NTM côté coulisses, avec Vincent Piolet et Pierre-Jean Cléraux

L’histoire des NTM a toujours fasciné. Personnalités médiatiques aussi différentes qu’hors normes, Joeystarr et Kool Shen, à partir de la fin des années 90, se sont retrouvés sous les feux de la rampe, et ont participé à délivrer un récit officiel du Suprême avec ses temps forts, entre performances scéniques marquantes, démêlés avec la justice et aventures hors-musique. « NTM – Dans la fièvre du Suprême », paru chez Le Mot et le Reste il y a quelques semaines, offre un éclairage inédit sur l’épopée des suprêmes triples lettres. Sous la forme d’un récit documentaire, il contient les témoignages d’une large sélection de personnes ayant participé de diverses manières à l’aventure NTM entre la fin des années 80 et la séparation du groupe au tournant des années 2000. Nous avons rencontré les deux auteurs de l’ouvrage, Vincent Piolet et Pierre-Jean Cléraux.

Pourquoi avoir choisi NTM et pas un autre groupe pour votre livre ?

Vincent Piolet : Il faut d’abord raconter pourquoi on s’est retrouvé à deux pour écrire un livre, c’est un peu lié. Personnellement, après mon premier bouquin (Regarde ta jeunesse dans les yeux : naissance du hip-hop français 1980-1990, paru en 2015, dont nous vous parlions ici, ndlr), j’ai voulu écrire sur NTM parce que j’ai grandi avec ce groupe. J’étais ado quand ils ont explosé. Quand j’ai commencé à creuser le sujet, je me suis retrouvé à avoir une certaine vision, à voir les ingés son et tout l’entourage, jusqu’au moment où Fred Versailles, le réalisateur du premier album me dit : « Il y a déjà un gars qui m’a posé les mêmes questions que toi, ou sinon tu m’as déjà posé ces questions-là il y a un mois. » Je lui dis que non, mais il est sûr de lui. Une autre fois, il y a le mec qui avait fait la photo de la pochette du premier album, Wilfrid Azencoth, qui me dit la même chose. Jusqu’au moment où Vrej Minassian de Sony me dit : « Il y a un mec qui fait le même livre que toi. » C’est comme ça que j’ai su que Pierre-Jean faisait le même livre, sachant qu’on avait déjà bossé chez le même éditeur (Le Mot et le Reste, ndlr). Je l’ai donc appelé facilement, je lui ai proposé de le faire ensemble, et il a été d’accord. Mais il faut que lui aussi te donne ses motivations pour choisir NTM. Moi c’est lié à mon âge, j’ai grandi avec, mais Pierre-Jean est un poil plus jeune, mais je te laisse la parole Pierre-Jean…

Pierre-Jean Cléraux : Pour moi c’est un peu pareil, même si je suis un peu plus jeune que Vincent. J’ai dû découvrir NTM en 1995, une période où le rap commence à être joué en radio sur Skyrock, NRJ, etc. Je me rappelle très bien du titre « La fièvre » qui passait en radio. Tu grandis avec, tu écoutes ça gamin, ado, au collège, au lycée. J’écoute aussi IAM et toutes les figures de proue du rap français de l’époque, avec la grosse émergence du milieu des années 90. J’ai toujours kiffé ce que NTM dégageait en termes d’énergie brute, même si je ne trouvais pas les textes complètement fous. J’adorais l’énergie de NTM et je kiffais les textes d’IAM. J’aimais le son des deux. Et après avoir écrit un bouquin sur le rap new-yorkais (New York State of Mind : Une anthologie du rap new-yorkais, ndlr), il y avait une espèce de filiation. Et puis je voulais écrire un bouquin sur le rap français. Mon éditeur m’avait demandé si je voulais écrire sur un autre sujet que le rap new-yorkais, je lui ai dit que ça me branchait. J’ai commencé à écrire et à faire mes recherches pendant un an avant qu’on s’y mette ensemble. Je crois que pour Vincent c’est à peu près pareil.

Vincent Piolet : Oui, et si on n’avait pas décidé de le faire ensemble, un de nous aurait dû lâcher tout le boulot qu’il avait fait.

Pierre-Jean Cléraux : Exactement, ça s’est passé comme ça. En bossant ensemble on s’est rendu compte qu’on avait vraiment les mêmes méthodes et les mêmes envies, ça s’est donc vraiment fait facilement.

J’ai trouvé que certains passages trouvaient une vraie résonnance avec ton premier bouquin Vincent, puisque NTM coche un peu toutes les cases de la grande légende des débuts du hip-hop en France, à savoir le break, le graffiti, le terrain vague de La Chapelle… Et je me suis demandé si ce n’était pas aussi le groupe idéal pour balayer toute cette période des années 80 – 90.

