10 Bons Sons US en avril 2020

Tandis que certains Américains se rincent le goulot avec quelque produit ménager, et que d’autres préfèrent l’intraveineuse pour ne pas gâcher le flash de la javel, la plupart des artistes du monde entier essayent de rester productifs, tout en explorant tout un tas d’outils de diffusion. Coucou les battles de beat sur Instagram où la qualité sonore est désastreuse, bonjour les DJ Twitch interminables (surtout minables), salut aux morceaux participatifs à la qualité douteuse. Dans ce marasme pittoresque, nous tâchons de poursuivre notre chemin de croix, à savoir vous délivrer, que dis-je vous imposer 10 bons sons totalement subjectifs. Et nous accueillons également notre nouveau rédacteur Jérémy au sein de cette formation d’élite.

RMR – Dealer (Prod. ISM)

La première chose qui nous saisit à la vue du clip de Dealer, c’est le contraste entre le visuel et le son. Affublé d’une cagoule, RMR pourrait se rapprocher d’une imagerie drill rugueuse, ce qui est le cas thématiquement, puisque le morceau évoque plus les transactions de cachets que sa consommation. La surprise vient surtout de la tonalité R’n’b du morceau, pouvant presque évoquer l’esthétique de Z-Ro, les références à Houston en moins, et avec un rapport différent à la country. Le timbre se fait lui plus aigu que celui du texan : si l’on ne faisait pas attention aux lyrics, on pourrait même croire à une chanson d’amour. Un titre à paraître sur un album qui s’appellera Drug dealing is a lost art. Tout un programme. – Jeremy

Westside Gunn feat. Joey Bada$$, Tyler the Creator & Billie Essco – 327 (Prod. Camoflauge Monk)

Griselda Records est sur toutes les lèvres. L’occasion pour Westside Gunn de réunir trois rappeurs à l’esthétique a priori éloignée, qui n’avaient jamais collaboré auparavant, mais qui sont tous en train de côtoyer leurs sommets. L’hôte, fidèle à ses principes, mélange la crasse et le luxe, répétant inlassablement les gimmicks qui ont fait son identité. Joey Bada$$ livre, lui, un couplet revanchard, laissant défiler les images du passé, avant que Tyler ne célèbre à son tour, entrecoupant sa partie de références télévisuelles et cinématographiques, s’exprimant tellement librement qu’il ne respecte par les carcans. Le tout est enrobé d’une production jazzy pianotée, et d’un refrain paisible signé Billie Essco. Assurément l’un des temps forts de Pray for Paris. – Jeremy

Quelle Chris & Chris Key – Mirage feat Big Sen, Earl Sweatshirt, Merrill Garbus & Denmark Vessey (Prod. Chris Key)

Le 24 avril sortait le 7ème album studio du plutôt discret Quelle Chris. Intitulé Innocent Country (season two), il fait bien évidemment suite au premier opus, sorti en 2015. On retrouve donc l’acolyte Chris Key à la prod’ pour un piano très lancinant et une ambiance messe/gospel voire funéraire. Mention spéciale au couplet de ce bon vieux dépressif d’Earl Sweatshirt qui ferait presque passer le reste du morceau pour un tendre hymne à la joie. – Clément

Earl Sweatshirt – Whole World feat. Maxo (Prod. The Alchemist)

On prend les même et on recommence.
BPM lent, atmosphère assez minimaliste et un tantinet mortuaire, intro/outro gutturales et enfin lyrics spleenétiques à souhait ; il n’y a pas de doute, Earl Sweatshirt continue son petit bout de chemin torturé et tortueux, accompagné (et ça va devenir une habitude) par son alchimiste préféré.
« Whole World » est un inédit de la prochaine release de l’ancien prodige de Odd Future, une réédition de son dernier EP Feet Of Clay sorti en novembre dernier et annoncé pour le mois de juin. – Clément

“Eyes to my feet can’t stand what I see, the world steady crumbling.”
“The funeral was long, I fell asleep”

Cormega – Fast Livin’ (Prod. StreetRunner)

