10 Bons Sons en décembre 2019

Comme chaque début de mois, l’heure est au bilan du précédent autour de dix morceaux de rap français qui ont retenu notre attention.

Le 13 décembre : Doums feat. Népal – Le fer

De loin le morceau le plus inattendu (et sûrement aussi le meilleur) du dernier EP de Doums, « Le fer » est une patate explosive qui arrive sans prévenir dans les oreilles de l’auditeur qui se laissait jusqu’alors bercer tranquille par le flow nonchalant et les feat pépères que le géant de l’Entourage propose pour son deuxième opus solo. Trois notes de piano, une voix automatique tombée de nulle part, et enfin le timbre de Népal (que nous ne cesserons jamais de regretter) se pose comme une gifle. Le couplet de Doums est impeccable, et nous retourne en une minute de freestyle indomptable. Le genre de morceau qui nous rappelle pourquoi on prend bien soin de toujours écouter les projets jusqu’au bout. – Sarah

Le 30 décembre : Euteïka – Animal

Le Niçois Euteïka a sorti fin décembre 4 titres parmi lesquels « Animal ». Dans ce titre court, efficace, on découvre un peu de l’univers haut en couleurs de ce rappeur singulier. L’entrée est sans complexe (« j’pisse sur leur monde comme territoire »), le phrasé est par moment original, l’écriture soignée (« on a appris théologie chez Roblot ») et le flow tout à fait honorable. N’hésitez pas à jeter une oreille sur son projet Entre chien et loup sorti en 2018 et un œil sur ses clips (« Singe savant, « Perception »), le travail du Sheper Crew est toujours de qualité. Euteïka, un rappeur à suivre. – Chafik

Le 22 décembre : Django feat. Freeze Corleone – Cyanure (Prod. Ocho & Flem)

La dernière fois qu’on parlait de Django dans nos colonnes, c’était en mai 2017 pour son morceau « Fable ». Depuis, le rappeur parisien a sorti deux projets ; Anthracide en 2017 et Tue-moi mon amour, s’il te plaît en 2018. Deux projets qui, on ne va pas se le cacher, étaient très loin de la qualité de ce qu’avait pu nous fournir Django. Deux projets sans doute plus personnels et définitivement plus expérimentaux, avec des tentatives audacieuses. Et depuis quelques mois, l’homme qui se nomme « Billy Cocain » a ressurgi des méandres pour nous distiller tour à tour deux morceaux à l’ossature très banger : « Fantôme » et « Cadavre ». Mélodie épurée, drums très cossues, effluves très « grim », Django refait ce qu’il fait de mieux : des placements de rimes très précis combinés à une pléthore de références multiculturelles. Bref ça kicke sec. Cerise sur la dinde avec ce morceau et ce featuring nébuleux, ou ces deux zinzins de l’espace évoquent leurs spectres respectifs, entre drogue, ésotérisme (ou plutôt s/o térisme) et références occultes. Un featuring inattendu mais évident, à écouter de préférence lors d’un repas de famille ou à une kermesse. – Clément

Le 19 décembre : Double A & Vax1 – Main de fer

C’est marrant les coïncidences. La dernière fois qu’on évoquait Double A c’était justement en mai 2017, quand on évoquait Django. Mais bref, outre ça il n’y a absolument aucun rapport entre les deux.  Les compères lyonnais Double A & Vax1 qui ont collaboré un nombre incalculable de fois ensemble fusionnent une nouvelle fois pour un morceau à l’instrumentale unique, au groove incroyable et à la topline aussi efficace qu’un refrain de Vidji. Les couplets de Double A sont d’une précision d’orfèvre et viennent contrebalancer l’utilisation du vocoder sur le refrain. Double A et Vax1 prennent un virage inattendu mais maîtrisé, d’une main de fer dans un gant de velours. – Clément

Le 12 décembre : Josman – Bambi (Prod. Josman)

Cette année aura été symbolique pour Josman. En effet, le rappeur originaire de Vierzon est entré dans le cercle très fermé des artistes certifiés disque d’or après leur premier album. Sur la lancée de J.O.$, il a publié également un EP de deux titres comprenant les morceaux « Factice » et « Feu.Bi » au cours du mois d’octobre. C’est finalement avec l’excellent titre « Bambi », produit par lui-même et extrait de son prochain album Split à paraitre avant la fin de l’hiver, qu’il vient de clôturer 2019. 2020 s’annonce comme l’année de la confirmation puisque Josman partira en tournée à partir du mois de mars pour défendre ce nouveau projet. Il sera épaulé par le producteur Eazy Dew, son acolyte de toujours. – Jordi