Vincent Piolet : Pas forcément, parce que je voulais vraiment m’intéresser au rap. Moi je suivais moins tout ce qui était break, danse et tout le reste. Mais c’est vrai qu’ils cochent toutes les cases, c’est même limite les seuls. Mais moi c’était plutôt l’aspect phénomène de société qui m’intéressait. Au moment où je commence à écrire, la reformation de 2008 s’est déjà passée, on commence à voir arriver celle de 2018, et je me demande : Comment ils remplissent un Bercy en dix minutes ? Pourquoi c’est tombé sur NTM ? Tu te rends compte que ça dépasse même IAM, qui ne vont pas pouvoir faire trois Bercy de suite. C’est qu’il y a aussi un phénomène qui est lié à leur image médiatique, qui m’intéressait par rapport à leurs personnalités, ce que tu ne retrouves pas chez IAM, qui est un groupe qui se fond beaucoup dans le collectif. D’ailleurs ils ont toujours été ensemble. NTM c’est : on commence à cinquante et on finit à deux, ça carbure à deux égos gigantesques. Il n’y a pas eu de morceaux perdus, de déchets, ça s’est donc transformé en phénomène un peu mythique. C’est aussi ça que je voulais regarder, pourquoi on en parle encore alors que le dernier album sort en 1998, il y a plus de vingt ans. Pourquoi des gens vont à Bercy en 2018 pour aller les voir ? C’est pour le côté phénomène que je les ai choisis.

Pierre-Jean Cléraux : Je suis d’accord avec toi Vincent, quand je reprends un petit peu mes souvenirs d’enfance entre 1996 et 1998, quand on parlait de NTM, au niveau de leur traitement médiatique, on avait l’impression de parler d’un groupe de vandales. C’était l’image médiatique qu’on nous renvoyait, c’était très sulfureux. Il n’y avait pas trente-six groupes comme ça. En plus le nom claquait, avec une résonnance qui pouvait déplaire à certains. Ça n’a plus rien à voir maintenant, mais l’image des deux était sulfureuse.

Vincent Piolet : Moi c’est via Rapattitude et la cassette Authentik que je les découvre, mais c’était sulfureux. Si tu prends la pochette, tu ne sais pas qui sont Kool Shen et Joey Starr. Tu as ces espèces de figures, et quand tu as onze ou douze ans ça t’impressionne. On ne peut pas mettre un visage dessus, et tu as ce nom-là, qui claque.

Tu parles d’Authentik, on comprend à travers votre livre comment il devient mythique. Pour quelqu’un comme moi qui étais trop jeune pour le découvrir à sa sortie, j’ai enfin compris l’importance de ce disque difficile à la réécoute.

Vincent Piolet : C’est clair que d’un point de vue technique, flow, prod, si tu le compares aux autres tu as un côté un peu brouillon, mais c’est l’énergie qui correspond à une époque. C’est la première fois que tu as du rap avec une vraie transgression, une subversion qui est intéressante pour un gamin. Souvent, que ce soit pour le rock ou la techno, même si je ne suis pas spécialiste, il y a ce côté « madeleine de Proust » parce que ça correspond à une période de ta vie particulière. D’ailleurs les gens qui connaissaient un peu le rap américain disaient qu’Authentik était un peu bidon, de la même manière que leurs propres potes dans le rap. Mais pour moi qui ne connaissais rien d’autre à part Solaar qui plaisait aux parents… Même en aimant bien Solaar avec ses jolies chemises, tu ne veux pas un truc que ta maman soit contente que tu écoutes… (rires) Tu as des mecs qui arrivent, qui font peur, tu as cette énergie complètement brute avec des BPM super rapides. Heureusement qu’ils ont eu Fred Versailles (réalisateur de l’album, ndlr) Il faut aussi recontextualiser. On ne faisait pas un album avec son ordi et Pro Tools.

Pierre-Jean Cléraux : « NTM, et surtout Kool Shen, a très vite compris qu’il fallait observer ce qui se passait autour de soi, aller à New York assez souvent, écouter ce qui se faisait, et surtout coller au cul de la nouvelle génération. »

Il fallait acheter des sampleurs, des machines, puis il fallait aller en studio. Les mecs, pour faire ne serait-ce qu’une boucle ou un sample, ils étaient au bout de leur vie. Aujourd’hui tu prends n’importe quel logiciel c’est fait en deux secondes. Donc il y avait cette espèce d’accès à la musique et à l’industrie musicale qui leur était complètement fermé. Là on a un OVNI qui arrive, et je peux comprendre qu’il soit peu audible parce qu’il correspond à une époque. Même s’il est difficile d’être objectif, si tu te bases sur des critères de technique, de production et de flow, ça va crescendo sur les quatre albums. Mais beaucoup de gens vont te dire que le troisième est leur album préféré. Dans le quatrième tu n’as que des hits, c’est super léché, mais ce qui est intéressant avec la musique, c’est que tu n’as pas que la technique. Tu as un grain qui correspond à une époque, qui peut résonner sur tes références, et qui peut outrepasser quelque chose de bien léché. C’est pour ça que le troisième album est adoré par plein de gens, alors qu’il est peut-être techniquement un peu en dessous du quatrième, mais avec une unité particulière… Et le premier, c’était le premier quoi.

