Chronique : « Orgasmixtape 2  » – Alkpote

C’est le printemps ! Le soleil pointe son nez entre deux nuages gris, les pollens pourrissent la vie des allergiques, les mammifères sont en rut et Alkpote sort l’Orgasmixtape 2. L’ambiance est bucolique, il y a de la couleur dans les assiettes, la chaleur est présente dans le sud, la fraicheur encore dans le nord et Alkpote sort l’Orgasmixape 2. La vie suit son cours, les ruisseaux de montagne sont alimentés par la fonte des neiges, la fête des mères approche et Alkpote sort l’Orgasmixtape 2. Un peu plus d’un après la sortie de la première Orgasmixtape, c’est donc l’occasion d’une belle chronique printanière pour cette folie de saison ! L’empereur a sorti les ailes pour déposer sa fiente sur tous les auditeurs assez déments pour aller l’écouter. On en a pris plein la gueule, c’était drôle, alors on s’est dit qu’on allait faire le bilan du bukkake…

Il paraît qu’une étude a montré qu’Alkpote était l’un des rappeurs avec le vocabulaire le plus varié. Il est difficile d’estimer à quel point la méthode employée dans le cadre de cette étude s’appuie sur une démarche scientifique, néanmoins intuitivement on aurait tendance à penser que cette étude est dans le vrai. L’obsession pour la sexualité et notamment pour l’organe géniteur masculin a stimulé la création poétique depuis des siècles, et Alkpote n’est pas en reste quand il s’agit de d’exploiter le champ lexical de la sexualité. Pour aller jusqu’à appeler son propre pénis un « spéculos », comme il le fait dans le son « Marianne », il faut oser, il faut varier, et exploiter un glossaire qui dépasse le simple stade de « bite », « pénis », « verge » ou « phallus ». Alkpote en a en réserve, et quand il se décidé à déverser son foutre de manière nonchalante, il le fait avec des métaphores toutes plus dégueulasses les unes que les autres.

« L’aigle royal » comme il s’appelle lui-même est une sorte de génie du mal. Il a mis son talent d’écrivain au service de la corruption des mœurs et s’applique attentivement à faire passer les rappeurs les plus hardcores pour des enfants de chœur. Le personnage qu’il incarne a tous les traits du psychopathe : aucune empathie ou censure, émotionnellement vide, dépendant des drogues, charismatique et bien entendu adepte des comportements sexuels déviants. C’est ce personnage qui en a fait l’une des références pour de très nombreux rappeurs français. Ajoutez à cela une prédilection pour les rimes multi-syllabiques, c’est-à-dire une capacité à dire n’importe quoi, à être vulgaire, mais à le faire excellemment bien ; vous aurez alors le cocktail parfait pour plaire aux amateurs de rap à texte et aux « salopes », assurément l’un des mots préférés d’Alkpote que l’on retrouve en fond sur bon nombre de chansons.

A force de forniquer aux quatre coins de la France, il faut croire qu’Alkpote a eu des enfants un peu partout. « Tous ces nouveaux rappeurs savent bien qu’j’suis leur daron » affirme-t-il sur le son « Meilleurs lendemains » en compagnie de Vald. Comme un symbole, la présence de Vald sur deux sons de l’Orgasmixtape 2 manifeste une forme de filiation, de passage de témoin entre Alkpote qui annonce une fin prochaine de sa carrière depuis quelques temps et Vald qui commence à faire la sienne. Les deux rappeurs se retrouvent sur le son clipé « Meilleurs lendemains », ainsi que sur le son « Pleurez ! ». La connexion fait plus que fonctionner tant les univers des deux rappeurs sont dans un délire similaire, Vald n’ayant jamais caché son admiration pour « L’empereur » et l’influence que celui-ci a pu avoir sur sa manière d’écrire ses textes. Une connexion explosive définitivement digne d’un paquet de Mentos dans une bouteille de Coca !

« Je suis au top de ma forme putain ! Sale salope, tu mérites même pas le Formule 1. » Au top de ma forme

Outre ce featuring, on retrouve différentes figure du rap français que l’on retrouvait déjà sur la première Orgasmixtape comme Sadek et Sidi Sid, Idjil et Selim du 94, Nubi, Eloquence et Mason, sans oublier deux autres membres de Néochrome Joe Lucazz et Seth Gueko. Mention spéciale pour le son « Marianne » avec Infinit qui apparaît comme un des meilleurs sons de l’album. Au niveau des instrumentales, on retrouve principalement Butter Bullets et DJ Weedim, mais également des producteurs comme Rozca, Docy Mac Fly, Ovaground et RCP. Les sonorités sont modernes mais ne sombrent pas dans une trap inécoutable, probablement car le texte garde une importance capitale quel que soit le son.

En vérité, il est extrêmement difficile de donner un terme qui puisse cerner l’ambiance de l’album. Il n’y a pas vraiment d’unité dans cette Orgasmixtape 2 qui part souvent dans tous les sens. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet album est constitué de sons qui peuvent être extrêmement différents. Le passage d’un son comme « Miroir », dans lequel Alkpote se permet une utilisation abusive du vocoder pour balancer une phase du style : « Je voudrais qu’Audrey Pulvar bouffe mes rochers Suchard », à un son comme « Papiers violets » plus instrospectif, est assez étrange. On s’interrogera également sur la présence du morceau « Pluie diluvienne », en décalage avec le reste de l’album par son propos beaucoup plus classique et beaucoup moins hardcore (il n’y a pas une seule référence sexuelle…).

« Je vais arrêter le rap et passer à autre chose, c’était ma dernière valse, je vais me laver à l’eau chaude ». Tourbillon

Mise à part cette dernière exception, on peut noter que le dénominateur commun entre les différents sons reste l’humour. Il suffit de voir les clips montés par Alkpote et son équipe pour comprendre à quel point la chose n’est pas sérieuse. Alkpote est vraiment un artiste à part, tant par sa longévité dans le rap que par ses délires de mec incompris. L’Orgasmixtape 2, absolument dans l’esprit de l’Orgasmixtape 1, mérite au moins une écoute, car à défaut d’y retrouver la douceur printanière, on y retrouvera tous les ingrédients qui ont fait du personnage d’Alkpote ce qu’il est, et notamment cet humour à toute épreuve qui choquera l’auditeur non-averti. Alkpote est improbable, et dans un « rap game » qui tend à être complètement aseptisé, il est bon de retrouver un rappeur qui n’a jamais voulu se censurer et qui continue de remplir nos oreilles avec tout ce qu’il peut fourrer dedans. Peut-être sa dernière biffle auditive avant d’autres projets dans le cinéma ou la littérature comme il a pu l’annoncer dans son interview déjà mythique pour l’abcdr. Inutile de dire qu’on attend de voir ça.

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