La période estivale, on le sait, apporte toujours son lot de jolies trouvailles aux auditeurs attentifs au recoins du brouhaha. Au tournant du mois de juillet, Les Ailes Brûlées, petit projet plein de gracieux élans et de seizes intéressants, interpelle ainsi l’oreille en quête d’aventure tranquille pour l’été. On a comme une impression de déjà vu, en plus, au moment de lancer cette petite perle que nos radars ont captée pour nous avant le week-end. La dernière fois qu’on s’était retrouvé face à un projet similaire, Mani Deïz était derrière les platines et Ol Zico tenait déjà un des micros partagés… Rapidement, les souvenirs qui remontent présagent alors tout de bon : une polyphonie de rappeurs de talent soutenus par un esthète à la prod, ça sent le bon moment en perspective et ça télécharge gentiment pendant que le couscous mijote.
Bingo ! Dès l’intro, le ton est donné. Puisque c’est un requiem qui ouvre l’EP, on se surprend à se laisser aller à une mélancolie peu courante pour un vendredi soir. En seulement deux minutes les trois MC’s posent tour à tour avec une franche envie d’en découdre, et font de cette courte ode aux erreurs passées, une promesse de recommencement. Pendant les 40 prochaines minutes, l’ambiance sera donc lourde, comme celle de ces orageuses soirées d’été, où en entendant toner la pluie sur les vitres, on se réconforte au sec, bercé par ces basses qui boom bapent sans complexe. Sur une douzaine de titres, Sarbacane mène donc son petit monde avec une tendre baguette. Nourris sans doute des influences de comparses venus épauler de ci de là ses partenaires – « Intouchable » fleure bon les références Soulchildriennes alors que Lionel fait une apparition officielle en fin d’album sur « Problème » -, les beats de Sarbacane apportent un univers spécifique à chaque track, sans compromission sur la cohérence générale. Les voix des autres larrons ainsi enrobées, la musicalité de l’ensemble est assurée, on est satisfait sur la forme.
« Tu veux de l’or tu vas au charbon, si t’appelles le plomb il te répond » l’or ou le plomb
Aguerris à toute forme de partage de mic, forts de multiples freestyles et autres collaborations, Ol Zico et Warlock se retrouvent ici pour donner la réplique à un sombre Dhab King, suffisamment rompu lui-même à l’exercice, pour apporter puissance et profondeur à un ensemble qui devient ainsi bien plus qu’un simple EP de Bazané. Sur treize titres, on balance alors entre pures claques, tranquilles promenades dans des décors changeants – mais toujours globalement gris -, et des envolées enthousiasmantes. En haut de la pile des pépites de la tracklist, « Intouchable », bestial, primaire, instinctif, réussit la performance de la densité du contenu balancé avec un sang-froid glaçant sur une instru presque religieuse. Lui bataillant la première marche du podium, « L’or et le plomb » se pose là dans le genre petite merveille en 90 bpm, et s’impose comme le coup de cœur des plus tradi d’entre nous. C’est enfin l’outro, titre éponyme du projet qui termine de nous emporter. « Les ailes brûlées » est un hymne, un appel, un mantra. On se projette alors aisément en concert, répondant avec conviction au quatuor, oscillant entre force et groove.
Petite mention au titre « Paname » au passage, car si on ne compte plus les MC qui ont glorifié la capitale – avec plus ou moins de succès dans leurs couplets, cette douce addition à la longue liste des dédicaces à Paris mérite définitivement sa place quelque part dans la catégorie « rêveurs réalistes ». Enfin, on veut souligner « Charognard » où Warlock pose en solo pendant 2 minutes sur une instru aux airs d’extrême orient et envoie un gros pavé dans la fenêtre, laissant entrer la pluie pour nous éclabousser. En comparaison, certaines pistes peuvent paraitre plus faibles à l’auditeur avide de nouvelles claques, mais aucune ne fait tâche sur l’ensemble ni n’apporte de vraie déception : soyons clair, l’ensemble vaut le détour.
« Je connais tes dédales en large et en long, j’ai donné un nom à chaque pavé » Panam
Sur la pochette des Ailes Brûlées, Icare est sur le point de dégringoler, surpris et impuissant sous les yeux curieux d’un quatuor assis sur les hauteurs d’une ville engloutie dans la nuit. Regarder l’ambition brûler mais parcourir tout de même le chemin qui mène à Babylone, par des chemins détournés, moins regardés, voilà la voix à suivre. L’humble succès ne se veut plus timide, il est prêt à affronter démons et obscures divinités pour décoller quand même. Une belle métaphore de ce qu’on vient d’écouter, en somme. A vous maintenant le plaisir d’aller jeter une oreille à ce petit projet qui s’approche du soleil. Dehors, la pluie a cessé et le couscous est prêt.
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