Pierre-Jean Cléraux : C’est la sève de NTM le premier. Si on prend un peu de recul sur le premier album, c’est vrai qu’en France, au sortir de Rapattitude, on ne sait pas faire de rap au niveau production. Les mecs galèrent parce qu’ils n’ont pas de matos, ou des vieux sampleurs… D’ailleurs, au départ, Kool Shen et Joey Starr ne voulaient que des ingés son américains. Ils ne voulaient pas de français, selon eux ils ne savaient pas faire. Les ingés français qui ont été connus après sur d’autres albums de rap français ont un peu commencé à l’arrache en se faisant la main en studio. Ils ont construit le rap français en fait. Ils se sont inspirés de ce qu’ont fait les américains. Mais c’est clair que Fred Versailles, à la base, ce n’est pas du tout sa came, il n’est pas du tout dans ce délire-là. Il a découvert le truc, mais il avait une oreille musicale. Il avait dans son esprit quelque chose d’assez cadré, et il fallait quand même organiser cette colonie de vacances comme il disait.

Vincent Piolet : Il fallait aussi une personnalité pour les suivre, il fallait voir les gus. Ils arrivaient à quinze avec les chiens, la drogue et compagnie. Il ne fallait pas n’importe qui pour bosser avec eux… (rires)

Pierre-Jean Cléraux : Il y a un truc intéressant aussi quand on regarde l’histoire de la musique : en termes d’énergie, ça part souvent de la jeunesse, et c’est une énergie qui est très brute. Comme disait Joeystarr à chaque fois, c’était de l’urgence, et quand on regarde le mouvement qui le précède, le punk, on a aussi ce côté « garage » très brut de décoffrage, avec cette idée d’aller à l’essentiel sans prendre de pincettes. NTM c’est vraiment ça sur le premier album. Sur le deuxième c’est différent, il y a un peu plus de recherche, les ingés son ont changé, la façon de poser les voix a changé, c’est un peu plus léché au niveau sonore, le mixage est plus propre, mais on garde cette sève-là. Le passage au troisième album est différent parce que ça correspond à un style de son particulier, très américain.

Vincent Piolet : Et puis les flows ont complètement évolué entre le deuxième et le troisième. Joeystarr passe en mode toaster raggamuffin. Kool Shen arrive avec un flow mathématique. Tout est posé par rapport aux deux premiers, je trouve qu’il y a une vraie différence entre le deuxième et le troisième.

Entre le deuxième et le troisième, il y a aussi le départ de DJ S, qui n’offre pas du tout les mêmes textures sonores que ce qu’ils vont choisir pour leur troisième album.

Vincent Piolet : Oui.

Au-delà de l’analyse du phénomène, Dans la fièvre du Suprême constitue aussi un récit de la carrière du duo. On connait bien l’histoire des NTM à travers les nombreuses interviews du duo qui aiment l’exercice, et les bouquins de Philippe Manœuvre et Olivier Cachin (lire notre interview sur le sujet), mais il s’agit de leurs versions. C’était important d’amener tous ces points de vue extérieurs ?

Vincent Piolet : Leur version on la connaît par cœur, et puis c’est quand même un groupe qui a toujours contrôlé sa com’, qui a tout verrouillé, surtout Kool Shen. Tout ce qui sortait c’était des projets à leur initiative. Le bouquin de Cachin est un recueil de leurs récits, ils parlent ensemble dans une espèce de ping-pong. C’est relu, c’est calibré, c’est un exercice différent. Notre livre est comme un récit documentaire. La version officielle, assez lisse, était déjà connue, vu qu’ils sont un peu intervenus à la télé. Mais ils ne parlaient jamais de musique. Ce n’était pas de leur faute, mais on ne leur posait pas la question en fait. On ne leur parlait pas de leur musique, de leurs titres, de leur album du moment, leurs références, comment ils travaillaient, comment ils trouvaient leur inspiration chacun dans leur coin, comment ils choisissaient leurs prods…  On aborde ce dernier point au début du livre pour le premier album, avec DJ S qui a dix prods, qui donneront dix titres, sans qu’il y ait de place pour autre chose. Après ils commencent à aller aux Etats-Unis, ils voient Lucien qui leur présente les mecs des Beatnuts. LG Exeprience et Clyde amènent aussi des choses différentes, ils sont dans quelque chose de plus varié. Toutes ces méthodes de boulot on n’en a jamais parlé, tu ne le voyais pas, il a fallu aller voir tous ces gens-là. Avec leur version on aurait eu droit à ce que tu peux trouver sur internet et ce qui a déjà été dit, ce n’est pas intéressant.

