« Concert à guichet fermé sur bateau d’esclave »
Avec la U Arena, Booba a choisi un lieu de concert à son image : entre la lettre rappelant le logo de sa marque de vêtements, sa localisation dans le 92 et une salle toute neuve, plus grande que Bercy (avec donc un nouveau record à battre dans la catégorie rap français), au cœur d’un quartier d’affaires aux allures futuristes et déshumanisées, il semble que le choix s’est imposé comme une évidence. L’atmosphère fait vite oublier qu’il manque 8 000 spectateurs pour atteindre la capacité maximale 40 000 personnes.
« J’attire la foudre, j’fais pas trop de concerts en plein air »
Plus que la foudre, il aura su déchaîner le public, s’aidant certes durant les vingt premières minutes d’un playback en fond et du geste « micro tendu vers le public ». Sur une performance de 2h15, c’est finalement assez peu, le temps d’avaler quelques goulées de whisky pour se détendre. En guise de foudre, quelques fumigènes viendront électriser le devant de la fosse, notamment sur le célèbre « Ici c’est Paris fuck l’OM » (« Jour de paye »).
« Pas l’temps pour les regrets »
On pouvait entendre ici et là : ‘Et si Kaaris venait interpréter « Kalash ? »’ L’espoir de le voir se réconcilier avec un de ses (nombreux) ennemis relevait clairement du fantasme, Booba étant plutôt connu pour sa rancœur tenace que pour sa capacité à passer l’éponge sur des rivalités passées. Ce qui ne l’a pas empêché de jouer son couplet de « Kalash », provoquant la liesse générale.
« Le monde est déshumanisé »
On se demande qui des deux, entre le monde et Booba (qui « préfère sauver les animaux »), est le plus déshumanisé. Un sentiment parfois criant de par le choix du lieu, le peu d’expressivité dans l’interprétation, le filtre sur la voix et la casquette recouvrant ses yeux. Cela ne l’a pas empêché, une fois n’est pas coutume, de placer un mot pour le collectif Justice pour Adama, au moment où Dosseh a brandi un t-shirt floqué du fameux slogan. Un soutien à sa façon, désabusé : « On a peu d’espoir, mais on soutient quand même. »
« Normal que tu me vois pas, je suis dans le futur »
Une chose est sûre, le MC du 92 n’était clairement pas dans le passé. A l’inverse de nombre de ses confrères possédant une discographie conséquente courant sur deux décennies, il n’a joué aucun morceau datant d’avant 2010, hormis « Double Poney » (Autopsie 3, 2009). Le futur, il en était également largement question dans la scénographie, composée d’un vaisseau spatial duquel Booba sortira en début de concert, et de dix écrans verticaux qui accompagneront le show d’animations vidéos très esthétiques.
« En écoute à la Fnac et chez les RG »
Depuis le début de sa carrière, Booba possède un large public extrêmement mixte et diversifié. Au-delà d’une forte représentation de la gent féminine, on pouvait y retrouver des publics de tous horizons, de 12 à 77 ans. De fait, le spectacle était autant dans le public que sur la scène, de par l’énergie dégagée dans la fosse, les panoplies complètes affublées d’un « U tréma », ou l’invasion de la scène par des dizaines de ratpis après le départ de B2O à la fin du concert.
« Criminel depuis le minitel »
« Le crime paie », son premier classique avec Lunatic, date de 1996, et les old timers auraient aimé entendre une ou deux vieilleries issues de la décennie 2000 qu’il n’a pas daigné jouer. Le rappeur boulonnais s’est cependant fendu d’un medley orchestré par Mehdi Med (affublé d’un facétieux T-shirt « Irréprochable », en clin d’œil à son procès récent) de quinze minutes pour plus de 20 morceaux, de « Pas le temps pour les regrets » à « Fœtus », en passant par « Game over » ou « Le Duc de Boulogne »), tout en affichant un plaisir certain à backer les lignes. « On va s’arrêter là ou on va passer la nuit ici cousin. »
« Je suis l’infréquentable, pourtant j’ai des millions de followers »
L’entrée de Dosseh, maillot EDF à deux étoiles floqué Benzema, pour le morceau « Infréquentable », fera son petit effet, avant l’arrivée quelques minutes plus tard de l’attaquant du Real Madrid. Parmi les autres invités pas de surprise, on retrouvera Niska, « Benash le bagarreur », et l’inévitable fidèle Gato Da Bato pour leurs morceaux communs avec le Duc.
« Y a que ma petite fille qui me court dans les bras »
« Petite fille » aura eu le mérite de faire jouer Booba en duo avec Dany Synthé et, pour la première fois de sa carrière, un piano / voix (autotunée). Assurément un des sommets du concert, tant au niveau de l’interprétation que de la communion avec le public, qui a eu là une rare occasion d’entrevoir la face sensible de Booba. C’est également un des seuls morceaux qu’il aura chanté en entier, puisqu’une majorité de la quarantaine de morceaux joués aura été tronquée après le premier refrain.
« Je ne ferai pas l’album de trop »
Le MC boulonnais ne fait pas non plus le rappel de trop, ni d’au revoir à son public, au moment de clôturer le show après un « 92i Veyron » magistral. Il se contente de s’éclipser sur fond d’instru lunaire, un logo « B » posé sur un trône très inspiré de la célèbre série. Des dizaines de ratpis profiteront de ce moment de flottement pour envahir la scène afin de laisser déborder leur enthousiasme. Un départ un peu raté qui rappelle que Booba n’est pas le plus grand performer, mais qu’il bénéficie d’une aura et d’une carrière qui font oublier les limites de son talent sur scène.
Photo © U Arena
Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec les petites icônes ci-dessous, et à rejoindre la page facebook, le compte twitter ou Instagram du Bon Son.
Un commentaire