Alors que l’on attaque la dernière décennie, que d’aucuns n’hésiteront pas, dix ans plus tard, de qualifier de nouvel âge d’or du rap français, il est toujours bon de rappeler que le rap d’il n’y a pas si longtemps était bien différent de celui que l’on connaît aujourd’hui. Et ce, non tant au niveau des sonorités que dans son essence même. En effet, alors qu’un an après 2010, la révolution des réseaux sociaux allait faire exploser L’Entourage, dix ans après, strictement n’importe qui armé d’une caméra et d’un micro est potentiellement en mesure de se faire connaître. S’il est encore difficile d’avoir le recul nécessaire pour balancer à froid les aspects positifs et négatifs de cette révolution, il est absolument indéniable que l’impact sur la façon de consommer de la musique, et par là, de fournir ladite musique aux consommateurs, est colossal. D’autant qu’à peine quelques années plus tard, c’est une nouvelle révolution, celle du streaming, qui va planter les derniers clous dans le cercueil d’une industrie du disque agonisante, et finir de dématérialiser complètement le rap. Toujours plus proches du mode de production américain, les rappeurs français vont progressivement imiter l’éternel modèle et entrer dans une frénésie de sorties, privilégiant la quantité à la qualité dans un monde où l’on est déjà ringard si l’on n’a pas d’actualité pendant six mois. En revanche, cette fragmentation du rap va permettre l’émergence de nouveaux pôles, et offrir des possibilités à des artistes pétris de talent qui n’auraient pas eu la chance d’être exposés quelques années auparavant, mettant fin à l’éternelle dyade Marseille / Paris. Même si les symptômes précédemment cités mettront encore quelques années pour être pleinement effectifs, et que la révolution va s’opérer de manière progressive, 2010 est bien la fin d’un monde. Tout caricaturaux que peuvent être certains passages, le documentaire La vérité sur le rap indé, sorti en janvier 2011 et en partie trouvable sur la toile, donne une bonne idée de ce qu’était la réalité du rap pour ceux qui n’avaient pas la chance d’être en maison de disque. La mise en danger financière pour sortir quelque chose ou la dépendance aux grands médias sont des réalités ayant peu à peu disparu au cours des années suivantes. Ainsi, c’est parmi les vestiges d’un rap encore dans un état de semi-précarité que nous vous emmenons, à travers vingt albums que nous avons considérés marquants. – Xavier
Dj Blaiz – Appelle-Moi MC Vol. 1
Paru le 18 janvier 2010 | > Rap Théorie
Les Cool Sessions, Time Bomb, Mission Suicide, Sang d’Encre, Première Classe, Néochrome, Sad Hill, L 432 ou encore la BO de La Haine et de Ma 6-T Va Crack-er. La simple évocation de ces projets historiques du rap français replonge l’auditeur dans des souvenirs radieux. Format commun durant les années 90 et début 2000, la compilation s’est faite malheureusement de plus en plus rare au fil du temps. En 2010, DJ Blaiz lui aura permis de retrouver ses lettres de noblesses grâce à la sortie d’Appelle-moi MC Vol. 1. Authentique fer de lance de la scène indépendante, c’est en véritable architecte et coordinateur qu’il aura réussi à rassembler de nombreux rappeurs et beatmakers présents sur trente-neuf morceaux, le tout sous la forme d’un double CD. Cet opus est clairement frappé du sceau du 18ème arrondissement de Paris, tant par la provenance des MC ‘s conviés que par le lieu d’enregistrement, le studio du label UGOP où travaillait Blaiz à l’époque en tant qu’ingénieur du son. Concernant les morceaux marquants, on se souvient encore de « Laisse tourner la musique » de Dino produit par Nodey, au même titre que du featuring entre Flynt et Nasme intitulé « Rap théorie ». « Mode d’emploi » de Pejmaxx et du duo Soulchildren fait aussi partie des titres percutants du projet. Il est également important de noter la participation d’artistes accomplis comme Rocé, Hifi et Grödash, présents sur la scène rap francophone depuis des années, venus apporter leur grain de sel à cet opus fédérateur réalisé avant tout pour et par des passionnés. C’est avec ce même désir d’union que DJ Blaiz sortira cinq ans plus tard Appelle-Moi MC Vol. 2. Fort de son expérience précédente, il réussira à y faire cohabiter entre autres des chanteurs comme Lino, Deen Burbigo, Aketo, REDK, Furax ou encore Shabazz The Disciple. Une initiative qui force l’admiration. Nul doute que nous nous replongerons dans ce second volet en 2025. – Jordi
Rocé – L’être humain et le réverbère
Paru le 8 mars 2010 | > Si peu comprennent
Troisième album de Rocé dont le verbe, immédiatement reconnaissable, invite dès le premier morceau à la réflexion, L’être humain et le réverbère est sorti dans les bacs le 8 mars. Si l’ensemble des projets de l’artiste est nourri de références diverses et variées qu’il est difficile de résumer en quelques mots, le thème de la critique sociale apparaît comme étant le fil conducteur des textes. L’être humain et le réverbère conte l’histoire de l’homme désincarné et oppressé qui, au sein des villes, erre sans perspective véritable. Cette thématique, peu réjouissante, permet malgré tout à l’album d’atteindre la 72ème place du top album en France. Ces chiffres témoignent d’une certaine attente autour de l’album et d’une base d’auditeurs fidèles qui s’est constituée depuis Top départ en 2002. Le « trentenaire qui rappe comme un adulte » (« Si peu comprennent ») n’a pas hésité à aller chercher son inspiration musicale en-dehors des instrumentales classiques du rap français. Avec des influences funks et rocks, les beatmakers à la baguette, dont on citera notamment Sparo et Sil Maladin, parviennent à créer une ambiance particulière qui rendent l’écoute de l’album, dix ans plus tard, très agréable. Résolument conçu pour s’inscrire dans un temps long, en-dehors des modes, le projet a bien vieilli et les thématiques abordées n’ont malheureusement pas pris une ride. En dix années, « Si peu comprennent », « Des questions à vos réponses » ou « L’être humain et le réverbère » sont devenus des classiques et le rappeur a continué à porter la voix des oppressés et des oubliés. Les choses n’ont pas beaucoup changé « Au pays de l’égalité ». – Costa
AELPEACHA, DRIVER ET LE CSRD