Pierre-Jean Cléraux : Je suis d’accord avec toi. C’est marrant parce qu’avec Vincent, quand on a commencé à bosser chacun de notre côté, c’est vraiment ce sur quoi on voulait aller. Vincent s’est rendu compte que j’avais interviewé des gens que lui-même était sur le point d’interviewer, issus de la photographie, du marketing, ou du travail de studio… Ça prouve que dès le départ on avait envie de ça. Il y a un besoin de documenter le rap à l’échelle française, il y a une carence à ce niveau. On a beaucoup documenté le rock dans les décennies 60, 70, 80, 90 et 2000 parce qu’il y avait l’apanage des critiques rock dans les magazines, c’est eux qui avaient pignon sur rue dans la musique. Ils pouvaient écrire sur tout et dénigrer le rap comme l’a fait Manœuvre au départ. On se rend compte maintenant depuis le début des années 2000, qu’il y a une vague de fond qui tend à documenter le rap, mais il faut trouver le bon prisme. Ce qui nous intéressait avec Vincent c’était ça : parler de musique et pas de tout ce que les médias ont pu étayer de propos des fois un peu nauséabonds autour du rap.

Vincent Piolet : « Dans le quatrième tu n’as que des hits, c’est super léché, mais ce qui est intéressant avec la musique, c’est que tu n’as pas que la technique. Tu as un grain qui correspond à une époque, qui peut résonner sur tes références, et qui peut outrepasser quelque chose de bien léché. »

On parle de duo, et l’imagerie autour de leur dernier album a œuvré dans ce sens, alors que votre livre montre un délitement progressif du collectif à chaque nouvel album. D’une nébuleuse un peu floue où on ne sait pas vraiment qui est qui, qui fait quoi, on passe petit à petit à deux personnes, et ce délitement s’est fait sans éclat, les gens sont partis d’eux-mêmes.

Vincent Piolet : Dans la musique, à part IAM, je ne connais pas de groupe qui arrive à vivre ensemble sur le long terme. Pour les départs de Yazid, très présent sur le deuxième album, puis de Kast qui voulait se mettre au rap, et enfin des Psyko qui ont énormément participé sur le troisième en termes de toplines, je pense qu’il y a dû y avoir des frictions. On n’était pas là pour être le bureau des pleurs non plus, et puis dans ces cas-là tu ne sais jamais vraiment le fin mot. On a fini par dire quand les mecs partaient, mais à la lecture tu finis par comprendre que s’il y en a un qui part, c’est que tu as deux égos assez importants qui carburent à l’énergie. Et c’est marrant ce que tu disais avec le duo. Tu sais que si tu vois leurs deux têtes sur la pochette du quatrième album, ça ne vient pas de nulle part. Les mecs de chez Sony ont dit : « C’est bien NTM, mais on ne sait pas qui vous êtes. A chaque fois qu’on fait une pochette on voit trente-six mecs avec des effets d’ombre. » Là pour le coup on a deux têtes, tu ne peux plus te tromper. Ceux qui vont lire notre livre aujourd’hui vont dire : « Non, Joeystarr c’est évident, on sait très bien qui c’est. » Mais à l’époque, Joeystarr, avant qu’il ne tape une hôtesse de l’air ou son singe, on ne voit pas sa tête. Kool Shen on ne voit pas du tout sa tête non plus. Il n’y avait pas encore eu la carrière d’acteur de Joeystarr, les Césars, tous ces trucs médiatiques. Là c’est vraiment les années 90, qu’ils commencent à cinquante, et finissent à deux.

L’ironie de la pochette du quatrième album étant qu’ils apparaissent séparément, dos-à-dos, chacun d’un côté du boitier.

Pierre-Jean Cléraux : Et c’est leur façon de fonctionner depuis le départ, à part pour le premier album. Depuis le début en 1993 et J’appuie sur la gâchette, ils ne traînent pas ensemble, et ils ont du mal à travailler ensemble. En gros Kool Shen est celui qui est tout le temps là, assidu, carré, celui sans qui NTM n’aurait peut-être pas tenu, et Joey c’est le chien fou, qui est toujours en retard en studio, qui ne vient jamais. Ils ont galéré pour faire le deuxième album, Joey n’était quasiment pas là, c’est presque Yazid qui prend sa place. Il y a un gros travail de studio qui est fait, mais Joey n’est jamais là. Pour la réalisation du quatrième album, ils ont chacun fait les trucs de leur côté, mais à aucun moment il n’y a un vrai brainstorming pour dire on fait comme ci, comme ça… Ce sont deux personnalités distinctes, qui sont assez éloignées l’une de l’autre, mais une fois qu’elles sont sur scène, ça fait des étincelles.

