10 Bons Sons en mars 2021

Comme chaque début de mois, l’heure est au bilan du précédent autour de dix morceaux de rap francophone qui ont retenu notre attention.

Le 19 mars : Zippo – Politique des cookies (prod. Le PDG) 

Un an, une collab avec Greenfichune interview 10 Bons Sons et un freestyle qu’on n’avait plus entendu Zippo. Mais le silence n’est pas un oubli. Loin de proposer une musique fast food, le Niçois privilégie la qualité et semble se contenter de (sur)vivre plutôt que de rapper. Dans ce morceau sans refrain, le zin avait visiblement des choses à dire sur la prod de son compère du Pakkt, Vargas le PDG. Misanthrope qui maitrise la langue de Molière, les rimes riches et qui n’hésite jamais à dénoncer les hommes savants, le Z raconte sa vie tout en décrivant notre société. Saoulé par ce monde comme un singe en hiver, on le sent désabusé (« La liberté se paie au prix de la solitude, L’amour c’est de la folie pure mais y a peut-être pas d’autre issue » ; « Voilà, il m’reste à aimer que mon prochain, C’est pas trop rigolo, j’aurai préféré être un dauphin ») et résigné aux compromis (mais loin de se compromettre). Conscient de ses paradoxes, des différences et des points communs qu’il partage avec ses semblables, Zippo constate qu’il y a une abeille dans le potage sans cracher dans la soupe, le tout, dans le noir, en train de relire la politique des cookies. – Chafik

Le 15 mars : Joe Lucazz & L’Affreux Jojo – La vie est folle (prod. I.N.C.H)

Après Ni saint ni sauf et Nappage nocturne, le beatmaker I.N.C.H vient de sortir son troisième CD Ni saint ni sauf vol. 2. Rassemblant une grosse vingtaine d’inédits et de classiques comme le « Seth Gueko – Destroy », des noms de rappeurs reconnus comme Alkpote, Vald ou Hugo TSR, des blases peu connus voire inconnus du grand public comme Lofty, Kekro ou Sandro Grabuge, cette galette ravira les esgourdes des aficionados de rap français. Maître sampler qui ferait passer Chopin pour surcoté, I.N.C.H a notamment sorti de son chapeau cette combinaison inédite entre l’Affreux Jojo du 20ème arrondissement et ce diable de rider Joe Lucazz. Un triple Joe bien corsé, à base de paroles résonnant comme des grands cris de désespoir, où les maux bien réels de Jojo « Tu peux me tuer, ou m’interner » viennent pare-choquer les hallucinations d’un Joe en souffrance « Je frotte l’halogène, un démon apparait… » Terriblement poignant. – Antoine

Le 24 mars : Stick – Adiable (I.N.C.H & Al’Tarba)

« Adiable », qui conclut la mixtape Boulevard des allongés de Stick, n’est pas sans rappeler les outros « Pluie de sang » et « Exorcisme » de ses deux premiers albums. Pas tant au niveau du format, puisqu’il est plus court que les deux morceaux précités, et qu’il contient un refrain, mais la texture sombre et les références méphistophéliques nous rappellent son aversion pour les happy ends. « Funérarium », « Prince des ténèbres », « Cimetière des Fontanelles », « Ange déchu »… D’autres titres aux références funèbres parsèment la mixtape, et leur qualité laisse présager le meilleur pour l’album censé faire suite à ce Boulevard des allongés. – Olivier

Le 19 mars : SCH – Crack (prod. Chady)

Peu évident d’extraire une chanson de ce JVLIVS II tant l’album a une nouvelle fois l’allure d’un bloc solide, inamovible. « Crack » qui dépeint la traque et l’enlèvement d’un homme riche avant de partir dans un délire plus libre mais toujours blindé d’images et de références, a tout de même tout de la scène marquante, celle qu’on se repasse mentalement pendant le générique. La rythmique et le débit nous entraînent dans une atmosphère à suspens, les chuchotements du pont nous font rentrer dans la confession, et le refrain qui mélange la voix rauque de SCH et le côté plus générique de l’autotune nous engraine dans la folie. Un beau moment d’immersion. – Jérémy

Le 25 mars : Deadi feat. Vîrus – Avec des (prod. Banane)

Il y a quelques mois Deadi marqua les esprits grâce à plusieurs freestyles spontannés balancés sur la toile. Son premier album portant le nom de Tout va vient de voir le jour et lui a permis de proposer aux auditeurs un travail de qualité enregistré dans des conditions idéales. Artiste singulier, le rappeur de Poissy a choisi d’inviter Vîrus dont les rares apparitions demeurent toujours un évènement. Sur le morceau « Avec des » produit par le talentueux Banane, les deux artistes s’offrent un exercice de style réussi mêlant assonances, humour qui laisse entrevoir une complicité flagrante. Afin d’en savoir plus sur la conception de ce projet, nous vous invitons à lire notre entretien intitulé « Deadi, rookie à l’ancienne » disponible ici. – Jordi