En 1994, sort Clerks, film indépendant au budget minuscule, qui marquera pourtant l’histoire du cinéma américain, et qui introduira le View Askewniverse. Il s’agit là d’un univers fictionnel, regroupant des lieux anonymes et pourtant iconiques, et des personnages récurrents apparaissant de manière régulière dans de nombreux films de Kevin Smith, parfois en tête d’affiche, parfois au second plan, chacun ayant le droit à son heure de gloire. Ces retrouvailles constantes nous offrent une confortable sensation de familiarité. De l’autre côté de l’Atlantique, on peut retrouver un sentiment similaire en se penchant sur la musique produite dans la nébuleuse du CSRD. 2010 restera comme une cuvée marquante pour le collectif grâce à deux albums. Le premier, L’architecte, met en vedette Driver – qui n’est pas directement membre du CSRD mais qui est toujours resté dans leur sillage – avec un projet entièrement produit par Aelpéacha, pierre angulaire du groupe. C’est finalement quelques années après ses gros succès que Driver sort ce qui est sans doute son meilleur album. On y retrouve sa recette caractéristique, mais à un niveau de maîtrise encore supérieur : storytellings à la cool, sens du portrait, références rapologiques affinées et flow laid-back ultra-précis. L’album se révèle varié et très complet, notamment grâce aux productions d’Aelpéacha qui fourmille de belles idées : influences funk 80’s, talkbox, utilisation des flûtes, grosses basses à la Dam-Funk (alors très en vogue), etc. En dehors du duo Driver-Le A, on retrouve deux figures familières : Black Pimp Thomas et Dogg Master. Ce disque a un côté familial mais il reste tout de même très personnel pour Driver. Rien de comparable donc avec Le lubrifiant d’Aelpéacha et MSJ qui réunit une grosse partie de l’équipe et où le micro semble passer dans les mains de toutes les personnes présentes dans le studio, comme en témoigne le volontiers cacophonique « Poulet citron » ou « Tu vas marcher ». Le lubrifiant est ce genre de projet qui donne le sourire dès les premières notes. Ça kicke joyeusement, alternant les productions, les ambiances, les flows, dans un esprit fraternel qui donne souvent l’impression de se retrouver dans une soirée entre amis proches qui aurait un peu dégénéré. On en ressort avec une envie d’accompagner tous les refrains de manière collégiale pour rejoindre la bande. – Jérémy
Ahmad – Justin Herman Plaza
Paru le 20 mars 2010 | > Ahmadeus Plus
Au tournant des années 2010, le gouvernement Fillon nous les casse avec les retraites et le voile intégral, Iniesta aurait dû avoir le Ballon d’Or et les webzines rap sont rares, avec des lignes éditoriales pas toujours originales. Néanmoins, certains se tournent vers des artistes méconnus pour tenter de les mettre en lumière. Si l’on ne se rappelle malheureusement plus quel média nous a permis de découvrir Ahmad, le souvenir que nous a fait Justin Herman Plaza est quant à lui bien vivace. Sur ce projet concis, entièrement produit par ses soins, le Montpelliérain est impressionnant, d’autant plus quand on réécoute ses projets précédents (Le sens de la formule en 2005 ; Le môme qui voulut être roi en 2007) qui sont somme toute, honorables, mais pas mémorables. Affranchi de tous les codes de l’époque, explorant des univers inédits, assumant ses multiples identités, A.H.M.A.D. s’en donne à cœur joie. Son rap est un puzzle de mots et de pensées et qu’importe que son propos ne soit pas toujours compris à la première ou à la dixième écoute, les punchlines ou haïkus se succèdent et font mouche (« Je résouds pas mes problèmes, non, j’apprends à vivre avec », « Les pieds sur terre donc toujours emmurés, la tête dans les nuages, donc bon toujours enrhumé », « La Bible ne fait pas le moine »). Le niveau atteint montre que Sameer arrive à maturité artistique et qu’il a trouvé sa formule secrète. Seul bémol, les featurings sur l’album ne sont pas à la hauteur et souffrent de la comparaison. Si son auditoire est alors confidentiel, le morceau « Mon polo » lui aura permis de franchir un palier en terme de vues et de reconnaissance. Avec Justin Herman Plaza, Ahmad est passé du rookie qui voulait devenir roi, à potentiel all star. Suivront des feats avec Sako puis Dany Dan, qui confirmeront qu’Ahmad a le fond et la forme. – Chafik
Casey – Libérez la bête
Paru le 8 mars 2010 | > Créature ratée
C’est en 2006 que Casey se dévoilait à la scène du rap français. Après une carrière plus discrète au sein d’Anfalsh, son premier album allait l’imposer comme une valeur plus que sûre pour les amateurs de bonne rime et de violence. Si ce Tragédie d’une trajectoire brut de décoffrage laissait entrevoir une rappeuse de qualité nettement supérieure à la moyenne, la confirmation qui viendra quatre ans plus tard, avec Libérez la bête, la fera définitivement passer dans la catégorie des plus grands de son temps. En effet, si le discours de Casey reste globalement le même dans les grandes lignes, il s’allie cette fois à une forme beaucoup plus affinée. Les schémas de rime sont précis, les lignes finement ciselées, le tout donnant presque une dimension académique à un ensemble de prime abord assez sauvage. Comme si la bête libérée avait en réalité canalisé l’énergie débordante du premier album, pour donner naissance à une violence savamment travaillée. Cette tendance est clairement visible dès le premier couplet de la post-introduction « Regard glacé » puis surtout dans le monumental « Créature ratée ». Les assonances et allitérations fusent, alors que chaque ligne semble finement calculée. Puis les titres s’enchaînent, mêlant mauvaise humeur générale, misanthropie, mais aussi des thèmes sérieux et chers à l’héritage antillais de Casey, comme sur « Sac de sucre » ou sur « Aux ordres du maîtres » où est convié AL. Outre ce dernier, on trouve également Prodige et B.James sur « Primates des Caraïbes ». Comme à son habitude, la MC de Blanc-Mesnil évolue en petit comité, « en famille », puisque tant AL que ses compères d’Anflash l’ont accompagnée tout au long de sa carrière, elle-même étant présente sur la plupart de leurs disques. Dans l’ensemble, Libérez la bête dépasse en tout point son prédécesseur, tant dans le fond, plus épuré, que dans la forme, plus structurée. S’il a essentiellement été retentissant dans l’underground français, il demeure, encore aujourd’hui, une pièce importante de l’histoire du rap en France, alors que l’on est toujours dans l’attente du troisième. – Xavier
Mister You – Présumé Coupable
Paru le 29 mars 2010 | > Lettre à un traître
Véritable phénomène des internets, Mister You conquit son public avec d’innombrables mixtapes qui se concluront en apothéose par Présumé Coupable en 2010. L’histoire fait désormais partie de la mythologie du rap français : le jeune Younes Latifi saute de sa chambre en 2ème étage pour éviter à la police et se lance dans une cavale qu’il documentera largement au travers de sa musique mais aussi dans des vidéos qui deviendront vite virales. Artistiquement, et ça ne lui plairait pas, ce n’est pas par l’écriture qu’il se démarque. Ses rimes sont souvent simples, les thèmes sont éculés (bien que la situation dans laquelle il vivait légitimait complètement cet aspect) et la manière de les traiter n’a rien de très originale. L’histoire donne toujours une saveur très authentique mais l’inondation des bacs des disquaires parisiens spécialisés fait qu’on s’y habitue vite. Et il n’y a aucun problème à ça. C’est au niveau de ce que dégage Mister You que la différence se fait réellement. Véritable boule d’énergie très à fleur de peau qui a beaucoup de choses sur le cœur et un gros vécu, You transforme n’importe laquelle des phrases qu’il prononce en un cri du cœur. Cavale oblige, certains couplets sont recyclés ou reprennent des phases d’autres mais chaque sortie, featuring ou freestyle est un phénomène. Le street album est donc mis en circulation par ses proches alors qu’il est en prison. Ils reprendront notamment le fameux « Lettre à un traître » et ajouteront des morceaux inédits. Entre les rappeurs déjà légendaires et autres poids lourds de l’underground parisien de l’époque se faufileront notamment Lacrim et Brulé (actuel Brulux). Mais, surtout, il relèverait de la faute professionnelle de ne pas mentionner la maitrise rigoureuse et avant-gardiste des ad-libs du rappeur de Belleville. La même année, il signe en major et sort « Les petits de chez moi », son premier succès grand public diffusé en radio. On sent alors jusque dans la qualité audio, même pour des oreilles non averties, que les moyens sont mis en place pour développer le potentiel de l’artiste et la mixtape qui s’en suit, M.D.R : Mec de Rue, confortera les auditeurs dans leurs attentes. – Wilhelm