Aujourd’hui, quand on les voit ensemble dans un média pour promouvoir une tournée par exemple, on comprend qu’ils se retrouvent pour l’interview, qu’ils ne se sont pas parlés depuis des lustres, et que ce n’est pas un problème, c’est assumé des deux côtés et ça fait longtemps qu’ils fonctionnent comme ça.

Vincent Piolet : Déjà ils n’ont pas eu les mêmes entourages, ils ne traînaient pas avec les mêmes personnes. Shen est resté très longtemps à Saint-Denis alors que Joeystarr vit très vite à Paris, il a des contacts avec la mode, avec les « branchés » : Jean-Baptiste Mondino, Nina Hagen, Franck Chevalier, Gigi Lepage tout ça… Kool Shen reste très longtemps à Saint-Denis, ce n’est pas la même mentalité. Ils ne s’en sont jamais trop cachés, ils travaillaient chacun dans leur coin. La fin du groupe, c’est Shen qui n’en peut plus de porter le groupe, parce qu’il faut gérer Joeystarr, ses problèmes, etc. Et tu le vois aussi très bien avec la création de leurs labels, ils sont partis dans deux directions, ils n’ont pas fait un label en commun. Mais comme tu dis, ce qui est marrant, c’est que tu vas les retrouver en interview comme s’ils s’étaient vus la veille. C’est une amitié particulière, et ils l’ont toujours dit assez franchement. Ça fonctionne bien quand ils sont ensemble en studio, quant à la scène, on a rarement fait mieux en rap français.

IAM, Soul Swing, et d’autres groupes voient leurs danseurs prendre le micro et intégrer le groupe avec cette fonction-là. Pourquoi ça n’a pas été le cas pour les Psyko avec NTM ?

Vincent Piolet : C’est moi qui ai vu AL.X et Reak (qui formaient le duo Psykopat, ndlr), et je leur ai posé exactement la même question. (rires) Ce qu’ils m’ont dit, et ce qu’il faut voir, c’est qu’ils sont un peu plus jeunes qu’eux, et ils ont pris le train en marche via la danse. AL.X écrit dans son coin, il squatte dans le studio, c’est le premier à gratter. Il me disait, ce que je n’ai pas mis dans le livre d’ailleurs, que quand il était en studio, dès que les mecs étaient partis, il prenait le micro, s’enregistrait sur cassette, et se réécoutait chez lui, sans en parler aux autres. Un peu comme un gamin qui fait ses trucs en cachette. Il embarque Reak là-dedans, qui se met à gratter un petit peu, et ils font leur truc. Je sais qu’AL.X a beaucoup aidé NTM sur les parties chantées des refrains pour le troisième album. Il sait chanter, il a une vraie technique. Il a aidé sur les refrains de « Pass pass le oinj », « Le rêve », et même « La fièvre »… Mais ils ne savaient pas s’ils étaient NTM ou pas, il n’y avait pas marqué « featuring » non plus sur les titres.

Pierre-Jean Cléraux : « On se rend compte maintenant depuis le début des années 2000, qu’il y a une vague de fond qui tend à documenter le rap, mais il faut trouver le bon prisme. Ce qui nous intéressait avec Vincent c’était ça : parler de musique et pas de tout ce que les médias ont pu étayer de propos des fois un peu nauséabonds autour du rap. »

Oui, il y avait un flou.

Vincent Piolet : Je leur ai demandé s’ils avaient conscience du succès du troisième album, quand ça avait explosé. Ils m’ont expliqué qu’ils étaient un peu comme dans une bulle, tout en sachant qu’ils avaient quelques années de moins. Ensuite, quand ils voient que NTM met en avant Afro Jazz sur les premières parties, sur la seconde tournée de Paris sous les bombes en 1996, ils se disent qu’ils ont trouvé d’autres gars qui sont plus proches d’eux, et ils décident rapidement de partir avec ces textes en boîte. DJ S, qui était aussi parti, les aide sur le premier album au niveau des instrus. Donc ils partent, mais il n’y a pas de clash non plus, ils se sont juste dits : « On est mûrs, on part. »

On sent une petite amertume aussi dans leurs témoignages, ils finissent par réclamer leurs droits pour les voix posées sur les albums.

Vincent Piolet : Ils ont ensuite compris comment marchaient des contrats. Ils ne se sont pas fait avoir par Shen ou Joey, c’est plutôt les gens de chez Sony qui en ont profité. Ils voient deux mecs qui écrivent des textes, mais ils ne leur ont pas demandé de signer, ils ont laissé faire. Sauf qu’heureusement, ils ont fini par voir avec des avocats, et ça s’est fini avec un chèque de Sony par avocats interposés. La maison de disques a profité de cette naïveté.

