient, avec Caravelle, de dévoiler son opus le plus personnel. Le choix du nom Caravelle est d’ailleurs une référence à un de ses classiques, aussi marquant qu’intime, et paru en 2008 : « Croisades ». Mais là où La Barbe a poussé le curseur de l’introspection plus loin que d’habitude, c’est pour parler de ses parents ; d’abord de son père sur « Porcelaine », puis de sa mère sur l’outro « Gelati ». Sur le premier, Furax (lire notre interview) aborde la maltraitance infantile, et décrit un pan de son enfance qu’il avait jusqu’alors survolé dans ses textes, mais qui désormais entre en résonance avec de nombreuses phases disséminées çà et là dans depuis le début de sa carrière. (Exemple : « 99, j’taille, mon père à bout, démuni, ne m’laisse pas le temps de déployer mes ailes et me pousse du nid » sur « Croisades » en 2009). Avec ce morceau, ce sont les pièces d’un grand puzzle débuté au début des années 2000 qui s’assemblent, pour un ensemble qui gagne encore en cohérence et en authenticité. – Olivier
Le 12 juillet : Keroué – PDM (prod. Delho)
Enfin. Après toutes ces années d’attente, la moitié de Fixpen Sill franchit le cap du projet solo avec Eckmühl, un EP 8 titres très bien réalisé (10 titres si on compte les bonus track), où on découvre un Keroué plus intime que jamais, nous partageant ses doutes, ses sentiments, ses angoisses, ses objectifs… Produit principalement par Delho (excepté un morceau réalisé par l’inévitable Mani Deïz et un autre par Vidji / Stratega), Eckmühl (référence au fameux phare breton et non pas à la BD Lanfeust) n’a pour moi aucune faiblesse, si ce n’est sa courte durée. Et parce qu’il fallait choisir un morceau juilletiste (l’incroyable track drumless « Felice » avec Caballero étant sorti en mai), j’ai choisi de jeter mon dévolu sur PDM (qui signifie « putain de merde »), sorte de banger introspectif. Bref, vivement le second opus qui, apparemment, serait prévu pour la fin d’année. – Clément
Le 22 juillet : L’Ami Caccio feat R.E.D.K. – Fanatics (prod. Apollo Beats)
A Marseille, si les têtes d’affiche scrutent le top stream, une autre scène existe, plus confidentielle, qui mène sa barque dans l’ombre, sans pression. Un de ses représentants est L’Ami Caccio, qui multiplie les projets depuis plus de deux ans (ne jamais croire un rappeur qui se dit en pré-retraite…). Après un volume 1 sorti en mars dernier, le barbu vient de larguer LMEF part. 2 fin juillet (mois qui aura vu bien peu d’artistes proposer de la bonne musique). Le morceau « Benz » (et son refrain très efficace en lien avec ce classique de Lord Ko’ et NTM) a mis en orbite ce 9 titres. Une des pistes qui a attiré notre attention est « Fanatics » dans lequel Caccio croise le mic avec R.E.D.K. Ce dernier fait étal de sa technique singulière et prouve (malheureusement) que sa carrière n’est pas à la hauteur de son talent. Quant à notre ami, il montre une nouvelle fois sa science du refrain, sa gestion des placements, des silences, ainsi que son écriture sans fioritures qui va droit au but, bien servi par l’instru d’Apollo Beats qui aura réalisé la moitié des prods. D’ailleurs, les autres morceaux (et les nombreux feats, notamment le posse cut final) permettront d’apprécier le positionnement, l’identité de Caccio, à situer entre la nouvelle et l’ancienne écoles, entre le rap brut, conscient, léger et mélodieux. – Chafik
Le 8 juillet : Aelpéacha & MONFORT feat. Driver, Boomerdidit, 2nd II None, MSJ – Playday
Quoi de tel qu’un retour d’Aelpéacha pour célébrer l’été ? Depuis la fin du Studio Delaplage, l’artiste de Joinville s’est fait plus discret. Aux côtés de MONFORT, le rappeur/producteur vient d’envoyer un EP bien festif, parfois agrémenté de longues plages musicales plus contemplatives. Avec son chorus, ses basses bien grasses et sa guitare funky, la production offre un écrin d’enfer à quelques rappeurs mythiques : 2nd II None (auteurs d’un album classique du G-Funk), Driver, MSJ. Le refrain à la talkbox fonctionne parfaitement. En bref : grosse alchimie pour ce titre jouissif qui est probablement le plus réussi de l’EP. – Jérémy
Le 29 juillet : HoussBad – E.C.P.N (prod. Maison214)
Découvert dans l’émission « Nouvelle école », HoussBad a rapidement conquis le public par sa personnalité débonnaire et sa prestance au micro. Ses qualités de rappeur, il les confirme sur ce morceau : le flow est précis, l’intonation maîtrisée malgré son allure relâchée. Côté textuel, cela reste assez classique mais le rappeur du 93 ponctue le morceau de quelques phrases bien senties sans forcer sur la punchline. Ce single remplit bien sa fonction « carte de visite ». On espère maintenant qu’HoussBad va se dévoiler un peu plus par la suite, car nul doute qu’il a une identité à affirmer. Et c’est sans doute cela dont il aura besoin pour transformer l’essai avec un premier projet abouti. – Jérémy