Après son apparition aux côtés de Conway sur LULU le mois dernier, le récemment cinquantenaire (!) Cormega a remis à neuf son EP Mega, sorti en 2018, en y ajoutant deux titres inédits. Si ce procédé peut sembler similaire à une arnaque (c’en est une), les titres ajoutés valent largement le coup, et nous permettent de nous replonger dans ce très bon disque. Le rappeur du Queens continue de nous emmener dans ses questionnements au sujet de sa spiritualité et de sa condition, autour du thème de la vitesse du quotidien qui nous touche actuellement tous. La production, toujours assurée par StreetRunner, complète superbement les couplets du MC. –Xavier

Skyzoo & Dumb Station – We (Used to) live in Brooklyn, Baby

Le très régulier Skyzoo nous a fourni un EP conceptuel avec The Bluest Note, en compagnie du groupe de jazz italien Dumbo Station. Et le fait de s’accompagner de véritables musiciens, dans le rap actuel, malgré la quantité effroyable de production, est assez rare pour être souligné. Difficile toutefois, d’extraire un morceau de cet ensemble pensé pour être un tout. L’alchimie entre le rappeur, toujours impeccable, et les jazzmen ne fait que renouveler notre appétit pour plus de projets de ce type. Allons-y pour « We (used to) live in Brooklyn, Baby », pour aucune raison particulière. –Xavier

A$AP Twelvyy – Catch Up (Prod. DJ Skid Row, Cream Wallo & Shnowen)

Trois ans après le très bon 12, le troisième membre le plus renommé des A$AP Mob a enfin sorti son deuxième album. Et si le nom peut parfois être difficile à porter, à l’ombre des monstres que sont Rocky et Ferg, Twelvyy est probablement celui qui s’en sort le mieux, même si son second essai n’atteint pas les sommets de son prédécesseur. L’album souffre notamment d’une absence de renouvellement et d’une certaine monotonie, même si sa durée réduite facilite l’écoute. Quand bien même, certains morceaux valent largement le coup, comme cet excellent « Catch Up », qui post-ouvre parfaitement l’album après le skit « Last Poet ».  Xavier

Flee Lord & DJ Shay – Outro

Difficile de suivre la cadence de Flee Lord tant les sorties sont régulières. Peut-être un peu trop d’ailleurs. L’évidente qualité de Lucky 13 en paye un peu le prix. Les qualités intrinsèques du rappeur, sa voix nasillarde et éraillée et les instrumentales de DJ Shay ne suffisent pas à nous marquer tant que ça avant l’outro. Là, difficile de bouder son plaisir : le sample généreux et épique donne du fil à retordre à la batterie mais les deux sont surplombés par la voix si distincte du rappeur du Queens. – Wilhelm

The Lox – Loyalty and Love (Prod. Smiley’s People & Jimmy Dukes)

À peine commence-t-on à digérer Igniatus que les hustlers de Yonkers nous sautent à la gorge pour nous remettre la pression. Alors qu’ils sont réunis pour la première fois depuis Filthy America… It’s Beautiful, le titre est sans équivoque : Styles P, Sheek Louch et Jadakiss célèbrent leur amitié (et leurs amitiés) inaltérable en prévision de leur prochain album dont la promotion a été ébranlée par les conditions sanitaires que nous connaissons. Et pour le premier mai, pas de vendeurs de muguet à la sauvette mais une jolie mise en image en noir et blanc qui mêle images d’archive et plans plus conventionnels. – Wilhelm

Young Dolph – Sunshine (prod. DJ Squeeky)

Le confinement pèse sur chacun d’entre nous, les rappeurs ne sont pas épargnés. Mais lorsqu’ils choisissent de faire d’infernaux freestyles (ou morceaux), c’est nous qui en souffrons. Young Dolph n’est pas des pleutres qui cherchent de l’attention. Young Dolph est noble, nous conte son quotidien et fait de la bonne musique. Alors qu’un album serait d’ores et déjà terminé, nous n’avons droit qu’à un morceau qui n’en est vraisemblablement pas extrait. On retiendra de « Sunshine » un hommage aux travailleurs essentiels et le même goût pour les voitures que Jeezy. On oubliera volontairement que l’immortel Adolph n’a visiblement pas les mêmes opinions politiques que son homonyme. – Wilhelm

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