Sexion D’Assaut – L’école des points vitaux
Paru le 29 mars 2010 | > Wati by night
Sept minutes intenses et sombres, durant lesquelles le micro tourne sept fois pour qu’à peu près chacun puisse y aller de sa petite analyse de la situation, à coup de punchlines un peu forcées. L’intro de L’école des point vitaux, interminable et parfois assommante, est presque indigeste par moments, contrastant avec la suite du projet, déchaîné et impétueux ici, enjoué et enjaillant là. Plein du bon petit goût de l’arrogance qu’apporte le succès, l’album porte le sceau de ceux dont l’ambition ne connaît plus d’obstacle. Après les résultats très prometteurs de L’écrasement de tête sorti l’année précédente, le collectif est désormais signé chez Sony et ne s’interdit ni ses penchants pour les morceaux conscients moyennement crédibles, ni les grosses ficelles des morceaux grand public, tremolos R&B ou relents pop à l’appui. Et pourtant, comme souvent quand on n’a plus beaucoup de tabou ni franchement de pudeur, quand on n’a trop peu à perdre et pas grand-chose à prouver, ou en tout cas à plus grand monde, ça marche. Le vrai premier album de La Sexion est un carton absolu, et soyons honnête, plutôt mérité. Que les puristes et rabat-joies ravalent leur fiel et leur mépris de la réussite, le triomphe du groupe devant une large audience n’enlève rien au talent et à l’énergie indomptable de ses membres. Que celui qui n’a pas, encore une fois, outrageusement kiffé sur les refrains hyper efficaces de Gims, salué les placements sans appel de Lefa, ou repris en chœur les gimmicks du collectif, jette le premier CD. Au début de son ascension fulgurante, la Sexion casse tout sur son passage, boucle une tournée en grande pompe et, osons le dire, participe au formidable regain d’attention du public pour le rap francais à une époque où le hip hop avait surement besoin d’un enthousiasme prêt à déborder de ses limites pour aller chercher, dans la variété, une audience plus large.. Avec le hit « Désolé », qui passe tellement en boucle sur Skyrock que ça en devient épuisant, et le « Wati by night » qui écume toutes les bonnes soirées de l’époque, le clan du Wati B s’assure une place au soleil dans les bacs, qui mènera son opus au triple disque de platine en même pas un an. – Sarah
GHETTO FABULOUS GANG, LE DÉBUT DE LA FIN
Quand l’année 2010 commence, il n’est certainement plus besoin de présenter Alpha 5.20 ou le Ghetto Fab, dont les membres font déjà tous figure de vétérans sur la scène parisienne. Le moins que l’on puisse dire c’est que la prolifique formation aura donné de la matière, pendant sa dizaine d’années d’hyperactivité, aux aficionados de gansta rap, indépendant, et sans filtre. Aux autres aussi d’ailleurs. En janvier de cette année-là, après de fâcheux déboires personnels et un court séjour en prison, Alpha 5.20 revient, avec sous le bras des projets variés pensés pour laisser définitivement une trace dans les esprits et au-delà des limites du genre, tandis que dans son sillage, une petite nébuleuse de mixtapes et compilations continuent de voir le jour, toujours disponibles au stand de Clignancourt, toujours en provenance du 77 ou du 93. Chacun à leur façon, Alpha, O’Rosko, et Shone, notamment, accompagnés de leurs multiples invités et amis, surfent toujours avec talent sur les recettes qui ont su conquérir un public, qui de fait, est toujours au rendez-vous. Pourtant, quelque chose a changé du côté d’Ousmane Badara. Scarface d’Afrique, l’un des projets qu’on trouve dans la besace 2010 du Spinassien, est aussi virulent et direct, aussi impactant dans les formules, aussi fort dans l’imaginaire et solide dans la description d’un monde manichéen dont le bien aurait simplement disparu, que les projets égrainés les années et les mois précédents. Sauf que cette fois, Alpha 5.20 nous explique que cet album veut être celui qui laissera derrière lui une trace testamentaire, qui le fera entrer pour de bon dans la légende du game à la française. Alors que ses acolytes sont encore dans le haut de la vague, Alpha est déterminé à mettre fin à une carrière, pourtant alors à son apogée. Scarface d’Afrique est immédiatement présenté comme un dernier album, et est vendu ainsi au stand du GFG, à ce public avide de la parole franche du porte drapeau d’un ghetto qui se débrouille, en dehors des sentiers battus… C’est sûrement un signe, on trouve sur cet album tout ce qui rend Alpha si unique et reconnaissable, à une exception près : Alpha y pose seul. Pas de featuring, en effet, qui font pourtant partie de l’ADN communautaire du GFG et de son fondateur. Il nous livre un format assez standard d’une quinzaine de titres, construits autour de prod coup de poing, en ligne avec sa tradition, quoi qu’un brin plus sombres, et d’« interludes » riches et denses, qui donnent toujours plus de profondeur et d’intérêt aux couplets du « pharmacien ». Des extraits de films en trame de fond, comme toujours, résonnent un peu différemment cette fois pour celui qui s’est également mué en acteur, cette année-là, devant la camera de Jean-Pascal Zidi. Association de rappeurs talentueux et impulsifs, label indépendant audacieux et fier, et désormais maison de production pour film esthétique d’auteur en marge, c’est à l’orée d’une gloire qui n’avait qu’à croître sur un modèle exponentiel, que le GFG amorce son déclin, ainsi accéléré par la retraite inattendue mais résolue d’Alpha 5.20. – Sarah
C.Sen – Correspondances
Paru le 1er avril | > Anti-héros