Pierre-Jean Cléraux : Les Psyko comptaient aussi bénéficier du levier NTM pour marcher, c’est sûr. Ils avaient une espèce de volonté de se détacher tout en bénéficiant de ce truc-là pour voler de leurs propres ailes. Surtout qu’en plus, au sein d’NTM, Reak et Laser [AL.X] ont quand même apporté beaucoup de choses en termes de flow et de musicalité, avec des deliveries un peu inédits. Kool Shen essayait de reprendre un petit peu les flows des deux gars. Là-dessus, Kool Shen et Joey ont un peu vampirisé les Psyko, qui étaient arrivés avec un truc très américain à la Das EFX, Black Moon, etc. On sent bien que dans les flows c’est super élastique, il y a beaucoup de spontanéité, ça groove pas mal, et c’est complètement nouveau. C’est un petit peu, à moindre échelle, comme quand tu as le collectif Time Bomb ou La Cliqua qui arrivent au milieu des années 90 avec une nouvelle manière de poser qui est complètement différente d’un ou deux ans auparavant. C’est un changement radical. NTM, et surtout Kool Shen, a très vite compris qu’il fallait obligatoirement observer ce qui se passait autour de soi, aller à New York assez souvent, écouter ce qui se faisait, et surtout coller au cul de la nouvelle génération.

Vincent Piolet : Kool Shen a un radar dans la tête pour voir les MC’s talentueux. Tu le vois avec AL.X des Psykopat, ensuite il s’est collé à Busta Flex, Salif, Zoxea, etc. Il a un radar pour voir les qualités techniques de flow, et il va vers la qualité tout de suite, vers le meilleur.

Pierre-Jean Cléraux : Lui-même étant un très bon rappeur, il n’y a pas de souci par rapport à ça. Quand on lit les lyrics de Kool Shen, qu’on voit comment il arrive à les poser sur un instru, on se rend compte que c’est hyper technique. C’est franchement dur. On comprend à quel point il a élevé son propre niveau pour essayer de concurrencer les autres et à quel point, au niveau du travail de studio, il pouvait recommencer encore et encore toute la nuit, pour que le truc soit parfait.

Vous parlez de son esprit de compétition aussi à plusieurs reprises dans le livre.

Vincent Piolet : Il n’y a qu’à voir maintenant. Il a commencé par la danse, puis le graf’. Il a gagné le prix du meilleur graf’ au festival Fêtes et Fort organisé à Aubervilliers en 1984, un des premiers évènements hip-hop en France. Au foot il était très fort. Il a toujours été très compétitif. Quand il s’est mis au rap, pareil, et maintenant il a une carrière dans le poker. C’est quelqu’un qui a un charisme hors du commun, ainsi qu’un talent et une force de travail importantes. Pierre-Jean, je peux te laisser raconter d’ailleurs, les histoires de marketing avec le logiciel…

Pierre-Jean Cléraux : Il est super fort. Quand on fait le bilan de leurs personnalités à tous les deux, on voit tout de suite que Kool Shen c’est le mec carré. Comme disait Sear, c’est un peu son côté portugais, très besogneux. Ce que m’avait dit Vrej, et c’est dans le bouquin, c’est que lors du quatrième album, quand il arrive chez Sony / Epic pour être chef de projet, la première fois qu’il rencontre Kool Shen, ce dernier lui montre comment on regarde les statistiques de vente sur le logiciel. Un artiste de base s’en fout normalement, ce n’est pas son problème. Lui sait se servir du logiciel de gestion, c’est quand même incroyable ! (rires)

Le grand absent de ce bouquin est DJ S. L’avez-vous sollicité ? J’imagine que oui…

Pierre-Jean Cléraux : Il est sur la couverture ! (rires)

Vincent Piolet : C’est plus Pierre-Jean qui a essayé à travers Kast. Moi j’ai essayé via beaucoup de contacts… Il a été au courant, il savait qu’on voulait lui parler, mais il n’a pas donné suite. Personnellement ça m’a un peu embêté parce qu’il y a des trucs que je voulais vraiment lui demander sur des samples, des trucs mystérieux, comme retrouver Malraux sur « Le Pouvoir ». Pourquoi sampler un discours d’André Malraux ? Comment il travaillait ? C’est un des premiers mecs avec Solo à avoir lâché les TR 808, les boîtes à rythme, et à aller sur du sampleur. Comment il a trouvé ses influences aussi. On comprend bien que c’est Public Enemy, NWA, tout ça, mais ça aurait été quand même super intéressant d’avoir sa version. Tant pis.

