Dontcha nous a quittés. S’il n’a jamais véritablement percé au sens commercial du terme, il n’en demeure pas moins une figure incontournable de la scène rap francophone de la fin des années 90 et de la décennie 2000. Nous avons souhaité lui rendre hommage au travers de dix morceaux de sa discographie.
Dontcha – « Je t’épate » – 1996
Sur « Je t’épate », en 1996, Dontcha démontre déjà des compétences particulières en rap, et une identité artistique bien établie. La maîtrise de sa voix, l’aisance et le flow qui trouve son chemin sur l’instru de mille manières différentes au sein d’un même morceau, sont autant de qualités à souligner pour une première livraison. Son débit sera marqué par ce grain de folie jusqu’à son premier album en 1999, pour se faire plus droit et lent au fur et à mesures de ses sorties au tournant des années 2000. La sortie de la mixtape Dontcha Flex Vol.1, dont est issu l’égotrip « Je t’épate », qui se retrouvera également sur la compilation Hip Hop Vibes la même année, se fait en totale indépendance, depuis la Belgique où vit alors le D.O.N, et met également en lumière Les Bâtards Du Trez, une brochette de MC’s locaux réunie autour du rappeur. – Olivier
Dontcha feat. Dexter & Daddy Lord C – « Freestyle Dontcha Flex 4 » – 1997
A partir du troisième volet, les Dontcha Flex vont gagner en importance et en exposition, et vont permettre à Dontcha, qui a désormais posé ses valises à Aubervilliers, de se connecter avec quelques noms prometteurs (Nysay, ATK…) ou de servir de tremplin pour quelques jeunes MC’s, dont une bonne partie de ce qui constituera l’écurie B.O.S.S (FatCap, Mass, Les Reptiles, Dontcha lui-même…). L’intro de la Dontcha IV contient même un couplet exclusif de JoeyStarr, époque NTM à son prime, excusez du peu. De ces cassettes sont nées des amitiés artistiques durables pour Dontcha, comme avec Daddy Lord C, ou des amitiés tout court comme avec Dexter de Section Fu. Ces deux rappeurs sont présents sur le morceau ci-dessous, sur une face B à la boucle de cordes imparable, et au refrain samplant une phase de la folle performance de Zoxea sur le remix d’ « Obsolète ». Et en parlant de Zoxea, il convient de rappeler qu’il est présent sur les volumes 3 et 4 des Dontcha Flex, bien avant le fameux clash d’impro chez Générations, puis le clash tout court. – Olivier
Dontcha feat. Mac Tyer – « Perestroïka » – 1999
A son arrivée à Aubervilliers, Dontcha connecte rapidement avec deux jeunes rappeurs, Socrate (futur Mac Tyer) et Makenzi (futur Mac Kregor). Avec trois autres membres, ils forment le groupe La Perestroïka, et Dontcha convie les deux futurs Tandem sur le deuxième volume de ses mixtapes en 1996, pour ce qui représente probablement leur première apparition discographique (sur cassette en l’occurrence). Si les détentions respectives de Mac Tyer et Mac Kregor mettent rapidement un coup de frein au groupe, les rappeurs continueront de se retrouver occasionnellement, comme sur la mixtape Phonographe en 1999 pour le D.O.N et Mac Tyer, sur ce morceau sobrement intitulé « Perestroïka », qui dévoile une alchimie évidente entre les deux MC’s, sur une face B nerveuse du Terror Squad. Pour la petite histoire, un morceau du même nom réunira Tandem et Dontcha en 2006, sur le deuxième album du D.O.N, Etat Brut. Au vu de son rôle dans les débuts de Tandem et du collectif B.O.S.S, on ne peut s’empêcher de penser que le rappeur aurait aisément pu trouver sa place dans le tracklisting de 93 Empire. – Olivier
Dontcha – « Les bords du fleuve » – 1999
En 1999, sonne l’heure de sortir son premier album, Les bords du fleuve, paru sur le label Globe Music. Le contenu se veut forcément moins freestyle que ses apparitions sur mixtapes, mais aussi moins brutal que les livraisons qui suivront, flirtant même avec la poésie quand il s’agit de rapper des textes plus personnels comme sur le titre éponyme, pour évoquer son enfance au bord du fleuve Zaïre, et l’importance de ses origines africaines. Aux côtés d’autres titres plus intimes tels que « Liens de sang », « Fétiche » ou « Dans l’esprit », « Les bords du fleuve » détonne dans une discographie somme toute marquée par l’égotrip et la rue, mais vient rappeler que la plume de Dontcha peut se faire plus sensible si nécessaire. – Olivier
Dontcha – « Plus de cash » – 1999
Passée une intro scratchée qui remplit bien son rôle, le premier album de Dontcha démarre sur les chapeaux de roue avec « Plus de cash », morceau dans lequel Dontcha décrit les mécanismes qui peuvent pousser à embrasser la vie de rue, et notamment le manque d’argent, en se servant de qu’il a pu observer, ou bien vivre lui-même. A la manière d’un reporter du ghetto, il prend de la hauteur, et met en garde le jeune auditeur contre la spirale de la rue et ses terribles conséquences. La construction du morceau est méthodique, avec un premier couplet relatant la course à l’argent, le second la spirale de la violence, quand le troisième constitue un storytelling de haute volée relatant avec brio un fait divers aussi banal que tragique. L’instrumentale nerveuse signée Sully Sefil (qui produira pas moins de quatre des douze morceaux rappés que compte Les bords du fleuve), ajoute à la tension du morceau et sublime le texte de Dontcha et son refrain efficace (une constante dans la discographie du rappeur). – Olivier