Le 17 décembre : Lalcko – L’écorce du roi

« Quand on compare les chiffres, c’est moi qui perd. » Au top du SNEP peut-être, mais le retour annoncé pour début 2020 de Lalcko ravit immédiatement les auditeurs avertis et chroniqueurs des sites spécialisés que nous sommes. Un inédit début décembre, puis un second début janvier, largués sur la toile comme deux missiles à tête chercheuse, ont atteint leur cible; ils ont réveillé Twitter, les esprits et les cœurs. Attendons donc impatiemment ce nouvel album imminent d’El Commandante « comme un chien devant la télé » ! – Antoine

Le 6 décembre : La Hyène – 2019 (Prod : XR)

Quel album ! Abouti, radical, sombre, sans temps mort, avec des morceaux hors format, des performances vocales époustouflantes, La Hyène a sorti en décembre Thugz of Anarchy qui sera surement un des projets les plus écoutés en 2020. Quand on compare ce LP à beaucoup d’autres, on a l’impression d’écouter un homme quand les autres ne sont encore que des enfants. Difficile de choisir un titre entre « Echos », « Trankil » (quel delivery !!!), « Ad Vitam Aeternam », « Winterfell », « 9’45 ». Mais l’outro « 2019 » est forcément celui qui interpelle avec ses… 20 minutes 20. Certes, il a l’habitude de faire des morceaux à rallonge, mais là, n’aurait-il pas eu les yeux plus gros que le monde, saura-t-il aller au-delà de ses limites ? Et aussi improbable que ce soit, on ne voit pas les 20 minutes défiler ! S’il respecte son thème sur la durée et en soi, c’est déjà bluffant, ce sont surtout les variations de flows qui permettent de ne pas lasser l’auditeur, en particulier l’alternance de passages rappés, d’autres en mode spoken word et de fulgurances de rapidité sur des dizaines de mesures. Quant au propos ? Du rap de fils d’immigrés. Lui aussi baisera la France jusqu’à ce qu’elle l’aime, lui aussi appelle la mère patrie dame nation. La Hyène a le ghetto tatoué dans la peau, est rebelle comme Ekoué. Le charisme et la lucidité permettent de ne pas tomber dans une quelconque caricature, au contraire, on ressent l’expérience, l’indépendance d’un rappeur au sommet de son art brut. – Chafik

Le 17 décembre : Youssef Swatt’s – Le jour où le rap m’a sauvé

Ça aussi, c’est un retour qui va faire du bien. Du bien à nos gamberges, du bien au rap français. Le prometteur Youssef Swatt’s, que nous interviewions en 2017 pour son premier album, nous manquait. Digne élève de la bonne école, celle de la Scred Connexion ou de Demi Portion, le MC de Tournai a sorti un hommage spontané à Kery, Medine et Youssoupha. Sur l’instru de leur morceau à 3, réparti en 3 solos sur chacun de leurs derniers albums, Youssef envoie un message clair quant à son envie de ne pas laisser le rap de côté trop longtemps. Il se murmure d’ailleurs que le prochain album devrait sortir en 2020, on croise les doigts pour nos oreilles. – Antoine

Le 20 décembre : Pur East – Virus (Prod. Wasta)

Quelques jours avant Noël, Hematome, Lyo, Ritzo et S2E ont finalement dévoilé Virus. Annoncé, au moins, depuis Point Zéro, l’album a laissé aux rappeurs le temps d’évoluer, notamment dans leurs gouts. Finalement, après « Facteur Temps » ou quelques morceaux récents de S2E, c’est sans surprise que la couleur est largement moderne. Alternant entre (beaucoup) d’ambiances « patate » et un brin de mélancolie, une alchimie évidente règne tout au long des 15 titres. Mais si les bougres se sont modernisés, les scratches de QPMC et leur appétence pour le kickage leur confère toujours la légitimité de leur nom – ça et leur provenance géographique. Et ce n’est certainement pas la basse vrombissante de l’introduction éponyme qui dira le contraire. – Wilhelm

Le 5 décembre : T.I.N.A feat. Vinzoo – #Radical

Début décembre, le groupe TINA répondant à l’acronyme There Is No Alternative, a sorti le deuxième volet de son projet Nos désirs font désordre. Dans la lignée du rap engagé, militant et activiste, le trio parcourt depuis plusieurs années maintenant les bars, ZAD et salles clandestines de tout l’Hexagone pour répandre la bonne parole. Les paroles brutes de Fleo, Cosmo et Sans Genes rythment un engagement sans faille, qu’ils réussissent à mettre en musique sans le rendre lourd ou trop cliché. Nous avons opté pour le titre « Radical » car il donne le ton, mais le très bon « Gegen Pressing », métaphore footballistique de la lutte anti-policière, le jazzy « Art dégénéré » ou l’explicite « Non merci », sont à écouter de toute urgence.

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