Après deux mixtapes réalisées avec son collectif 75018 Beatstreet, C.Sen pu enfin sortir son premier album solo en 2010 sur le label Only Music. À l’écoute de celui-ci, il semble évident qu’il lui aura fallu de longs mois pour penser ce projet, l’écrire et collaborer étroitement avec les deux producteurs Oliver Dax et Walter Wallace, issus de l’électro et du funk. Dans la lignée de tous les lyricistes du 18ème, C.Sen narre avec amertume et humilité le quotidien du célèbre arrondissement où « si le ciel est bleuté c’est grâce aux flics ». Les textes griffonnés dans le métro parisien, entre deux correspondances, nous offrent des thématiques variées. Paris et ses rues résonnent dans « Demande à la poussière », « Ce soir », « Disque rayé » et viennent contraster avec ses envies d’ailleurs qui le poussent à vouloir « Voir du pays ». Il relate aussi avec humour et autodérision ses relations tumultueuses avec la gent féminine (« Le couloir »). Cependant, le morceau phare de cet album reste sans doute « Anti-héros » produit par le musicien Benoit Courti. Sur une boucle de piano cafardeuse, le rappeur fait preuve d’une technique hors pair, d’une interprétation brute mêlant sensibilité et authenticité. Une véritable mise à nu rarement égalée dans le rap français. Dix ans plus tard, et après deux autres projets de qualité, notamment le surprenant Vertiges dans les bacs depuis deux ans, il paraît évident que C.Sen reste un artiste unique ayant réussi à construire et développer un univers singulier. Même si « vendre 18 milliards d’albums ce n’est pas le but », celui qui aspirait à « ressembler à personne en ayant l’air de tout le monde » aurait sans doute mérité une plus grande visibilité et une carrière à la hauteur de son talent. Le tagueur peut au moins se targuer d’un large succès d’estime auprès des passionnés. – Jordi
Despo Rutti – Convictions suicidaires
Paru le 26 avril 2010 | > Innenregistrable
Que reste-t-il d’une œuvre une fois vidée de sa substance ? A l’époque actuelle, certaines mauvaises langues seraient tentées de répondre que cela ne changerait pas grand-chose. Si ce constat se justifie pourtant de plus en plus souvent, il reste de coutume d’essayer de faire des concessions, la substance d’un album ou d’un morceau s’intégrant plus facilement lorsque le plaisir auditif est assuré. C’est toute la singularité de Despo Rutti sur la grande scène du rap, et tout particulièrement à l’époque où il se fait connaître, à la fin des années 2000. A la sortie de son premier véritable album après le street CD Les sirènes du charbon, il est réputé rappeur brutal, engagé, voire punchlineur pour les qualificatifs les plus audacieux, dont on attendait la confirmation sur un premier véritable album. En réalité, pas grand-chose ne nous aura préparés à ce que l’on était sur le point d’entendre. Durant les 14 titres et l’heure qui composent cet album, Despo ne rappe pas très bien. Les couplets sont déstructurés, les rimes font parfois grincer, le flow manque de fluidité. Pourtant, quelques lignes font mouche, alors on y retourne. Inlassablement. Jusqu’à ce que de plus en plus de phrases percutent, jusqu’à ce que les intonations qui nous semblaient bizarres il y a peu nous paraissent maintenant extraordinaires et sorties d’un autre monde, jusqu’à ce qu’il devienne impossible d’écouter autre chose. Entré au panthéon du rap français et pour cause, « Innenregistrable » (que ça soit la version CD ou Skyrock) est probablement le morceau qui synthétise le mieux l’esprit du disque. Il occulte au demeurant un aspect fondamental de la musique de Despo : les thèmes tabous traités de manière très peu conventionnelle, que ce soit les violences policières (« Légitime défense »), le communautarisme (« L’œil aux beurs noirs » avec Nessbeal) ou encore la religion (« Destination Finale ? »). Le tour de force réalisé par ce rappeur légendaire est exceptionnel avec Convictions Suicidaires. En refusant les compromis, le MC du 93 fait apprécier la forme, par le fond. Ce qui en fait non seulement un grand disque de l’année, mais l’un des derniers très grands disques de cette musique. – Xavier
Dany Dan – A la régulière
Paru le 17 mai 2010 | > Briquets et portables
Lorsque sort A la régulière, Dany Dan fait l’unanimité, même s’il n’a pas de classique en solo à son actif. Poétiquement correct, sorti en 2006, avait beau fourmiller de fulgurances, de prouesses lyricales, de titres majeurs, il comportait des morceaux dispensables. Ce nouveau projet ne déroge pas à la règle : quelques prods ont mal vieilli, les feats, nombreux, sont assez anecdotiques, les invités n’arrivant pas toujours à l’ourlet de Pop’Dan. Mais. Mais le talent de Jordan est éternel et ne faut-il pas se rendre compte du plaisir que l’on ressent à écouter Daniel Lakoué ? Qu’importe qu’il privilégie encore et toujours les egotrips, tant qu’il continue de le faire aussi bien, qu’il rappe sur le rap, que les phases punchy se succèdent les unes aux autres (« J’n’étais qu’une flaque me v’là une stalagmite »), qu’il perfectionne l’art de la comparaison qu’il a lancé en France (« J’suis monté puis tombé mais j’ai rebondi comme un ballon Spalding »). Et puis Dan a plusieurs flèches à son arc, que ce soit via un exercice style (« Déjà »), un storytelling (« Ma planque ») ou lorsqu’il parle des femmes dans le sublime « Ma copine a une copine ». Le flow nonchalant du Sage Po’ est à rapprocher de son côté dilettante : un seul morceau a été clippé, à une époque où la musique se regarde de plus en plus, pas de tournée réalisée. Le Pape de Boulogne, terre promise des MC’s, semble avoir balancé ce projet pour le kif et ne ment pas quant à ses ambitions. Après plus de quinze ans de carrière, on comprend ce qui continue de faire marcher le sage poète de la rue, lui qui « n’voulait pas être célèbre, juste payer, rentrer chez lui voir sa femme, boire une bière, faire l’amour et chiller ». Il ne s’agit que d’ça ! – Chafik
LA PREMIÈRE EDITION, HISTORIQUE, DES RAP CONTENDERS
Dans l’histoire du battle rap en France, il y a eu un avant et un après 11 décembre 2010. Ce soir-là, à L’Eclipse, dans le 17ème arrondissement de Paris fut organisée la première édition des Rap Contenders. La culture du clash n’en était pas à ses premiers pas. IAM d’un côté, Sheryo & Ekoué de l’autre s’étaient échangés quelques amabilités, quant à Fabe, il avait remis à leur place Stomy Bugsy et Booba. Les clashs radiophoniques n’étaient pas en reste (Zoxea VS Dontcha ou encore Sadik Asken VS Sheryo). Au début des années 2000, 8 Mile allait à son tour marquer les esprits et devenir une référence pour les improvisateurs et battles MC’s. D’ailleurs, les ligues Dégaine ton style et End Of the Weak sont apparues à cette époque. En partance pour le Canada, Dony S se lance, avec son acolyte Stunner, dans l’organisation de battles a cappella jugés en France, influencé par les ligues outre atlantiques (Grind Time, URL, Word Up). Ce 11 décembre 2010 a donc vu six battles se dérouler, avec des participants, la vingtaine au compteur, tous parisiens, qui avaient écumé les open mics, bien déterminés à froisser leur adversaire du jour. Comme nous le disait Dony S, « Les deux gars les plus connus du RC1 étaient Blackapar et Gaiden, et ils n’étaient même pas connus ». A posteriori, ce qui saute aux yeux quand on jette un œil sur la carte, c’est la forte présence des membres de L’Entourage, collectif alors en développement et inconnu de tous. Durant cette soirée, les oppositions se font à base de multisyllabiques, d’attaques personnelles (dans lesquelles les mères et les compagnes prennent cher), de phases homophobes, mais aussi de jokes, de jeux de mots, de flips, le tout avec flow, attitude et beaucoup de second degré, dans une ambiance hip-hop. L’assemblée massée autour des battles MC’s est aux premières loges pour mettre la pression et (sur)réagir aux punchs de ses préférés. Parmi les oppositions phares, Deen Burbigo VS Blackapar et Alpha Wann VS Lunik sont des modèles du genre. Mais le battle Nekfeu VS Logik Konstantine est le premier bodybag de l’histoire des RC, le rappeur de 1995 bénéficiant alors d’une hype, qui a permis aux RC de prendre une nouvelle dimension. En effet, la mise en ligne des battles sur YouTube a été déterminante pour que cette ligue devienne un phénomène sur les réseaux et dans le game. La suite, c’est dix ans de battles, 16 éditions, avec une évolution constante dans l’organisation, l’émergence de MC’s, des moments légendaires, des polémiques, des dizaines de millions de vues, un champion incontesté. Historique, genre historique ! – Chafik
Nessbeal – NE2S
Paru le 14 juin 2010 | > Balles dans le pied
Alors que l’empire romain était à son apogée, Hannibal était un résistant téméraire, un formidable perdant magnifique. Après une vie passée à lutter contre la toute-puissance de Rome, se distinguant par des victoires héroïques, des défaites cuisantes, des folies aussi (la traversée des Alpes avec des éléphants), Hannibal a pu nourrir des regrets. Lui qui aurait pu porter le coup de grâce à son ennemi, a tergiversé, s’est retrouvé déclassé au point de finir sa vie par de nouvelles défaites avant de s’empoisonner. Le parcours d’Hannibal fait forcément penser à celui de Nessbeal (quoi c’est tiré par les cheveux ?!). Après La mélodie des briques et Roi sans couronne, tous deux certifiés classiques, NE2S vient clore une trilogie où le mot d’ordre pourrait être « Rien à perdre, rien à prouver ». Nabil semble plus que jamais conscient de ses forces, de son talent, mais surtout de ses lacunes, de ses erreurs de parcours et porte ses cicatrices comme des trophées. Décomplexé, n’attendant plus rien du game, évoquant déjà un retrait de ce milieu, Nessbeal kicke sa merde avec son style si caractéristique et multiplie les hymnes du ghetto. S’il est souvent associé à Salif et Nubi, le rap du Dicidens ne se distingue pas par une technique largement au-dessus de la moyenne. Il serait plus juste d’ailleurs de le rapprocher d’un Despo. Introspectif, artiste torturé, poignant, NE2S n’hésite jamais à exhiber ses limites, ses interrogations, à se condamner presque, justifiant quasiment son statut de rappeur maudit et ses ventes moyennes, même s’il semble avoir le buzz dans la presse et dans la tess. Pour Nessbeal, les années 2000 auront été une traversée du désert, les bouteilles à la mer n’auront pas atteint leur destination. Fatigué par cette capacité à se mettre une balle dans le pied, il se fout de sa carrière de rappeur qui lui a couté si chère, vole au-dessus ça, se rappelant qu’à chaque jour suffit sa peine. – Chafik
400 Hyènes – L’esprit du clan
Paru le 21 juin 2010 | > Aux armes
La seconde moitié de la décennie, que l’on retrouve également sous l’appellation élégante et habile des « années Sarkozy », resteront dans l’histoire comme une période où le rap était marqué par une recrudescence de gangsta rap, plus ou moins réussi selon les cas. De fait, énormément de rappeurs, dont certains étaient au demeurant très talentueux, sortiront très rapidement des mémoires à cause d’une affiliation à ce type de rap, et donc, auront rapidement une étiquette de « rappeur oubliable », car insortable de son contexte temporel et donc, incapable de traverser les âges et les modes. Si 400 Hyènes (et notamment La Hyène) est ressorti du bois ces dernières années, avec une mixtape et quelques apparitions, il est difficile de ne pas mettre le duo du Bois l’Abbé dans cette catégorie. Pour autant, l’affiliation des deux rappeurs val-de-marnais au gangsta rap est quelque peu maladroite, puisqu’ils revendiquent plutôt des influences venant du Queens et d’un autre duo bien connu du coin. 400 Hyènes aura ainsi connu une petite notoriété au cours de cette fin de décennie, couronnée en 2010 avec la parution de leur troisième et meilleur album, L’esprit du clan. Les thèmes du gangsta rap ne sont pas non plus particulièrement prépondérants dans leur rap. On retrouve plutôt l’exaltation de l’indépendance (couronnée par le légendaire « Les funérailles de Skyrock » avec Ekoué), la haine des instances gouvernementales, pour le coup parfaitement en phase avec la mouvance des « années Sarkozy » (l’excellent « Aux Armes » avec Mac Kregor) ou encore la vie de cité. Mais c’est un univers excessivement sombre qui émerge du disque, La Hyène et K-Push décrivant avec un réalisme froid la réalité poisseuse d’une vie sans grande perspective d’amélioration. On ne respire pas vraiment au cours de l’heure et quart, les invités s’intégrant parfaitement à cette atmosphère morbide et lugubre. On peut décemment dire que L’esprit du clan reste un album important, car marqueur d’une certaine époque et d’une certaine façon de faire du rap, quand bien même il n’a pas eu assez de résonnance pour savoir s’imposer face au temps. – Xavier
Dooz Kawa – Étoiles du sol
Paru le 21 juin 2010 | > Dieu d’amour
Nous sommes en 2010 et le premier album d’un artiste quasi inconnu jusque-là vient de sortir. Intitulé Étoiles du sol et composé de treize titres, il est pourtant la première pierre à l’édifice de la carrière musicale du rappeur Dooz Kawa. Après avoir fait ses armes avec son posse T-Kaï Cee, le Strasbourgeois d’adoption sort donc son « debut album » (comme disent les américains), premier point d’orgue d’une discographie qui sera par le futur, d’une grande qualité. Étoiles du sol c’est d’abord le résultat de plusieurs années de concerts, de festivals, de rencontres et diverses collaborations. Quatre années avant la sortie du projet, Dooz Kawa faisait la connaissance de Biréli Lagrène, prodige du jazz manouche ainsi qu’un certain Mito Loelffler, lui aussi grand maître de la discipline et hélas disparu depuis. Cerise sur le gâteau ou plutôt plectre sur les cordes, 12 K.O. rencontre également en 2009 Mandino Reinhardt, figure de proue incontestée du jazz gypsy (en même temps avec un patronyme pareil, il y était destiné). Voilà comment Dooz Kawa a trouvé et invité ces incroyables artistes sur son album. S’ajoutera Raid’n Project, présent aux cotés du MC depuis les prémices. Coté production, outre tous ces fabuleux ajouts de guitare et de balalaïka (sorte de luth russe), on découvre aussi des prods aux samples léchés (René Aubry, Jacques Brel) produit par Nano, beatmaker et arrangeur qui par la suite sera derrière quasiment toute la discographie de Kawa. Mais n’oublions pas que ce qui fait la force de Dooz Kawa, hormis ses admirables influences, ce sont ses textes. Toujours très poétique, oscillant entre lyrisme exacerbé et images plus crues, entre onirisme et spleen, parlant d’amour, de croyance, de choix et bien évidemment, avec un coté introspectif assez abyssal, Dooz Kawa délivre ses maux d’un ton tendu et avec sa voix reconnaissable entre mille : chevrotante, cassée et au bord de la rupture. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour se rendre compte qu’Étoiles du sol allait être la clef de voûte de l’œuvre de Dooz Kawa. Puissant, poétique, dépaysant et unique, cet album nous transcende et nous transporte, comme des lumières esseulées dans la nuit. – Clément