Dontcha feat. Calbo – « Street lourd » – 2004
Après le petit échec commercial de son album et la rupture de son contrat, Dontcha se fait assez rare. On dénote quelques apparitions sur des compilations mais c’est à partir de 2004 qu’il amorce son grand retour. Il est invité sur la première compilation Street Lourd aux côtés de quelques gros noms tels que Booba, Rohff, Intouchable ou encore Kool Shen, le tout pour un feat avec Calbo. On le sent libéré et determiné comme en témoigne cette première phase : « J’ouvre ma gueule maintenant que j’ai plus de muselière, j’te jure qu’on m’entendra au-delà de ce fuseau horaire« . Ses deux couplets sont hardcore, il y multiplie les images choc et on le sent bien centré sur son objectif, celui d’imposer son style dans le rap français. Avec sa lourde voix, Calbo assure un refrain efficace accompagné de chœurs bien énervés et ne lâche qu’un court couplet, comme si l’objectif initial était avant tout de faire briller son partenaire. Le D.O.N est bien de retour. – Jérémy
Dontcha – « La rue c’est bang bang » – 2005
Pour tâter le terrain et préparer la sortie de son futur street CD, Dontcha sort, en 2005 et chez Masta Records, un maxi et un clip. La stratégie est payante. Sur une lourde production d’Oz Touch et Street Fabulous, Dontcha délivre un flow plus lent avec une voix pesante. Il y mêle des rimes riches, des métaphores qui impriment la rétine et des phases plus violentes (« si les français veulent pas d’mes chansons, j’kidnappe Tragédie et demande une putain d’rançon« ). Tout est technique, maîtrisé, jusqu’au refrain avec son gimmick qu’il reprend en fin de deuxième couplet. Le clip est classique : il y est filmé en bas des immeubles, dans la voiture, le tout avec des plans de coupe en noir et blanc, mais l’ensemble est bien réalisé et synthétise toute une époque du rap français. Dontcha a bien amorcé sa mutation en rappeur de rue, mais pas n’importe quel rappeur de rue. Un prototype à la fois technique, fin et hardcore. – Jérémy
Dontcha – « Reste trankil » – 2006
2006, Dontcha sort en indé le street CD Etat brut, et la démonstration de style entraperçue sur « La rue c’est bang bang » se matérialiste finalement sur un long format. On y retrouve des beaux noms tels que Diam’s, Sinik, Lino ou Jacky Brown, mais les morceaux choisis comme singles et qui seront clippés ne sont que des solos ! Un choix audacieux mais payant puisque ce sont finalement ses titres seuls qui seront les plus marquants. Sur « Reste Trankil », il pose à nouveau sur une production à base de claviers à la Scott Storch auxquels s’ajoutent des violons grandiloquents, à l’image du lexique employé. Dontcha voit tout en grand : « comme Amel Bent, j’veux viser la lune mais avec un bazooka pour que le ciel s’allume » lâche-t-il dans sa pluie de punchlines, tantôt vénères tantôt humoristiques, voir parfois à la frontière des deux. « Fifty s’est pris neuf balles mais c’était dans les orteils« . Autant de phases qui ont fait de ce morceau un petit classique du genre. – Jérémy
Dontcha – « Rap criminel » – 2008
Deux ans après le succès d’Etat brut (10 000 street CD écoulés comme il l’annonce ici), Dontcha profitait de son second souffle pour embrayer sur un maxi quatre titres qui reste dans la même esthétique, mais cette fois, chez Menace Records. Au menu, quatre bangers parmi lesquels il est difficile de faire son choix. On opte finalement pour le morceau clippé, « Rap criminel ». Un refrain à gimmick qui perce la tête, une production entêtante de Zino et des lyrics, qui, avec le flegme sur de Dontcha, se mémorisent d’eux-mêmes. Les propos sur l’industrie y sont encore et toujours bien salés et s’y mêlent à des lyrics rugueux mâtinés de phases égotrip bien senties. Une jolie phase parmi d’autres résonne désormais d’une autre manière : « Si la mort m’emporte en douce dans sa pirogue, ma voix restera immortelle dans tous les iPods« . – Jérémy
Dontcha – « C Dontcha » – 2009
Suite au joli score d’Etat Brut, Dontcha en livre une version augmentée, enrichie de quatre morceaux. « C Dontcha » ouvre ce nouveau projet avec sa sirène stridente, presque menaçante. Il y affirme encore une fois son authenticité (rejet du bling-bling, rapport enraciné à la région parisienne, à sa violence) et son incompatibilité avec le milieu de la musique. La lassitude de son mode de vie imprègne l’entièreté du deuxième couplet où la fatigue se mêle à la colère tout du long. Sur le troisième et dernier couplet, chaque fin de rime semble matérialiser un nouvel obstacle sur sa route. Derrière sa vitrine clinquante, « C Dontcha » est un titre très sombre où tous les chemins brumeux se révèlent être des impasses. Ce sera malheureusement le dernier disque de Dontcha, et même ses dernières apparitions discographiques puisqu’on ne le réentendra plus nulle part. Il aura traversé deux époques bien distinctes du rap français sur lesquelles il aura posé son empreinte, et aura particulièrement brillé dans ce style rue à la fois violent et raffiné, développé sur la seconde partie de sa carrière. – Jérémy