Le 2 mars : OPUS Crew – Maux d’estime

Il y a quelque chose qui rappelle le crew toulousain Omerta Muzik à leurs débuts. Une fausse insouciance sous couvert de défonce et un profond besoin de rapper, de déverser en musique et avec le souci de la rime ces tourments quotidiens rencontrés par la jeunesse. Difficile de comprendre qui fait partie ou non du crew tellement les blases sont nombreux et l’énergie concentrée. L’OPUS Crew avance dans l’ombre jusqu’ici, et vient d’envoyer un nouvel EP 7 titres « Second souffle » le mois dernier. A l’image de « Maux d’estime », l’ambiance n’est pas aux réjouissances du côté de Grenoble. – Antoine

Le 3 mars : 404Billy – 11% (Nation) (prod. Orion)

Sur une production aux allures funestes, 404Billy délivre le second freestyle d’une série dont on ne connaît pas encore la durée. Le débit est posé, le ton définitif, les images marquantes. Les références font plaisir (« Faut du loyal, faut des Memphis Bleek » ; « Ils veulent ma mort comme Jay avec l’auto-tune« ) et posent le décor, celui d’un rap de rue qui dépeint le monde autour de lui par petites touches. Cette série a l’avantage de montrer toute l’étendue de la palette de 404 Billy, mais c’est surement sur ce genre d’ambiances qu’il est le meilleur. Nul doute en tout cas que le rappeur de Villiers-le-Bel prend de plus en plus de niveau. – Jérémy

Le 25 mars : Kaaris – Pégase (prod. Thérapy 2093)

Depuis des années, le public réclame le Kaaris d’Or Noir (d’il y a huit ans en somme) à tout bout de champ, scrute tous ses nouveaux titres, featurings et annonces, et les juge à l’aune de ce légendaire premier album. Le rappeur de Sevran a même joué de cette ultime référence en sortant une réédition intitulée Or Noir 2 et un album Or Noir 3, mais ce genre d’exercice est rarement payant d’un point de vue stratégique, peu importe la qualité du projet. Puis en 2020, son album 2.7.0 a marqué le retour de ce subtil mélange d’énergie, de brutalité et de sourires en coin dont K2A a le secret. L’annonce de la réédition (parue le mois dernier) de onze titres produite par le beatmaker Therapy a logiquement mis le milieu en émoi. A l’écoute de ces morceaux, il semble que les deux artistes ont rapidement su retrouver leurs marques malgré une pause dans leur collaboration de quelques années, autant pour des tracks sombres que des propositions plus singulières, comme l’outro « Pégase » et sa montée en puissance en forme de bouquet final. – Olivier

Le 25 mars : Sacks feat. Sawmal – Nani (prod. Sawmal)

Issu de « Conec Ville », « Nani » se base, comme souvent chez Luni Sacks, sur une esthétique lo-fi assumée. Le morceau semble délivré au cœur de la brume. Sa boucle de piano inquiétante et son refrain absurde mais entêtant donne au tout un aspect étrangement captivant. Les lignes délivrées y sont mystérieuses. Par instants, les phrases se cooptent. Luni se perd pour mieux revenir, s’interrogeant même sur ce qu’il était en train de dire. Il y a quelque chose du flux de conscience là-dedans. Malgré cet esprit lo-fi qui pourrait appeler à une musique démembrée, « Nani » a quelque chose de très abouti dans son ambiance, quelque chose qui tient sur un équilibre précaire, par le mixage, par l’interprétation quasi-occulte, par la production réduite à l’essentiel. – Jérémy

Le 5 mars : Booba feat. Bramsito – Dernière fois

Un adage dit que lorsque l’on raconte une blague, il faut soigner la fin. La carrière de Booba est tout sauf une blague, et la fin avec cet album Ultra n’est pas ratée comme l’espéraient ses détracteurs Toutefois, si le long chemin artistique du rappeur du 92 devait s’arrêter sur ce titre, il lui manquerait quelque chose. « Dernière fois » est loin d’être mauvais (sans quoi il ne figurerait pas dans cette sélection) et Bramsito assure sa partie comme il le faut, mais on aurait souhaité être ébloui et prendre une claque. Pas grave,  le travail a été fait avec cet album et il en sort quelque chose d’honnête. Ce sera juste bien dommage si c’est vraiment la dernière fois. – Costa

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