Salif – Qui m’aime me suive
Paru le 21 juin 2010 | > Salif vs. Salif
Juin 2010, plateau de l’émission Canal Street animée par les jeunes Alban Ivanov et Issa Doumbia, un guitariste envoie un solo qui vient boucler « L’homme libre », morceau final de Qui m’aime me suive, prochain album de Salif. Le rappeur est confiant, il vient présenter un projet qui amorce, sur sa deuxième moitié, une audacieuse transition : il va s’essayer au chant, tâtonner un peu l’autotune, et même rapper sur des sonorités rock. Cette seconde partie doit donner la couleur du disque suivant. L’album n’aura malheureusement pas le succès escompté, et la métamorphose de Salif n’aboutira jamais totalement, puisqu’il arrêtera la musique juste après. Que peut-on dire aujourd’hui de cette dernière prise de risque du rappeur boulonnais ? Même en ayant de l’affection pour Salif, il est difficile d’en parler comme d’une totale réussite, du fait de quelques gros loupés, à l’image du refrain de « Prison de vers » ou du morceau « J’aime pas les clubs ». Mais à côté de ces expérimentations, l’on retrouve aussi des titres comme « L’homme libre », « Salif vs. Salif » ou « Qui m’aime me suive », qui viennent concurrencer ses précédents grands morceaux, tout en s’appuyant sur des textures plus audacieuses. Si l’on prend l’ensemble comme une tentative, un disque n’étant pas voué à être parfait, alors on peut considérer ce Qui m’aime me suive comme une petite réussite, affichant de belles promesses, tant ses temps forts étaient réussis. Mais au vu du contexte, résulte aussi un peu de frustration, cet album restant comme le symbole d’une carrière avortée alors qu’elle prenait un chemin intriguant. Résultat ? Dix ans de supputations du public sur ce qu’aurait pu donner une éventuelle suite. – Jérémy
ROCKIN’ SQUAT, À VISAGE DÉCOUVERT
Si dans nos dossiers 2008 et 2009, nous avions fait l’impasse sur les volumes 1 et 2, nous ne pouvions rater l’occasion de faire le bilan des Confessions d’un enfant du siècle, pour la sortie du troisième et dernier volet en 2010. En effet, si les Etats-Unis nous ont habitués aux albums posthumes, Rohff aux doubles albums, les trilogies ne sont pas légion (on met de côté celle du jugement de Tandem bien sûr). L’entité Assassin étant en stand-by en dépit de la reformation du duo originel avec Solo lors d’un Olympia mémorable en 2009, Squat trace sa route et avance à visage découvert, au propre comme au figuré. C’est justement ce qui ressort de cette trilogie, nous avons autant affaire à Rockin’ Squat qu’à Mathias Cassel. Les morceaux personnels sont nombreux et permettent de dévoiler un Assassin sensible, qui parle de lui, de sa famille, d’amour, avec justesse. Squat continue d’aller au fond de son cœur et se révèle poignant dans l’introspection, comme sur « Eternel apprenti ». Mais si certaines choses changent, d’autres ne changent pas. Toujours opposé à la démocratie fasciste, contestant l’ordre mondial, alertant sur les illuminazis, Squat continue d’être un esprit libre, comme lorsqu’il interprète « France à fric » et non « Enfant de la balle » sur le plateau du Grand Journal. Surtout, il est plus que jamais tiers mondiste dans les trois volumes, en faisant la part belle aux morceaux rendant hommage à l’Afrique, mais plus encore à la culture amérindienne et en particulier brésilienne, avec une musicalité bienvenue. Niveau featurings, on retrouve entre autres Cheikh Tidiane Seck, Fafa Ruffino, Olodum, Seu Jorge, mais aussi Medine, Oxmo Puccino, Profecy, KRS One et à la prod, des proches (Niro, DJ Djuke, Soper et Squat lui-même, notamment). Si l’ambition musicale est réelle et confirme que Rockin’ Squat est bien un MC du 21ème siècle tout en étant un gardien du temple, que le travail sur les pochettes est remarquable, reconnaissons que cette trilogie est hétérogène et que le volume 1 semble le meilleur. – Chafik
Street Lourd 2
Paru le 12 juillet 2010 | > La danse des leurdeas
Avec leur compilation Street Lourd en 2004, Mista Flo, Teddy Corona et DJ Mosko ont présenté leur label du même nom de la meilleure des manières, en marquant le rap français au fer rouge, grâce au classique ultime « En mode » bien sûr, mais également quelques combinaisons marquantes telles que « Chacun sa manière » de Booba et Kery James ou « A quoi bon sert » de Rohff et Kamelancien. Une sorte de Première Classe à la sauce « Mafia K’1Fry », où de jeunes pousses partageaient le micro avec des poids lourds du rap français. Occupés par l’actualité de Kery James et quelques soucis de maisons de disques, les trois membres du label ont dû repousser la sortie du deuxième volet à plusieurs reprises, augmentant une attente déjà grande depuis son annonce en 2006. Le Ghetto Fabulous Gang, Sinik, Despo Rutti, Le Rat Luciano, Salif, Nessbeal… Le casting est aussi fourni qu’impressionnant, et la Mafia K’1Fry au complet a répondu présent, ce disque marquant leur dernière apparition commune sur un même projet. Au travers de combinaisons originales, tout ce beau monde est invité à lâcher son meilleur couplet de rap hardcore sur une grande majorité de bangers. Si certains morceaux s’apparent à du rap de rue générique de la fin des années 2000, Street Lourd II comporte quelques temps forts, avec en premier lieu l’imparable « Danse des leurdeas » de Mo’Vez Lang, Selim du 94 et Demon One, mais aussi le bien nommé « Pirate des Caraïbes » d’AP et Nubi, sans oublier les couplets de Zesau et Despo sur « Sauvages », et le redoutablement efficace « Ne compare pas » de Youssoupha, Ärsenik et Mam’s Maniolo. Mais surtout, Street Lourd II marque la première exposition de grande envergure pour Niro, qui en plus d’apparaître sur le « Freestyle Hall Star » entouré d’autres jeunes loups, bénéficie d’un titre solo de bonne facture. De cette première collaboration découlera une belle aventure entre Niro et le label val-de-marnais, sur lequel le rappeur de Blois sortira sa fameuse trilogie de premiers albums Paraplégique / Rééducation / Miraculé entre 2012 et 2014. – Olivier
Furax Barbarossa & Reda – Jour de deuil
Paru le 19 juillet 2010 | > Une canette, un joint d’plus