Le 24 juillet : Tekilla feat Ol Zico, KT Gorique, Tha Manz, Sakage, Kekro, Euphonik, Lelbi, Sakage, Tupan, Babbel, Babz, Cholo – Insolents IV (prod. Tha Manz)
Six ans déjà se sont écoulés depuis le premier titre de la saga “Insolents” impulsée par Tekilla. Sur cette quatrième version parue en juillet, le Montpellierrain a su une nouvelle fois rassembler une belle flopée d’artistes issus de la scène rap indé. Sur une instrumentale boom bap efficace de Tha Manz, ceux-ci nous offrent un posse cut énergique dans lequel se mêlent émotions et univers variés. Ce type de format se faisant de plus en plus rare en 2022, il nous semble important de féliciter le membre du Emtooci pour cette initiative fédératrice. Le rendez-vous pour « Insolents 5 » est d’ores et déjà pris. – Jordi
Le 15 juillet 2022 : Lesram feat Zesau – 310 (prod. Arkad)
Alors que la tendance est aux guitares plus ou moins acoustiques, plus ou moins estivales, qui répandent des accords plus ou moins éculés sur les prods du moment, on se plaît à retrouver en plein été, derrière le duo Lesram / Zesau un piano mélancolique et un boom bap un peu désuet, presque à contre courant de la saison. La douceur familière du beat, les flows intéressant et élaborés, les rimes riches, les références recherchées… Pour un mois de juillet, on en prend plein les oreilles… et les yeux car les deux lyricistes ne sont pas à court d’images percutantes. Un son inattendu, même au sein de la compile CDL d’Himalaya Records qui l’accueille, mais qui séduit sans peine car simplement réussi. Une collaboration entre les deux Franciliens qui a de quoi séduire, tout en nous invitant à nous replonger dans l’actualité assez dense de l’un et de l’autre, décidément au top en 2022. – Sarah
Le 4 Juillet : LTA – Risky Business
Giuseppe Tomasi di Lampedusa disait « Il faut que tout change pour que rien ne change » et on peut dire que LTA n’en a rien à cogner. Le lascar fait littéralement la même musique depuis un bail, sur les mêmes prods, avec le même propos, le même vocabulaire. On pourrait parler de suicide commercial ou voire social tant Le Téléphone Arabe est inflexible. Sa productivité est aussi impressionnante : en ce mois de juillet, il vient de sortir son 7ème « EP » de l’année ! Avec lui, il faut comprendre un projet de 8 à 10 minutes, de 4 à 5 morceaux… Que retenir de « Risky Business » ? Son millier de fans kiffera toujours son rap sans concession, ses références historiques, son flow maitrisé, son irrévérence, ses piques à l’encontre du rap français et des « ignares qui commentent sa musique » (sic). Et au moment où sortiront ces lignes, le EP « Soul Power » sera sorti, qui proposera comme le dit un certain Yohan Prouvez sur You Tube : « ta dose de hardcore mensuelle, nécessaire pour te conforter dans tes idées les plus sombres ». – Chafik
Le 13 juillet : Zikxo & Zamdane – « Z.Z » (prod. Timo)
« Z.Z », comme Zikxo / Zamdane, fleure bon la connexion simple et spontanée, réalisée par amour de la discipline, entre deux rappeurs ne venant ni du même coin, ni du même crew, ni du même label. Le featuring semble en effet être le fruit d’un travail commun en studio, rendant compatibles deux styles de flows distincts, mêlant le débit mélodique et élastique de Zamdane, et le kickage brut de Zikxo. Une démarche de passionné, paraissant dénuée de calculs, et dont certaines figures de notre genre musical préféré auraient tout à gagner de s’inspirer. – Olivier
Le 15 juillet : Triplego – Bientôt Gibraltar (prod. Sanguee & MoMo Spazz)
Presque dix ans déjà que Triplego creuse son sillon dans le rap français. Le duo montreuillois revenait ce mois-ci avec deux projets sur lesquels on retrouvait notamment ce « Bientôt Gibraltar », purement dans l’esthétique du groupe : une production planante avec ses nappes enveloppantes et ses effets synthétiques entêtants et des couplets déclamés avec un ton monocorde appuyé par de grosses réverbérations. Il faut tendre l’oreille pour déceler, au delà de l’ambiance globale, les quelques finesses d’écriture dans un texte où les thèmes s’entremêlent entre relations hommes-femmes et références hermétiques aux éléments naturels. « Bientôt Gibraltar » n’est pas le morceau le plus surprenant du groupe, mais c’est toujours un plaisir de les retrouver dans ces tonalités. – Jérémy
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