Ailes brûlées, requiem d’un groupe sous-estimé

 

« Ma vie dans l’rap fut quand même belle est courte » C’est sur ces mots que se termine la carrière de Gwenzel, et donc l’aventure Futur Proche (lire l’interview). Après un album sorti dans l’anonymat le plus total, dans l’urgence, près de deux ans après avoir été annoncé, le deuxième album après Tristesse Personnelle, entrecoupés de trois volumes de Par Tous Les Temps. Dans l’anonymat aussi. Et puis c’est tout, et c’est déjà pas mal. Futur Proche c’est Gwenzel le blanc de Boulogne et Mark’us le renoi de Paname. Alors quand le premier nommé annonce sur son facebook que pour lui c’est fini, la pilule ne passe pas forcément mieux quand il tente de consoler son monde en annonçant la sortie prochaine du solo de Mark’us. Parce que Futur Proche c’était surtout Gwenzel. Son flow si calme, toujours collé au beat qui glisse tout seul, ses rimes tranchantes trisyllabiques, son petit rire presque rocailleux faisaient de lui l’un des rappeurs parisiens les plus doués et les plus charismatiques de sa génération. Combien de fois a-t-on dit. « Aaah mais vivement qu’il nous fasse un solo ce p’tit ». Il ne viendra finalement jamais. Finalement, c’est presque sur un goût d’inachevé que se termine cette carrière. Et c’est paradoxal tant l’album est abouti, mais le solo de Gwenzel restera à jamais comme une éternelle espérance.

Mais voilà, après le requiem on passe aux faits, car cet album le vaut bien. On commence par les productions, du grand classique. On le sait, Futur Proche est adepte des prods à l’ancienne. Le Boom Bap et les boucles violon/piano règnent en maître, excepté sur deux titres qui sortent un peu de l’ensemble : « Samcro » et le très lourd « Lâchez les fauves » sur lequel apparaissent entre autres Furax, L’Hexaler, Scylla, Sëar Lui-Même ou encore Swift Guad, tous deux produits par XFA7 principal beatmaker, aux manettes de 9 des 17 titres (18 si on compte « Corde Raide » que l’on connaît depuis deux ans déjà). A part ça on peut retrouver Noname trois fois, Grim Repearz deux fois notamment sur la superbe intro mais aussi I.N.C.H sur le magnifique « Les pieds dans la breizh », Ganes dans l’outro et bien évidemment le Bastian Schweinsteiger du beatmaking français Mani Deïz. Vous l’aurez compris, on est dans un album extrêmement mélancolique, on a rarement fait mieux dans le domaine.

Lyriquement, on connaît les qualités du duo. Des métaphores brillantes à la pelle, comme une comparaison intéressante entre le rap et une rose noire mais aussi l’incroyable « Zombis et Dolmens » qui évoque les origines des deux protagonistes (la Bretagne, donc les dolmens pour Gwenzel et Haïti, donc les Zombis pour Mark’us). Les thèmes abordés restent relativement classiques eux aussi et tournent autour de deux points principalement : l’alcoolisme (surtout côté Gwenzel) et l’amour du rap. Car oui, on a là affaire à de véritables passionnés, et c’est souvent ce qui fait la différence, qui permet de toucher l’auditeur. Comme disait L’Indis, « On n’empêche pas un passionné d’débarquer au cromi ».

Mais ce qui frappe également dans cet album, c’est le casting impressionnant qui l’accompagne. On a déjà parlé de « Lâchez les fauves » et on passera outre le désormais classique « Corde Raide ». On le sait Gwenzel est un fervent ATK-addict (tout comme moi), après avoir pu poser aux côtés de deux de ses idoles (Cyanure et Axis), il s’est offert avec son compère un nouveau feat. avec Axis. Malheureusement on a l’impression que ses derniers couplets sont un peu répétitifs, à raconter éternellement les débuts du crew et à multiplier les clins d’œil à l’ancien temps. En parlant de répétitif, Nakk nous offre son couplet de « Coincé dans ce monde » aux côtés d’un Indis impeccable comme à son habitude. Sinon on a un joli casting local sur Radio Boulogne avec les légendaires Zoxea (dont les rimes ont pris de l’âge au vu de son introduction plutôt ridicule) et Salif qui n’a pas pris une ride, même si son couplet est à l’image de celui de Nakk : réchauffé. A part ça, tous les invités offrent de belles prestations, de Sëar et Issaka dans « C’est ça nos vies » à Kapa et Krosky dans « Rose Noir »e en passant par « Lâchez de fauves ».

En bref c’est un album assez fantastique que nous offre le duo Boulogne/Paris. On regrettera évidemment la non-existence de format physique. Même si certains invités ont pu décevoir, les deux protagonistes n’ont absolument rien à se reprocher, 20/20 à tous les niveaux toutes proportions gardées. Car oui, il faut le dire, Gwenzel encore une fois est supérieur malgré les énormes progrès de son binôme, parce qu’il a ce petit truc en plus. Je le disais, c’est paradoxal de dire que cet album nous laisse un goût d’inachevé, tant il est abouti, mais on aurait tellement aimé plus, ceux qui suivaient, ceux qui n’étaient qu’ « une petite trentaine ».

Album Ailes Brûlées disponible ici.

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