Dans la foulée du remarqué En bas de l’échelle, Furax enchaîne sur un album en collaboration avec son compère Reda. Les deux rappeurs du Polychrome 7 avaient déjà croisé le micro sur un court projet commun en 2006, et ils reviennent ici plus énervés encore. Les voix gutturales de Furax et Reda survolent des productions qui frappent, dans un esprit rap hardcore new-yorkais, et ce sur un CD rempli jusqu’à la garde. La puissance de ce Jour de deuil ne lui confère pas un aspect très raffiné, mais on y retrouve pourtant une belle qualité d’écriture, notamment grâce à un certain humour barbare qui prouve que les deux artistes conservent un certain recul sur l’imagerie qu’ils travaillent, et ce malgré le mode de vie violent et jusqu’au boutiste qu’ils dépeignent. L’odeur du joint et la 8.6 ne sont jamais loin. Dix-huit titres durant, Furax et Reda s’échangent les couplets avec une constante envie d’en découdre. En résulte un album qui nous laisse repus, presque malades, alors même qu’il s’avère plutôt addictif tant chaque ligne est posée de manière millimétrée. Tant l’énergie déployée pousse au respect du produit. Comme dans la Grande Bouffe, on en mangerait jusqu’à en crever. Jour de deuil restera comme un vrai aboutissement pour l’équipe Polychrome 7, et permettra de commencer à affirmer cette nébuleuse de rappeurs comme un véritable Army Of The Pharaohs à la française, ce qui manquait vraiment aux amateurs de rap hardcore en France. Une vision qui se verra définitivement concrétisée avec le collectif Inglourious Bastardz, dans une aventure qui continue encore aujourd’hui. – Jérémy
Mac Tyer – Hat Trick
Paru le 27 septembre | > Seine St Denis
S’il y a bien une chose qui caractérise la musique de Mac Tyer à travers le temps, c’est la couleur de ses ambiances, à classer parmi les plus sombres du rap français. En 2010, son parcours et sa discographie (détaillés dans « Introspection ») font de lui une référence incontestée du rap hardcore. Cependant, malgré le respect témoigné par l’ensemble du milieu (alors moins enclin à collaborer à cette époque) et une large couverture par les médias spécialisés, Socrate n’a pas encore véritablement explosé commercialement. Boycott des radios, conflits avec les maisons de disque, incompatibilité avec les mass médias, ou incompréhension du grand public ? Sans doute un mélange de tout ça, mais une chose est sûre, avec son troisième album Hat Trick, Mac Tyer souhaite remédier à cet état de fait. Dès la première écoute, cette ambition d’ouverture saute aux oreilles. Musicalement d’abord, puisque le rappeur d’Aubervilliers est sorti des sonorités dirty south qu’il affectionnait jusqu’alors pour s’aventurer, à l’aide de chœurs et de musiciens, dans des registres soul (sur le réussi « Obama said »), rock (« Attitude de rock star », « Incompris »), et électro (« Seine St Denis », « Ha ha ha »). Dans le discours, Socrate s’évertue à défroncer les sourcils par moments, et révéler des facettes de sa personnalité qu’on ne lui connaissait pas ou peu, dans un registre plus émotionnel. Cependant, Hat Trick reste un album de rap remarquablement produit par les incontournables et compères de longue date Blastar, Tyran, Philly et DJ Belleck. Il contient son lot de bangers, dont les très bons « Rap des cavernes » et « Tony a tué Many » et ses thèmes de prédilection tels que la rue, l’Afrique, la Seine Saint Denis ou la cause noire occupent toujours une place de choix dans ses textes. Malheureusement pour Socrate, Hat Trick ne connaître ni le succès ni l’exposition escomptés. Les nombreuses critiques sur le morceau « Ha ha ha », qui se détachait peut-être trop de l’image que Mac Tyer avait pu véhiculer jusque-là, ont fait oublier que ce disque audacieux, qui pêchait parfois par manque de cohérence, contenait son lot de morceaux réussis. – Olivier
LE CONTE MUSICAL ET CINÉMATOGRAPHIQUE D’AKHENATON
Entre deux albums d’IAM, une tournée, deux solos, « trois mômes à accompagner à l’école, trois sons et cinq textes à poser », Akhenaton s’aventure une nouvelle fois au cinéma, avec Conte de la frustration, en compagnie de Didier D. Darwin, qui s’est chargé de la réalisation de pochettes et de clips pour son ami, le Côté Obscur, mais aussi Soprano. Ce « conte musical » était à la base un album concept, retraçant vingt quatre heures de la vie de Daniel, trentenaire passionné de musique, qui végète dans un emploi alimentaire et fait péricliter son couple (Akhenaton, si ça n’avait pas marché ?). Répondant à un appel d’offres de France 2, le projet emporte l’adhésion de l’équipe de direction de la chaîne. Au casting, quelques beaux noms : Leila Bekhti, Nicolas Cazalé, Rochdy Zem, Omar et Fred. Une des forces de Conte de la frustration réside dans l’imbrication des morceaux dans le film, les deux s’enchainant dans des fondus astucieux, la musique devenant ainsi incontournable. Contrairement à Comme un aimant, AKH ne s’est entouré que de proches (Sako, Faf Larage, Veust), de voix féminines bienvenues (Amel Bent, Rivka) et se charge lui-même de l’essentiel des titres. Si « Fin de semaine » est typiquement « akhenatonesque », c’est surtout « Ma conscience » qui se distingue, en particulier par son interprétation inédite. Le flow suicidaire, au ralenti, va de pair avec les désillusions vécues par le personnage principal, qui s’enlise au fur et à mesure du film. Contrairement à tellement de longs métrages où les personnages sont artificiels, déconnectés du réel (des caricatures de bobos, c’est dire à quel point ils peuvent être détestables), dans Conte de la frustration, ils sont conscients de ce qu’ils sont et de ce qu’ils auraient préféré être. Mais il était écrit qu’il n’y aurait pas de happy end. Suite au changement de direction à la tête de France 2, la nouvelle équipe de programmation, nommée par Sarkozy, a placé le film en deuxième partie de soirée, le dimanche 8 août 2010, pour sa seule et unique diffusion. De la frustration. – Chafik
Nakk Mendosa – Le monde est mon pays
Paru le 18 octobre 2010 | > Mon ex
Jusqu’à l’hiver 2010, il fallait être très patient pour être fan de Nakk Mendosa. Alors que son Street Minimum s’accompagnait d’un énorme succès d’estime en 2006, le street album touche un public confidentiel au sein d’un genre musical encore trop confidentiel. Il faudra donc attendre quatre longues années pour obtenir, laborieusement, Le monde est mon pays, son véritable premier album. Laborieux puisque le CD ne sort alors qu’en vente par correspondance dans un premier temps. Premier album oblige, le Balbynien, épaulé par l’équipe émergeante de CasaOne Records, se livre énormément. Reconnu pour sa technique d’écriture impressionnante, il n’en est pas moins touchant. Expert déjà confirmé des story-telling, il en parsème tout le disque au point qu’on soupçonnera parfois que les personnages dépeints partagent certaines de ses propres émotions. On ne peut que mettre en avant le véritable bijou qu’est « Mon ex » on l’où réalise tour à tour (mais peu importe l’ordre) qu’il s’agit d’une histoire entièrement personnelle et que l’ex n’est pas celle que l’on croirait au premier abord. En janvier suivant, une édition collector et finale contenant 2 CD atteint enfin les disquaires plus accessibles pour le public. Le résultat souffre hélas de sa longueur : si l’attente et l’irréprochable prestation nous permettaient de dévorer les 18 titres, le total de 30 devient un peu moins digeste. D’autant plus que certaines instrumentales sonnent déjà vieillottes et que, lorsque la machine sera bien lancée et huilée, le principal concerné reconnaitra que certains morceaux étaient effectivement plus vieux que d’autres. En revanche, pour notre plus grand bonheur, il faut bien reconnaitre que toute cette époque a été vieillie par les évolutions sonores sud-américaines qui ont accompagné les années 2010. Plus encore, les odieuses plateformes de streaming nous offrent la possibilité de faire notre propre tracklist au sein de trente titres dont deux bons tiers sont d’excellente qualité et l’intégralité bénéficie d’un soin extrême dans l’écriture en plus d’une interprétation envoutante pleine de charisme. – Wilhelm