Pierre-Jean Cléraux : Il y avait Kast qui était entre lui et nous en fait. Je parlais beaucoup avec Kastqui habite pas très loin de chez moi. Je l’ai harcelé (rires) mais il ne m’a jamais lâché son numéro. Il m’a dit qu’il allait lui en parler, il lui en a parlé, mais sans succès.

Vincent Piolet : Moi j’ai vu avec Solo, qui est toujours en contact avec lui.

Pierre-Jean Cléraux : Il est en contact au minimum avec deux personnes, qui sont Solo et Kast, avec qui il s’entend très bien. Je suis d’accord avec Vincent, ne pas avoir eu DJ S c’est un peu le truc qu’on regrette.

Vincent Piolet : Mais on l’a sur la couv !

Pierre-Jean Cléraux : (rires) Mais honnêtement on préférait avoir DJ S que Kool Shen ou Joey, clairement.

Vincent Piolet : « La version officielle, assez lisse, était déjà connue, vu qu’ils sont un peu intervenus à la télé. Mais ils ne parlaient jamais de musique. »

J’allais y venir justement, vous n’avez pas essayé d’avoir des témoignages de Kool Shen et Joey Starr ?

Vincent Piolet : Si, moi j’avais cherché à contacter Kool Shen surtout. J’avais pu le contacter pour mon premier livre, Regarde ta jeunesse dans les yeux. Là j’ai réessayé, mais il ne voulait pas trop, et je ne voulais pas passer en mode harcèlement non plus. Ça ne l’intéressait pas, il n’était pas à l’initiative du truc. En plus ils sont sur des projets de récits, je ne dirais pas concurrents… Mais il y a le film biopic qui va sortir au ciné, et la série avec Arte et Netflix. Donc un petit Vincent et un petit Pierre-Jean qui arrivent pour mettre leur sauce documentaire dans un bouquin, ce n’est pas passé. Toi, Pierre-Jean, tu as aussi tenté avec Joey c’est ça ?

Pierre-Jean Cléraux : Oui mais bon, c’est pareil…

Vincent Piolet : Ça n’a pas abouti, mais par contre ils ont eu le manuscrit, ils l’ont lu… Enfin Shen l’a lu, Joey je ne sais pas. (rires)

La territorialisation arrive très tôt, ils taguent 93 NTM, et à la fois le bouquin montre qu’ils représentent plus la banlieue qu’un département en particulier. D’autres revendiqueront leur appartenance au 93 de manière plus spécifique quelques années plus tard comme Sefyu, Tandem, etc.

Pierre-Jean Cléraux : Très honnêtement, le single « Seine Saint-Denis Style », je ne dirais pas que ce n’est pas sincère, mais c’est un truc un peu facile.

Vincent Piolet : Leur délire « neuf trois », ça vient de leur mentalité de tagueurs en fait. Ils se sont construits là-dessus avec les 93 NTM, qui était le crew de graffeurs, puis avec le Suprême pour le rap, et ont continué sur la lancée. Ils représentent leurs potes. Après les « 9.3. » se sont déclinés dans tous les départements de France, mais à la base c’est un truc de tagueurs. Ecrire d’où on vient sur son passage.

Pierre-Jean Cléraux : On oublie souvent que le Ministère Amer l’a fait en 1994 avec 95200, ils ont posé leur code postal comme titre d’album. C’est un truc de banlieusard. Il faut quand même savoir que le numéro 93, en termes de symbolique historique, c’est aussi lié au département de Constantine durant à l’époque où l’Algérie est une colonie française. Il y a un donc un rapport Saint Denis – ex colonie française… Je ne sais pas si c’est volontaire du point de vue de l’administration, mais il y a une résonance, même si je ne pense pas qu’ils en aient conscience au moment où ils disent « 9.3. », mais c’est marrant parce que c’est un peu l’ironie de l’histoire.

Dans le livre, il y a du récit, des chroniques et des encarts, en alternance. Comment en êtes-vous arrivés à cette formule ?

Vincent Piolet : Alors nous, notre façon de travailler, ça a été de se découper les parties. On ne l’a pas écrit dans l’ordre. En fonction des gens qu’on rencontrait on écrivait un petit peu nos parties, certaines personnes qu’on rencontrait intervenaient dans d’autres parties. On s’échangeait les interviews, et on relisait chacun les parties de l’autre, sachant qu’il n’y avait pas de modifications en termes de structure, on était toujours assez d’accord. On est partis sur des chapitres thématiques et je pense qu’il y a une certaine respiration oui. A la lecture je pense qu’on peut voir quand l’un ou l’autre prend la plume, même si je ne suis pas objectif. On se relisait beaucoup entre nous, on se corrigeait. Voilà la méthode qu’on avait.