Booba – Lunatic
Paru le 22 novembre 2010 | > Ma couleur
15 septembre 2010. Quasiment dix ans jour pour jour après la sortie du mythique album de Lunatic, sort « Ceasar Palace », premier extrait du cinquième album de Booba, intitulé… Lunatic. Tout un symbole. Avec la voix de Diddy en intro et un clip avec Las Vegas en guise de décor, le ton est donné : B2O s’apprête à dévoiler un blockbuster, désireux de tout écraser sur son passage, notamment la concurrence. (« J’suis trop haut pour les clashs, renoi, tu crois qu’jvais péta Alpha ? ») « Ceasar Palace », mais aussi « Boss du rap game », « Jour de paye » ou encore « Saddam Hauts d’Seine » sont autant de morceaux venant affirmer, avec une bonne dose de démesure, son statut de boss de fin du rap français. En tout état de cause, il paraît avoir tenu compte des critiques de 0.9, tant au niveau de la direction artistique (plus cohérente) que de l’utilisation de l’autotune, Sur « Killer » ou « Ma couleur », on constate son usage si personnel de l’outil, une signature que l’on pourra retrouver sur des morceaux plus récents tels que « Petite fille » ou « 92iVeyron ». Les productions et le choix des invités (T-Pain, Ryan Leslie, Diddy, Akon) montrent un B2O en phase avec le rap US d’alors. Dans la veine d’Autopsie 3, on retrouve des morceaux à thèmes qui tranchent avec ses célèbres « puzzles de mots et de pensées » alors que, paradoxalement, les quelques facilités d’écriture observées sur 0.9 se confirment sur quelques fins de morceaux bâclées. Enfin, chose rare chez le rappeur du 92, tel un général des armées, il s’autorise quelques coups d’œil dans le rétroviseur comme sur le morceau dédié « Lunatic », ou le choix d’intituler « 45 Scientific » son duo avec Dosseh. Avec sept singles clipés et 200 000 albums vendus, la décennie 2010 se présente donc sous les meilleurs hospices pour Booba, et l’échec relatif de 0.9 paru deux ans plus tôt semble loin. Malheureusement, Lunatic et le titre « Si tu savais » marquent également la dernière apparition discographique de son acolyte Bram’s, décédé l’année suivante. – Olivier
Ol’Kainry – Iron Mic 2.0
Paru le 13 décembre 2010 | > La faucheuse
« Dyf a quitté Kodjo, et retrouvé son modjo. » La parution du quatrième album solo d’Ol’Kainry en 2010 marque le départ du MC de Courcouronnes du label Nouvelle Donne qui l’aura suivi depuis ses tout débuts dès 1997, et illustre aussi la détermination du rappeur, qui après avoir perdu un procès intenté contre lui par la marque Louboutin (pour utilisation d’une contrefaçon de l’escarpin dans le clip de « Sexy Legging and Louboutin »), a dû repousser sa date de sortie de trois mois et perdre huit mille CD prêts à être mis dans les bacs. C’est ainsi qu’Iron Mic s’est vu ajouter un « 2.0 », pour une version allégée du titre litigieux, mais contenant sept morceaux de plus que la mouture initiale pour un total de vingt-quatre morceaux répartis sur deux CD. Annoncé comme un album de collaborations, il contient pas moins de vingt-cinq invités, et offre une photo de classe assez complète du game en 2010, entre têtes d’affiche, étoiles montantes et noms plus confidentiels. Parmi ces featurings, on retrouve des titres conceptuels réussis (« Phone game » avec Kennedy, « Moi VS Moi » avec Medine, « 2012 » avec Dixon), quelques bangers efficaces (« Belek » avec Dry, « Boug detere » avec Tito Prince »), sans oublier le remarquable et violent possee cut « Clac clac remix ». Musicalement dans le prolongement de Demolition Man sorti en 2007, le rap de Dyfré sur Iron Mic 2.0 contient ce fameux assemblage de punchlines protéinées, de nonchalance, d’humour et d’un argot propre à Ol’ et au 91 en général. S’il a pu répéter en interview à cette époque que l’album qui suivrait serait plus personnel, Iron Mic 2.0 contient quelques titres solos qui viennent s’ajouter à la liste de classiques du MC pourtant déjà bien fournie en 2010 avec l’énergique « La faucheuse », l’imagé « Messagerie », et l’outro aussi magistrale qu’introspective « Questions universelles ». – Olivier
Ali – Le rassemblement
Paru le 27 décembre 2010 | > Tsunami
Découvrir Ali en 2010 avec Le Rassemblement peut être déconcertant pour l’auditeur de rap non-averti. En effet, comment appréhender un album dans lequel il est essentiellement question de paix intérieure, de foi, de positivité et de spiritualité au sortir d’une décennie dominée par le rap de rue ? Mais également, comment comprendre ce respect de la part du milieu ? C’est que Le Rassemblement, au même titre que les autres albums de l’ex-Lunatic, doivent être écoutés à l’aune du parcours d’Ali, repenti et pionnier du rap de rue, co-auteur en 2000 d’un album qui défigurera le rap à tout jamais : Mauvais Oeil. Si Chaos et Harmonie en 2005 marquait par moments une forme de scission avec l’expérience en duo, le bien nommé Rassemblement se veut plus apaisé et fédérateur. De fait ce deuxième album est important puisqu’il pose les bases de ce que va être la musique d’Ali jusqu’à aujourd’hui encore, sans renier ses sorties antérieures. Loin des tendances en vigueur en 2010, les instrumentales simples et mélodieuses, comme les textes d’Ali, ont vocation à s’inscrire dans la durée. Si son rap ne se veut pas innovant en termes de technique, de production, ou de construction des morceaux, c’est la cohérence de l’ensemble qui semble être nouvelle et inédite dans le rap français, puisque sa droiture, sa bienveillance et sa ligne de conduite l’accompagnent depuis plus de vingt ans maintenant. Nombreux sont les rappeurs qui se sont maladroitement essayés à rapper leur relation à la foi, en tombant dans l’excès, et / ou en se contredisant par la suite. Ali a su éviter cet écueil grâce à la dimension spirituelle et fédératrice de ses textes, loin d’une lecture seulement dogmatique de sa religion. En attestent des morceaux comme « Soleil levant », « Fluide », « Tsunami », ou « Positive énergie », toujours aussi pertinents en 2020, et qui le seront, sans nul doute, toujours autant dans dix ans. – Olivier
Lire aussi :
Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec les petites icônes ci-dessous, et à rejoindre Le Bon Son sur Facebook, Twitter et Instagram.
2 commentaires