Pierre-Jean Cléraux : La méthode est venue d’elle-même, je ne me rappelle pas avoir eu de désaccords avec Vincent, et même par rapport à la structure du bouquin, les chroniques d’albums dont tu parlais, elles sont intégrées dans le récit, on ne s’est pas concertés pour que ce soit comme ça. C’était assez naturel. J’avais l’habitude de parler d’albums, j’ai écrit des chroniques pendant plus de dix ans. J’ai retrouvé ce truc-là, mais en l’intégrant au récit. C’est venu naturellement, et puis quand tu parles de musique, tu parles des albums.

J’ai trouvé que les chroniques sont les moments où vous apparaissez, en comparaison avec les passages plus narrés, avec un ton plus objectif, ou les témoignages extérieurs.

Vincent Piolet : Sur le premier album, j’ai dû laisser transparaître des souvenirs et du ressenti parfois. En termes d’écriture, on voit que Pierre-Jean a l’habitude d’écrire des chroniques. En relisant je me suis rendu compte que j’ai pas mal écrit sur le troisième album, mais je suis moins allé dans les critiques musicales et plus dans les relations entre les personnes. J’ai aussi beaucoup écrit sur le quatrième, j’avais pas mal vu les ingés son, je m’étais intéressé aux pochettes, le nom « NTM », les histoires de justice, etc. Ça se complétait bien parce que ce que Pierre-Jean a écrit sur le deuxième en mode critique sur les titres, je n’aurais pas réussi à bien le faire. C’est un exercice de bien écrire une critique. Je pense donc qu’on s’est bien complétés. Je parle pas mal du premier, sur le deuxième on est plus dans la critique, je parle du troisième et lui reprend la main sur le quatrième, ce qui permet de varier les rythmes, que ce ne soit pas trop linéaire.

Pierre-Jean Cléraux : Franchement on s’est bien réparti les trucs, c’était super complémentaire. Ce qui était cool, c’est qu’au moment où on écrivait chacun sur nos parties, Vincent me filait des retranscriptions d’interviews qu’il avait réalisées lui, et moi je faisais pareil quand il écrivait sur un truc de son côté. Ou alors on rajoutait sur la partie de l’autre à l’occasion. Finalement, j’ai posé la question autour de moi, auprès des gens qui l’avaient lu, pour savoir s’ils avaient senti une différence stylistique entre nous deux, et je n’ai pas l’impression que ça saute aux yeux. La volonté c’est aussi de s’effacer par rapport au sujet, ce n’est pas un exercice de style, en soi c’est un documentaire. Le style qu’on peut relever sur le bouquin, c’est plus au niveau de la syntaxe, ou de l’approche du sujet. Là par exemple tu as un bouquin qui est sorti sur Manu Key, écrit par Manu Key. On est purement dans l’autobiographie, qui est un exercice complètement différent. Pour nous le parti pris n’était pas de raconter la vie de quelqu’un, mais d’aller dans le détail… On ne voulait pas faire un roman autour de ça. On aurait pu le faire en intégrant dedans des éléments documentaires. Mais on voulait juste s’effacer par rapport au sujet, et l’approche documentaire allait de soi.

Pour finir, j’aimerais savoir quel est votre album préféré de NTM à chacun.

Pierre-Jean Cléraux : Je connais la réponse de Vincent.

Vincent Piolet : Je disais quoi moi ?

Pierre-Jean Cléraux : Sur les dernières interviews tu disais que tu avais kiffé le troisième… (rires)

Vincent Piolet : Mais je peux changer d’opinion en fonction des interviews.

Pierre-Jean Cléraux : Et tout à l’heure tu as dit que tu aimais bien le quatrième (rires)

Vincent Piolet : Techniquement le quatrième est plus abouti, mais le troisième, pour moi, c’est la Madeleine de Proust. Le premier c’est la fin de la primaire, le début du collège, c’est dur. C’est plutôt sur des titres… Non mais le troisième oui. C’est un film en fait, du premier titre à la fin, il y a du scratch partout, tu as des super prods à la new yorkaise, il y a de tout, des interludes… Il est super bien fait, les flows sont bien construits, tu as les Psyko qui sont super forts dessus… Oui le troisième.

Pierre-Jean Cléraux : Moi c’est pareil, c’est le troisième aussi je pense, même si ce n’est pas le premier album de NTM que j’ai acheté. Le premier c’était J’appuie sur la gâchette, puisqu’un pote avait acheté le troisième, donc je le connaissais un petit peu, et je voulais creuser. Je me prends une grosse claque avec le titre « J’appuie sur la gâchette ». Au niveau du souvenir je me rappelle très bien de ce titre-là, et de quelques autres de l’album, mais je suis d’accord avec Vincent, en tant que fan de rap new-yorkais, le troisième est très très fort. On ne se fait pas chier quand on écoute le troisième.

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